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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Thanos - Le Samaritain
Thanos - Le Samaritain

Une rédemption est possible, mais ça va prendre du temps. - Ce tome comprend les 12 épisodes de la série de 2004/2005. - - Thanos: Epiphany : épisodes 1 à 6, initialement parus en 2004, écrits et dessinés par Jim Starlin, avec un encrage d'Al Milgrom, et une mise en couleurs de Christie Scheele. Il est fait mention à plusieurs reprises des événements de Infinity Abyss. Thanos est assis, au milieu des décombres de la planète Rigel-3 qui était habitée avant qu'il ne la détruise (pour la bonne cause). Il est sur le point de se faire attaquer par une grosse bestiole ailée par commode, quand celle-ci est détruite par Adam Warlock (qui passait par là bien sûr). Les 2 compagnons d'armes ont une discussion à cœur ouvert, au cours de laquelle Thanos rappelle ses origines, et l'histoire commune qui le lie à Warlock. Il déclare vouloir faire amende honorable, et se racheter, en commençant par présenter ses excuses aux rigelliens des autres planètes. Adam Warlock se propose de l'accompagner. Thanos se rend sur New Rigel-3 où il n'est pas particulièrement bien reçu. Après quelques explications houleuses et brutales, les rigelliens constatent qu'ils ne sont pas en mesure de dissuader Thanos, ni même de le faire payer pour ses crimes. Ils acceptent donc son offre d'aide et l'envoient sur Rigel-18 qui a le déplaisir d'accueillir Galactus sur son sol. Étrangement, le dévoreur de monde n'a pas encore anéanti Rigel-18, se livrant à des préparatifs d'une nature indéterminée. Jim Starlin a créé Thanos en 1973, et a été son principal auteur pendant quelques années avant de le tuer. Après une brève apparition à l'occasion de la Mort de Captain Marvel, Starlin a fait revenir Thanos à la vie, ainsi que le personnage d'Adam Warlock (les 2 étant liés d'une bien étrange manière, comme les 2 faces d'une même pièce), à l'occasion de The Infinity gauntlet en 1991. Après une période de désamour avec l'éditeur Marvel, Jim Starlin revient à son, ou plutôt ses personnages fétiches en 2002, aboutissant à cette histoire en 6 épisodes, avant de repartir à nouveau fâché. Le lecteur appréciant les œuvres de Jim Starlin est aux anges, car le créateur est dans une grande forme. Il s'agit donc de la phase suivante dans l'évolution de Thanos qui a définitivement tourné la page de sa volonté de puissance, pour passer à autre chose. Il est mû à la fois par une volonté de faire amende honorable (pas facile quand on se rappelle le nombre d'individus qu'il a occis) et d'augmenter ses connaissances. Dans le premier épisode, Thanos évoque son histoire personnelle, dans le deuxième c'est au tour d'Adam Warlock, et dans le troisième Galactus se souvient de la sienne. Bien sûr il s'agit d'une obligation narrative que de présenter les personnages aux nouveaux lecteurs. Mais même pour les lecteurs plus anciens c'est une source de plaisir étonnante de voir l'aisance et l'élégance avec laquelle Jim Starlin lie les mythologies de ces 3 personnages pour qu'elles fusionnent en un tout harmonieux qui fait sens. Il a l'art et la manière de mettre en valeur ces personnages, en mettant à profit la riche histoire de l'univers partagé Marvel (alors qu'il n'a créé ni Adam Warlock, ni Galactus). À la rigueur le lecteur peut tiquer devant les modalités narratives utilisées : les personnages se parlent à eux-mêmes ou soliloquent à voix haute pour évoquer leur histoire. Le lecteur n'est pas dupe des modalités artificielles de cette exposition, mais elles restent didactiques, synthétiques et éclairantes. Dès le début, le lecteur se doute bien que l'enjeu du récit ne se limitera pas à voir Thanos tenter la voie de l'humilité, en demandant pardon. Effectivement, dès le deuxième épisode, Galactus intervient, établissant que l'enjeu est au minimum du niveau de la survie de quelques planètes. Sans grande surprise, il apparaît dès le deuxième épisode, qu'en fait l'enjeu est celui de la survie de notre réalité car il y a une autre menace tapie dans l'ombre. Starlin s'amuse un peu quant à son apparition, car ses premières manifestations sont des carrés noirs superposés à une case de temps en temps. Il jouera encore avec le lecteur quand cette entité s'adresse directement à lui en brisant le quatrième mur. Le lecteur sent bien que Starlin s'amuse, et se montre facétieux, sans pour autant obérer l'intensité dramatique de la narration. Du début à la fin, le lecteur se régale de voir le scénariste jouer avec ses personnages et avec les attentes du lecteur, tout en respectant la thématique principale de Thanos. Pour commencer, la menace à l'échelle de toute la réalité est bien présente, et c'est une nouvelle, comme si Starlin en avait une réserve inépuisable à sa disposition. Ensuite ses personnages préférés sont bien présents : Thanos, Adam Warlock Pip le troll, et même un autre membre de l'Infinity Watch pour une courte séquence. Certes Pip sert à nouveau de bouffon à l'humour bien lourd (et pas très drôle), mais cette fois-ci Thanos y ajoute une couche de sarcasmes bien secs qui révèlent une saveur inattendue chez Pip. Oui, il y a bien une baston homérique entre Galactus et Thanos, à grands coups de poing et de décharges d'énergie, mais là encore avec un sens inattendu qui la rend moins primaire. Et bien sûr, Thanos reste un stratège pour lequel il convient de créer une catégorie à part entière. Le lecteur apprécie de pouvoir anticiper certains de ses coups, et de se faire surprendre par les 2 ou 3 suivants qu'il n'avait pas vu venir. La narration est rendue encore plus savoureuse par une forme d'humilité moqueuse que Thanos pratique sur sa propre personne, loin de toute autocritique, encore plus loin de toute humiliation. Jim Starlin tient la distance pour les dessins des 6 épisodes, sans signe de fatigue. De la même manière qu'il dispose d'une verve manifeste pour l'intrigue et les soliloques, il s'est investi dans les dessins. Là aussi le lecteur retrouve les spécificités attendues : le corps massif de Thanos, son visage de pierre peu expressif, ses décharges d'énergie balancées par les poings, ou au niveau des yeux. Galactus est régalien dans sa stature. D'un point de vue visuel, Starlin s'amuse également à jouer sur sa taille (ou plutôt sur celle de Thanos qui se met à sa hauteur), et il ose lui ôter son casque, le faisant descendre ainsi de son piédestal. Pip le troll est toujours aussi ridicule avec son gilet à poche et sa trogne peu avenante. Adam Warlock a conservé sa drôle de coupe de cheveux de Infinity Abyss, ainsi que son costume toujours un peu ténébreux, rehaussé de rouge et d'or. Le temps d'une page, Starlin le redessine même avec son costume d'origine, comme au bon vieux temps (au début de l'épisode 2 pour l'évocation de ses origines). Ainsi le vieux lecteur a droit à ses moments de nostalgie, sans qu'ils n'en deviennent un prétexte. Le dessinateur a conçu une apparence des plus simples pour la nouvelle entité dévorante, et très efficace. Il joue donc avec quelques petits rectangles noirs pour signifier sa présence, pas encore matérialisée dans la dimension 616 de l'univers Marvel. Lorsque les décors sont représentés, ils sont dessinés avec minutie, et Al Milgrom s'est appliqué pour réaliser un encrage tout aussi minutieux. Lorsqu'ils ne sont pas représentés, c'est que la scène se déroule soit dans l'espace, soit sur le plan astral. Contrairement à ses œuvres pour des éditeurs indépendants de la même époque, Starlin bénéficie du travail d'une coloriste professionnelle, aidée par le studio Heroic Age disposant d'une bonne maitrise de l'outil infographique. Ainsi les cieux étoilés sont rehaussés de camaïeux transcrivant les effets de lumière, la dimension psychique présente un fond psychédélique élaboré. Lorsque Galactus met son appareil en fonctionnement, les dessins et les effets infographiques s'amalgament et se complètent pour des effets hypnotisants, peut-être un peu kitchs pour les couleurs, mais transcrivant bien le concept. Lorsque vient le moment pour Thanos d'affronter Galactus sur le plan psychique, Starlin sort un effet visuel qu'il a déjà employé, mais reconditionné pour cette série, toujours aussi efficace. Quand vient le moment pour Thanos d'affronter Galactus sur le plan physique, Starlin met en scène deux titans et des décharges d'énergie gigantesques (qui suffiraient à alimenter New York pendant une année) attestant de la taille et de la puissance de ces 2 adversaires. Ce n'est pas massif et primordial comme du Jack Kirby, mais c'est tout aussi puissant. Ce n'est pas aussi élancé que du Neal Adams, mais c'est tout aussi cinétique. En ouvrant ce tome, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il a conscience que les plans de Jim Starlin pour la série ont été coupés courts au terme de la première histoire (la suite étant écrite par Keith Giffen). Il éprouve un grand plaisir à découvrir un auteur pleinement investi, avec un humour plus détendu et plus efficace que d'habitude. Les dessins n'ont rien perdu de leur majesté, les mises en page s'adaptent à chaque séquence. Thanos est parfait de bout en bout, stratège dominant la bataille, avec quand même de réelles mises en difficultés. L'enjeu est à l'échelle de la réalité 616, et Adam Warlock se retrouve dans une position inédite qui permet à Thanos de tenir le premier rôle (normal, car c'est sa série). 5 étoiles. - - Thanos: Samaritan : épisodes 7 à 12, initialement parus en 2004, écrits par Keith Giffen, dessinés par Ron Lim, encrés par Al Milgrom, et mis en couleurs par Chrisie Scheele et Krista Ward. Par la suite, Keith Giffen donnera un rôle secondaire à Thanos dans Annihilation. Sur une planète isolée (très loin dans l'univers), Thanos arrive à pied dans une ville paumée appelée Frontline, et se rend dans le bureau de la société Omega Core. Les 3 employés présents (Cole, Swad et Kika) réagissent immédiatement en déchargeant leurs armes de service sur lui. Une fois les esprits apaisés, Cole comprend qu'il n'a d'autre choix que d'accepter la requête de Thanos : lui permettre de se rendre sur Kyln. Kyln est constitué d'un ensemble de satellites artificiels reliés entre eux, servant à capter l'énergie d'une singularité spatiale appelée The Crunch, servant également de prison pour les criminels dangereux (obligés de travailler pour capter ladite énergie), et plus récemment de lieu de pèlerinage pour une religion obscure. Sur place, Thanos rencontre un avatar de la Mort, Gladiator (Kallark, de la Garde Impériale), Peter Quill (qui n'est plus Star-Lord) et une manifestation particulière du Beyonder. Pour les fans de Jim Starlin, la nouvelle est dure : le créateur de Thanos est parti faire d'autres choses, et il a abandonné sa créature dans les mains d'un autre scénariste. Non seulement, ce ne sera pas du Starlin (oui, il y a des puristes), mais en plus les précédentes occurrences où ce personnage a été pris en main par quelqu'un d'autre l'ont invariablement ramené au statut de supercriminel basique, juste un peu plus puissant que la moyenne, et juste un peu plus cosmique. Cependant Keith Giffen (au départ un dessinateur) dispose déjà en 2004 d'une longue expérience de scénariste sortant des sentiers battus, qu'il s'agisse de son travail avec Paul Levitz sur la Légion des SuperHéros (par exemple The great darkness saga), sur une itération que l'on dit pudiquement différente de la Justice League (Justice League International, avec John-Marc DeMatteis), ou encore tout un tas de miniséries plus inventives les unes que les autres comme Lobo: Portrait of a bastich, The Heckler, Ambush Bug, etc. Dès le départ, Keith Giffen choisit de ramener Thanos à une dimension plus terre à terre : il est à pied, il a besoin de l'aide d'un être humain (Cole) pour accéder à Kyln, il intègre un groupe de touristes devant The Crunch, il est accompagné par une sorte de petite fée (appelée Skreet) à la langue bien pendue. Effectivement il dispose d'une puissance supérieure quasiment à tout le monde, et il est le personnage central d'une aventure cosmique. Par contre Keith Giffen abandonne le thème sous-jacent de la quête de l'amélioration personnelle, d'ailleurs le lecteur a bien du mal à cerner les motivations de Thanos pour aller voir The Crunch qu'il surnomme la cascade de la Genèse. Il se soumet à la nécessité d'évoquer la personnification de la Mort qui fait une courte apparition. De fait Keith Giffen développe son récit sur d'autres axes. Dans un premier temps, il pioche dans la mythologie de l'univers partagé Marvel pour nourrir son intrigue. Le lecteur doit disposer d'une connaissance exhaustive des Beyonders (bien au-delà des premières Secret Wars de Jim Shooter) pour espérer comprendre quoi que ce soit à cette histoire de Maker qui est une forme d'incarnation de Beyonder. Il lui est plus facile de reconnaître Gladiator de La Garde Impériale des Shi'ar. À l'issue de cette première partie, le lecteur reste dubitatif quant aux motivations de Thanos, ou à l'aide de Peter Quill. Il est plus intéressé par Skreet, un étrange personnage qualifié de mite du chaos, étant déjà apparue dans un épisode de Marvel Comics Presents numéro 172 de janvier 1995. Une petite recherche lui permet d'avoir la confirmation de ce qu'il subodorait : ce personnage a été créé par Keith Giffen (on n'est jamais mieux servi que par soi-même). Les épisodes 11 & 12 se placent dans la continuité de la première partie, quand Thanos s'enquiert de savoir quel était l'autre prisonnier détenu dans une cellule d'aussi haute sécurité que Maker. Le scénariste fait preuve d'une bonne connaissance de l'univers partagé Marvel, en allant farfouiller du côté de Galactus pour y trouver une source de développement. Son imagination débridée lui permet de trouver des degrés de liberté dans cette mythologie, sans contredire des éléments passés, sans nécessité que le lecteur ait acquis un savoir encyclopédique en la matière pour apprécier l'aventure. Cette deuxième partie confirme également que Giffen ne souhaite pas faire du sous-Starlin. Il évoque une conséquence de la rencontre entre Thanos et Galactus dans les épisodes 1 à 6, mais Adam Warlock n'est pas de retour et la Mort ne revient pas. Au fil des pages, le lecteur ressent une étrange impression. Certes Thanos est bien le personnage central du récit, il est également le plus fort, et il fait preuve à une ou deux reprises de ses talents de stratège. Il ne fonce pas dans le tas avant de savoir ce qui se passe (pas comme le premier superhéros venu). Il planifie ses actions avec un ou deux coups d'avance. Néanmoins il a abandonné sa combinaison violette habituelle, et il évolue au milieu de nombreux autres personnages. Skreet (la mite du chaos) lui donne la réplique, permettant au scénarise d'exposer ainsi des informations et des intentions ou des jugements de valeur. Il y a une forme d'humour sarcastique qui s'installe entre eux, rendant Thanos un peu plus accessible que précédemment. Il y a donc les pensionnaires de Kyln, Gladatior et Peter Quill qui disposent d'un temps d'exposition confortable. Giffen en profite aussi pour faire apparaître Oracle, une autre membre de la Garde Impériale Shi'ar. Enfin le lecteur éprouve l'impression que Giffen accorde beaucoup de temps au trio d'Omega Core (Cole, Swad et Kika) comme s'il les destinait à devenir des personnages récurrents. Le nouveau dessinateur est Ron Lim, un artiste qui a souvent travaillé avec Jim Starlin, à commencer par la trilogie Infinity : The Infinity Gautlet,The Infinity War et The Infinity Crusade. Il dessine un Thanos massif à souhait, avec un visage de pierre peu expressif comme il est d'usage. Il lui a conçu une tenue de pèlerin (à défaut de samaritain) qui mélange une grande étoffe pour la discrétion, avec des éléments plus fonctionnels comme les gants ou les lourdes bottes, sans qu'ils n'en deviennent ostentatoires. Le personnage conserve bien sa présence physique imposante, son sérieux, sa sévérité, son cou de taureau et son nez minuscule. Il semble un peu moins maniaque et psychorigide que quand il est dessiné par Starlin. Dès la première page, les spécificités de l'approche graphique de Ron Lim sont apparentes. Il ne s'attache pas à dessiner des contours de forme propres sur eux, avec des courbes délicates pour les rendre plus agréables à l'œil. Il préfère des traits de contour un peu plus grossiers, pour leur conserver une sorte de spontanéité. Le résultat n'atteint qu'à moitié son objectif car effectivement les contours apparaissent un peu heurtés, avec des angles disgracieux, mais Lim et Milgrom rajoutent de nombreux traits aussi bien épais que très fins à l'intérieur des surfaces leur donnant un aspect chargé qui va à l'encontre de la volonté de spontanéité. De fait, la narration visuelle raconte très bien le récit, sans problématique de lisibilité ou de compréhension. Ron Lim intègre un bon niveau de détails que ce soit pour les arrière-plans (permettant de donner du caractère à chaque endroit), pour les accessoires (armes ou accessoires à bord du vaisseau de Galactus), ou pour l'apparence des personnages, tous facilement reconnaissables. Sa façon de dessiner repose sur un degré de simplification qui lui permet de dessiner Skreet nue comme un ver pendant 2 épisodes, sans que cela ne soit indécent, encore moins vulgaire. Le lecteur éprouve donc l'impression que l'artiste s'adresse à de jeunes adolescents plus qu'à des adultes, ses dessins ne sont pas là pour faire apparaître des éléments supplémentaires, mais juste pour donner corps au scénario. Cela se remarque par exemple dans les expressions des visages, dessinées à la va-vite, sans nuance. Keith Giffen et Ron Lim ont l'intelligence de ne pas essayer de faire du Jim Starlin. Ils respectent les principales caractéristiques du personnage et l'extraient de la mythologie spécifique à Starlin, pour le placer dans une autre bien enracinée dans l'univers partagé Marvel. Ils conservent la dimension cosmique, tout en inventant de nouveaux concepts. À ce titre la prison Kyln connecté à la cascade de la Genèse (The Crunch) en impose à la fois par son originalité et par sa représentation massive. Ils racontent une histoire dont Thanos est bien la figure centrale, intégrant de nombreux autres personnages dont certains (par exemple Cole) disposent d'un temps d'exposition qui semble disproportionné par rapport à leur importance dans l'intrigue. Cela donne à la fois une aventure qui en impose par son ampleur et son inventivité, et aussi une sensation de prologue à ce qui vient par la suite (à savoir Annihilation). 4 étoiles.

28/02/2025 (modifier)
Couverture de la série La Terre verte
La Terre verte

Rencontre aux sommets entre deux éminents artistes du Neuvième art, Alain Ayroles génial scénariste qui accumule les succès critiques et publics (Garulfo, De Cape et de Crocs, etc...) et Hervé Tanquerelle dessinateur classique aux style et traits facilement identifiables, le monsieur possède d'ailleurs lui aussi une bibliographie bien fournie et jalonnée de multiples pépites (Racontars Arctiques, Le Dernier Atlas). Tout comme pour Les Indes fourbes, avec la formation d'un tel duo, les auteurs se savent attendus, le récit est ambitieux et s'étale sur plus de 250 pages. A trop vouloir en faire, en mettre, va-t-on sombrer dans la grandiloquence et le pompeux ? Alors, quid du résultat ? Eh bien, autant le dire d'entrée, et vous l'aurez vu à ma note plus haut, l'éléphant a accouché d'une ......baleine…..Et à bosse* qui plus est ! (*clin d'oeil au personnage principal!) Véritable pièce de théâtre déclinée en Bande Dessinée, "Shakespearienne" dans l'âme, cette tragédie haletante et sans fausses notes comble les attentes et rempli les attendus d'un tel exercice. Proposant donc une structure théâtrale, un découpage en cinq actes et multiples scènes, le séquençage qui en découle est de ce fait ultra rythmé et sans réel temps mort, on lit (avale) le livre avec gourmandise. D'autres codes sont empruntés avec réussite tel l’aparté quand le personnage principal Richard s’adresse directement aux lecteurs. Cette grande fresque nous conte l'histoire d'un personnage comme je les aime : Ambigus, retors, antipathique mais également parfois touchant et attachant, particulièrement révélé à travers ses multiples faiblesses dont la principale et plus évidente, son handicap physique. En parfait contrepoint d'un personnage aussi complexe et charismatique, le récit, d'une grande richesse, fourmille de formidables personnages secondaires très travaillés et tout aussi intéressants et subtils. L'écriture d'Ayroles, aussi bien dans le descriptif que dans les dialogues est de concert avec l'ambition et le propos, finement ciselé, parfaite. Le verbe, tout en équilibre et justesse, sonne fort et beau. Le scénario et l'écriture qui va avec à eux seuls auraient suffît à en faire une très grande BD mais ils sont soutenus par un dessin très détaillé, sublime et admirable tout au long des 250 pages sans signe d'essoufflement qui la transforme derechef en immense BD. Le trait de Tanquerelle est je trouve d'ailleurs, tout en gardant sa griffe, plus grand public que précédemment, me rappelant par moment Matthieu Bonhomme. Même pas besoin de mentionner que c'est un gigantesque coup de coeur. Ce sera difficile de faire mieux en 2025, la barre est placée très (trop!) haut. Lu dans sa version Noir Et Blanc, hâtez vous de vous la procurer s'il en reste en magasin, sinon, faites comme moi et ruez vous sur la version couleur disponible début Avril (Du peu entrevue des pages disponibles sur le net, le travail de colorisation semble remarquable !). Paul le Poulpe voit l'avenir, vous ne le regretterez pas (et paf, le prochain posteur mettra une étoile !). A peine sortie et déjà UN CLASSIQUE.

27/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Grand Pouvoir du Chninkel
Le Grand Pouvoir du Chninkel

J'ai été vraiment séduit par cette adaptation décalée du Nouveau Testament proposée par JVH et Rosinski. Pourtant le pari était osé entre caricature grossière et copie sans âme ni recul, le chemin est étroit et rempli d'embuches. Mais le personnage de J'on est si attachant et si profond qu'il est difficile d'y rester insensible. Pris dans une destinée qui le dépasse mais qu'il ne refuse pas malgré les frustrations de ses propres désirs, J'on est une belle image de l'insignifiante faiblesse qui transforme l'Histoire. La narration est vive, précise et toujours relancée à chaque nouveau court chapitre. L'ensemble est d'une grande cohérence et l'auteur a su y ajouter une belle touche d'humour dans ce running gag des frustrations sexuelles de J'on vis à vis de G'wel. Les épisodes s'enchainent avec une telle fluidité sans facilité incongrue pour un final à la fois attendu et déroutant qui ouvre à la méditation. La série n'aurait pas ce niveau d'excellence sans le formidable graphisme de Rosinski. J'ai lu la version intégrale en N&B qui m'a saisi dès la première case. Le trait est fin, élégant, souple et vif. Il apporte une grande expressivité et une fort dynamisme à la narration. Rosinski distribue temps forts de l'action et situations méditatives avec justesse pour un récit très équilibré. Ses personnages féminins sont tous d'une grande beauté, très sexy mais sans voyeurisme marchand. C'est un dessin qui n'a pas vieilli d'une ride, à faire pâlir d'envie nombre d'IA ou de tablettes numériques. A chaque nouvelle lecture on y découvre un nouvel élément. Personnellement une très grande lecture toujours aussi moderne.

27/02/2025 (modifier)
Par Simili
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Blacksad
Blacksad

"Blacksad" m'aura fait de l'œil pendant très longtemps . Et s'il est sûr d'une chose, c'est que je ne regrette pas du tout d'avoir succombé à son charme. Quelle claque j'ai reçue. Il se dégage de ces polars comme une odeur des années 50-60, des clubs de jazz enfumés de NY ou de La Nouvelle Orleans. Outre des dessins magnifiques, j'ai trouvé le choix des animaux très pertinent avec une réelle corrélation entre leur caractère et leur fonction. Pour moi il s'agit clairement de la série anthropomorphiste la plus "réaliste" que j'ai pu lire. John Blacksad me fait penser à Stacy Keach dans la série TV Mike Hammer pour ceux qui connaissent (faut bien avoir 40-45 ans minimum ). Je trouve que c'est la même atmosphère qui s'en dégage. Si on devait relever un point négatif cela serait dans le dénouement des enquêtes qui peut être un peu trop rapide. Cette série à été ,à juste titre, récompensée de nombreuses fois et devrait figurer en bonne place dans toute bibliothèque qui se respecte.

27/02/2025 (modifier)
Par Simili
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Je suis au-delà de la mort !
Je suis au-delà de la mort !

Jean, 32 ans, est chanteur dans un groupe de rock. Après une petite tournée, ils doivent partir enregistrer leur tout premier album aux Etats-Unis. Pour Jean, le rêve de sa vie est sur le point de se réaliser. Malheureusement pour lui, la vie a choisi pour lui un tout autre chemin... "Je suis au-delà de la mort !" c'est certes l'histoire d'un combat, d'une colère mais c'est aussi et surtout une histoire d'amitié, d'ouverture aux autres et de nouveaux rêves à accomplir. Je suis au-delà de la mort : qu'est ce que je peux trouver ces mots puissants. Ils provoquent chez moi une résonnance particulière. J'aurais aimé les entendre, j'espère n'avoir jamais à les dire. Je suis au-delà de la mort : qu'est ce que ces mots respirent la vie. Le graphisme à la Mario, souligné par Jeïrhk, apporte une touche de légèreté. Il tranche magnifiquement bien avec la dureté du thème et évite du coup cette chappe de plomb qui viendrait gâcher la lecture. Moi j'ai versé ma larme quand ma compagne a elle littéralement fondu en larmes. Vous aurez donc compris que cet ouvrage m'a (nous a) particulièrement marqué, touché. Aussi si un jour par hasard vous avez la possibilité, la chance, de pouvoir le lire, alors ne passez pas votre chemin et saisissez cette opportunité incroyable de vous sentir VIVANT.

27/02/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Simirniakov
Simirniakov

Aller de l'avant, c'est aussi prendre des risques. - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition date de 2019. Il a été écrit, dessiné et encré par Vincent Vanoli, auteur de bande dessinée ayant commencé sa carrière en 1989, ayant déjà réalisé plus de 35 histoires complètes en 1 tome, dont la précédente est La Femme d'argile parue en 2018. Ce tome comprend 60 pages de bande dessinée en noir & blanc, avec des nuances de gris. En 1853; en Russie, Simirniakov se lève et ouvre les rideaux de sa grande chambre au premier étage de sa riche demeure de propriétaire terrien. Il regarde les gens s'affairer en bas : étendre le linge, s'apprêter à aller travailler aux champs. Il part faire le tour de ses terres, sur son cheval Vladimir. Toujours en selle, il écoute les informations d'Oboïeski, celui qui administre son domaine : le risque de l'abolition du servage, la possibilité de l'anticiper en créant une forme de représentativité au sein des moujiks, les travaux de réparation de clôture à programmer. Simirniakov continue son chemin et croise des paysans qui lui disent qu'il faut construire une digue pour éviter les inondations. Ils se mettent à faire des mines pour se conformer à l'allure de moujiks que le propriétaire attend, et il demande à Kolia de faire son numéro de vol dans les airs (ce qu'il fait). Simirniakov promet de demander à Oboïeski de faire construire une digue et il poursuit son chemin. Le lendemain matin, Simirniakov s'est assis sur le bord de son lit et il observe l'extérieur à travers la fenêtre. Sa femme toque à la porte pour l'exhorter à se lever et à s'occuper de son domaine qui en a bien besoin, Oboïeski ne pouvant pas s'occuper de tout. Simirniakov finit par sortir faire un tour à cheval et passer au milieu des champs où travaillent les moujiks, mais sans s'arrêter. Il rentre chez lui où il est attendu par son personnel de maison et sa femme, car il a des invités pour le repas. Au milieu des banalités échangées, sa femme lui rappelle que ses filles reviennent à la maison le lendemain, et qu'elle partira en voyage en Europe avec elles en septembre. Sitôt le repas terminé, son fils Nounourskine indique qu'il sort faire la fête ce soir même. Il sort sur le pas de la porte et appelle le cocher André pour qu'il amène le tarantass. Arrivé au village, Nounourskine demande à André d'aller chercher des tziganes pour qu'ils jouent de la musique, et il retrouve son ami Sarvoskine pour faire la fête dans une auberge, avec leurs potes. Déjà bien éméchés, ils décident de poursuivre leurs libations dans les bois. L'un d'entre eux trouve une bonne idée de mettre le feu à l'isba qu'ils viennent de quitter, ce que fait Nournourskine. Le lendemain, Siminiakov fait l'effort de se lever et d'aller jusqu'à son balcon. Il se fait héler par sa femme qui lui dit que son cheva Vladimir ne veut pas être attelé. Elle prend un autre cheval. Une fois prêt, Simirniakov sort et harnache Vladimir pour aller se promener jusqu'à la Cabane aux Corbeaux. Chemin faisant, ils discutent sur la langueur qui s'empare souvent de Simirniakov. En choisissant cette bande dessinée, le lecteur ne sait pas trop à quel genre de récit s'attendre, si ce n'est qu'il sera raconté de manière très personnelle par l'auteur. Il comprend rapidement qu'il s'agit d'une sorte de roman mettant en scène un riche propriétaire terrien, et ses relations avec sa famille, ainsi que ses états d'âme sur son existence. En termes de narration personnelle, il est servi dès la première page. Sur le plan de l'histoire, Vincent Vanoli utilise les outils classiques du roman. En termes de narration visuelle, le lecteur est tout de suite frappé par les idiosyncrasies. Il voit que l'artiste a choisi un rendu global plutôt dense, qui peut aller jusqu'à donner une impression générale de fouillis par endroit. La première case est de la largeur de la page, et il n'y a quasiment aucune surface blanche, du fait de nuances de gris appliquées sur presque toutes le surfaces pour apporter une impression de texture aux murs, au sol et aux meubles. L'avantage est que la cellule de texte à fond blanc ressort bien. La quatrième case occupe plus d'un tiers de la page et comporte elle aussi de nombreuses informations visuelles : la façade de la demeure à étage où toutes les poutres sont dessinées avec leur nervure, les 2 femmes en train d'étendre le linge, et un groupe de 8 paysans avec 2 chevaux en train de se houspiller. Le lecteur s'immerge donc dans un monde étrange. Les personnages sont affublés de nez difformes au-delà de toute plausibilité morphologique. Il suffit de regarder les nez pour s'en rendre compte. Celui de Simirniakov mesure bien 15 centimètres de long avec une extrémité enroulé comme un escargot. C'est le modèle arboré par la plupart des personnages. Le lecteur peut aussi trouver des nez bien droits dont la longueur ferait rougir Pinocchio, et des nez bien ronds empruntés à Obélix et compagnie. S'il se livre au même examen pour les visages, il découvre des formes possibles d'un point de vue morphologique, des ronds parfaits, des oreilles aussi grandes que la tête, des visages trop étroits au niveau de la mâchoire supérieure, des sourcils qui ressemblent parfois à des bouts de coton collés au-dessus des yeux, des implantations capillaires impossibles, des barbes défiant la gravité, des vêtements souvent informes (sorte de grande robe unisexe très évasée vers le bas). Le lecteur sent que le dessinateur s'amuse bien à donner une apparence incongrue à ses personnages, avec un degré d'investissement incroyable au vu du nombre de personnages qu'il dessine, étant tous différents. Avec les deux premières scènes, le lecteur s'immerge dans une forme de conte : l'enjeu n'est pas une reconstitution historique visuellement authentique (même si l'année est précisée : 1853) et il y a quelques remarques qui introduisent des éléments anachroniques. Il s'agit donc plus d'un regard décalé sur l'histoire d'un riche propriétaire terrien lassé de jouer son rôle. L'auteur promène le lecteur dans différents endroits : la demeure de Simirniakov, les champs, un bar, les écuries, le monastère du starets, une gare, un quartier populaire urbain, une maison servant de salle de réunion pour l'agitateur. À chaque fois, l'artiste effectue des représentations minutieuses pas forcément exactes, bourrées de détails, et s'amuse même avec un effet fish-eye. Dans un entretien, Vincent Vanoli a indiqué qu'il s'était inspiré des tableaux de Pieter Brueghel l'Ancien (1529-1565) pour la composition de certaines pages. Un peu dérouté au départ, le lecteur s'adapte rapidement aux idiosyncrasies visuelles de la narration, et n'en fait qu'à sa guise : consacrant plus de temps à telle case ou telle page pour en apprécier les facéties visuelles, passant moins de temps sur d'autres trop accaparé par l'intrigue ou la comédie. Vincent Vanoli introduit également des références littéraires explicites, un personnage nommant Ivan Tourgueniev (1818-1883), Anton Tchekov (1860-1904), Léon (Lev Nikolaïevitch) Tolstoï (19828-1910), immédiatement suivi par une touche de dérision : mon préféré Tostoïevski. De la même manière, l'auteur incorpore également des références à de vrais faits historiques comme la guerre de Crimée (1853-1856). Certains personnages font également référence à des événements pas encore survenus comme l'abolition du servage en Russie en 1861, ou encore la révolution russe en 1917. D'autres se mettent à fredonner des chansons des Beatles. Le lecteur comprend que l'intention de l'auteur est de composer une histoire à la manière d'un roman russe, tout en y incorporant une bonne dose d'absurde et des facéties tant visuelles que dialoguées, ramenant au principe d'un conte haut en couleurs, à la vraisemblance malmenée, mais à la logique interne rigoureuse. Effectivement, cette bande dessinée peut se lire comme un roman russe (ou une parodie de roman russe) : une riche famille, un père à l'âme tourmentée par une remise en question, des paysans sous le joug du servage, une épouse uniquement préoccupée par ses obligations sociales, un fils aîné uniquement préoccupé de jouir de la vie sans égard pour les conséquences de ses actes, trois filles dont la présence réchauffe le cœur du père… et un cheval qui parle pour permettre au père d'énoncer tout haut ses états d'âme et à l'auteur de rabrouer son personnage principal par la voix de son cheval. Vincent Vanoli réalise également le portrait d'une société, ou d'un système économique avec un regard moqueur : le riche propriétaire qui souhaite se libérer du fardeau de diriger son exploitation, le régisseur qui qui fait son travail consciencieusement et pallie les manquements de son maître sans chercher à le supplanter, les moujiks conscients de la forme d'exploitation qu'ils subissent sans chercher à se révolter pour autant. Au travers de ces 3 positions sociales, l'auteur en profite pour évoquer l'âme russe, en tournant en dérision ce mélange de résignation et d'envie de changement. Vincent Vanoli ne s'en tient pas à une simple fable caustique sur un système social : à plusieurs reprises, il pousse la réflexion plus loin que le simple constat. Le lecteur se rend compte que l'évocation anachronique des bouleversements sociaux à venir fait ressortir avec force l'obsolescence du modèle en place, mais aussi le manque de discernement des protagonistes persuadés de l'immuabilité de ce modèle et de sa pérennité. Avec un regard pénétrant, Vanoli décortique aussi bien l'avantage pour les patrons de mettre en place la libre concurrence entre les individus qui s'écharpent entre eux pour des miettes plutôt que de s'unir contre les patrons, que la docilité et la tiédeur des ouvriers qui préfèrent la sécurité d'un système de classes éprouvé plutôt que l'incertitude de l'inconnu, l'arnaque sans nom de la théorie du ruissellement (passage très savoureux), le lyrisme romantique de Simirniakov à l'abri du besoin matériel, ou encore discrètement la religion en tant qu'opium du peuple, tout ça avec une verve sarcastique piquante, sans être cynique. S'il connaît déjà cet auteur, le lecteur est assuré de découvrir une bande dessinée atypique, et ce n'est rien de le dire. Sous des dehors de roman russe, Vincent Vanoli effectue la description d'une société de manière facétieuse que ce soit par les dessins comprenant diverses exagérations et déformations tout en conservant la priorité à la narration visuelle, ou par l'usage d'anachronismes choisis avec soin pour leur capacité révélatrice. Le tout forme un récit cohérent et savoureux, drôle et critique, intelligent atypique.

27/02/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
Couverture de la série Une histoire du nationalisme Corse
Une histoire du nationalisme Corse

Un autre documentaire intéressant tiré de La Revue dessinée. Ici, on parle d'un sujet politique et c'est un domaine qui m'intéresse. Le sujet est un historique sur le nationalisme corse. L'action commence dans le milieu des années 2010 lorsque les indépendantistes ont enfin obtenu le pouvoir politique en Corse après que les clans corses qui ont régné pendant des décennies ont fini complètement discrédité. Pour expliquer comment le nationalisme corse a fini par s'imposer comme première force politique sur l'ile, on retourne aux années 70 et on va voir l'évolution politique de la Corse jusqu'à la victoire des indépendantistes dans les années 2010. On va voir que si les premières revendications des nationalistes pouvaient être justes (L’État français avait distribué des terres agricoles et privilégié les pieds noirs par rapport aux jeunes corses), cela va vite dégénérer lorsque le FLNC va se former et prendre les armes. Ce mouvement va finir par se déchirer et tomber dans le grand banditisme. Si on connait déjà l'histoire de la Corse, je pense que les événements décrits dans la BD ne vont pas trop surprendre. Moi qui connait la Corse sur certains aspects (les attentats politiques et les règlements de compte), j'ai tout de même appris des choses et notamment sur les différents mouvements indépendantistes qui existent ou on existé en Corse. On peut regretter que certains aspects ne soient qu'effleurés, comme la mafia corse, qui a prospéré parce que la police était trop occupée avec le FLNC. Un truc que j'ai bien aimé est qu'on suit tout le long de l'album la statue de Pascal Paoli qui se promène à toutes les époques et fait des remarques intéressantes. Le dessin est sympathique.

26/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Soeurs d'Ys - La malédiction du royaume englouti
Soeurs d'Ys - La malédiction du royaume englouti

Je ne connais la légende d'Ys que de très loin (en tout cas suffisamment pour reconnaître des points clés), mais je dois dire que cet album m'a vraiment plu. Déjà, le dessin est beau. Il colle parfaitement au cadre celte du récit, le côté très "crayonné" donne un cachet à l'aspect "légende ancienne". Ensuite, il y a l'histoire. Simple dans sa forme, complexe dans ses enjeux (comme le sont souvent les mythes et légendes). La séparation des sœurs, leur lien qui les unis malgré tout, ce père autrefois aimant qui se révèle cruel, un sordide secret, des pouvoirs et des contrats, le tout prenant rapidement des aspects de tragédie. L'histoire est prenante, la narration vive et agréable, les personnages plus complexes qu'il n'y paraît, … C'est du bon, vraiment. L'album était rangé au rayon enfants de ma bibliothèque, j'avoue que je conseillerais quand même la lecture à des pré-ados au minimum. Après cela, évidemment, j'invite toute personne de tout âge à tenter la lecture. (Note réelle 3,5)

26/02/2025 (modifier)
Couverture de la série Retour à Tomioka
Retour à Tomioka

Voilà un prix Jeunesse bien mérité à mes yeux. Jeunesse et plus d'ailleurs car j'ai personnellement été pris par cette épopée d'Osamu et d'Akiko à travers les zones hautement contaminées de Fukushima pour honorer leur grand-mère et réunir tous leurs ancêtres. Laurent Galandon propose ainsi un récit à hauteur d'enfants sur les risques du nucléaire bien plus percutant et touchant que nombre de documentaires. Même si on reste dans une pure fiction sa narration et sa galerie de personnages est si crédible que j'y ai trouvé un petit côté documentaire à la Emmanuel Lepage dans Un printemps à Tchernobyl. En effet de nombreuses thématiques; sur la forêt, les animaux, les populations ou travailleurs autochtones se retrouvent .Dans les deux cas cela conduit à un récit chargé d'émotion où la vie veut vaincre la peur. De façon très ingénieuse l'auteur introduit des sujets sensibles aux enfants: les animaux, les apparitions fantastiques dans un cadre moderne avec les tutos d'Akiko. C'est aussi une façon intelligente de faire connaître aux enfants urbains occidentaux ce Japon aux deux visages si moderne et si proche de la nature et de ses traditions ancestrales. J'ai beaucoup apprécié le côté réaliste du parcours des deux enfants. Le capitaine de police Tamura n'est pas un gros incapable qui se laisse berner par deux super enfants à la mode James Bond. Les situations de fuite sont toutes bien trouvées même si certaines sont assez connues. Le beau personnage providentiel ( il en faut bien un) de Natsuo apporte beaucoup au récit à travers une séquence drôle et imprévue et introduit un final ouvert avec une forte charge émotionnelle. Le graphisme avec une connotation Manga forte fait corps avec l'ambiance du récit. Cela convient parfaitement et plaira sûrement à un lectorat habitué à ce genre. C'est surtout vrai pour les personnages enfants, les adultes étant à mes yeux plus réalistes. Crouzat reste sobre dans l'expressivité de ses créatures en n'utilisant pas de SD plus ou moins humoristiques. J'y ai trouvé une raison de plus pour rester coller à ma lecture. Une très belle lecture pour tous les âges (8 +) qui ne joue pas sur la peur ou l'anxiété malgré sa lucidité.

26/02/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série Milady ou Le Mystère des Mousquetaires
Milady ou Le Mystère des Mousquetaires

Ouh, j'ai beaucoup beaucoup apprécié cette lecture ! Je n'ai jamais lu l'original des trois mousquetaires, mais j'ai les grandes lignes du roman et j'ai déjà tenté de le lire une première fois (j'ai abandonné à un moment, frisant l'indigestion). Le récit ici me semble encore une fois aller dans un certain sens, la relecture d'histoires faisant partie de notre patrimoine pour en tirer de nouvelles visions et lectures (je pense à Eurydice, Le Feu de Thésée et autres réappropriations de contes et mythes). Les auteurs décident de présenter ici le point de vue de l'une des rares femmes présentes dans le livre d'origine, en commençant avec un épisode que je me rappelle avoir lu dans le livre et qui est, rétrospectivement, bien violent ! Le personnage est présenté comme une intrigante pour le compte de Cardinal, mais cette fois-ci c'est franchement bien plus les mousquetaires qui deviennent des personnages détestables. D'Artagnan devient un petit con prétentieux et ses camarades ne font pas forcément meilleure figure. Il est intéressant de noter ce que le récit accorde comme place à la femme à l'origine, lorsqu'on remet bout-à-bout tout ce qu'il contient en essence. D'ailleurs j'ai trouvé que la façon de l'arranger finit par clairement faire ressortir ce qu'elle est : une femme qui tente de s'en sortir, intelligente et sachant user de ses charmes. La façon dont elle s'oppose aux mousquetaires devient finalement bien plus une opposition logique (et provoquée par leurs bêtises répétées aussi). C'est le genre de BD qui est intéressante dès lors qu'on connait l'histoire des Mousquetaires. Servie par un dessin qui fonctionne très bien, on sent que les auteurs sont un peu à charge sur certains aspects du récit (la pauvre fille s'est quand même pris pas mal dans la figure dès le premier chapitre), tandis que l'introduction et la conclusion éclairent à la fois les motivations et la façon dont l'arrangement est rendu possible. C'est original et bien trouvé, je recommande la lecture !

26/02/2025 (modifier)