J’ai découvert Locke & Key par l’adaptation Netflix et, même si j’avais trouvé la série sympa, elle ne m’avait pas complètement marqué. Du coup, j’ai décidé de tenter l’œuvre originale en comics… et franchement, je ne regrette pas une seconde !
Le contraste m’a bluffé : le scénario est beaucoup plus sombre, plus intense et bien mieux ficelé que celui de la série. Les personnages gagnent en profondeur, leurs blessures et leurs évolutions m’ont beaucoup plus touché. On ressent vraiment le poids du drame familial et le côté horrifique est nettement plus glaçant.
Les dessins de Gabriel Rodríguez sont incroyables : précis, expressifs et inventifs, ils donnent vie à Keyhouse et aux clés d’une façon que la série n’a jamais réussi à égaler. Chaque planche a une atmosphère qui te plonge directement dans l’histoire.
En bref, si vous avez aimé la série, foncez sur les comics : c’est un tout autre niveau. Locke & Key en version originale est sombre, captivant et bien meilleur que son adaptation.
Louca est une BD pétillante et pleine de bonne humeur, parfaite pour les amateurs de sport et de récits d’apprentissage. C’est un excellent choix pour des lecteurs qui aiment le foot ou les histoires où un antihéros maladroit se transforme en champion grâce à l’amitié et à la persévérance.
Imbattable est un incontournable pour qui aime la BD franco-belge ou les concepts narratifs originaux. Drôle, malin et créatif, c’est une lecture rafraîchissante qui prouve que même les codes les plus classiques peuvent être réinventés.
La Quête du Gras est une véritable pépite. Roland Theimer réussit à livrer une bande dessinée à la fois hilarante et brillante, où l’absurde côtoie le raffiné. Les personnages sont démesurés mais étrangement familiers, et chaque page regorge de détails savoureux qui font sourire autant les lecteurs pressés que ceux qui aiment s’attarder sur chaque case.
Mais ce qui frappe le plus, c’est que l’ouvrage dépasse largement sa nature culinaire : il flirte avec le phénomène de pop culture, au point qu’on en vient à en parler comme d’un univers à part entière. On rit, on s’étonne, on s’attache — et on ne peut qu’avoir envie d’y retourner.
Bref, c’est original, inventif et terriblement addictif. J’ai hâte de découvrir la suite !
Je m’intéresse aux auteurs indé américains, particulièrement ceux du catalogue Fantagraphics. Et donc depuis longtemps Clowes a été dans mes radars. Mais j’ai quand même du mal avec cet auteur, et mes ressentis sont souvent mitigés.
Ici, je suis sorti satisfait de cette lecture, même si l’entame, extrêmement verbeuse (ça le reste pas mal jusqu’à la fin, mais à un degré moindre) m’avait un peu freiné.
On retrouve dans ces courts chapitres retraçant la vie et la « carrière » de Dan Pussey, la vision assez noire que Clowes donne le plus souvent de la société américaine et de ses personnages. Il y a en effet des côtés pathétiques chez Pussey, un aspect loser obstiné, plein d’envies et d’ambitions, mais qui va être ballotté, baladé par événements et personnages rencontrés (professeur de dessin, directeur de revue d’avant-garde, etc.).
Il y a bien sûr beaucoup d’éléments autobiographiques ici, Pussey évoquant sans doute quelques expériences malheureuses vécues par Clowes lui-même. De fait, il y a dans cet album quelques passages au vitriol sur le monde du comics américain. Des collectionneurs maladifs, des spéculateurs cyniques, des intellos prétentieux hors sol, des plagiaires, des profiteurs/exploiteurs, on trouve ici un panel assez large de tous les travers auxquels Clowes a sans doute dû faire face durant sa vie avant de devenir un auteur reconnu. On ne peut aussi que saluer l’autodérision dont il sait faire preuve – même si Pussey n’est pas exactement un avatar de Clowes.
Son dessin, froid et clinique, use bien du Noir et Blanc. Un style semi-caricatural que j’aime bien en tout cas, proche par certains aspects de celui de Dutreix.
Cet album est aisément abordable, et peut permettre une bonne entrée dans l’œuvre de cet auteur américain.
Note réelle 3,5/5.
Les six ans du projet n’ont pas été de trop.
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Cette bande dessinée constitue un documentaire sur l’histoire du Coran en Europe. Son édition originale date de 2025. Il a été dessiné par Ernesto Anderle, sous la direction de Maurizio Busca & John Tolan, avec le comité scientifique composé de Mercedes García-Arenal, Jan Loop, John Tolan et Roberto Tottoli, avec un suivi éditorial assuré par Tristan Martine & Pauline Veschambes. Il comprend environ cent pages de bande dessinée, réparties en douze chapitres, chacun comprenant un court paragraphe de texte en introduction et deux pages de documentations complémentaires en conclusion. Il se termine avec une riche bibliographie de quatre pages, recensant chaque source utilisée, chapitre par chapitre, et deux pages de présentation d’autres ouvrages de l’éditeur. Sa lecture ne nécessite aucune connaissance préalable sur le sujet, ni sur la foi en général.
Le Coran en Europe. Le Coran est présent en Europe depuis que les troupes arabes et berbères du général Tariq firent la conquête d’une partie de la péninsule ibérique en 711. Au Moyen-Âge, une partie importante de la population de l’Espagne et de la Sicile est musulmane. À partir du XIVe siècle, l’empire ottoman s’étend entre les Balkans et en Europe centrale, déclenchant dans ces régions une présence importante de Musulmans qui dure jusqu’à aujourd’hui. Au XIXe siècle, les puissances coloniales européennes dominent un grand nombre de pays musulmans ; au XXe siècle dans un contexte de décolonisation, de nombreux Musulmans de ces anciennes colonies émigrent en Europe. Le Coran fait partie de la vie quotidienne de ces Musulmans européens, mais il suscite aussi l’intérêt des non-musulmans : Chrétiens, Juifs ou Athées. Le livre les fascine, les intéresse, parfois leur fait peur. C’est l’histoire de ces réactions complexes et variées dont il est question dans les pages qui suivent.
Les origines du projet – John Tolan est professeur d’Histoire à l’université de Nantes, il vagabonde entre les milieux universitaires de l’Amérique du Nord, de l’Europe et du monde arabe. Il étudie les échanges entre civilisations latines et arabes au Moyen-Âge et bien au-delà. Il aime casser les stéréotypes, que ce soit sur l’Islam ou sur l’époque médiévale. Avec Jan Loop, professeur d’histoire religieuse à l’université de Copenhague, Mercedes García-Arenal, historienne des échanges culturels dans l’islam, le christianisme et le judaïsme, et Roberto Tottoli, spécialiste de l’Islam, ils montent un groupe de recherches à Madrid le quinze septembre 2017, et bâtissent le projet de recherche sur le Coran en Europe. La première traduction latine du Coran – Pendant un voyage dans la péninsule ibérique, effectué en l’an 1142, l’abbé de Cluny, Pierre le vénérable, rencontre deux célèbres traducteurs d’ouvrages scientifiques de l’arabe vers le latin : Robert de Ketton et Herman de Carinthie. Soucieux d’établir un fonds de connaissances de l’islam basé sur des sources fiables et non sur des légendes, il charge les deux savants de traduire des textes clé de l’islam dont le Coran : c’est la première traduction latine de ce texte.
Une illustration de couverture magnifiquement ouvragée qui met en avant le mot Safar (Voyage, en arabe), différents personnages comme composant le cadre autour du titre, et le livre du Coran ouvert sur un présentoir. S’il feuillète au préalable cette bande dessinée, le lecteur constate qu’il commence par une double page de texte avec des illustrations, puis deux pages présentant les quatre directeurs du projet avec de toutes petites cases de dessins, et de gros phylactères. Vient alors le sommaire sur deux pages, listant les douze chapitres, avec à chaque le nom du ou des chercheurs l’ayant écrit : La première traduction latine du Cora, un frère florentin à Bagdad, Un Coran trilingue, Le livre des Morisques, de L’Ibérie à Rome Léon l’Africain et le Coran, Luther et le Coran latin de Bibliander, L’importance de faire une bonne impression, Philologues, antiquaires, polyglottes et autres exégètes, Les livres de Buda, La beauté du Coran, Le Coran de Napoléon, Abraham Geiger et le tournant scientifique au XIXe siècle. Chacun des douze chapitres s’ouvre avec son titre et un court paragraphe introductif, la bande dessinée commençant dans la page suivante, et comprenant sept pages, sauf trois chapitres à cinq pages et un à huit pages. En fin de chaque séquence, se trouvent des développements historiques sous forme d’un texte avec des illustrations. Par exemple pour la première, sur L’abbaye et de Cluny et l’Islam, les deux traducteurs du Corpus islamolatinum, Le voyage de Pierre le vénérable, une carte, un encart avec l’adresse internet pour lire cette première traduction. Le lecteur ressent immédiatement qu’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation d’une recherche universitaire. Passé l’introduction et la présentation des auteurs, il retrouve les caractéristiques narratives d’une bande dessinée.
D’un côté, quatre experts de recherche universitaire, un projet financé par le Conseil Européen de Recherche (ERC), la constitution d’un équipe composée d’une quarantaine de chercheurs, doctorants et post-docs pour une durée de six ans, un colloque de lancement en octobre 2019 à Naples, œuvrant sur des sujets allant de la paléographie arabe à des récits de voyage… et la ferme intention de faire connaître leurs recherches au-delà du monde des chercheurs : une exposition itinérante à travers toute l’Europe et pourquoi pas… une BD. De l’autre côté, un support avec ses propres caractéristiques, et un éditeur qualifiant l’ouvrage de Docu-BD. Le lecteur apprécie rapidement cette manière de structurer en l’ouvrage, en allégeant l’exposition dans la partie BD, en illustrant les développements en texte, en proposant un paragraphe de contextualisation en début de chaque chapitre. Il ressent la qualité pédagogique de l’ensemble, entre la répartition des informations, les mises en scène en bande dessinée, les liens qui se tissent de chapitre en chapitre. Il ressent également le fait qu’il y a beaucoup plus à dire pour chaque thème et chaque époque, et que la BD constitue la partie émergée du travail de recherche. Enfin, il apprécie le choix de prendre un point de vue historique, sans parti pris de dogme religieux.
Le lecteur se doute bien que le dessinateur a dû se voir imposer de fortes contraintes : des délais de production, de rigueur dans la reconstitution historique de chaque époque, de chaque zone géographique concernée, en plus des informations à faire passer lors de discussions régulières entre deux personnages. Sur le plan de l’apparence esthétique, l’artiste a choisi un rendu qui peut parfois sembler rapide, plutôt que soigneusement peaufiné, en particulier dans les visages dont les formes semblent croquées sur le vif, au détriment parfois de l’anatomie, tout en leur conférant un aspect vivant. Le lecteur observe régulièrement le personnage historique évoqué dans le paragraphe initial exposant ses convictions, expliquant son travail, définissant ses objectifs. Les universitaires responsables de chaque chapitre privilégient à chaque fois une durée temporelle bien délimitée de quelques années, plutôt que plusieurs décennies. Cela rend la narration également plus dynamique avec des vraies scènes de plusieurs cases, plutôt que des illustrations réalisées à partir d’un exposé magistral. Ainsi de chapitre en chapitre, le lecteur voyage : à l’abbaye du Cluny en 1143, sur les bords de l’Èbre, sur le site Richelieu de la bibliothèque nationale de France à l’époque contemporaine, à Bagdad en 1291, dans les appartements du pape Nicolas à Rome en 1453, à Grenade en 1492, à Fès en 1535, au conseil municipal de Bâle le trente août 1542, de nouveau à Rome en 1584, puis en 1651, à Bologne en 1727, à Heidelberg en 1815, à Alexandrie en 1798, à l’université de Bonn en 1831, et enfin à Grenade en octobre 2025.
Ainsi la bande dessinée transporte le lecteur à chaque époque et à chaque endroit d’Europe concerné, lui permettant de voir les personnages impliqués dans le contexte de leur vie quotidienne. Ainsi incarnés, les projets deviennent plus concrets quant à la réalité de l’époque, les guerres, le pouvoir de l’Église catholique, les amitiés, le concret des méthodes d’impression, l’analyse ésotérique du Coran (correspondance entre le texte et des nombres), la récupération de livres en langue arabe pendant la mise à sac de Buda le deux septembre 1686, une rencontre entre Wolfgang von Goethe et son ami Heinrich Paulus, l’attitude ambigüe de Napoléon Bonaparte vis-à-vis du Coran en Égypte, etc. L’ouvrage se montre descriptif, contextualisant chaque enjeu et chaque entreprise de traduction du Coran. En filigrane, le lecteur voit apparaître d’autres composantes : l’importance de l’Église dans la société, la curiosité naturelle qui pousse à vouloir découvrir une nouvelle culture et le besoin de financement, les guerres de conquête, le latin comme langue universelle d’étude, cacher son exemplaire du Coran dans un mur, aménager son projet d’édition pour accommoder la censure, instrumentaliser les textes de cette religion contre le protestantisme ou le catholicisme, etc. À chaque fois, les auteurs font ressortir la motivation pour disposer d’une traduction fidèle, et la difficulté à traduire un tel texte, entre la barrière de la langue, de l’alphabet, de la culture.
En découvrant cet ouvrage, le lecteur peut avoir un mouvement de recul en craignant de se heurter à des pavés de texte interminables. Les auteurs ont conçu une structure qui conserve le plaisir de la bande dessinée, sans rien sacrifier en exigence, en rigueur et en ambition. Sous des dehors parfois expéditifs, la narration visuelle respecte ces qualités et permet au lecteur de s’immerger dans l’environnement géographique et temporel, aux côtés des personnalités historiques. Le lecteur lit avec curiosité les deux pages de texte illustré qui suivent chaque chapitre. L’ouvrage remplit sa mission de présenter au grand public l’histoire de la traduction et la publication et de la diffusion du Coran en Europe, du point de vue des Européens. Éclairant.
Une claque pour ma part, un humour corrosif, une analyse de l'âme humaine au scalpel (à la Philipp Roth), beaucoup d'émotions, une utilisation inventive du médium BD, une très belle histoire d'amour, des situations cocasses, l'émotion qui surgit encore alors qu'on ne s'y attend pas, une narration audacieuse, une galerie de personnages superbes et Asterios Polyp qu'on est persuadé d'avoir réellement côtoyé en refermant le livre.
Album magistral pour moi.
C'est une série plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord, je viens de finir l'intégrale ce jour. Et je dois bien avouer que si une connaissance ne m'en avait pas parlé, je ne serais pas allée la lire de par moi-même. C'est un travail très graphique, très coloré, géométrique dans le trait, vraiment années 80, et comme déjà évoqué dans les commentaires, qui colle avec l'ambiance du récit. Mais il y a tellement plus dans toute la signification de la colorisation. Si l'on prend la 1ère BD, Madila, les couleurs s'estompent passant du vert maladif à une presque absence de couleur pour en arriver au blanc vers la toute fin. Tout ça accompagne le déclin du personnage de Bacardi/Louise. Toute la bande dessinée est basée sur une critique de la société à travers cette ville fictive, qui relie tous les tomes. Toutes les histoires des personnages sont liées à la conscience de soi, à travers cette ville, qui manque de vie, de vrai, de sentiments, de profiter des choses certes parfois éphémères, mais si belles, justement parce qu'elles sont éphémères.
Tous les personnages non principaux ne basent leurs discussions que sur des commérages, des bruits de couloirs, sans avoir cherché la véracité derrière la rumeur, rumeur qui empire au fil des pages, comme dans "Zelda et moi".
Il y a également beaucoup de clins d'œils humoristiques un peu cachés auxquels on ne fait pas forcément attention au 1er abord, sauf peut-être pour celui de la Bianca Castafiore et de ses bijoux, qui lui était réellement flagrant.
L'idée est de briser les apparences, pour se trouver soi-même. Du moins, je l'ai perçu comme cela.
Cette œuvre m'a par ailleurs fait réfléchir sur la maladie, qu'elle soit physique ou psychique. Sur la solitude, l'amour, mais l'humour aussi.
En bref, je crois qu'il y a beaucoup de l'auteure dans cette œuvre et de parallèles avec a propre vie, plus qu'il n'y paraît à la première approche de lecture. Et j'espère que d'autres personnes auront la chance de découvrir son travail, qui semble si niche et peu connu.
1997. Mon pote me traine à une séance de dédicace : le Chant des Stryges. Jamais entendu parler, mais à l'époque je suis déjà fan de bandes dessinées et fan de X Files, série que j'ai découvert un ou deux ans auparavant quand elle passait en troisième partie de soirée. Je dévore l'album dans la file d'attente et j'arrive devant un certain Richard Guérineau qui me demande ce qui me ferait plaisir, mais refuse quand je lui demande de dessiner ces fameux stryges qu'on ne fait qu'apercevoir dans ce premier tome. Va pour les héros. On discute, on sympathise et puisqu'il n'y en a pas, je me lance dans la création d'un site dédié à ces mystérieuses créatures - et à la promotion de la série (au passage, c'est comme ça que quelques années plus tard je découvrais BDThèque, le webmaster m'invitant à y partager les avis relatifs à la série).
2025. 28 ans après avoir plongé dans l'univers des stryges, exploré les spins off (Maitre de Jeu, Clan des Chimères, Siècle des Ombres et Hydres d'Arès dont on ne sait jamais vraiment s'ils font partie ou non de cet univers) et les cross-over (Asphodèle), et sept ans après la conclusion épique de la série originale, c'est forcément avec plaisir que je replonge dans la légende créée par Corbeyran. Vous l'avez donc compris, je suis mordu depuis presque 30 ans et je vous laisserais donc modérer ma note et mon avis en conséquence (ou pas).
Les premières planches nous plongent en Egypte, avec la découverte d'un tombeau contenant les corps de créatures antiques (et comme depuis le début, je vous raconte ma vie au lieu de vous parler de la série, une dernière parenthèse quant au fait que l'Egypte antique est une autre thématique dont j'étais fan à l'époque. A bien y réfléchir, je le suis toujours). Bon aller, ce coup-ci je parle de l'album !
Diptyque indépendant des autres séries, ce premier tome parvient à être à la fois fidèle à l'ADN de la série originale et à mon sens parfaitement accessible aux nouveaux lecteurs. On retrouve l'ambiance sombre, le mélange de fantastique et d'enquête qui fait le charme des Stryges.
Mais la véritable révélation est pour moi l'arrivée de Nicolas Bègue au dessin. Son trait fin et précis permet de créer des atmosphères prenantes et donne vie à chaque personnage avec une impressionnante minutie. Chaque décor est tout simplement remarquable. Les scènes d'action sont dynamiques, et il excelle à faire ressurgir la menace et la beauté inquiétante des créatures.
Je pense que l'album ravira les fans de la première heure (ce fut mon cas) et qu'il saura sans aucun doute conquérir une nouvelle génération de lecteurs. Lecture plus que recommandée pour quiconque aime les récits fantastiques bien construits et portés par un dessin de haut vol.
Une lecture plaisante, d’une traite, dans l’intégrale, voilà une histoire qui, avec une économie de moyens certaine, nous plonge dans la Grèce antique à l’aube de l’âge classique, au début du Vème siècle avant J.C.
Une économie de moyens disais-je, puisque l’intrigue elle-même n’est pas très étoffée, reste un peu linéaire (sans que cela ne soit trop frustrant). Mais aussi parce qu’il y a assez peu de dialogues, et de texte en général. Une bonne partie des textes d’ailleurs consiste en réemplois des deux grandes oeuvres d’Homère.
Mais c’est fait intelligemment, de façon fluide : le texte du grand aède colle bien au récit. Tellement bien d’ailleurs que la chute – noire et ironique, digne d’une tragédie antique – nous place le héros, Philoklès, dans celle de l’auteur aveugle de « L’Iliade » et de « L’Odyssée » (certaines de ses aventures en font même une sorte d’Ulysse, il y a pas mal de clins d’œil au héros d’Ithaque et à son retour mouvementé chez lui.) Le nom même du héros, Philoklès – « celui qui cherche la renommée, la gloire », prend alors tout son sens, tout en accentuant l’ironie évoquée plus haut.
Pour le reste, le dessin est agréable, et la narration fluide. Si le héros est assez naïf, et si le dessin et la colorisation apportent une certaine douceur, les auteurs n’hésitent pas à donner une image peu lisse et assez sauvage, dure et violente, de cette époque (le héros subit les pirates, des tentatives de viol, et doit même se rouler dans la merde pour échapper à ses agresseurs).
Une histoire sympathique, à découvrir.
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Locke & Key
J’ai découvert Locke & Key par l’adaptation Netflix et, même si j’avais trouvé la série sympa, elle ne m’avait pas complètement marqué. Du coup, j’ai décidé de tenter l’œuvre originale en comics… et franchement, je ne regrette pas une seconde ! Le contraste m’a bluffé : le scénario est beaucoup plus sombre, plus intense et bien mieux ficelé que celui de la série. Les personnages gagnent en profondeur, leurs blessures et leurs évolutions m’ont beaucoup plus touché. On ressent vraiment le poids du drame familial et le côté horrifique est nettement plus glaçant. Les dessins de Gabriel Rodríguez sont incroyables : précis, expressifs et inventifs, ils donnent vie à Keyhouse et aux clés d’une façon que la série n’a jamais réussi à égaler. Chaque planche a une atmosphère qui te plonge directement dans l’histoire. En bref, si vous avez aimé la série, foncez sur les comics : c’est un tout autre niveau. Locke & Key en version originale est sombre, captivant et bien meilleur que son adaptation.
Louca
Louca est une BD pétillante et pleine de bonne humeur, parfaite pour les amateurs de sport et de récits d’apprentissage. C’est un excellent choix pour des lecteurs qui aiment le foot ou les histoires où un antihéros maladroit se transforme en champion grâce à l’amitié et à la persévérance.
Imbattable
Imbattable est un incontournable pour qui aime la BD franco-belge ou les concepts narratifs originaux. Drôle, malin et créatif, c’est une lecture rafraîchissante qui prouve que même les codes les plus classiques peuvent être réinventés.
Mégalo Poupos dans La Quête du gras
La Quête du Gras est une véritable pépite. Roland Theimer réussit à livrer une bande dessinée à la fois hilarante et brillante, où l’absurde côtoie le raffiné. Les personnages sont démesurés mais étrangement familiers, et chaque page regorge de détails savoureux qui font sourire autant les lecteurs pressés que ceux qui aiment s’attarder sur chaque case. Mais ce qui frappe le plus, c’est que l’ouvrage dépasse largement sa nature culinaire : il flirte avec le phénomène de pop culture, au point qu’on en vient à en parler comme d’un univers à part entière. On rit, on s’étonne, on s’attache — et on ne peut qu’avoir envie d’y retourner. Bref, c’est original, inventif et terriblement addictif. J’ai hâte de découvrir la suite !
Pussey !
Je m’intéresse aux auteurs indé américains, particulièrement ceux du catalogue Fantagraphics. Et donc depuis longtemps Clowes a été dans mes radars. Mais j’ai quand même du mal avec cet auteur, et mes ressentis sont souvent mitigés. Ici, je suis sorti satisfait de cette lecture, même si l’entame, extrêmement verbeuse (ça le reste pas mal jusqu’à la fin, mais à un degré moindre) m’avait un peu freiné. On retrouve dans ces courts chapitres retraçant la vie et la « carrière » de Dan Pussey, la vision assez noire que Clowes donne le plus souvent de la société américaine et de ses personnages. Il y a en effet des côtés pathétiques chez Pussey, un aspect loser obstiné, plein d’envies et d’ambitions, mais qui va être ballotté, baladé par événements et personnages rencontrés (professeur de dessin, directeur de revue d’avant-garde, etc.). Il y a bien sûr beaucoup d’éléments autobiographiques ici, Pussey évoquant sans doute quelques expériences malheureuses vécues par Clowes lui-même. De fait, il y a dans cet album quelques passages au vitriol sur le monde du comics américain. Des collectionneurs maladifs, des spéculateurs cyniques, des intellos prétentieux hors sol, des plagiaires, des profiteurs/exploiteurs, on trouve ici un panel assez large de tous les travers auxquels Clowes a sans doute dû faire face durant sa vie avant de devenir un auteur reconnu. On ne peut aussi que saluer l’autodérision dont il sait faire preuve – même si Pussey n’est pas exactement un avatar de Clowes. Son dessin, froid et clinique, use bien du Noir et Blanc. Un style semi-caricatural que j’aime bien en tout cas, proche par certains aspects de celui de Dutreix. Cet album est aisément abordable, et peut permettre une bonne entrée dans l’œuvre de cet auteur américain. Note réelle 3,5/5.
Safar - L'Histoire du Coran en Europe
Les six ans du projet n’ont pas été de trop. - Cette bande dessinée constitue un documentaire sur l’histoire du Coran en Europe. Son édition originale date de 2025. Il a été dessiné par Ernesto Anderle, sous la direction de Maurizio Busca & John Tolan, avec le comité scientifique composé de Mercedes García-Arenal, Jan Loop, John Tolan et Roberto Tottoli, avec un suivi éditorial assuré par Tristan Martine & Pauline Veschambes. Il comprend environ cent pages de bande dessinée, réparties en douze chapitres, chacun comprenant un court paragraphe de texte en introduction et deux pages de documentations complémentaires en conclusion. Il se termine avec une riche bibliographie de quatre pages, recensant chaque source utilisée, chapitre par chapitre, et deux pages de présentation d’autres ouvrages de l’éditeur. Sa lecture ne nécessite aucune connaissance préalable sur le sujet, ni sur la foi en général. Le Coran en Europe. Le Coran est présent en Europe depuis que les troupes arabes et berbères du général Tariq firent la conquête d’une partie de la péninsule ibérique en 711. Au Moyen-Âge, une partie importante de la population de l’Espagne et de la Sicile est musulmane. À partir du XIVe siècle, l’empire ottoman s’étend entre les Balkans et en Europe centrale, déclenchant dans ces régions une présence importante de Musulmans qui dure jusqu’à aujourd’hui. Au XIXe siècle, les puissances coloniales européennes dominent un grand nombre de pays musulmans ; au XXe siècle dans un contexte de décolonisation, de nombreux Musulmans de ces anciennes colonies émigrent en Europe. Le Coran fait partie de la vie quotidienne de ces Musulmans européens, mais il suscite aussi l’intérêt des non-musulmans : Chrétiens, Juifs ou Athées. Le livre les fascine, les intéresse, parfois leur fait peur. C’est l’histoire de ces réactions complexes et variées dont il est question dans les pages qui suivent. Les origines du projet – John Tolan est professeur d’Histoire à l’université de Nantes, il vagabonde entre les milieux universitaires de l’Amérique du Nord, de l’Europe et du monde arabe. Il étudie les échanges entre civilisations latines et arabes au Moyen-Âge et bien au-delà. Il aime casser les stéréotypes, que ce soit sur l’Islam ou sur l’époque médiévale. Avec Jan Loop, professeur d’histoire religieuse à l’université de Copenhague, Mercedes García-Arenal, historienne des échanges culturels dans l’islam, le christianisme et le judaïsme, et Roberto Tottoli, spécialiste de l’Islam, ils montent un groupe de recherches à Madrid le quinze septembre 2017, et bâtissent le projet de recherche sur le Coran en Europe. La première traduction latine du Coran – Pendant un voyage dans la péninsule ibérique, effectué en l’an 1142, l’abbé de Cluny, Pierre le vénérable, rencontre deux célèbres traducteurs d’ouvrages scientifiques de l’arabe vers le latin : Robert de Ketton et Herman de Carinthie. Soucieux d’établir un fonds de connaissances de l’islam basé sur des sources fiables et non sur des légendes, il charge les deux savants de traduire des textes clé de l’islam dont le Coran : c’est la première traduction latine de ce texte. Une illustration de couverture magnifiquement ouvragée qui met en avant le mot Safar (Voyage, en arabe), différents personnages comme composant le cadre autour du titre, et le livre du Coran ouvert sur un présentoir. S’il feuillète au préalable cette bande dessinée, le lecteur constate qu’il commence par une double page de texte avec des illustrations, puis deux pages présentant les quatre directeurs du projet avec de toutes petites cases de dessins, et de gros phylactères. Vient alors le sommaire sur deux pages, listant les douze chapitres, avec à chaque le nom du ou des chercheurs l’ayant écrit : La première traduction latine du Cora, un frère florentin à Bagdad, Un Coran trilingue, Le livre des Morisques, de L’Ibérie à Rome Léon l’Africain et le Coran, Luther et le Coran latin de Bibliander, L’importance de faire une bonne impression, Philologues, antiquaires, polyglottes et autres exégètes, Les livres de Buda, La beauté du Coran, Le Coran de Napoléon, Abraham Geiger et le tournant scientifique au XIXe siècle. Chacun des douze chapitres s’ouvre avec son titre et un court paragraphe introductif, la bande dessinée commençant dans la page suivante, et comprenant sept pages, sauf trois chapitres à cinq pages et un à huit pages. En fin de chaque séquence, se trouvent des développements historiques sous forme d’un texte avec des illustrations. Par exemple pour la première, sur L’abbaye et de Cluny et l’Islam, les deux traducteurs du Corpus islamolatinum, Le voyage de Pierre le vénérable, une carte, un encart avec l’adresse internet pour lire cette première traduction. Le lecteur ressent immédiatement qu’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation d’une recherche universitaire. Passé l’introduction et la présentation des auteurs, il retrouve les caractéristiques narratives d’une bande dessinée. D’un côté, quatre experts de recherche universitaire, un projet financé par le Conseil Européen de Recherche (ERC), la constitution d’un équipe composée d’une quarantaine de chercheurs, doctorants et post-docs pour une durée de six ans, un colloque de lancement en octobre 2019 à Naples, œuvrant sur des sujets allant de la paléographie arabe à des récits de voyage… et la ferme intention de faire connaître leurs recherches au-delà du monde des chercheurs : une exposition itinérante à travers toute l’Europe et pourquoi pas… une BD. De l’autre côté, un support avec ses propres caractéristiques, et un éditeur qualifiant l’ouvrage de Docu-BD. Le lecteur apprécie rapidement cette manière de structurer en l’ouvrage, en allégeant l’exposition dans la partie BD, en illustrant les développements en texte, en proposant un paragraphe de contextualisation en début de chaque chapitre. Il ressent la qualité pédagogique de l’ensemble, entre la répartition des informations, les mises en scène en bande dessinée, les liens qui se tissent de chapitre en chapitre. Il ressent également le fait qu’il y a beaucoup plus à dire pour chaque thème et chaque époque, et que la BD constitue la partie émergée du travail de recherche. Enfin, il apprécie le choix de prendre un point de vue historique, sans parti pris de dogme religieux. Le lecteur se doute bien que le dessinateur a dû se voir imposer de fortes contraintes : des délais de production, de rigueur dans la reconstitution historique de chaque époque, de chaque zone géographique concernée, en plus des informations à faire passer lors de discussions régulières entre deux personnages. Sur le plan de l’apparence esthétique, l’artiste a choisi un rendu qui peut parfois sembler rapide, plutôt que soigneusement peaufiné, en particulier dans les visages dont les formes semblent croquées sur le vif, au détriment parfois de l’anatomie, tout en leur conférant un aspect vivant. Le lecteur observe régulièrement le personnage historique évoqué dans le paragraphe initial exposant ses convictions, expliquant son travail, définissant ses objectifs. Les universitaires responsables de chaque chapitre privilégient à chaque fois une durée temporelle bien délimitée de quelques années, plutôt que plusieurs décennies. Cela rend la narration également plus dynamique avec des vraies scènes de plusieurs cases, plutôt que des illustrations réalisées à partir d’un exposé magistral. Ainsi de chapitre en chapitre, le lecteur voyage : à l’abbaye du Cluny en 1143, sur les bords de l’Èbre, sur le site Richelieu de la bibliothèque nationale de France à l’époque contemporaine, à Bagdad en 1291, dans les appartements du pape Nicolas à Rome en 1453, à Grenade en 1492, à Fès en 1535, au conseil municipal de Bâle le trente août 1542, de nouveau à Rome en 1584, puis en 1651, à Bologne en 1727, à Heidelberg en 1815, à Alexandrie en 1798, à l’université de Bonn en 1831, et enfin à Grenade en octobre 2025. Ainsi la bande dessinée transporte le lecteur à chaque époque et à chaque endroit d’Europe concerné, lui permettant de voir les personnages impliqués dans le contexte de leur vie quotidienne. Ainsi incarnés, les projets deviennent plus concrets quant à la réalité de l’époque, les guerres, le pouvoir de l’Église catholique, les amitiés, le concret des méthodes d’impression, l’analyse ésotérique du Coran (correspondance entre le texte et des nombres), la récupération de livres en langue arabe pendant la mise à sac de Buda le deux septembre 1686, une rencontre entre Wolfgang von Goethe et son ami Heinrich Paulus, l’attitude ambigüe de Napoléon Bonaparte vis-à-vis du Coran en Égypte, etc. L’ouvrage se montre descriptif, contextualisant chaque enjeu et chaque entreprise de traduction du Coran. En filigrane, le lecteur voit apparaître d’autres composantes : l’importance de l’Église dans la société, la curiosité naturelle qui pousse à vouloir découvrir une nouvelle culture et le besoin de financement, les guerres de conquête, le latin comme langue universelle d’étude, cacher son exemplaire du Coran dans un mur, aménager son projet d’édition pour accommoder la censure, instrumentaliser les textes de cette religion contre le protestantisme ou le catholicisme, etc. À chaque fois, les auteurs font ressortir la motivation pour disposer d’une traduction fidèle, et la difficulté à traduire un tel texte, entre la barrière de la langue, de l’alphabet, de la culture. En découvrant cet ouvrage, le lecteur peut avoir un mouvement de recul en craignant de se heurter à des pavés de texte interminables. Les auteurs ont conçu une structure qui conserve le plaisir de la bande dessinée, sans rien sacrifier en exigence, en rigueur et en ambition. Sous des dehors parfois expéditifs, la narration visuelle respecte ces qualités et permet au lecteur de s’immerger dans l’environnement géographique et temporel, aux côtés des personnalités historiques. Le lecteur lit avec curiosité les deux pages de texte illustré qui suivent chaque chapitre. L’ouvrage remplit sa mission de présenter au grand public l’histoire de la traduction et la publication et de la diffusion du Coran en Europe, du point de vue des Européens. Éclairant.
Asterios Polyp
Une claque pour ma part, un humour corrosif, une analyse de l'âme humaine au scalpel (à la Philipp Roth), beaucoup d'émotions, une utilisation inventive du médium BD, une très belle histoire d'amour, des situations cocasses, l'émotion qui surgit encore alors qu'on ne s'y attend pas, une narration audacieuse, une galerie de personnages superbes et Asterios Polyp qu'on est persuadé d'avoir réellement côtoyé en refermant le livre. Album magistral pour moi.
Madila
C'est une série plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord, je viens de finir l'intégrale ce jour. Et je dois bien avouer que si une connaissance ne m'en avait pas parlé, je ne serais pas allée la lire de par moi-même. C'est un travail très graphique, très coloré, géométrique dans le trait, vraiment années 80, et comme déjà évoqué dans les commentaires, qui colle avec l'ambiance du récit. Mais il y a tellement plus dans toute la signification de la colorisation. Si l'on prend la 1ère BD, Madila, les couleurs s'estompent passant du vert maladif à une presque absence de couleur pour en arriver au blanc vers la toute fin. Tout ça accompagne le déclin du personnage de Bacardi/Louise. Toute la bande dessinée est basée sur une critique de la société à travers cette ville fictive, qui relie tous les tomes. Toutes les histoires des personnages sont liées à la conscience de soi, à travers cette ville, qui manque de vie, de vrai, de sentiments, de profiter des choses certes parfois éphémères, mais si belles, justement parce qu'elles sont éphémères. Tous les personnages non principaux ne basent leurs discussions que sur des commérages, des bruits de couloirs, sans avoir cherché la véracité derrière la rumeur, rumeur qui empire au fil des pages, comme dans "Zelda et moi". Il y a également beaucoup de clins d'œils humoristiques un peu cachés auxquels on ne fait pas forcément attention au 1er abord, sauf peut-être pour celui de la Bianca Castafiore et de ses bijoux, qui lui était réellement flagrant. L'idée est de briser les apparences, pour se trouver soi-même. Du moins, je l'ai perçu comme cela. Cette œuvre m'a par ailleurs fait réfléchir sur la maladie, qu'elle soit physique ou psychique. Sur la solitude, l'amour, mais l'humour aussi. En bref, je crois qu'il y a beaucoup de l'auteure dans cette œuvre et de parallèles avec a propre vie, plus qu'il n'y paraît à la première approche de lecture. Et j'espère que d'autres personnes auront la chance de découvrir son travail, qui semble si niche et peu connu.
La Légende des Stryges
1997. Mon pote me traine à une séance de dédicace : le Chant des Stryges. Jamais entendu parler, mais à l'époque je suis déjà fan de bandes dessinées et fan de X Files, série que j'ai découvert un ou deux ans auparavant quand elle passait en troisième partie de soirée. Je dévore l'album dans la file d'attente et j'arrive devant un certain Richard Guérineau qui me demande ce qui me ferait plaisir, mais refuse quand je lui demande de dessiner ces fameux stryges qu'on ne fait qu'apercevoir dans ce premier tome. Va pour les héros. On discute, on sympathise et puisqu'il n'y en a pas, je me lance dans la création d'un site dédié à ces mystérieuses créatures - et à la promotion de la série (au passage, c'est comme ça que quelques années plus tard je découvrais BDThèque, le webmaster m'invitant à y partager les avis relatifs à la série). 2025. 28 ans après avoir plongé dans l'univers des stryges, exploré les spins off (Maitre de Jeu, Clan des Chimères, Siècle des Ombres et Hydres d'Arès dont on ne sait jamais vraiment s'ils font partie ou non de cet univers) et les cross-over (Asphodèle), et sept ans après la conclusion épique de la série originale, c'est forcément avec plaisir que je replonge dans la légende créée par Corbeyran. Vous l'avez donc compris, je suis mordu depuis presque 30 ans et je vous laisserais donc modérer ma note et mon avis en conséquence (ou pas). Les premières planches nous plongent en Egypte, avec la découverte d'un tombeau contenant les corps de créatures antiques (et comme depuis le début, je vous raconte ma vie au lieu de vous parler de la série, une dernière parenthèse quant au fait que l'Egypte antique est une autre thématique dont j'étais fan à l'époque. A bien y réfléchir, je le suis toujours). Bon aller, ce coup-ci je parle de l'album ! Diptyque indépendant des autres séries, ce premier tome parvient à être à la fois fidèle à l'ADN de la série originale et à mon sens parfaitement accessible aux nouveaux lecteurs. On retrouve l'ambiance sombre, le mélange de fantastique et d'enquête qui fait le charme des Stryges. Mais la véritable révélation est pour moi l'arrivée de Nicolas Bègue au dessin. Son trait fin et précis permet de créer des atmosphères prenantes et donne vie à chaque personnage avec une impressionnante minutie. Chaque décor est tout simplement remarquable. Les scènes d'action sont dynamiques, et il excelle à faire ressurgir la menace et la beauté inquiétante des créatures. Je pense que l'album ravira les fans de la première heure (ce fut mon cas) et qu'il saura sans aucun doute conquérir une nouvelle génération de lecteurs. Lecture plus que recommandée pour quiconque aime les récits fantastiques bien construits et portés par un dessin de haut vol.
Kleos
Une lecture plaisante, d’une traite, dans l’intégrale, voilà une histoire qui, avec une économie de moyens certaine, nous plonge dans la Grèce antique à l’aube de l’âge classique, au début du Vème siècle avant J.C. Une économie de moyens disais-je, puisque l’intrigue elle-même n’est pas très étoffée, reste un peu linéaire (sans que cela ne soit trop frustrant). Mais aussi parce qu’il y a assez peu de dialogues, et de texte en général. Une bonne partie des textes d’ailleurs consiste en réemplois des deux grandes oeuvres d’Homère. Mais c’est fait intelligemment, de façon fluide : le texte du grand aède colle bien au récit. Tellement bien d’ailleurs que la chute – noire et ironique, digne d’une tragédie antique – nous place le héros, Philoklès, dans celle de l’auteur aveugle de « L’Iliade » et de « L’Odyssée » (certaines de ses aventures en font même une sorte d’Ulysse, il y a pas mal de clins d’œil au héros d’Ithaque et à son retour mouvementé chez lui.) Le nom même du héros, Philoklès – « celui qui cherche la renommée, la gloire », prend alors tout son sens, tout en accentuant l’ironie évoquée plus haut. Pour le reste, le dessin est agréable, et la narration fluide. Si le héros est assez naïf, et si le dessin et la colorisation apportent une certaine douceur, les auteurs n’hésitent pas à donner une image peu lisse et assez sauvage, dure et violente, de cette époque (le héros subit les pirates, des tentatives de viol, et doit même se rouler dans la merde pour échapper à ses agresseurs). Une histoire sympathique, à découvrir.