Les derniers avis (105185 avis)

Par Jeannette
Note: 4/5
Couverture de la série La Maison brûlée d'Arcambal
La Maison brûlée d'Arcambal

Voilà une petite bande dessinée sans prétention qui m’a bien plu. Sans prétention ? En fait, je n’en suis pas si sûre car elle semble avoir comme ambition d'enseigner ou de rappeler les vertus de nos démocraties. Cela est fait de manière très indirecte en évoquant un drame local qui s’est passé dans un petit village du Sud-Ouest il y a près de quatre-vingts ans. Mais ce drame local, qui a valeur d’exemple universel, est présenté d’une manière originale par une double mise en abyme : l’origine de la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences et, surtout, le fait de rattacher ce fait historique à notre présent en utilisant des enfants d’aujourd’hui à qui tout cela est raconté. J’ai découvert cette bande dessinée par hasard lors d’un festival BD. Ce qui m’avait attirée était son côté «histoire locale». En effet, selon le 4ème de couverture, l’album relate un drame perpétré par les nazis en 1944 dans un village du Lot. Je m’attendais donc à découvrir un simple fait divers tragique remontant à cette époque lointaine qu’est la Seconde Guerre mondiale, ce qui aurait intéressé la passionnée d’Histoire que je suis. En fait, les auteurs n’ont pas limité leur histoire à ce simple drame mais l’ont intégrée, en quelques pages, à la guerre 39-45 et l’ont reliée, comme je le disais en introduction, à notre époque en utilisant des écoliers actuels à qui on explique cette histoire. Tout cela d’une manière très pédagogique et jamais ennuyeuse. Il est à noter qu’une des victimes du drame de 1944 est encore vivante, ce qui renforce encore le lien entre le passé et le présent. Cette histoire est, hélas, universelle dans son propos. Elle mériterait sans doute d’être lue par pas mal de jeunes (et de moins jeunes) pour qui la guerre est plus un jeu vidéo qu’une réalité – comme le dit le maire du village dans la préface. Dans la BD, le récit du drame fait évoluer le regard que les jeunes écoliers portent sur la guerre et leurs conditions de vie actuelles. Pour paraphraser Canarde dans son avis sur la BD « Le fantôme arménien », je dirais que « c'est une BD qui devrait avoir sa place dans toutes les bibliothèques municipales » et y ajouterais même les écoles. Mais, contrairement à cette magnifique BD sur le génocide arménien qui est un témoignage s’adressant plutôt à un public adulte, « la maison brûlée d’Arcambal » est davantage tous publics tant par la présence d’écoliers, par son propos très didactique que par sa brièveté. Le dessin est assez sobre mais fort plaisant avec de superbes pages en sépia et le scénario ne laisse aucun temps mort. Je recommande donc ce one shot qui est à la fois instructif, émouvant et agréable à lire. Il permettra à tout un chacun d’apprendre ou de réviser une partie de l’histoire du XXème siècle et de mieux comprendre l’enchaînement de certains faits historiques en une trentaine de pages seulement. Les événements récents en Ukraine nous rappellent que ce genre de drame reste – hélas – d’actualité.

26/04/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Lobster Paradise
Lobster Paradise

De Edo Brenes j’avais déjà beaucoup aimé le récent Aparthotel Deluxe, et nouvelle bonne pioche avec « Lobster Paradise » aux éditions Ici même. Sur le fond, il ne s’agit « que » d’un énième roman graphique, qui nous raconte le quotidien d’un adolescent comme tant d’autres : l’école, les potes, les filles… Mais l’auteur a ancré son histoire dans un contexte intéressant, à savoir la période de guerre civile au Costa Rica en 1947 et 1948, alors qu’une recrudescence de homards bousculait l’économie locale d’un petit village côtier. La première moitié du récit est assez lancinante, mais les évènements s’emballent dans la deuxième partie, que j’ai trouvée passionnante. J’ai trouvé le personnage central attachant, et la fin a réussi à m’émouvoir. La réalisation est excellente. La narration est fluide et réussie (même si je note un phylactère rattaché au mauvais personnage en page 2, m’enfin), et le dessin est élégant, même si je regrette le manque de couleurs (surtout que la couverture est magnifique, et que la première page nous vante la verdure du coin). J’ai en tout cas passé un excellent moment de lecture en compagnie de Henri. Un coup de cœur.

26/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Asterios Polyp
Asterios Polyp

David Mazzucchelli propose avec son Polyp une série hors norme dans son récit et son graphisme. A l'image de son personnage principal , j'ai trouvé cette œuvre protéiforme avec une lecture exigeante qui invite à une réflexion sur de nombreux sujets fondamentaux. Asterios Polyp est un personnage d'une extrême complexité , même complexité que j'ai ressenti pour le travail de l'auteur afin de rendre sa série lisible et cohérente. Le choix de Polyp architecte n'est pas neutre. Cela accompagne le sujet de la perception du monde et des autres, du présent et de l'avenir et la réponse créative qui en découle. Polyp qui a le don de s'approprier tout le savoir du monde grâce aux livres peut-il avoir un impact sur son environnement? Ainsi la série de Mazzucchelli peut elle avoir un impact sur ma façon de comprendre nombre de sujets fondateurs ? On peut sûrement reprocher un côté intellectualiste caricatural à cette œuvre comme l'auteur se moque du microcosme newyorkais dans beaucoup de ses planches. Pourtant j'ai peu à peu apprivoiser le personnage de Polyp et la richesse qu'il proposait dans son parcours de dépouillement. Mazzucchelli propose une galerie de portraits très finement travaillés ce qui rend la quête identitaire d'Astérios originale et de plus en plus touchante. C'est bien la prouesse de l'auteur de donner du volume à un personnage au fur et à mesure qu'il perd en suffisance pour gagner en humanité. Le graphisme et la présentation participent à l'originalité de l'œuvre. Mazzucchelli emprunte à divers styles pour incarner ou désincarner son héros. Le trait suit parfaitement le rythme de la narration pour créer un ensemble cohérent. A l'image d'une architecture ou d'une musique expérimentale cette ouvre réussit à équilibrer les contraires pour former un tout cohérent. C'est une lecture difficile, originale et brillante.

26/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série Petites éclipses
Petites éclipses

Jim est un auteur bien ancré dans ce qu'il sait faire : parler de crise de couple, de la quarantaine, de tromperie et de l'amour sous différentes formes. On retrouve ici un certain résultat de synthèse de ces sujets, avec cette bande d'amis qui vont se retrouver, s'engueuler et se dire les vérités durant les quatre jours ensemble dans un gite à la campagne. Si le scénario est sur un canevas classique et parfois avec des faux airs de déjà-vu, on a des petits détails qui font mouches. J'ai plusieurs fois souris devant les manifestations d'amitié, les courses-poursuites, piques envoyés et jeux d'eau. On a aussi l'improbable psychologue qui vient jouer le révélateur de tout ce qui est enfoui, et d'autres détails encore. L'ensemble est long à lire et franchement verbeux, mais je ne dirais pas pour autant que c'est chiant. On reste sur des questionnements nombrilistes autour de la trentaine/quarantaine, mais ça ne dépasse pas ce stade. Les personnages sont sympathiques à défaut d'être attachants. Certains développent beaucoup leurs personnalités, d'autres restent en retrait de l'histoire avec des bonnes raisons. On y retrouve une ambiance que j'ai déjà vu dans plusieurs films (on peut penser au "Petits mouchoirs" de Canet), et ça mérite une lecture à mon avis. Pas sur que tout le monde y trouve son compte, je ne suis pas vraiment versé dans les atermoiements de ces héros, mais je reconnais que c'est une lecture qui se fait tout de même bien. Avis aux amateurs.

26/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Grands Espaces
Les Grands Espaces

Je ressors de ma lecture un peu perplexe et partagé. Tout d'abord j'ai beaucoup aimé le graphisme de Catherine Meurisse surtout quand elle présente ses grandes planches. Cela rappelle les peintures romantiques (qu'elle cite) ou d'un Lazare Bruandet (qu'elle omet) . Son trait humoristique colle parfaitement aux passages drôles et légers qui entourent sa découverte enfantine de la campagne. Le récit s'articule bien autour d'une enfance idéalisée avec des parents qui savent tout faire. La vivacité du trait soutient parfaitement la fluidité du récit et sa cohérence. Malgré tout je reste sur ma faim. En effet cela reste un passage biographique dans lequel je ne me suis pas senti investi. Petit banlieusard je n'ai pas le même souvenir de mes passages à la campagne où les bouses de vaches, les mouches, les taons et le patois d'enfants moqueurs restent bien plus vivaces que la découverte d'un environnement fleuri. Ensuite j'ai trouvé un petit goût du discours de mon grand-père avec un "avant c'était mieux". Enfin certaines piques caricaturales me semblent trop superficielles voire injustes ( les lotissements, le Futuroscope). Cela reste à mes yeux une lecture agréable et divertissante qui apporte un bon souffle de fraicheur. Un bon 3

26/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Secrets bancaires USA
Secrets bancaires USA

Je n'ai jamais vraiment été intéressé par la Bourse et le monde financier. Je lis donc ce type de série avec beaucoup de recul et je suis souvent déçu. C'est le cas ici encore. Je trouve que le scénario de Richelle nous propose une suite très facile de clichés bien usés. Ainsi nous avons droit au sempiternel agent flic Capelli border line, débraillé et mal rasé qui transgresse la loi et le droit une planche sur deux. C'est sensé nous le rendre sympa, cela me le rend agaçant puisqu'il se croit au dessus des lois comme les méchants qu'il devrait combattre. Ensuite je me suis demandé comment ce couple de policier pouvait travailler sans rapport avec un procureur et sur des zones de compétences aussi différentes en duo électrons libres. Je trouve cela imprécis avec une somme de raccourcis faciles, de témoins bavards, d'avocats invisibles dans un monde où ils sont omniprésents. Les personnages féminins sont réduits souvent à se déshabiller pour racoler le lecteur et les seuls Afro-Américains du cycle 1 appartiennent à un gang de rue tourné en ridicule par l'agent Capelli. A mon avis on ne peut pas faire plus cliché limite( T1 p32) Enfin je trouve le dessin de Hé pas du tout à mon goût. Ainsi ses visages me semblent flasques, sans vie avec une expression forcée. De plus je n'aime pas du tout cette mise en couleur qui fait des ombrages marron sur les personnages. Une lecture très décevante que j'ai abandonnée au début du troisième opus.

26/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Sardines sont cuites
Les Sardines sont cuites

Cet album est la suite de « Comme un poisson dans l’huile » et même s’il peut se lire de façon indépendante, je ne saurais que trop conseiller de parcourir les premières aventures de l’auteur aux risques de passer à côté de quelques running gags savoureux. Guillaume Long nous narre donc sa 2eme année aux B-A de Saint Étienne. On retrouve des visages familiers mais de nouveaux vont faire leur apparition, notamment dans le corps enseignant. Je me suis toujours autant amusé. Je trouve même cet album un cran au dessus, les péripéties sont plus variées, l’auteur parle de sa rapide expérience militaire, ainsi qu’un voyage d’études au Portugal (l’occasion parfaite pour agrandir sa collection de boîtes de conserve de produits de la mer). Le ton y est toujours aussi décalé. Ayant atterri en 2eme année, l’enjeu cette fois sera de trouver sa voie (Art, Com’, Design ?), on sent que l’auteur se cherche et n’a pas d’idées folles pour l’avenir. Bon il faut dire qu’avec une dissymétrie testiculaire, il a une épée de Damoclès au dessus de la tête, la mort peut frapper à tout moment ^^. J’ai beaucoup de sympathie pour ces albums. Rien de profond mais suffisamment con pour que j’adhère à l’univers. Bref j’accroche bien à la narration de l’auteur et finalement son dessin minimaliste ajoute pas mal de charme, je préfère d’ailleurs ce style à ce qu’il proposera par la suite.

26/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série Rouge Bonbon
Rouge Bonbon

Troisième lecture de Kiriko Nananan que je fais, même si j'avais lu l'album il y a quelques années et que j'ai complètement oublié de quoi ça parlait. Et globalement, c'est sympathique. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est très bon et recommandé, mais c'est agréable à lire. Nananan nous dépeint en 18 chapitres une sorte de collection d'instants, de moments de la vie de jeunes femmes japonaises. Ce sont des rencontres sans lendemain, des relations parfois amères, des ruptures et des retrouvailles. Chaque moment n'est esquissé que sur 6-8 pages, parfois presque sans dessin. C'est surtout des pensées, quelques moments, le tout esquissant un portrait à un instant donné. L'auteure arrive à faire curieusement ressentir un personnage presque à chaque fois, donnant une tonalité mélancolique à l'ensemble. On navigue dans des portraits de jeune femmes contemporaines qui sont assez souvent en prise avec un mal-être ou des réflexions existentielles. Si vous n'êtes pas fan de ce genre de choses, fuyez comme la peste ! C'est une sorte de collection photographique mais en bande-dessinée, mélancolique et assez triste sur l'amour dans le Japon contemporain. Mais aussi un regard amère sur la femme japonaise, ses attentes et ce qu'elle vit dans son rapport avec les hommes. Intéressant, plutôt sobre et délicat.

26/04/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
Couverture de la série Snow angels
Snow angels

Une lecture très sympathique. Rien de bien innovant dans le scénario de Jeff Lemire, mais efficace avec toujours ce savoir-faire pour maintenir le lecteur sur le qui-vive malgré un coup de mou en milieu d'album. Un récit qui part sur les bases classiques d'un récit post-apocalyptique, avec des humains vivants dans une tranchée de glace, dans un monde inconnu. C'est sous cette ère glacière qu'un père et ses deux filles vont devoir fuir leur refuge après avoir découvert qu'on avait exterminé tous leurs compagnons. Et cela va les obliger à transgresser la règle numéro deux : On ne doit jamais, ô grand jamais, quitter la tranchée, il n'y a que la mort. Un récit qui repose en grande partie sur une course poursuite, celle d'une créature humanoïde qui chasse nos trois fuyards. Une traque haletante avec des rebondissements, les deux jeunes filles sont attachantes, deux 'anges' avec des ressources. Les réponses à cette traque seront données dans un final réussi. Mon plaisir de lecture doit beaucoup au coup de crayon de Jock, il retranscrit à merveille le froid mordant et l'ambiance angoissante du récit. J'ai beaucoup aimé la représentation du visage buriné du père et la mise en couleur, en particulier le bleu pâle de la glace. La mise en page est dynamique. De l'excellent travail. Un bon moment de passé.

26/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Sale Week-End
Sale Week-End

Rendez-moi mes planches. - Ce tome contient un récit complet qui peut être lu indépendamment de tout autre, même s'il y apparaît un personnage de la série Criminal des mêmes auteurs. Il comprend les pages publiées dans les épisodes 2 & 3 de la série Criminal de 2019, initialement publiés en 2019, écrits par Ed Brubaker, dessinés et encrés par Sean Phillips, mis en couleurs par Jacob Phillips. Un soir de juillet 1997, Jacob Kurtz rentre chez lui, après une journée passée sur une enquête. Il trouve un message sur son répondeur, : Mindy lui indique qu'elle a un boulot pour lui, à l'occasion de la prochaine convention de comics. Il sera remis une récompense d'honneur à Hal Crane pour sa carrière, et Mindy souhaite que Jacob lui serve de guide et de surveillant. Elle ajoute que Crane a demandé Jacob nominativement. Jacob se souvient de l'époque où il fut son assistant, et de la manière peu aimable dont il le traitait. Il se souvient également de la manière dont Hal Crane s'était embrouillé avec les responsables éditoriaux : Julius Schwartz chez DC Comics, Gerry Conway chez Marvel Comics. Malgré ces mauvais souvenirs, Jacob accepte quand même le boulot. Vendredi, Jacob est à pied d'œuvre à la convention et il se souvient qu'Hal Crane est surtout connu pour avoir travaillé sur le dessin animé Danny Dagger and the fantasticals. Jacob continue de progresser dans les allées de la convention, et il finit par apercevoir Hal Crane en train de discuter avec une jeune femme costumée en Princesse Yaz, un des personnages dudit dessin animé. La discussion se termine quand elle lui envoie une gifle. Alors qu'elle est partie, Jacob s'approche d'Hal Crane qui le reconnaît. À sa demande, il lui explique qu'il a proposée à la jeune femme qu'elle monte dans sa chambre pour 100 dollars. Il pensait qu'il s'agissait d'une prostituée au vu de sa tenue. Jacob lui explique qu'il s'agit d'une fan du dessin animé, et qu'elle a vraisemblablement fait son costume elle-même. Hal Crane exprime sa surprise de voir autant de monde à la convention, alors qu'il pensait que les comics étaient une industrie moribonde. Jacob est tout aussi déconcerté car il sait que de nombreux éditeurs mettent effectivement la clé sous la porte. Quoi qu'il en soit, il annonce à Hal Crane qu'il doit participer à une intervention en compagnie de Joe Kubert, Will Eisner et Al Williamson. Hal Crane lui répond qu'il n'y participera pas car il a autre chose à faire. Jacob conduit la voiture, et Hal Crane s'assoit à l'arrière. Il ne conduit plus depuis l'accident qui a coûté la vie à Archie Lewis, un auteur de comic-strip dont il avait été l'assistant. C'était Hal Crane qui conduisait la voiture dans laquelle Archie Lewis a trouvé la mort. En 2018, Brubaker & Phillips sortent une histoire complète Criminal Hors-série. Mes héros ont toujours été des junkies. Quelques mois plus tard, ils embrayent avec une nouvelle série Criminal. Dans la première page, le lecteur retrouve Jacob, il le voit rentrer chez lui. Les dessins montrent qu'il n'allume pas la lumière tout de suite, Jacob référant rester dans la pénombre. le lecteur peut voir l'aménagement ordinaire, avec un canapé et un fauteuil ; il note également un dessin original au mur. Ainsi il prend visuellement connaissance du lien qui existe entre Jacob et Hal Crane, au point que le premier conserve un dessin affiché du second. Comme il s'agit d'un polar, le lecteur peut avoir l'impression que le ratio de séquences de dialogue est assez élevé. Pourtant s'il regarde les planches sous un autre angle, il peut observer également comment Sean Phillips montre les événements, ou les circonstances, portant une forte partie de la narration visuelle. le lecteur est placé aux côtés des personnages et il voit la réaction de la cosplayeuse à la proposition d'Hal Crane, la table minuscule et dénudée qui lui est réservée pour signer, l'aménagement dans l'appartement du collectionneur pour pouvoir stocker un maximum d'originaux, le type d'établissement qu'Hal Crane fréquente pour aller voire un coup. Sean Phillips représente les choses avec un tel naturel dépourvu de toute ostentation que le lecteur peut ne pas s'en rendre compte, n'ayant l'impression que de dessin facile et purement fonctionnels. Le lecteur perçoit beaucoup plus facilement les éléments visuels relatifs au monde des comics. Ça commence dès la deuxième page avec les tables à dessins dans le studio d'Hal Crane, ainsi que les meubles de rangement des planches. Ça continue avec le petit plateau sur lequel sont posés un cendrier avec une clope en train de se consumer, mais surtout le pot d'encre de Chine, le pinceau, les stylos, les grattoirs, etc. Par la suite, le lecteur peut encore regarder d'autres meubles de rangement spécifiques chez le collectionneur, dans le sous-sol de la maison d'Hal Crane et des morceaux de pellicules d'animation. Il laisse également son regard errer dans les allées de la convention : les différents cosplayeurs (allant de l'équipe des Ghostbusters à un soldat de l'empire en armure rose, en passant par la princesse Yaz, un homme habillé en Wonder Woman, etc), les badges d'accès accrochés en pendentif, les files de dédicace, la cérémonie officielle de remise des prix… Ed Brubaker glisse lui aussi de nombreuses références en citant des professionnels du métier : Julius Schwartz (1915-2004), Gerry Conway (1952-), Joe Kubert (1926-2012), Will Eisner (1917-2005), Al Williamson (1931-2010), Max Gaines (1894-1947), Jack Cole (1914-1958), Wally Wood (1927-1981), Joe Orlando (1927-1998), Stan Lee (1922-2018). le lecteur familier du monde des comics se sent chez lui. le lecteur de passage venu uniquement pour un récit de la série comprend les enjeux, et se doute que les noms cités sont ceux de professionnels. Du fait que cette histoire s'inscrit dans la série Criminal, le lecteur s'attend à ce que des actes criminels soient commis. Effectivement, Hal Crane, artiste ayant atteint et dépassé l'âge de la retraite, se livre à des petits trafics pour pouvoir payer ses dettes. En particulier, il travaille avec un faussaire pour signer des faux afin de les vendre plus chers. Au fil des souvenirs de Jacob, le lecteur apprend qu'il était aussi coutumier du fait de voler des planches originales chez les éditeurs pour lesquels il travaillait afin de les revendre pour son compte personnel, une autre référence à une pratique avérée. le lecteur voit un autre petit criminel mesquin vivant de combines à la petite semaine. Ed Brubaker se montre sans pitié vis-à-vis d'Hal Crane : sa façon de rabaisser ses assistants, son humiliation de voir son prix remis par l'éditeur qui l'a exploité, sa velléité de recourir aux services d'une prostituée, son recours à la violence face à des gens qui ne savent pas se défendre. Il se montre même beaucoup plus cruel que ça : Hal Crane est un individu qui n'a pas su mettre à profit son talent de dessinateur pour s'installer, qui est toujours dans le besoin malgré ce qu'il a pu accomplir dans son champ professionnel, qui ne peut pas apprécier les honneurs qui lui sont rendus du fait de sa rancœur. Il est humilié en constatant qu'il n'y a qu'une seule personne qui attend pour une signature à sa table de convention. Il sait qu'après avoir signé la boîte de goûter, elle sera mise en vente dans la minute qui suit, alors que lui a signé gratuitement. Le lecteur perçoit toute l'amertume de ce monsieur âgé, grâce à la direction d'acteur impeccable de Sean Phillips. le jeu des personnages est naturaliste, et les expressions de leur visage relèvent de celles d'individus adultes, ce qui ne les empêche pas d'être expressifs. le lecteur ressent l'amusement d'Hal Crane de s'être fait gifler, son changement d'état d'esprit en écoutant les questions respectueuses du journaliste de Comics Review, le calme de façade alors qu'il se fait remettre à sa place par sa fille, la rouerie de Ricky Lawless (le frère de Tracy Lawless) alors qu'Hal Crane lui explique ce qu'il attend de lui, l'amertume et la culpabilité qui ronge Hal Crane. En de courtes scènes, Brubaker & Phillips en disent beaucoup, brossant le portrait d'un homme qui a vécu dans le milieu professionnel des comics américain. Outre les noms d'artistes et de responsables éditoriaux, le lecteur peut identifier des anecdotes comme celle du vol des planches originales, mais aussi de l'accident de voiture qui évoque celui d'Alex Raymond (1909-1956). le prénom d'Hal Crane évoque aussi celui d'Hal Foster (1892-1982), le créateur de Prince Valiant. Pour autant ces références ne s'apparentent pas à des béquilles pour masquer un manque d'inspiration : elles constituent un écho à des faits marquants de l'histoire des comics aux États-Unis, et avant à celle des strips paraissant dans les journaux. Ed Brubaker n'oublie pas pour autant le titre de sa série. Il est donc question de crimes réalisés par des faussaires, d'une intrusion avec effraction, de vols, et d'un autre plus grave. le récit se focalise sur Hal Crane, sur sa vie évoquée par bribes, dans les déclarations de Jacob Kurtz qui semble s'adresser à un auditeur invisible, un peu comme s'il parlait plus pour le lecteur que pour lui-même. Les auteurs brossent le portrait très amer d'un individu doté d'un immense talent, s'exprimant dans un champ artistique tenu pour mineur, tenue de main de fer par les responsables éditoriaux, les artistes n'étant que de la main d'œuvre sans reconnaissance de leur droit d'auteur. Hal Crane est le produit d'une époque, d'un milieu professionnel, faisant de ce récit un polar au sens noble du terme : un roman noir inscrit dans une réalité sociale précise, ayant une incidence directe sur les individus évoluant dans ce milieu. Avec la quatrième de couverture, le lecteur pourrait croire qu'Ed Brubaker & Sean Phillips (avec Jacob Phillips) s'offrent une petite aventure dans un chemin de traverse pour jouer avec les conventions comics, afin de contenter une partie de leur lectorat. Il apparaît très vite qu'ils racontent l'histoire d'un professionnel du monde des comics, sans omettre les crimes ordinaires, avec un suspense quant à la nature de ce que recherche fiévreusement Hal Crane.

26/04/2024 (modifier)