Un petit avis rapide pour conforter la bonne côte de cet album. Mon ressenti serait plus proche du 3,5 mais je bonifie de bon cœur tant l’exercice m’a semblé réussi.
Je suis un grand amateur de whisky, Masataka Taketsuru ne m’était pas inconnu et je connaissais dans les grandes lignes son histoire … et malgré tout ça, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette bd.
La partie graphique m’a d’emblée convenu, on y remarque bien quelques imperfections mais elle sied parfaitement au récit, lui ajoutant même une belle plus-value. On dévore facilement les plus de 100 pages. Sympa.
Mais la vrai surprise, vraiment agréable qui plus est, va vraiment pour la façon de raconter le parcours de notre rêveur japonais. L’histoire est belle mais elle est ici sublimée façon fresque romanesque (mais sans en faire trop). Malgré de nombreux bons temporels, ça reste fluide et les périodes explorées sont judicieuses et intéressantes (je minorais pas mal d’obstacles rencontrés). J’ai aimé connaître la rivalité entre les 2 grandes maisons du whisky japonais par ex. Non vraiment bien construit, on ressent même ce petit moment d’émotions à la toute fin lors de la reconnaissance.
Finalement, le seul gros défaut décelé est de donner envie de boire un de ces breuvages maltés de l’île du soleil levant … et si je leurs reconnais de grandes qualités, ils ont malheureusement été victimes de leurs immense succès, leurs prix sont maintenant tout simplement excessifs. Petit coup de gueule perso !! mais ça n’enlève en rien à la lecture ;)
La Cité des secrets, c'est une agréable série d'aventure jeunesse en deux tomes.
Le premier tome se déroule à Oskars, une gigantesque ville construite sur plusieurs étages et où chaque strate catégorise une tranche différente de la population, les plus fortuné-e-s se trouvant bien évidemment dans les étages supérieurs. On y suit Ever, un jeune orphelin protégeant un secret et fuyant d'étranges personnes souhaitant sa mort, ainsi que Hannah, une riche jeune fille du dernier étage dont la curiosité va faire croiser la route d'Ever. Ensemble, iels vont essayer de percer les mystères de cette étrange cité, en tentant tant bien que mal de survivre face aux affrontements d'une organisation secrète et d'un syndicat d'assassins.
Ce premier album part sur une base simple mais arrive à donner une fraîcheur et un charme très sympathique à son résultat. Cette gigantesque ville mécanique dans laquelle sont dissimulés de nombreux leviers et boutons secrets est fascinante et donne sincèrement envie d'être explorée. Le mystère est prenant, le tension marche, il y a un petit côté "Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire" avec ces organisations secrètes aux signes étranges tirant les ficelles dans l'ombre et se tirant des bâtons dans les roues, ... Mais cet album brille surtout à mes yeux pour son découpage de l'action et sa représentation des mouvements. La ville bouge sans cesse, par ses mécanismes activant et déplaçant des plateformes, à l'horizontale comme à la verticale, les personnages qui s'affrontent le font avec une aisance et une grâce qui me ferait presque penser à de la danse, … Bref, ça bouge beaucoup et surtout ça bouge bien. Pour être honnête, je pense même qu'il y a ici un bon matériau de base pour une adaptation en film ou série animé-e.
Malheureusement, le second tome m'a un peu moins emballée. Cette fois-ci plus classique, plus rapide sur sa conclusion aussi, il m'a moins plu. La qualité est toujours là, le dessin de Victoria Ying est toujours aussi beau, et cette nouvelle ville d'Alexios a son esthétique qui la différencie un peu d'Oskars, mais les éléments s'enchaînent un peu trop vite, on nous introduit certaines choses un peu trop sans explications. Par exemple, là ou le premier album tenait à nous préciser qu'il n'y avait pas de magie (même si une ambiance très fantastique avec ces vestiges mécaniques), cette fois-ci on nous explique qu'il en existe en fait une. Et elle est très importante apparemment, parce que tout l'acte final tourne autour. Nos protagonistes brillent un peu moins par leur perspicacité, semblent moins entreprenants, mais il faut dire aussi que cette fois-ci iels ne jouent plus à domicile, devant survivre dans une ville qui leur est inconnue (ou presque, Hannah la connait un peu). Mais la morale de fin de cette série semblant être la paix et l'harmonie, on peut comprendre qu'Ever et Hannah soient légèrement mis en retrait, afin d'aussi mettre en avant d'autres personnages avec qui il faudra bien sûr s'allier. Le message de fin sur l'harmonie est d'ailleurs un peu trop "sucré" sur la forme je pense, mais il reste louable.
La série reste bien, même si le deuxième tome ne m'a pas semblé à la hauteur du premier.
Bonne aventure jeunesse.
(Note réelle 3,5)
Il faut peut-être un peu de temps pour entrer dans le récit, mais le trait dynamique de N. Gobbi, et surtout l'humour du scénario de S. Laliberté font de ce roman graphique un voyage très intéressant dans la tête des archéologues. J'ai vraiment beaucoup aimé voir comment se faisait la construction du savoir et de la recherche dans cette discipline dont on entend souvent parler, mais dont on ne sait pas vraiment comment les archéologues travaillent ! Non, vraiment très sympa, et on découvre aussi à quoi servait les cerfs volants (franchement c'est étonnant et assez fascinant), et puis il y a les histoire de plans d'architecture à l'échelle les plus anciens, ça c'est assez fou quand même ! Voilà, une bédé que je recommande chaudement !
Allez, je fais remonter la moyenne de cet album. Comme je l’explique déjà dans mon avis sur Histoire de la Grande Chartreuse en BD, j’ai grandi au pied de la Chartreuse, et la liqueur verte au cœur de cette histoire occupe une place importante dans ma vie, et ce depuis mon enfance : « Mal au cœur ? Quelques gouttes de Chartreuse sur un sucre te feront du bien ». Ah, c’était une autre époque. Elle se trouve aussi dans certains chocolats produits localement, se rajoute dans le chocolat chaud pour se réchauffer les pieds après le ski… bref, elle est partout !
Le scenario de Laurent Bidot raconte parfaitement l’histoire compliquée et la longue gestation du fameux digestif, dont la recette a été perdue, retrouvée, et adaptée moultes fois au cours des siècles… passionnant pour le régional que je suis.
Par contre comme le dit canarde dans son avis, l’auteur a choisi de greffer à son récit une enquête moderne pas vraiment palpitante… j’aurais à titre personnel préféré que les pages soient utilisées pour développer l’aspect historique. Bon, rien de grave, ça n’a pas gâché ma lecture.
La mise en image est un peu académique, mais sert parfaitement le récit. La Grande-Chartreuse et ses alentours sont superbement représentés.
Une note un peu généreuse, mais qui représente vraiment mon engouement pour cette boisson, et les moines et montagnes qui lui sont associés.
Difficile d'être parfaitement objectif sur cette bande dessinée... L'histoire des carmélites de Compiègne est bien connue depuis que Bernanos en a tiré sa célèbre pièce de théâtre Le Dialogue des Carmélites, adapté à l'opéra (par Poulenc) et au cinéma. C'est surtout un des récits les plus poignants que je connaisse, et quel que soit le média par lequel je redécouvre cette histoire, j'en ressors toujours sous le coup d'une émotion difficilement contrôlable.
Il est donc évident que cette bande dessinée a pas mal de défauts. Le principal est pour moi à trouver au niveau de la narration. Non que les auteurs aient mal synthétisé cette histoire, ils s'en sortent plutôt honorablement (même si j'aurais parfois fait certains choix différents), mais on trouve régulièrement des phylactères qui chevauchent la case du dessus, comme s'il n'y avait pas assez de place dans cette bande dessinée pour y mettre tous les dialogues. Le problème est que parfois, on ne sait plus si on doit lire le phylactère au moment où on lit le strip du dessus ou du dessous. C'est un peu du détail, mais ça gêne régulièrement la fluidité de lecture.
L'autre petit reproche que je ferai sur la forme à cette bande dessinée, c'est qu'elle a tendance à multiplier inutilement les astérisques. C'est souvent intéressant, car cela apporte une information sur les sources historiques ou le contexte de l'époque, mais il y aurait souvent eu moyen de caser l'information délivrée dans une ligne supplémentaire de dialogue.
Sur le fond, à titre personnel, je n'aurais pas grand-chose à redire. Toutefois, il est probablement utile de préciser qu'on est face à une bande dessinée catholique adressée en priorité à un public catholique, les éditions Plein Vent semblant être spécialisées dans ce type de créneau qu'occupent également les Éditions du Triomphe (pas uniquement des oeuvres religieuses, donc, mais on perçoit bien leur ligne éditoriale). Rien de gravissime, ça ne signifie pas qu'un lecteur non catholique restera sur le carreau, mais il trouvera sans doute peu d'intérêt dans la plupart des dialogues, qui tournent essentiellement autour de la notion de sacrifice (d'holocauste, au sens religieux du terme, exactement), des persécutions de la Terreur envers l'Église, et de la fidélité à ses vœux religieux.
La portée du récit va toutefois bien au-delà de son aspect religieux, et ce qui me saisit le plus à chaque fois, personnellement, c'est le courage et la force incroyables de ces seize femmes résistant à l'oppression révolutionnaire. Je suis toujours fasciné par cet esprit de douceur et d'humilité qu'elles opposèrent à la brutalité de ces hommes qui voulaient leur enlever leur liberté au nom de... la liberté, justement. On comprend que la vocation religieuse et le fait d'aller s'enfermer dans un cloître loin du monde puisse étonner voire choquer la conscience d'hommes non religieux. Mais il est odieux de penser qu'on ait pu vouloir interdire à des femmes ayant fait ce choix librement et sans contrainte de continuer à vivre comme elles l'entendaient. Alors imaginer qu'on ait pu aller jusqu'au meurtre, et les exécuter en place publique uniquement pour cette raison est quelque chose qui dépasse mon entendement. Encore une de ces innombrables contradictions de cette Révolution française, dont les actes furent rarement accordés au discours...
Bref, on comprendra donc que mon attachement à cette bande dessinée porte probablement davantage au sujet dont elle traite qu'aux qualités intrinsèques de l'album. J'apprécie toutefois la rigueur historique dont font preuve les auteurs en plaçant le plus souvent possible dans la bouche de leurs personnages des dialogues qu'on sait authentiques et en citant leurs sources (l'épisode étant fort bien documenté, ce qui laisse peu de place au doute et à l'interprétation).
Malgré ses défauts de narration, j'ai tout de même été particulièrement séduit par le dessin de Fabrizio Russo, qui est vraiment magnifique. On est habitué au style réaliste toujours un peu maladroit de ces bandes dessinées biographiques typiques des éditions catholiques comme le Triomphe ou Plein Vent, mais ici, Russo sait lui insuffler une âme supplémentaire, qui change beaucoup de choses. C'est très vivant, souvent trop coloré, mais on s'y croit. Et certains passages de la narration visuelle confinent à l'excellence. Mention spéciale à cette mise en parallèle de deux cases : l'une où la religieuse est allongée les bras en croix par terre le jour de ses voeux religieux (symbole de sa mort au monde pour renaître à la vie religieuse) et l'autre où elle est allongée la tête sous la guillotine... Magnifique.
Voilà donc une lecture que je ne recommande pas à tout le monde, au vu de la portée religieuse de son sujet et de sa manière de le raconter, il est nécessaire d'avoir quelque appétence pour ce genre de récit. Pour ma part, j'ai tout de même ressenti la même émotion qu'à la lecture/vision de chacune des oeuvres traitant des carmélites de Compiègne, et je trouve toujours louable qu'on continue encore aujourd'hui à raconter l'histoire de ces femmes qui surent préserver leur foi et leur liberté jusque dans la mort. Les injustices terribles qu'elles ont subies leur méritent de ne pas sombrer dans l'oubli.
J’ai trouvé que l’histoire de Cours Particuliers était vraiment décalée et pleine d’humour. Ce n’est clairement pas un manga à prendre au sérieux, mais plutôt une suite de situations absurdes et provocantes. Les deux profs, Mayumi et Miki, s’amusent à explorer des scénarios complètement fous où elles enseignent des “cours particuliers” très spéciaux. C’est osé, parfois choquant, mais toujours raconté avec un ton léger. Même si ça ne brille pas par une intrigue profonde, j’ai bien rigolé en suivant leurs péripéties.
Ce manga joue clairement avec des fantasmes exagérés, mais il apporte aussi une touche d’humour qui m’a surpris. Les scènes sont très explicites, parfois extrêmes, et montrent une sexualité sans filtre. Ce qui m’a plu, c’est l’idée que les femmes prennent le contrôle tout au long des histoires. On est loin des clichés où elles sont soumises, et ça change agréablement. Par contre, certaines scènes vont très loin et peuvent mettre mal à l’aise, mais elles restent dans l’esprit volontairement provocateur du manga.
Mayumi et Miki sont complètement déjantées. Ce sont des profs qui n’ont aucun filtre et qui adorent dominer leurs élèves d’une manière plutôt originale. Ce duo est à la fois drôle et dérangeant, mais elles sont bien écrites pour ce type de manga. Les élèves sont un peu des victimes consentantes et certains moments avec le jeune homme “très bien équipé” m’ont vraiment fait sourire. Les personnages secondaires sont peu développés, mais ce n’est pas gênant pour ce genre d’histoire.
Le style de dessin est assez old school, mais ça fonctionne bien. Les personnages féminins sont exagérés, avec des formes très généreuses et un style qui attire l’attention. Les scènes sont très détaillées, ce qui est un point fort pour ce type de manga. Par contre, les décors sont presque absents, ce qui peut être un peu répétitif. Malgré ça, j’ai trouvé que les expressions des personnages et certaines mises en page pleine page rendaient le tout très vivant.
Ce manga a été à l'origine publié sur internet par petits chapitres (bon, techniquement il est toujours sur la toile et est toujours en cours), et est rapidement devenu un véritable phénomène. Je suivais sa publication à l'origine sur le compte twitter de l'artiste et n'arrivais à comprendre que grâce à la générosité et le travail de traducteur-ice-s amateur-ice-s (un grand merci à toutes ces personnes, d'ailleurs). Alors quand j'ai vu que ce manga allait être publié dans nos vertes contrées l'année dernière, j'ai bondi sur l'occasion de me l'acheter.
Bon, en vrai non, je ne l'ai pas acheté tout de suite, j'avais bien trop peur d'un petit phénomène auquel j'ai trop souvent fait face dans ma vie : les traductions hasardeuses. Pour une raison inconnue j'ai souvent constaté que les yuris ne recevaient pas les meilleurs soins au niveau de leurs traductions, et j'ai souvent fini avec des dialogues comiques qui sonnaient poussifs et des langages et expressions courants traduits dans un patois qui, sans aucune doute, avaient dû être écrit par un-e quadragénaire un peu coupée des us et coutumes du langage moderne (je parle dans ce cas précis de personnages censés être jeunes dans le texte).
Fort heureusement, ici, mes peurs étaient infondées, la traduction est bonne. Le texte respecte bien les émotions, l'intensité de certaines scènes et le langage semble bien en accord avec ces jeunes lycéennes. Le tout fait vivant, c'est tout ce que j'attendais.
Je parle de techniques et d'erreurs (ou plutôt d'absence d'erreur dans le cas présent), mais quid du récit ?
Il est bon, là aussi. Au début, le sel de l'histoire est qu'Aya, jeune lycéenne populaire et extravertie, développe un crush sur le beau disquaire du magasin de musique qu'elle fréquente après les cours, sans savoir que ce beau gosse est en réalité sa voisine de classe, Mitsuki, jeune fille aux tendances malheureusement asociales. Sauf qu'en réalité ce quiproquo ne dure pas si longtemps que ça, le récit muant et se centrant davantage sur la relation de ces deux jeunes filles, devenant rapidement amies (même si Aya, ayant toujours le béguin, et même chaque jour davantage, aimerait sans doute quelque chose de plus) et se rejoignant malgré toutes leurs différences apparentes sur leur passion commune : le rock ! Eh oui, ici pas que du sentiment et de la romance, on nous parle aussi d'amour de la musique. Foo Fighters, Red Hot Chilli Peppers, Nirvana, ... L'auteur-ice se fait plaisir à parler de son genre musical préféré et l'engouement des personnages est contagieux.
L'oncle de Mitsuki, tenant de la boutique de disque, est lui aussi un personnage assez touchant. La scène où lui et ses ami-e-s se revoient dans leur jeunesse en écoutant Aya et Mitsuki parler est très belle.
Un mot également sur le dessin, très joli et marqué avec cette belle bichromie noire et verte. Le dessin de Sumiko Arai est très beau (et iel se permet plusieurs fois des gros plans, des poses et des compositions de cases assez chiadées) et je le trouve ici encore mieux travaillé que dans ses précédentes créations, mais c'est vraiment cette bichromie si identifiable qui marque la forme de cette œuvre.
Vraiment une bonne série, chaudement recommandée de mon côté (et en plus la VF est bien !).
Un succès amplement mérité selon moi.
Volume 1 :
Ersin Karabulut, figure emblématique de la bande dessinée turque, signe avec Journal inquiet d’Istanbul une autobiographie vibrante, où se mêlent talent graphique, récit poignant et critique sociale. Istanbul, ville qu’il dépeint avec amour et réalisme, devient un véritable personnage, avec ses ruelles animées, ses minarets omniprésents et ses contrastes saisissants entre tradition et modernité. Pas de doute, on y est ! Et pour ceux qui n 'y auraient jamais mis les pieds, c'est une excellente occasion de découvrir un pays finalement assez méconnu de ce côté-ci de l'Europe.
Le premier volume pose les bases d’un récit intime et universel. Karabulut y raconte son enfance marquée par une passion précoce pour Tintin, Astérix, Popeye, Superman et les comics US, ses débuts difficiles liés à un environnement peu favorable, et ses premiers pas comme caricaturiste. À travers un style fluide et un humour candide, il expose les entraves rencontrées : un contexte familial exigeant, des contraintes financières, et la montée d’un climat politique plus conservateur sous l’influence des islamistes. Le quartier de Beyoglu, refuge des artistes, devient un symbole de liberté dans un parcours semé d’embûches.
Sur le plan graphique, le trait dynamique de Karabulut, mêlant finesse de la ligne claire franco-belge et impact du comics indépendant américain, capte l’attention. La richesse de ses couleurs et son sens aigu de la mise en scène renforcent l’immersion dans ce récit sincère et attachant.
Tome 2, 2007-2017 :
La seconde partie, plus sombre, explore les années 2007-2017, marquées par l’ascension autoritaire de Recep Tayyip Erdogan et le recul des valeurs laïques d’Atatürk. Karabulut y décrit la répression croissante, l’intolérance religieuse et les menaces pesant sur les voix dissidentes, y compris les caricaturistes. Malgré cette atmosphère pesante, il partage également des moments de solidarité, notamment la création du magazine Uykusuz avec ses amis, un projet mêlant passion et débrouillardise.
Des anecdotes lumineuses, comme sa visite au festival d’Angoulême, contrastent avec des épisodes douloureux, tels que l’impact des attentats contre Charlie Hebdo. Cette conjonction d’événements nourrit ses doutes quant à l’avenir de son métier et de son pays, mais aussi son désir de continuer à créer, malgré le poids des incertitudes.
Au-delà de la qualité exceptionnelle de son dessin et de son écriture, on peut saluer l’humanité de Karabulut. Son œuvre, à la fois personnelle et politique, trouve un écho universel. Par son regard lucide et son ton empreint d’autodérision, il incarne un pont entre l’Orient et l’Occident, à l’instar de Riad Sattouf. "Journal inquiet d’Istanbul" est une œuvre coup de cœur, promettant de laisser une empreinte durable dans le paysage de la bande dessinée internationale. On attend la suite avec une sincère impatience. Et comme le dit très bien Canarde, vous allez entendre parler de lui, c'est certain !
Hasard du calendrier ou pas, notons que le volume 2 est paru le 3 janvier 2025, soit dix ans après le massacre à Charlie Hebdo, à trois jours près.
Voilà un album assez original sur la forme – et du coup sans doute clivant. Amateurs de dessins franco-belges classiques s’abstenir. Mais les plus curieux gagneront à se pencher sur cette production de Xavier Mussat, biberonné au collectif ego comme X. Mais ici rien d’autobiographique.
Mussat s’inspire d’une histoire réelle et improbable (et que je ne connaissais pas) : un homme s’est « caché » pendant près de 25 ans dans les forêts du Maine aux États-Unis, cherchant à tout prix à ne laisser aucune trace de son passage (il ne fuyait rien de spécial). Volant régulièrement dans les résidences secondaires proches de quoi survivre, il est ainsi passé inaperçu jusqu’à ce que son existence étrange et inquiétante amène traque et arrestation. Tous les efforts faits pour éviter pendant plusieurs années de se faire remarquer m’ont fait penser, toutes proportions gardées (car là la tension était plus forte) au livre bouleversant de Theodora Kroeber « Ishi ».
Une histoire improbable, que Mussat traite de façon littéraire et poétique, dépassionnée (je ne sais pas ce qu’il « aménage » de la vraie histoire de Christopher Thomas Knight). Là aussi ça peut rebuter. Mais j’ai trouvé ce parti pris intéressant.
D’autant plus qu’il est parfaitement accompagné par un choix encore plus original au niveau du dessin et de la colorisation. En effet, une grande partie de l’histoire est accompagnée de dessins aux formes géométriques et abstraites. Et la bichromie tranchée est elle aussi originale. Mais tous ces choix esthétiques ne gênent pas la lecture, bien au contraire.
En effet, ça donne un souffle quasi magique au récit.
Cet album m’a beaucoup plu.
La première partie (les deux premiers tiers) se présente sous la forme d’une autobiographie un peu nombriliste et bobo, avec cet artiste Newyorkais qui nous raconte son quotidien et ses inhibitions sociales. J’aurais pu le trouver antipathique, mais voilà, l’humour loufoque et l’autodérision omniprésente m’ont beaucoup plu, et m’ont un peu rappelé le style de Fabcaro. J’ai bien ri, j’aime notamment sa façon de se moquer de ces cafés modernes et de leurs boissons chaudes « intellos » et hors de prix. Je m’apprêtais à mettre un bon 3/5, et puis…
Le dernier tiers du récit devient beaucoup plus sérieux, avec la maladie de la maman. Cette partie m’a beaucoup ému, sans doute parce que je suis à un âge où je réfléchis beaucoup à ces thématiques.
Du coup je monte la note à 4/5, et je mets un coup de cœur. Une lecture marquante en ce qui me concerne.
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Whisky San
Un petit avis rapide pour conforter la bonne côte de cet album. Mon ressenti serait plus proche du 3,5 mais je bonifie de bon cœur tant l’exercice m’a semblé réussi. Je suis un grand amateur de whisky, Masataka Taketsuru ne m’était pas inconnu et je connaissais dans les grandes lignes son histoire … et malgré tout ça, j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir cette bd. La partie graphique m’a d’emblée convenu, on y remarque bien quelques imperfections mais elle sied parfaitement au récit, lui ajoutant même une belle plus-value. On dévore facilement les plus de 100 pages. Sympa. Mais la vrai surprise, vraiment agréable qui plus est, va vraiment pour la façon de raconter le parcours de notre rêveur japonais. L’histoire est belle mais elle est ici sublimée façon fresque romanesque (mais sans en faire trop). Malgré de nombreux bons temporels, ça reste fluide et les périodes explorées sont judicieuses et intéressantes (je minorais pas mal d’obstacles rencontrés). J’ai aimé connaître la rivalité entre les 2 grandes maisons du whisky japonais par ex. Non vraiment bien construit, on ressent même ce petit moment d’émotions à la toute fin lors de la reconnaissance. Finalement, le seul gros défaut décelé est de donner envie de boire un de ces breuvages maltés de l’île du soleil levant … et si je leurs reconnais de grandes qualités, ils ont malheureusement été victimes de leurs immense succès, leurs prix sont maintenant tout simplement excessifs. Petit coup de gueule perso !! mais ça n’enlève en rien à la lecture ;)
La Cité des secrets (Ying)
La Cité des secrets, c'est une agréable série d'aventure jeunesse en deux tomes. Le premier tome se déroule à Oskars, une gigantesque ville construite sur plusieurs étages et où chaque strate catégorise une tranche différente de la population, les plus fortuné-e-s se trouvant bien évidemment dans les étages supérieurs. On y suit Ever, un jeune orphelin protégeant un secret et fuyant d'étranges personnes souhaitant sa mort, ainsi que Hannah, une riche jeune fille du dernier étage dont la curiosité va faire croiser la route d'Ever. Ensemble, iels vont essayer de percer les mystères de cette étrange cité, en tentant tant bien que mal de survivre face aux affrontements d'une organisation secrète et d'un syndicat d'assassins. Ce premier album part sur une base simple mais arrive à donner une fraîcheur et un charme très sympathique à son résultat. Cette gigantesque ville mécanique dans laquelle sont dissimulés de nombreux leviers et boutons secrets est fascinante et donne sincèrement envie d'être explorée. Le mystère est prenant, le tension marche, il y a un petit côté "Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire" avec ces organisations secrètes aux signes étranges tirant les ficelles dans l'ombre et se tirant des bâtons dans les roues, ... Mais cet album brille surtout à mes yeux pour son découpage de l'action et sa représentation des mouvements. La ville bouge sans cesse, par ses mécanismes activant et déplaçant des plateformes, à l'horizontale comme à la verticale, les personnages qui s'affrontent le font avec une aisance et une grâce qui me ferait presque penser à de la danse, … Bref, ça bouge beaucoup et surtout ça bouge bien. Pour être honnête, je pense même qu'il y a ici un bon matériau de base pour une adaptation en film ou série animé-e. Malheureusement, le second tome m'a un peu moins emballée. Cette fois-ci plus classique, plus rapide sur sa conclusion aussi, il m'a moins plu. La qualité est toujours là, le dessin de Victoria Ying est toujours aussi beau, et cette nouvelle ville d'Alexios a son esthétique qui la différencie un peu d'Oskars, mais les éléments s'enchaînent un peu trop vite, on nous introduit certaines choses un peu trop sans explications. Par exemple, là ou le premier album tenait à nous préciser qu'il n'y avait pas de magie (même si une ambiance très fantastique avec ces vestiges mécaniques), cette fois-ci on nous explique qu'il en existe en fait une. Et elle est très importante apparemment, parce que tout l'acte final tourne autour. Nos protagonistes brillent un peu moins par leur perspicacité, semblent moins entreprenants, mais il faut dire aussi que cette fois-ci iels ne jouent plus à domicile, devant survivre dans une ville qui leur est inconnue (ou presque, Hannah la connait un peu). Mais la morale de fin de cette série semblant être la paix et l'harmonie, on peut comprendre qu'Ever et Hannah soient légèrement mis en retrait, afin d'aussi mettre en avant d'autres personnages avec qui il faudra bien sûr s'allier. Le message de fin sur l'harmonie est d'ailleurs un peu trop "sucré" sur la forme je pense, mais il reste louable. La série reste bien, même si le deuxième tome ne m'a pas semblé à la hauteur du premier. Bonne aventure jeunesse. (Note réelle 3,5)
Sur les traces des archéologues
Il faut peut-être un peu de temps pour entrer dans le récit, mais le trait dynamique de N. Gobbi, et surtout l'humour du scénario de S. Laliberté font de ce roman graphique un voyage très intéressant dans la tête des archéologues. J'ai vraiment beaucoup aimé voir comment se faisait la construction du savoir et de la recherche dans cette discipline dont on entend souvent parler, mais dont on ne sait pas vraiment comment les archéologues travaillent ! Non, vraiment très sympa, et on découvre aussi à quoi servait les cerfs volants (franchement c'est étonnant et assez fascinant), et puis il y a les histoire de plans d'architecture à l'échelle les plus anciens, ça c'est assez fou quand même ! Voilà, une bédé que je recommande chaudement !
Le Secret de la Chartreuse
Allez, je fais remonter la moyenne de cet album. Comme je l’explique déjà dans mon avis sur Histoire de la Grande Chartreuse en BD, j’ai grandi au pied de la Chartreuse, et la liqueur verte au cœur de cette histoire occupe une place importante dans ma vie, et ce depuis mon enfance : « Mal au cœur ? Quelques gouttes de Chartreuse sur un sucre te feront du bien ». Ah, c’était une autre époque. Elle se trouve aussi dans certains chocolats produits localement, se rajoute dans le chocolat chaud pour se réchauffer les pieds après le ski… bref, elle est partout ! Le scenario de Laurent Bidot raconte parfaitement l’histoire compliquée et la longue gestation du fameux digestif, dont la recette a été perdue, retrouvée, et adaptée moultes fois au cours des siècles… passionnant pour le régional que je suis. Par contre comme le dit canarde dans son avis, l’auteur a choisi de greffer à son récit une enquête moderne pas vraiment palpitante… j’aurais à titre personnel préféré que les pages soient utilisées pour développer l’aspect historique. Bon, rien de grave, ça n’a pas gâché ma lecture. La mise en image est un peu académique, mais sert parfaitement le récit. La Grande-Chartreuse et ses alentours sont superbement représentés. Une note un peu généreuse, mais qui représente vraiment mon engouement pour cette boisson, et les moines et montagnes qui lui sont associés.
Les Carmélites de Compiègne
Difficile d'être parfaitement objectif sur cette bande dessinée... L'histoire des carmélites de Compiègne est bien connue depuis que Bernanos en a tiré sa célèbre pièce de théâtre Le Dialogue des Carmélites, adapté à l'opéra (par Poulenc) et au cinéma. C'est surtout un des récits les plus poignants que je connaisse, et quel que soit le média par lequel je redécouvre cette histoire, j'en ressors toujours sous le coup d'une émotion difficilement contrôlable. Il est donc évident que cette bande dessinée a pas mal de défauts. Le principal est pour moi à trouver au niveau de la narration. Non que les auteurs aient mal synthétisé cette histoire, ils s'en sortent plutôt honorablement (même si j'aurais parfois fait certains choix différents), mais on trouve régulièrement des phylactères qui chevauchent la case du dessus, comme s'il n'y avait pas assez de place dans cette bande dessinée pour y mettre tous les dialogues. Le problème est que parfois, on ne sait plus si on doit lire le phylactère au moment où on lit le strip du dessus ou du dessous. C'est un peu du détail, mais ça gêne régulièrement la fluidité de lecture. L'autre petit reproche que je ferai sur la forme à cette bande dessinée, c'est qu'elle a tendance à multiplier inutilement les astérisques. C'est souvent intéressant, car cela apporte une information sur les sources historiques ou le contexte de l'époque, mais il y aurait souvent eu moyen de caser l'information délivrée dans une ligne supplémentaire de dialogue. Sur le fond, à titre personnel, je n'aurais pas grand-chose à redire. Toutefois, il est probablement utile de préciser qu'on est face à une bande dessinée catholique adressée en priorité à un public catholique, les éditions Plein Vent semblant être spécialisées dans ce type de créneau qu'occupent également les Éditions du Triomphe (pas uniquement des oeuvres religieuses, donc, mais on perçoit bien leur ligne éditoriale). Rien de gravissime, ça ne signifie pas qu'un lecteur non catholique restera sur le carreau, mais il trouvera sans doute peu d'intérêt dans la plupart des dialogues, qui tournent essentiellement autour de la notion de sacrifice (d'holocauste, au sens religieux du terme, exactement), des persécutions de la Terreur envers l'Église, et de la fidélité à ses vœux religieux. La portée du récit va toutefois bien au-delà de son aspect religieux, et ce qui me saisit le plus à chaque fois, personnellement, c'est le courage et la force incroyables de ces seize femmes résistant à l'oppression révolutionnaire. Je suis toujours fasciné par cet esprit de douceur et d'humilité qu'elles opposèrent à la brutalité de ces hommes qui voulaient leur enlever leur liberté au nom de... la liberté, justement. On comprend que la vocation religieuse et le fait d'aller s'enfermer dans un cloître loin du monde puisse étonner voire choquer la conscience d'hommes non religieux. Mais il est odieux de penser qu'on ait pu vouloir interdire à des femmes ayant fait ce choix librement et sans contrainte de continuer à vivre comme elles l'entendaient. Alors imaginer qu'on ait pu aller jusqu'au meurtre, et les exécuter en place publique uniquement pour cette raison est quelque chose qui dépasse mon entendement. Encore une de ces innombrables contradictions de cette Révolution française, dont les actes furent rarement accordés au discours... Bref, on comprendra donc que mon attachement à cette bande dessinée porte probablement davantage au sujet dont elle traite qu'aux qualités intrinsèques de l'album. J'apprécie toutefois la rigueur historique dont font preuve les auteurs en plaçant le plus souvent possible dans la bouche de leurs personnages des dialogues qu'on sait authentiques et en citant leurs sources (l'épisode étant fort bien documenté, ce qui laisse peu de place au doute et à l'interprétation). Malgré ses défauts de narration, j'ai tout de même été particulièrement séduit par le dessin de Fabrizio Russo, qui est vraiment magnifique. On est habitué au style réaliste toujours un peu maladroit de ces bandes dessinées biographiques typiques des éditions catholiques comme le Triomphe ou Plein Vent, mais ici, Russo sait lui insuffler une âme supplémentaire, qui change beaucoup de choses. C'est très vivant, souvent trop coloré, mais on s'y croit. Et certains passages de la narration visuelle confinent à l'excellence. Mention spéciale à cette mise en parallèle de deux cases : l'une où la religieuse est allongée les bras en croix par terre le jour de ses voeux religieux (symbole de sa mort au monde pour renaître à la vie religieuse) et l'autre où elle est allongée la tête sous la guillotine... Magnifique. Voilà donc une lecture que je ne recommande pas à tout le monde, au vu de la portée religieuse de son sujet et de sa manière de le raconter, il est nécessaire d'avoir quelque appétence pour ce genre de récit. Pour ma part, j'ai tout de même ressenti la même émotion qu'à la lecture/vision de chacune des oeuvres traitant des carmélites de Compiègne, et je trouve toujours louable qu'on continue encore aujourd'hui à raconter l'histoire de ces femmes qui surent préserver leur foi et leur liberté jusque dans la mort. Les injustices terribles qu'elles ont subies leur méritent de ne pas sombrer dans l'oubli.
Cours Particuliers
J’ai trouvé que l’histoire de Cours Particuliers était vraiment décalée et pleine d’humour. Ce n’est clairement pas un manga à prendre au sérieux, mais plutôt une suite de situations absurdes et provocantes. Les deux profs, Mayumi et Miki, s’amusent à explorer des scénarios complètement fous où elles enseignent des “cours particuliers” très spéciaux. C’est osé, parfois choquant, mais toujours raconté avec un ton léger. Même si ça ne brille pas par une intrigue profonde, j’ai bien rigolé en suivant leurs péripéties. Ce manga joue clairement avec des fantasmes exagérés, mais il apporte aussi une touche d’humour qui m’a surpris. Les scènes sont très explicites, parfois extrêmes, et montrent une sexualité sans filtre. Ce qui m’a plu, c’est l’idée que les femmes prennent le contrôle tout au long des histoires. On est loin des clichés où elles sont soumises, et ça change agréablement. Par contre, certaines scènes vont très loin et peuvent mettre mal à l’aise, mais elles restent dans l’esprit volontairement provocateur du manga. Mayumi et Miki sont complètement déjantées. Ce sont des profs qui n’ont aucun filtre et qui adorent dominer leurs élèves d’une manière plutôt originale. Ce duo est à la fois drôle et dérangeant, mais elles sont bien écrites pour ce type de manga. Les élèves sont un peu des victimes consentantes et certains moments avec le jeune homme “très bien équipé” m’ont vraiment fait sourire. Les personnages secondaires sont peu développés, mais ce n’est pas gênant pour ce genre d’histoire. Le style de dessin est assez old school, mais ça fonctionne bien. Les personnages féminins sont exagérés, avec des formes très généreuses et un style qui attire l’attention. Les scènes sont très détaillées, ce qui est un point fort pour ce type de manga. Par contre, les décors sont presque absents, ce qui peut être un peu répétitif. Malgré ça, j’ai trouvé que les expressions des personnages et certaines mises en page pleine page rendaient le tout très vivant.
She Wasn't a Guy
Ce manga a été à l'origine publié sur internet par petits chapitres (bon, techniquement il est toujours sur la toile et est toujours en cours), et est rapidement devenu un véritable phénomène. Je suivais sa publication à l'origine sur le compte twitter de l'artiste et n'arrivais à comprendre que grâce à la générosité et le travail de traducteur-ice-s amateur-ice-s (un grand merci à toutes ces personnes, d'ailleurs). Alors quand j'ai vu que ce manga allait être publié dans nos vertes contrées l'année dernière, j'ai bondi sur l'occasion de me l'acheter. Bon, en vrai non, je ne l'ai pas acheté tout de suite, j'avais bien trop peur d'un petit phénomène auquel j'ai trop souvent fait face dans ma vie : les traductions hasardeuses. Pour une raison inconnue j'ai souvent constaté que les yuris ne recevaient pas les meilleurs soins au niveau de leurs traductions, et j'ai souvent fini avec des dialogues comiques qui sonnaient poussifs et des langages et expressions courants traduits dans un patois qui, sans aucune doute, avaient dû être écrit par un-e quadragénaire un peu coupée des us et coutumes du langage moderne (je parle dans ce cas précis de personnages censés être jeunes dans le texte). Fort heureusement, ici, mes peurs étaient infondées, la traduction est bonne. Le texte respecte bien les émotions, l'intensité de certaines scènes et le langage semble bien en accord avec ces jeunes lycéennes. Le tout fait vivant, c'est tout ce que j'attendais. Je parle de techniques et d'erreurs (ou plutôt d'absence d'erreur dans le cas présent), mais quid du récit ? Il est bon, là aussi. Au début, le sel de l'histoire est qu'Aya, jeune lycéenne populaire et extravertie, développe un crush sur le beau disquaire du magasin de musique qu'elle fréquente après les cours, sans savoir que ce beau gosse est en réalité sa voisine de classe, Mitsuki, jeune fille aux tendances malheureusement asociales. Sauf qu'en réalité ce quiproquo ne dure pas si longtemps que ça, le récit muant et se centrant davantage sur la relation de ces deux jeunes filles, devenant rapidement amies (même si Aya, ayant toujours le béguin, et même chaque jour davantage, aimerait sans doute quelque chose de plus) et se rejoignant malgré toutes leurs différences apparentes sur leur passion commune : le rock ! Eh oui, ici pas que du sentiment et de la romance, on nous parle aussi d'amour de la musique. Foo Fighters, Red Hot Chilli Peppers, Nirvana, ... L'auteur-ice se fait plaisir à parler de son genre musical préféré et l'engouement des personnages est contagieux. L'oncle de Mitsuki, tenant de la boutique de disque, est lui aussi un personnage assez touchant. La scène où lui et ses ami-e-s se revoient dans leur jeunesse en écoutant Aya et Mitsuki parler est très belle. Un mot également sur le dessin, très joli et marqué avec cette belle bichromie noire et verte. Le dessin de Sumiko Arai est très beau (et iel se permet plusieurs fois des gros plans, des poses et des compositions de cases assez chiadées) et je le trouve ici encore mieux travaillé que dans ses précédentes créations, mais c'est vraiment cette bichromie si identifiable qui marque la forme de cette œuvre. Vraiment une bonne série, chaudement recommandée de mon côté (et en plus la VF est bien !). Un succès amplement mérité selon moi.
Journal inquiet d'Istanbul
Volume 1 : Ersin Karabulut, figure emblématique de la bande dessinée turque, signe avec Journal inquiet d’Istanbul une autobiographie vibrante, où se mêlent talent graphique, récit poignant et critique sociale. Istanbul, ville qu’il dépeint avec amour et réalisme, devient un véritable personnage, avec ses ruelles animées, ses minarets omniprésents et ses contrastes saisissants entre tradition et modernité. Pas de doute, on y est ! Et pour ceux qui n 'y auraient jamais mis les pieds, c'est une excellente occasion de découvrir un pays finalement assez méconnu de ce côté-ci de l'Europe. Le premier volume pose les bases d’un récit intime et universel. Karabulut y raconte son enfance marquée par une passion précoce pour Tintin, Astérix, Popeye, Superman et les comics US, ses débuts difficiles liés à un environnement peu favorable, et ses premiers pas comme caricaturiste. À travers un style fluide et un humour candide, il expose les entraves rencontrées : un contexte familial exigeant, des contraintes financières, et la montée d’un climat politique plus conservateur sous l’influence des islamistes. Le quartier de Beyoglu, refuge des artistes, devient un symbole de liberté dans un parcours semé d’embûches. Sur le plan graphique, le trait dynamique de Karabulut, mêlant finesse de la ligne claire franco-belge et impact du comics indépendant américain, capte l’attention. La richesse de ses couleurs et son sens aigu de la mise en scène renforcent l’immersion dans ce récit sincère et attachant. Tome 2, 2007-2017 : La seconde partie, plus sombre, explore les années 2007-2017, marquées par l’ascension autoritaire de Recep Tayyip Erdogan et le recul des valeurs laïques d’Atatürk. Karabulut y décrit la répression croissante, l’intolérance religieuse et les menaces pesant sur les voix dissidentes, y compris les caricaturistes. Malgré cette atmosphère pesante, il partage également des moments de solidarité, notamment la création du magazine Uykusuz avec ses amis, un projet mêlant passion et débrouillardise. Des anecdotes lumineuses, comme sa visite au festival d’Angoulême, contrastent avec des épisodes douloureux, tels que l’impact des attentats contre Charlie Hebdo. Cette conjonction d’événements nourrit ses doutes quant à l’avenir de son métier et de son pays, mais aussi son désir de continuer à créer, malgré le poids des incertitudes. Au-delà de la qualité exceptionnelle de son dessin et de son écriture, on peut saluer l’humanité de Karabulut. Son œuvre, à la fois personnelle et politique, trouve un écho universel. Par son regard lucide et son ton empreint d’autodérision, il incarne un pont entre l’Orient et l’Occident, à l’instar de Riad Sattouf. "Journal inquiet d’Istanbul" est une œuvre coup de cœur, promettant de laisser une empreinte durable dans le paysage de la bande dessinée internationale. On attend la suite avec une sincère impatience. Et comme le dit très bien Canarde, vous allez entendre parler de lui, c'est certain ! Hasard du calendrier ou pas, notons que le volume 2 est paru le 3 janvier 2025, soit dix ans après le massacre à Charlie Hebdo, à trois jours près.
Les Pistes Invisibles
Voilà un album assez original sur la forme – et du coup sans doute clivant. Amateurs de dessins franco-belges classiques s’abstenir. Mais les plus curieux gagneront à se pencher sur cette production de Xavier Mussat, biberonné au collectif ego comme X. Mais ici rien d’autobiographique. Mussat s’inspire d’une histoire réelle et improbable (et que je ne connaissais pas) : un homme s’est « caché » pendant près de 25 ans dans les forêts du Maine aux États-Unis, cherchant à tout prix à ne laisser aucune trace de son passage (il ne fuyait rien de spécial). Volant régulièrement dans les résidences secondaires proches de quoi survivre, il est ainsi passé inaperçu jusqu’à ce que son existence étrange et inquiétante amène traque et arrestation. Tous les efforts faits pour éviter pendant plusieurs années de se faire remarquer m’ont fait penser, toutes proportions gardées (car là la tension était plus forte) au livre bouleversant de Theodora Kroeber « Ishi ». Une histoire improbable, que Mussat traite de façon littéraire et poétique, dépassionnée (je ne sais pas ce qu’il « aménage » de la vraie histoire de Christopher Thomas Knight). Là aussi ça peut rebuter. Mais j’ai trouvé ce parti pris intéressant. D’autant plus qu’il est parfaitement accompagné par un choix encore plus original au niveau du dessin et de la colorisation. En effet, une grande partie de l’histoire est accompagnée de dessins aux formes géométriques et abstraites. Et la bichromie tranchée est elle aussi originale. Mais tous ces choix esthétiques ne gênent pas la lecture, bien au contraire. En effet, ça donne un souffle quasi magique au récit.
Au-Dedans.
Cet album m’a beaucoup plu. La première partie (les deux premiers tiers) se présente sous la forme d’une autobiographie un peu nombriliste et bobo, avec cet artiste Newyorkais qui nous raconte son quotidien et ses inhibitions sociales. J’aurais pu le trouver antipathique, mais voilà, l’humour loufoque et l’autodérision omniprésente m’ont beaucoup plu, et m’ont un peu rappelé le style de Fabcaro. J’ai bien ri, j’aime notamment sa façon de se moquer de ces cafés modernes et de leurs boissons chaudes « intellos » et hors de prix. Je m’apprêtais à mettre un bon 3/5, et puis… Le dernier tiers du récit devient beaucoup plus sérieux, avec la maladie de la maman. Cette partie m’a beaucoup ému, sans doute parce que je suis à un âge où je réfléchis beaucoup à ces thématiques. Du coup je monte la note à 4/5, et je mets un coup de cœur. Une lecture marquante en ce qui me concerne.