Je suis fan de Pratt mais je dois avouer que cette lecture m'a décontenancé au premier jet. Il faut dire que le début est pour le moins original: 12 pages sans texte d'un énigmatique héros qui joue au mannequin et trucide et scalpe (presque) tout ce qui bouge, cela m'interroge. Comme j'ai la version Glénat 1981, le visuel n'arrange rien avec ses couleurs très fades et datées. Même si on s'aperçoit que Joe n'est pas muet, la suite reste très longtemps énigmatique dans le sillage de l'indien qui rend justice d'une façon tranchée. Il faut attendre la rencontre avec le sergent Fox pour approcher la finesse du récit de Pratt. On retrouve alors les thématiques chères à l'auteur, aventure, identité des peuples colonisés, liberté et justice. En revêtant la tunique rouge si prestigieuse sur sa peau rouge héritière du prestige de ses ancêtres Joe entre forcément en conflit identitaire. Il en résulte un chemin chaotique où la violence( les oiseaux, sa sœur) succède à la bienveillance ( le bébé, les époux). La confrontation finale entre Fox et Joe d'abord en paroles puis en regards puis en action est un vrai moment d'anthologie.
Le graphisme est du pur Pratt déjà abouti même si certaines cases m'ont fait tiquer. A l'inverse les scènes de canoé ou la marche finale des deux hommes sont d'une très belle fluidité dans les expressions gestuelles.
Une lecture déconcertante mais qui propose beaucoup de richesses.
Une solide histoire
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Ce tome contient une histoire complète qui ne nécessite pas de connaissance préalable du personnage. Il regroupe les douze épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020/2021 pour la VO, écrits par Warren Ellis, dessinés et encrés par Bryan Hitch, avec une mise en couleurs réalisée par Alex Sinclair, et le lettrage par Richard Starkings. Kevin Nowlan a encré les épisodes 1 et 3, et une partie de l'épisode 5. Les couvertures originales ont été réalisées par Hitch, les couvertures variantes par Jeehyung Lee, Frank Quitely, Rafael Grampá, Stephen Platt, Art Adams, Ashley Wood, Kevin Nowlan.
Une fois par semaine, Alfred Pennyworth sort du manoir et se dirige vers la tombe de ses anciens employeurs Martha & Thomas Wayne pour l’entretenir, qu’il vente ou qu’il neige. Ils avaient préparé leur sépulture, et ils souhaitaient que lorsque son heure serait venue, leur fils puisse reposer auprès d’eux. Alfred a toujours su qu’avant qu’il ne s’en aille, il verrait la cavité sous la troisième pierre tombale, accueillir un corps, celui de Bruce Wayne dont le nom est gravé sur la stèle. Ce soir-là, comme tous les soirs, Batman est au sommet d’un gratte-ciel, en train de contempler la ville illuminée qui s’étend à ses pieds, avec la tour Wayne à plusieurs quartiers de là. Ce soir-là, John Nguyen et son compagnon Kevin sortent d’une séance de cinéma, avec leur bébé dans une poche ventrale. Ils prennent par une ruelle déserte et peu éclairée, et ils sont agressés par un groupe de jeunes hommes, le crâne rasé, avec un tatouage au sommet, et ils les menacent de leur pistolet. L’un d’eux appelle John par son nom, énonçant sa profession d’inspecteur de police, et lui disant qu’ils sont le Mépris, qu’ils méprisent leur contrôle. Batman intervient, désarmant les agresseurs et les neutralisant avec force et brutalité. Ils appellent le couple par le nom de famille de l’inspecteur, et leur suggère d’appeler une ambulance, puis il s’en va.
Batman circule dans les rues de Gotham à bord de la Batmobile. Alfred ironise dans l’oreillette : ruelles et cinémas, quasiment une carte de visite professionnelle. Puis il informe Bruce d’un appel au numéro de secours 911, le demandeur appelant depuis quatre heures sans réponse : une mort inexpliquée. Batman se rend à l’appartement et monte les étages en demandant aux locataires qui l’a appelé. Finalement sur un palier, une femme avec un enfant dans les bras et un afro-américain âgé lui répondent : Vince dans l’appartement 4C, personne ne l’a vu depuis trois jours et il y a une drôle d’odeur qui passe par sa porte. Il écoute le peu d’informations qu’ils peuvent lui donner et se rend à l’appartement, Alfred lui fournissant le nom complet : Vince William Stannik. Il entre dans l‘appartement : un cadavre déjà en cours de décomposition sur le lit, et des coupures de presse sur Batman affichées au mur, environ cinq ans d’articles. Toute la scène du crime a été soigneusement nettoyée : aucune empreinte. Il appelle les services du commissaire Gordon pour signaler le cadavre. Il retourne au manoir où il trouve Alfred affalé dans un canapé, déjà un peu éméché en descendant une bouteille d’un grand cru de vin blanc, et en écoutant la musique de Peter Warlock (Philip Arnold Heseltine, 1894-1930)
L’annonce de ce projet a fait saliver car il s’agit du même duo de créateurs qui a réalisé The Authority (12 épisodes, 1999/2000), une série qui a fait date dans l’histoire des comics de superhéros. A priori, le lecteur fait confiance au scénariste pour avoir conçu une histoire à l’échelle des douze épisodes, anticipant donc le fait que tout ne lui sera pas donné dès le premier épisode qui ne sera peut-être pas satisfaisant pour lui-même. Il s’attend également à ce que le scénariste fasse porter une proportion significative de la narration sur le dessinateur, dans des pages muettes, comme il en a l’habitude. C’est bien le cas : 5 pages muettes dans le numéro 1, 6 dans le 2, 9 dans le 3, 6 dans le 4, 5 dans le 5, 2 dans le 6, 7 dans le 7, 6 dans le 8, 6 dans le 9, 9 dans le 10, 3 dans le 11, 9 dans le 12. Ce n’est pas tant que le scénariste a changé sa manière d’écrire pour le dessinateur, c’est plutôt qu’il a conservé sa manière de faire en laissant le dessin raconter l’histoire, et qu’il a conçu ces scènes en fonction des points forts de cet artiste, ou en fonction des demandes de celui-ci. Ici, il ne s’agit pas d’une équipe de superhéros ayant vocation à intervenir contre des menaces à l’échelle de la planète : Batman reste à Gotham, avec un passage à l’asile d’Arkham, pour lutter contre des individus fêlés, une milice qui souhaite être la police à la place de la police, et un mystérieux très bien préparé.
Le lecteur plonge dans une aventure de Batman, sans beaucoup d’éléments en provenance de sa mythologie, juste ses parents, Alfred Pennyworth, le manoir, la grotte avec ses ordinateurs, ses batmobiles, et quelques armes technologiques). James Gordon ne joue qu’un rôle mineur, pas d’ennemis costumés récurrents. Dans le même temps, ce Batman utilise l’informatique et des drones, sans que le scénariste n’en abuse non plus. Il est globalement toléré par la police, et il ne porte pas de slip par-dessus son costume. Il n’est pas question de la vie privée de Bruce Wayne, si ce n’est une ou deux remarques moqueuses en passant. Tout commence avec l’agression d’un policier en civil d’une part, et avec ce meurtre mystérieux d’autre part. Batman doit à la fois intervenir dans des combats physiques, et également enquêter et faire des déductions. Le scénariste n’essaye pas de faire croire au lecteur qu’il peut anticiper les déductions de Batman, car il ne lui donne pas les indices nécessaires pour ce faire. Le plaisir de lecture provient de voir le héros à l’œuvre, que ce soit pour l’enquête, ou pour les interventions physiques.
Le lecteur un peu habitué des comics et du format d’histoires complètes en une dizaine d’épisodes ou moins, sait qu’il comporte deux écueils : le premier est celui d’une construction tout en mystère dans les trois-quarts des épisodes, et une résolution artificielle à la fin, ce qui amène le lecteur à s’impliquer de plus en plus, et à trouver la fin pas à la hauteur du suspense et des promesses qu’il contient. Le second réside dans le risque que le dessinateur s’investisse à fond dans les premiers épisodes, puis qu’il soit rattrapé par les délais et qu’il ne dispose plus d’assez de temps pour faire aussi bien dans la seconde moitié du récit. Il feuillète donc rapidement ce tome et il constate que les pages des derniers numéros sont aussi soignées que celles des premiers. Il en a la confirmation à la lecture : Bryan Hitch ne donne à aucun moment l’impression d’avoir dû accélérer la cadence pour boucler ses épisodes. La participation de Kevin Nowlan à l’encrage pour deux épisodes et une partie d’un troisième ne gâche pas la lecture : il soigne un peu plus les contours des personnages et des aplats de noir, mais il faut scruter les cases pour en prendre conscience.
Dès la séquence d’ouverture, le lecteur constate que le coloriste a choisi une approche de type naturaliste, avec des couleurs un peu ternies, à l’opposé de couleurs très vives comme dans les comics de superhéros habituels. Il remarque également qu’Alex Sinclair joue discrètement sur l’ambiance lumineuse pour installer une nuance prédominante, une identité de couleur en fonction du lieu, du moment de la journée, et donc de l’éclairage. Il augmente le degré de lisibilité des cases en faisant bien ressortir chaque élément détouré par rapport à ceux qui l’entourent, et il joue un peu sur les nuances d’une même teinte pour augmenter l’impression de relief d’une surface. Il utilise les effets spéciaux avec parcimonie, pour les scènes d’action, les explosions, le halo lumineux des gratte-ciels. Le dessinateur s’attache à donner de la consistance à chaque élément en le représentant de manière détaillée, quelle que soit sa nature. Ça commence avec la magnifique façade du manoir à laquelle il ne manque ni une fenêtre, ni une colonne, ni un panneau vitré. Ça continue avec le dessin en double page de Batman contemplant les immeubles sous lui, avec de nombreux bâtiments, tous représentés, et pas seulement en silhouette. Puis avec les personnes composant la foule. Etc. Le lecteur peut se projeter dans chaque lieu : la pièce principale où se trouve le cadavre avec les dizaines de coupures de presse au mur, la Batcave avec ses structures métalliques, son avion, son bateau, le salon avec le canapé, les bibliothèques, la grande cheminée, le tapis au sol, la table basse, le lustre, les chandeliers, etc. Cette minutie dans la représentation des décors leur confère une réalité solide.
L’artiste est tout aussi investi dans les scènes d’action et ça commence avec le grand classique de Batman intervenant pour dérouiller des voyous de rue et empêcher une agression. Premier combat : rapide, en trois pages, brutal, un bras cassé, une rotule cassée, un coup de pied dans le visage avec des dents qui volent, pas de gros plan gore sur les blessures. Deuxième combat : onze pages, tout aussi brutal, dans l’espace confiné d’un appartement. Troisième combat tout en silence en six pages dans le grand salon du manoir Wayne : les coups font tout aussi mal. L’artiste adopte également une approche descriptive détaillée. Il conçoit le déroulement du combat en prenant en compte la géométrie du lieu, sa volumétrie, les obstacles : les ennemis ne donnent jamais l’impression de s’affronter sur une scène de théâtre vide et interchangeable. Il prend également soin de concevoir un plan de prise de vue qui donne à voir la succession de mouvements et de déplacements de Batman et de ses adversaires, sans aller jusqu’à la chorégraphie. Ce parti pris fait toute la différence entre un quota de pages d’actions obligatoires, et des batailles qui font partie intégrante du récit, qui se passent en un lieu précis, dont le déroulement dépend de l’environnement et des individus qui se font face, de leurs armes éventuellement. Le récit conserve son suspense grâce à cette narration premier degré très impliquée, et aussi grâce à la construction de l’intrigue où les mystères du début sont éclaircis progressivement, en même temps que l’implication personnelle de Batman augmente, évitant ainsi l’effet trop mécanique de mystères accrocheurs menant à une résolution en forme d’exposé révélateur.
Alléché par le professionnalisme des créateurs, le lecteur plonge dans une histoire de Batman autocontenue, donnant la sensation d’aller à l’essentiel. Ni le scénariste, ni le dessinateur ne révolutionne le personnage, ou ne cherche à en donner une version novatrice. Batman est fidèle à aux grandes caractéristiques des années 2000/2010 : taiseux, professionnel, disposant de moyens financiers et technologiques presque sans limites. Il enquête pour comprendre les agissements d’un nouvel ennemi et le neutraliser, avec une narration visuelle de type réaliste et détaillée, consistante de bout en bout, sans baisse de régime vers la fin. L’intrigue est bien dosée : l’implication personnelle de Batman allant croissante, alors que les mystères sont progressivement révélés, ce qui assure un suspense tout du long. Du bel ouvrage.
Énorme coup de cœur pour La plus belle couleur du monde de Golo Zhao. Dès les premières pages, j’ai été happé par l’atmosphère délicate et intimiste de ce manhua, qui nous plonge dans le quotidien d’un jeune collégien chinois des années 90.
Nous suivons Rucheng, un adolescent passionné de dessin qui rêve d’intégrer les Beaux-Arts. Talentueux mais en quête de cette étincelle qui le fera progresser, il partage ses journées entre ses amis, ses cours de dessin du week-end et son amour naissant pour Yun, une camarade aussi douée que mystérieuse. Mais Yun est également proche de Wen Jun, le beau gosse issu d’une famille aisée, ce qui attise la jalousie et les rivalités. À cela s’ajoutent les préoccupations typiques de l’adolescence : les jeux de cartes à collectionner, les petites mesquineries, les rumeurs et même une affaire de racket qui, d’abord anodine, prend une tournure plus sérieuse…
Ce qui frappe avant tout, c’est la justesse du récit. Ici, pas d’esbroufe ni de rebondissements spectaculaires, mais une tranche de vie où chaque émotion sonne vrai. Les doutes, les questionnements, les élans de tendresse et les maladresses de l’adolescence sont retranscrits avec une finesse remarquable. L’écriture est douce, presque contemplative, et nous laisse savourer chaque instant aux côtés des personnages qui gagnent en profondeur au fil des pages.
Graphiquement, La plus belle couleur du monde est une merveille. Les illustrations à l’aquarelle sont sublimes, jouant avec les nuances et la lumière pour magnifier les ambiances et les émotions. Entre les chapitres, de superbes illustrations pleine page viennent renforcer cette impression de poésie visuelle. Chaque couleur semble avoir une signification, donnant à l’ensemble une touche encore plus immersive.
Avec ses 584 pages, cet album est une lecture à savourer chez soi, en prenant le temps d’apprécier chaque détail. Un récit ample et maîtrisé qui capture avec brio les tourments et les émerveillements de l’adolescence. Que vous soyez adolescent ou adulte, cette œuvre vous touchera en plein cœur.
Une très belle série sur la France des années 30 au travers de l’itinéraire d’un ancien soldat devenu Boxeur qui est introduit dans le Paris mondain. Promis à une belle carrière de boxeur il est rattrapé par son passé. Obligé de quitter la France et de changer d’identité, il s’engage dans la légion étrangère et se retrouve en Afrique. Cette série devait connaître une suite car un 5e album était annoncé et peut être d’autres ensuite. Il ne verra jamais le jour pour une raison que j’ignore. C’est bien dommage car le dessin de Hulet est remarquable, et la mise en couleur rappelle celle de Fraymond avec Hermann sur mes tours de Bois Maury. Certains seront peut être gênés par les dialogues. Très fournis de Bucqoy mais ce ne fut pas mon cas. Parue dans la collection VÉCU des éditions Glenat cette série mérite qu’on s’y attarde. Sûrement la meilleure pour ce dessinateur Belge un peu tombé dans l’oubli à mon grand regret
Et je rejoins tous les camarades qui m'ont précédé. En effet, superbement dessiné. On reste dans le style des précédents albums. C'est vif, coloré, beau.
Les personnages sont à peine crédibles, juste assez pour nous maintenir dans le rythme de l'histoire.
Cette mise en image du far "est" de la Russie des années 1990 est juste une dinguerie à découvrir.
Encore une histoire touchante où cette fois la narratrice se fait diagnostiquer épileptique, puis entame avec ses parents un long parcours de lutte contre cette maladie. Outre la force de ce récit, j'ai aussi particulièrement apprécié les mises en image, en page du mal, des journées répétitives, des dessins du moment... Tout autant un beau récit de lutte qu'un beau geste artistique.
J'avais pour ma part beaucoup aimé Blast et j'ai vraiment apprécié " La route ".
En principe, je fuis les adaptations, en principe, je fuis les bds trop sombres voire celles qui comportent peu de textes, mais il y a ces bds et celles de Larcenet. Et Larcenet, vos principes, il s'en fout, il est juste immense.
Lors de ma lecture (alors que j'y allais à reculons en pensant que l'adaptation serait forcément manquée donc), j'ai vraiment été happé par l'ambiance. J'ai même trouvé certains moments touchants alors que je connaissais déjà l'histoire (Larcenet n'est pas dans la surenchère, le ton est juste), ce que contiennent les regards peut parfois nous étreindre et je trouve qu'il a justement réussi à retranscrire l'âpreté du récit.
Le dessin est vraiment impressionnant : chaque case (le tableau le plus noir, l'apparition d'un cadavre, un pendentif d'os humains, un panache de fumée et de cendres...) devient une gravure qui évoque notamment Dürer ou O. Dix. Larcenet peint l'horreur et c'est beau. Je garde en tête également les cases du robinet en gros plan, du plat de pâtes, qui montrent le confort retrouvé de façon inespérée dans ce local souterrain par exemple et cette sensation finit même par irradier le lecteur.
Pour moi, on ne pouvait retrouver l'ambiance du roman (que j'avais bien aimé), ça me semblait impossible de retranscrire en même temps dans une BD, la progression difficile au milieu de la désolation, la combat quotidien pour la survie, la tendresse du père pour son fils, la faim qui tenaillle, le froid et le vent, de peindre ce sentiment étrange aussi face à cette mer qu'ils ont cherché obstinément à atteindre et qui s'étend devant eux, grise, indolente...
Et on retrouve tout cela, Larcenet condense même tout cela parfois dans les yeux du père.
Très bel album.
Je ne connaissais pas Cati Baur, réalisant après ma lecture qu'elle était l'autrice de Pisse-Mémé, mais j'ai été immédiatement séduit par cette histoire menée de bout en bout comme un savon sur lequel on glisse en sortant de la douche. Paf ! T'arrive à la fin, et c'est déjà fini et c'était trop bien.
Le trait de l'autrice évoque celui de Camille Jourdy, soit un petit trait frais et léger qui semble vous prendre dans le creux de la main, jouissant d'un colorisation sans esbroufe. C'est très agréable à lire et ne souffre d'aucune critique, tout comme les dialogues qui articulent très bien la narration. Les personnages respirent la vie vraie et on s'attache à eux d'emblée. En outre, c'est très drôle et l'humour n'est jamais forcé.
Marcie est une cinquantenaire en pleine crise de préménopause qui cherche un second souffle professionnel. Poussée par sa fille, elle devient détective privée. Dans un premier temps, elle résout des affaires de chiens volés avant de se voir confier une sombre histoire de suicide, potentiellement maquillé. Le scénario est très bien ficelé. Marcie enquête sur cette fille "tombée" d'une fenêtre, et en s'investissant dans cette affaire, elle va peu à peu avancer vers la résolution de sa crise existentielle : en effet, sans rien dévoiler, on peut se contenter de dire qu'il y a en effet des situations renversées dans cette BD, des effets de miroir.
Oui, ce récit simple regorge de petites subtilités qui lui donnent toute sa saveur. Une lecture très agréable, à la fois légère et palpitante, crédible et hors du commun, avec des personnages aussi vrais que nature. Bonne surprise !
J’aime beaucoup les nouvelles de Lovecraft, malgré le style ampoulé et vieillot, mais je n’ai jamais été attiré par leurs adaptations graphiques, préférant laisser court à mon imagination. La magnifique expo Tanabe à Angoulême 2025 m’a pourtant convaincu de franchir le pas.
« Les Montagnes hallucinées » n’est pas ma nouvelle préférée - je la trouve un peu longue (il s’agit d’ailleurs plutôt d’un roman court), mais c’est celle qui m’intriguait le plus au niveau adaptation graphique, car les délires hallucinatoires et la ville à la « géométrie impossible » du roman présentaient un sacré challenge… et je dois avouer que je ressors bluffé de ma lecture. Les planches sont vraiment magnifiques, et Tanabe a selon moi parfaitement retranscrit l’ambiance horrifique et la froideur mortelle du récit original.
L’adaptation de l’histoire est fidèle, je l’ai à nouveau trouvée un peu longuette, mais il faut avouer qu’elle reste prenante malgré son âge.
Une expérience positive, que je retenterai sans doute avec l’adaptation de mes nouvelles préférées (La Couleur tombée du ciel et L'Abomination de Dunwich).
Une fois de plus, je partage l'avis de Noirdésir ! ;-)
J'ai passé un très bon moment avec ce western moderne. Certes, il y a quelques redondances avec les échanges entre le protagoniste et son petit compagnon, mais ça passe bien, ça vient ponctuer comme une morale chaque péripétie (ça reste du Matz quand même, il faut bien qu'il fasse quelques grandes phrases) et l'animal a une bonne bouille...
L'histoire est intéressante et instructive (avec cet historique de la protection des témoins), la tension est palpable et l'action, si on met de côté les flash-back, est finalement ramassée (quelques jours qui se concentrent autour du procès).
J'ai apprécié le découpage cinématographique, les clins d'oeil réjouissants au fil des pages, l'ambiance réussie des années 60-70 avec des marqueurs de l'époque habilement parsemés ici ou là, des personnages consistants et un dessin que personnellement j'ai beaucoup aimé (les paysages notamment sont superbes, la compagne de Giu' aussi) c'était chouette !
Certains ont évoqué une histoire qui s'étirait un peu, mais pour ma part, j'aurais pu suivre encore le parcours du camping-car de Giu' dans ces grands espaces lumineux et arides, même si là encore, je trouve la conclusion très satisfaisante.
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Jesuit Joe
Je suis fan de Pratt mais je dois avouer que cette lecture m'a décontenancé au premier jet. Il faut dire que le début est pour le moins original: 12 pages sans texte d'un énigmatique héros qui joue au mannequin et trucide et scalpe (presque) tout ce qui bouge, cela m'interroge. Comme j'ai la version Glénat 1981, le visuel n'arrange rien avec ses couleurs très fades et datées. Même si on s'aperçoit que Joe n'est pas muet, la suite reste très longtemps énigmatique dans le sillage de l'indien qui rend justice d'une façon tranchée. Il faut attendre la rencontre avec le sergent Fox pour approcher la finesse du récit de Pratt. On retrouve alors les thématiques chères à l'auteur, aventure, identité des peuples colonisés, liberté et justice. En revêtant la tunique rouge si prestigieuse sur sa peau rouge héritière du prestige de ses ancêtres Joe entre forcément en conflit identitaire. Il en résulte un chemin chaotique où la violence( les oiseaux, sa sœur) succède à la bienveillance ( le bébé, les époux). La confrontation finale entre Fox et Joe d'abord en paroles puis en regards puis en action est un vrai moment d'anthologie. Le graphisme est du pur Pratt déjà abouti même si certaines cases m'ont fait tiquer. A l'inverse les scènes de canoé ou la marche finale des deux hommes sont d'une très belle fluidité dans les expressions gestuelles. Une lecture déconcertante mais qui propose beaucoup de richesses.
The Batman's Grave
Une solide histoire - Ce tome contient une histoire complète qui ne nécessite pas de connaissance préalable du personnage. Il regroupe les douze épisodes de la minisérie, initialement parus en 2020/2021 pour la VO, écrits par Warren Ellis, dessinés et encrés par Bryan Hitch, avec une mise en couleurs réalisée par Alex Sinclair, et le lettrage par Richard Starkings. Kevin Nowlan a encré les épisodes 1 et 3, et une partie de l'épisode 5. Les couvertures originales ont été réalisées par Hitch, les couvertures variantes par Jeehyung Lee, Frank Quitely, Rafael Grampá, Stephen Platt, Art Adams, Ashley Wood, Kevin Nowlan. Une fois par semaine, Alfred Pennyworth sort du manoir et se dirige vers la tombe de ses anciens employeurs Martha & Thomas Wayne pour l’entretenir, qu’il vente ou qu’il neige. Ils avaient préparé leur sépulture, et ils souhaitaient que lorsque son heure serait venue, leur fils puisse reposer auprès d’eux. Alfred a toujours su qu’avant qu’il ne s’en aille, il verrait la cavité sous la troisième pierre tombale, accueillir un corps, celui de Bruce Wayne dont le nom est gravé sur la stèle. Ce soir-là, comme tous les soirs, Batman est au sommet d’un gratte-ciel, en train de contempler la ville illuminée qui s’étend à ses pieds, avec la tour Wayne à plusieurs quartiers de là. Ce soir-là, John Nguyen et son compagnon Kevin sortent d’une séance de cinéma, avec leur bébé dans une poche ventrale. Ils prennent par une ruelle déserte et peu éclairée, et ils sont agressés par un groupe de jeunes hommes, le crâne rasé, avec un tatouage au sommet, et ils les menacent de leur pistolet. L’un d’eux appelle John par son nom, énonçant sa profession d’inspecteur de police, et lui disant qu’ils sont le Mépris, qu’ils méprisent leur contrôle. Batman intervient, désarmant les agresseurs et les neutralisant avec force et brutalité. Ils appellent le couple par le nom de famille de l’inspecteur, et leur suggère d’appeler une ambulance, puis il s’en va. Batman circule dans les rues de Gotham à bord de la Batmobile. Alfred ironise dans l’oreillette : ruelles et cinémas, quasiment une carte de visite professionnelle. Puis il informe Bruce d’un appel au numéro de secours 911, le demandeur appelant depuis quatre heures sans réponse : une mort inexpliquée. Batman se rend à l’appartement et monte les étages en demandant aux locataires qui l’a appelé. Finalement sur un palier, une femme avec un enfant dans les bras et un afro-américain âgé lui répondent : Vince dans l’appartement 4C, personne ne l’a vu depuis trois jours et il y a une drôle d’odeur qui passe par sa porte. Il écoute le peu d’informations qu’ils peuvent lui donner et se rend à l’appartement, Alfred lui fournissant le nom complet : Vince William Stannik. Il entre dans l‘appartement : un cadavre déjà en cours de décomposition sur le lit, et des coupures de presse sur Batman affichées au mur, environ cinq ans d’articles. Toute la scène du crime a été soigneusement nettoyée : aucune empreinte. Il appelle les services du commissaire Gordon pour signaler le cadavre. Il retourne au manoir où il trouve Alfred affalé dans un canapé, déjà un peu éméché en descendant une bouteille d’un grand cru de vin blanc, et en écoutant la musique de Peter Warlock (Philip Arnold Heseltine, 1894-1930) L’annonce de ce projet a fait saliver car il s’agit du même duo de créateurs qui a réalisé The Authority (12 épisodes, 1999/2000), une série qui a fait date dans l’histoire des comics de superhéros. A priori, le lecteur fait confiance au scénariste pour avoir conçu une histoire à l’échelle des douze épisodes, anticipant donc le fait que tout ne lui sera pas donné dès le premier épisode qui ne sera peut-être pas satisfaisant pour lui-même. Il s’attend également à ce que le scénariste fasse porter une proportion significative de la narration sur le dessinateur, dans des pages muettes, comme il en a l’habitude. C’est bien le cas : 5 pages muettes dans le numéro 1, 6 dans le 2, 9 dans le 3, 6 dans le 4, 5 dans le 5, 2 dans le 6, 7 dans le 7, 6 dans le 8, 6 dans le 9, 9 dans le 10, 3 dans le 11, 9 dans le 12. Ce n’est pas tant que le scénariste a changé sa manière d’écrire pour le dessinateur, c’est plutôt qu’il a conservé sa manière de faire en laissant le dessin raconter l’histoire, et qu’il a conçu ces scènes en fonction des points forts de cet artiste, ou en fonction des demandes de celui-ci. Ici, il ne s’agit pas d’une équipe de superhéros ayant vocation à intervenir contre des menaces à l’échelle de la planète : Batman reste à Gotham, avec un passage à l’asile d’Arkham, pour lutter contre des individus fêlés, une milice qui souhaite être la police à la place de la police, et un mystérieux très bien préparé. Le lecteur plonge dans une aventure de Batman, sans beaucoup d’éléments en provenance de sa mythologie, juste ses parents, Alfred Pennyworth, le manoir, la grotte avec ses ordinateurs, ses batmobiles, et quelques armes technologiques). James Gordon ne joue qu’un rôle mineur, pas d’ennemis costumés récurrents. Dans le même temps, ce Batman utilise l’informatique et des drones, sans que le scénariste n’en abuse non plus. Il est globalement toléré par la police, et il ne porte pas de slip par-dessus son costume. Il n’est pas question de la vie privée de Bruce Wayne, si ce n’est une ou deux remarques moqueuses en passant. Tout commence avec l’agression d’un policier en civil d’une part, et avec ce meurtre mystérieux d’autre part. Batman doit à la fois intervenir dans des combats physiques, et également enquêter et faire des déductions. Le scénariste n’essaye pas de faire croire au lecteur qu’il peut anticiper les déductions de Batman, car il ne lui donne pas les indices nécessaires pour ce faire. Le plaisir de lecture provient de voir le héros à l’œuvre, que ce soit pour l’enquête, ou pour les interventions physiques. Le lecteur un peu habitué des comics et du format d’histoires complètes en une dizaine d’épisodes ou moins, sait qu’il comporte deux écueils : le premier est celui d’une construction tout en mystère dans les trois-quarts des épisodes, et une résolution artificielle à la fin, ce qui amène le lecteur à s’impliquer de plus en plus, et à trouver la fin pas à la hauteur du suspense et des promesses qu’il contient. Le second réside dans le risque que le dessinateur s’investisse à fond dans les premiers épisodes, puis qu’il soit rattrapé par les délais et qu’il ne dispose plus d’assez de temps pour faire aussi bien dans la seconde moitié du récit. Il feuillète donc rapidement ce tome et il constate que les pages des derniers numéros sont aussi soignées que celles des premiers. Il en a la confirmation à la lecture : Bryan Hitch ne donne à aucun moment l’impression d’avoir dû accélérer la cadence pour boucler ses épisodes. La participation de Kevin Nowlan à l’encrage pour deux épisodes et une partie d’un troisième ne gâche pas la lecture : il soigne un peu plus les contours des personnages et des aplats de noir, mais il faut scruter les cases pour en prendre conscience. Dès la séquence d’ouverture, le lecteur constate que le coloriste a choisi une approche de type naturaliste, avec des couleurs un peu ternies, à l’opposé de couleurs très vives comme dans les comics de superhéros habituels. Il remarque également qu’Alex Sinclair joue discrètement sur l’ambiance lumineuse pour installer une nuance prédominante, une identité de couleur en fonction du lieu, du moment de la journée, et donc de l’éclairage. Il augmente le degré de lisibilité des cases en faisant bien ressortir chaque élément détouré par rapport à ceux qui l’entourent, et il joue un peu sur les nuances d’une même teinte pour augmenter l’impression de relief d’une surface. Il utilise les effets spéciaux avec parcimonie, pour les scènes d’action, les explosions, le halo lumineux des gratte-ciels. Le dessinateur s’attache à donner de la consistance à chaque élément en le représentant de manière détaillée, quelle que soit sa nature. Ça commence avec la magnifique façade du manoir à laquelle il ne manque ni une fenêtre, ni une colonne, ni un panneau vitré. Ça continue avec le dessin en double page de Batman contemplant les immeubles sous lui, avec de nombreux bâtiments, tous représentés, et pas seulement en silhouette. Puis avec les personnes composant la foule. Etc. Le lecteur peut se projeter dans chaque lieu : la pièce principale où se trouve le cadavre avec les dizaines de coupures de presse au mur, la Batcave avec ses structures métalliques, son avion, son bateau, le salon avec le canapé, les bibliothèques, la grande cheminée, le tapis au sol, la table basse, le lustre, les chandeliers, etc. Cette minutie dans la représentation des décors leur confère une réalité solide. L’artiste est tout aussi investi dans les scènes d’action et ça commence avec le grand classique de Batman intervenant pour dérouiller des voyous de rue et empêcher une agression. Premier combat : rapide, en trois pages, brutal, un bras cassé, une rotule cassée, un coup de pied dans le visage avec des dents qui volent, pas de gros plan gore sur les blessures. Deuxième combat : onze pages, tout aussi brutal, dans l’espace confiné d’un appartement. Troisième combat tout en silence en six pages dans le grand salon du manoir Wayne : les coups font tout aussi mal. L’artiste adopte également une approche descriptive détaillée. Il conçoit le déroulement du combat en prenant en compte la géométrie du lieu, sa volumétrie, les obstacles : les ennemis ne donnent jamais l’impression de s’affronter sur une scène de théâtre vide et interchangeable. Il prend également soin de concevoir un plan de prise de vue qui donne à voir la succession de mouvements et de déplacements de Batman et de ses adversaires, sans aller jusqu’à la chorégraphie. Ce parti pris fait toute la différence entre un quota de pages d’actions obligatoires, et des batailles qui font partie intégrante du récit, qui se passent en un lieu précis, dont le déroulement dépend de l’environnement et des individus qui se font face, de leurs armes éventuellement. Le récit conserve son suspense grâce à cette narration premier degré très impliquée, et aussi grâce à la construction de l’intrigue où les mystères du début sont éclaircis progressivement, en même temps que l’implication personnelle de Batman augmente, évitant ainsi l’effet trop mécanique de mystères accrocheurs menant à une résolution en forme d’exposé révélateur. Alléché par le professionnalisme des créateurs, le lecteur plonge dans une histoire de Batman autocontenue, donnant la sensation d’aller à l’essentiel. Ni le scénariste, ni le dessinateur ne révolutionne le personnage, ou ne cherche à en donner une version novatrice. Batman est fidèle à aux grandes caractéristiques des années 2000/2010 : taiseux, professionnel, disposant de moyens financiers et technologiques presque sans limites. Il enquête pour comprendre les agissements d’un nouvel ennemi et le neutraliser, avec une narration visuelle de type réaliste et détaillée, consistante de bout en bout, sans baisse de régime vers la fin. L’intrigue est bien dosée : l’implication personnelle de Batman allant croissante, alors que les mystères sont progressivement révélés, ce qui assure un suspense tout du long. Du bel ouvrage.
La plus belle couleur du monde
Énorme coup de cœur pour La plus belle couleur du monde de Golo Zhao. Dès les premières pages, j’ai été happé par l’atmosphère délicate et intimiste de ce manhua, qui nous plonge dans le quotidien d’un jeune collégien chinois des années 90. Nous suivons Rucheng, un adolescent passionné de dessin qui rêve d’intégrer les Beaux-Arts. Talentueux mais en quête de cette étincelle qui le fera progresser, il partage ses journées entre ses amis, ses cours de dessin du week-end et son amour naissant pour Yun, une camarade aussi douée que mystérieuse. Mais Yun est également proche de Wen Jun, le beau gosse issu d’une famille aisée, ce qui attise la jalousie et les rivalités. À cela s’ajoutent les préoccupations typiques de l’adolescence : les jeux de cartes à collectionner, les petites mesquineries, les rumeurs et même une affaire de racket qui, d’abord anodine, prend une tournure plus sérieuse… Ce qui frappe avant tout, c’est la justesse du récit. Ici, pas d’esbroufe ni de rebondissements spectaculaires, mais une tranche de vie où chaque émotion sonne vrai. Les doutes, les questionnements, les élans de tendresse et les maladresses de l’adolescence sont retranscrits avec une finesse remarquable. L’écriture est douce, presque contemplative, et nous laisse savourer chaque instant aux côtés des personnages qui gagnent en profondeur au fil des pages. Graphiquement, La plus belle couleur du monde est une merveille. Les illustrations à l’aquarelle sont sublimes, jouant avec les nuances et la lumière pour magnifier les ambiances et les émotions. Entre les chapitres, de superbes illustrations pleine page viennent renforcer cette impression de poésie visuelle. Chaque couleur semble avoir une signification, donnant à l’ensemble une touche encore plus immersive. Avec ses 584 pages, cet album est une lecture à savourer chez soi, en prenant le temps d’apprécier chaque détail. Un récit ample et maîtrisé qui capture avec brio les tourments et les émerveillements de l’adolescence. Que vous soyez adolescent ou adulte, cette œuvre vous touchera en plein cœur.
Les Chemins de la Gloire
Une très belle série sur la France des années 30 au travers de l’itinéraire d’un ancien soldat devenu Boxeur qui est introduit dans le Paris mondain. Promis à une belle carrière de boxeur il est rattrapé par son passé. Obligé de quitter la France et de changer d’identité, il s’engage dans la légion étrangère et se retrouve en Afrique. Cette série devait connaître une suite car un 5e album était annoncé et peut être d’autres ensuite. Il ne verra jamais le jour pour une raison que j’ignore. C’est bien dommage car le dessin de Hulet est remarquable, et la mise en couleur rappelle celle de Fraymond avec Hermann sur mes tours de Bois Maury. Certains seront peut être gênés par les dialogues. Très fournis de Bucqoy mais ce ne fut pas mon cas. Parue dans la collection VÉCU des éditions Glenat cette série mérite qu’on s’y attarde. Sûrement la meilleure pour ce dessinateur Belge un peu tombé dans l’oubli à mon grand regret
Slava
Et je rejoins tous les camarades qui m'ont précédé. En effet, superbement dessiné. On reste dans le style des précédents albums. C'est vif, coloré, beau. Les personnages sont à peine crédibles, juste assez pour nous maintenir dans le rythme de l'histoire. Cette mise en image du far "est" de la Russie des années 1990 est juste une dinguerie à découvrir.
La Parenthèse
Encore une histoire touchante où cette fois la narratrice se fait diagnostiquer épileptique, puis entame avec ses parents un long parcours de lutte contre cette maladie. Outre la force de ce récit, j'ai aussi particulièrement apprécié les mises en image, en page du mal, des journées répétitives, des dessins du moment... Tout autant un beau récit de lutte qu'un beau geste artistique.
La Route
J'avais pour ma part beaucoup aimé Blast et j'ai vraiment apprécié " La route ". En principe, je fuis les adaptations, en principe, je fuis les bds trop sombres voire celles qui comportent peu de textes, mais il y a ces bds et celles de Larcenet. Et Larcenet, vos principes, il s'en fout, il est juste immense. Lors de ma lecture (alors que j'y allais à reculons en pensant que l'adaptation serait forcément manquée donc), j'ai vraiment été happé par l'ambiance. J'ai même trouvé certains moments touchants alors que je connaissais déjà l'histoire (Larcenet n'est pas dans la surenchère, le ton est juste), ce que contiennent les regards peut parfois nous étreindre et je trouve qu'il a justement réussi à retranscrire l'âpreté du récit. Le dessin est vraiment impressionnant : chaque case (le tableau le plus noir, l'apparition d'un cadavre, un pendentif d'os humains, un panache de fumée et de cendres...) devient une gravure qui évoque notamment Dürer ou O. Dix. Larcenet peint l'horreur et c'est beau. Je garde en tête également les cases du robinet en gros plan, du plat de pâtes, qui montrent le confort retrouvé de façon inespérée dans ce local souterrain par exemple et cette sensation finit même par irradier le lecteur. Pour moi, on ne pouvait retrouver l'ambiance du roman (que j'avais bien aimé), ça me semblait impossible de retranscrire en même temps dans une BD, la progression difficile au milieu de la désolation, la combat quotidien pour la survie, la tendresse du père pour son fils, la faim qui tenaillle, le froid et le vent, de peindre ce sentiment étrange aussi face à cette mer qu'ils ont cherché obstinément à atteindre et qui s'étend devant eux, grise, indolente... Et on retrouve tout cela, Larcenet condense même tout cela parfois dans les yeux du père. Très bel album.
Marcie
Je ne connaissais pas Cati Baur, réalisant après ma lecture qu'elle était l'autrice de Pisse-Mémé, mais j'ai été immédiatement séduit par cette histoire menée de bout en bout comme un savon sur lequel on glisse en sortant de la douche. Paf ! T'arrive à la fin, et c'est déjà fini et c'était trop bien. Le trait de l'autrice évoque celui de Camille Jourdy, soit un petit trait frais et léger qui semble vous prendre dans le creux de la main, jouissant d'un colorisation sans esbroufe. C'est très agréable à lire et ne souffre d'aucune critique, tout comme les dialogues qui articulent très bien la narration. Les personnages respirent la vie vraie et on s'attache à eux d'emblée. En outre, c'est très drôle et l'humour n'est jamais forcé. Marcie est une cinquantenaire en pleine crise de préménopause qui cherche un second souffle professionnel. Poussée par sa fille, elle devient détective privée. Dans un premier temps, elle résout des affaires de chiens volés avant de se voir confier une sombre histoire de suicide, potentiellement maquillé. Le scénario est très bien ficelé. Marcie enquête sur cette fille "tombée" d'une fenêtre, et en s'investissant dans cette affaire, elle va peu à peu avancer vers la résolution de sa crise existentielle : en effet, sans rien dévoiler, on peut se contenter de dire qu'il y a en effet des situations renversées dans cette BD, des effets de miroir. Oui, ce récit simple regorge de petites subtilités qui lui donnent toute sa saveur. Une lecture très agréable, à la fois légère et palpitante, crédible et hors du commun, avec des personnages aussi vrais que nature. Bonne surprise !
Les Montagnes hallucinées (Tanabe)
J’aime beaucoup les nouvelles de Lovecraft, malgré le style ampoulé et vieillot, mais je n’ai jamais été attiré par leurs adaptations graphiques, préférant laisser court à mon imagination. La magnifique expo Tanabe à Angoulême 2025 m’a pourtant convaincu de franchir le pas. « Les Montagnes hallucinées » n’est pas ma nouvelle préférée - je la trouve un peu longue (il s’agit d’ailleurs plutôt d’un roman court), mais c’est celle qui m’intriguait le plus au niveau adaptation graphique, car les délires hallucinatoires et la ville à la « géométrie impossible » du roman présentaient un sacré challenge… et je dois avouer que je ressors bluffé de ma lecture. Les planches sont vraiment magnifiques, et Tanabe a selon moi parfaitement retranscrit l’ambiance horrifique et la froideur mortelle du récit original. L’adaptation de l’histoire est fidèle, je l’ai à nouveau trouvée un peu longuette, mais il faut avouer qu’elle reste prenante malgré son âge. Une expérience positive, que je retenterai sans doute avec l’adaptation de mes nouvelles préférées (La Couleur tombée du ciel et L'Abomination de Dunwich).
Le Serpent et le Coyote
Une fois de plus, je partage l'avis de Noirdésir ! ;-) J'ai passé un très bon moment avec ce western moderne. Certes, il y a quelques redondances avec les échanges entre le protagoniste et son petit compagnon, mais ça passe bien, ça vient ponctuer comme une morale chaque péripétie (ça reste du Matz quand même, il faut bien qu'il fasse quelques grandes phrases) et l'animal a une bonne bouille... L'histoire est intéressante et instructive (avec cet historique de la protection des témoins), la tension est palpable et l'action, si on met de côté les flash-back, est finalement ramassée (quelques jours qui se concentrent autour du procès). J'ai apprécié le découpage cinématographique, les clins d'oeil réjouissants au fil des pages, l'ambiance réussie des années 60-70 avec des marqueurs de l'époque habilement parsemés ici ou là, des personnages consistants et un dessin que personnellement j'ai beaucoup aimé (les paysages notamment sont superbes, la compagne de Giu' aussi) c'était chouette ! Certains ont évoqué une histoire qui s'étirait un peu, mais pour ma part, j'aurais pu suivre encore le parcours du camping-car de Giu' dans ces grands espaces lumineux et arides, même si là encore, je trouve la conclusion très satisfaisante.