Pas mal, ce recueil de courts récits intimes, dans lesquels amour et sexualité sont indissociables.
L’autrice, Kan Takahama, a travaillé avec Frédéric Boilet, et je trouve que cela se remarque tant dans le trait que dans le ton doux amer employé. Graphiquement, c’est beau à voir et facile à lire malgré la noirceur de nombreuses planches. Les scènes de sexe sont nombreuses et assez explicites même si elles n’ont pas pour raison d’être l’excitation du lecteur. Ces scènes s’inscrivent en effet avec naturel dans des récits qui nous parlent avant tout d’amour, mais d’amours souvent fragiles car soit adultérins, soit en fin de cycle. Le trait est riche, avec de belles nuances de gris. Les décors ne sont pas essentiels mais ils sont bien présents et mis en avant-plan lorsque le besoin s’en fait sentir.
Les histoires sont assez inégales mais dans l’ensemble c’est plutôt bon. J’ai aimé le fait que l’autrice nous propose de partager un moment intime d’un couple. Nous découvrons progressivement leur passé et les abandonnons en cours de route, les laissant poursuivre leurs chemins. Cela donne le sentiment d’assister à des instants volés, qui cadrent bien avec les récits eux-mêmes.
Pas mal du tout, en somme. Très doux, amer comme il se doit, agréablement dessiné, et m'offrant de découvrir à nouveau un peu de la culture japonaise (dans laquelle l'hypersexualisation des jeunes filles est quand même très marquée).
Voilà une charmante petite histoire pour les petits de 5/7 ans. Noémie Favart nous propose un récit en trois épisodes qui met à l'honneur les valeurs de l'amitié et de l'entraide.
Le récit est simple et abordable pour l'univers des enfants. Les textes et dialogues sont d'un bon niveau avec des jeux sur le mot pois. Le dessin est précis et fourmille(!) de détails.
J'ai une petite réserve pour la mise en couleur que j'aurais aimé plus chatoyante.
Un bon petit ouvrage pour les jeunes enfants autour du CP avec un assez bon niveau de lecture.
S’inspirant du séjour d’Albert Einstein au Coq durant l’année 1933, Rudy Miel et Baudouin Deville nous proposent une fiction historique de type « espionnage ».
A titre personnel, j’éprouve toujours quelques réticences face à ce genre de récit qui mélange éléments historiques et éléments romancés. Toutefois, dans le cas présent l’aspect fictif est tellement appuyé qu’il n’est pas trop difficile de distinguer la réalité (le cadre, les personnages, l’ambiance générale) de la fiction (une histoire assez abracadabrante de tableau). Et le point fort se situe clairement à mes yeux dans la reconstitution historique. J’ai bien aimé cet aspect, découvrir le Coqs-sur-Mer dans l’entre-deux-guerres, et notamment la Villa Savoyarde dans laquelle Albert Einstein a véritablement séjourné. Me retrouver plongé dans cette ambiance où la désinvolture du physicien stresse des autorités belges craignant les manigances des nazis a été un vrai plaisir. L’intervention d’autres personnages illustres (James Ensor en tête) constitue un petit plus et demeure bien en accord avec une plausibilité historique. De ce point de vue, je trouve l’album réussi.
Par contre, l’aspect fictionnel m’a moins convaincu. Cette histoire de faux tableau sonne très old school. Ca pourrait plaire à plus d’un lecteur amateur de récits à l’ancienne mais pour ma part, je suis véritablement resté sur ma faim, trouvant le procédé trop peu crédible et les relations entre les personnages quelques peu forcées.
Au niveau du dessin, Baudouin Deville opte pour son style habituel, une ligne claire élégante et agréable à lire. Les décors sont soignés et faciles à reconnaître (tout comme les personnages), la mise en page est confortable et le découpage permet de garder un agréable rythme narratif.
Pas mal, quoi, mais j’en attendais quand même un peu plus.
A noter, le faux tableau de James Ensor au centre de ce récit a été signé par Olivier Grenson et, franchement, c’est assez réussi.
Ado, une lecture qui ne m’emballait pas outre mesure. Une œuvre mineure de son auteur, c’est d’ailleurs par elle que je l’ai découvert.
En grandissant et connaissant dorénavant bien mieux Andreas, cet album possède bien des charmes. Comme le souligne Ro, c’est un moment un peu charnière dans la carrière d’Andreas, le début de la maturité graphique (se détachant des 2 premiers Rork et de l’école Eddy Paape) et scénaristique, nous sommes avant ses grandes sagas. A travers ce petit one shot, Andreas peaufine son style et montre son amour pour la Bretagne et ses légendes.
Du coup, une chouette petite curiosité pour les amateurs de l’auteur ou d’ambiances bretonnes. Pas indispensable mais un récit avec son lot de mystères et d’interprétations agrémenté de belles mises en page dont Andreas a le secret.
C'est une histoire très vite lue évidemment étant donné le format. Mais je l’ai trouvée sympa.
Un pigeon expérimenté donne moult conseils à un jeunot qui commence dans le transport de messages, lui donnant quelques astuces, le rabrouant pour ses erreurs et imprécisions, bref, le chaperonnant, sur un ton mi-protecteur, mi-hautain.
Je me doutais un peu de la chute, mais elle conclut parfaitement et débilement cette leçon, en contrebalançant la lenteur et le sérieux du vieux prof.
Même si sur la fin les auteurs nuances un peu leur propos, en montrant quelques aspects positifs, dynamiques de la ville, on ressort quand même de cette lecture avec l’impression que rien ne pourra totalement faire sortir Marseille de l’emprise de certaines cliques plus ou moins mafieuses (criminelles, politiques, les deux étant intimement liées).
On a parfois l’impression de lire le Canard enchainé ou le Monde diplomatique sur un ton badin. Car c’est un jeune loubard des cités nord qui, venu demander conseil à un oncle, délinquant vieille école, qui se voit donner quelques leçons de « manegement criminel », en même temps que nous visitons la ville – géographiquement et historiquement.
S’il peut paraitre gênant de « normaliser » quelque peu l’action délétère du crime organisé, et si le dessin ne m’a pas spécialement plu, j’ai trouvé quand même cet album intéressant. Quelques piqûres de rappel pas inutile (sur les actions de Deferre et plus récemment de Gaudin, dont l’image est sans doute moins écornée que celle de Tapie, alors qu’en matière d’hypocrisie et de cynisme, ils le valent bien !).
A lire à l’occasion.
Si le décor général (l’ultra racisme du Sud des États-Unis dans les années 1950) m’était connu, je n’avais pas entendu parler du crime atroce dont il est question ici, un gamin noir enlevé, horriblement mutilé par deux Blancs, qui s’en sont sorti acquitté par un jury blanc (en une heure chrono !). Ce crime a semble-t-il joué un rôle dans la mobilisation de certains, dont Rosa Parks, avant de tomber dans l’oubli. Un petit dossier en fin d’album complète très bien l’histoire.
La narration est peut-être un peu molle. Mais l’album est de toute façon intéressant, pour que ce genre de crime (il y en eut hélas de nombreux autres tout aussi impunis à cette époque et dans cette région) ne tombe pas dans l’oubli. A l’heure où certains révisionnismes, le racisme, reprennent du poil de la sale bête, cette histoire est là pour montrer où mène la bêtise et la haine de l’autre.
Le dessin et certains aspects de la narration peuvent intéresser un lectorat adolescent, même si les adultes accrocheront peut-être davantage.
Je ne suis pas fan du dessin, et la narration manque sans doute d’allant, de rythme. Mais je suis tout de même sorti satisfait de ma lecture, ayant appris à connaitre un pan de la résistance aux Nazis (qu’ils soient allemands ou français) en Bretagne.
Certes, on là un nouveau témoignage sur une résistante. Un énième diront les blasés. Mais ils ne s’annulent pas, et il n’est jamais trop tard pour rendre hommage à ceux qui ont su dire non, qui ont risqué leur vie pour que l’on garde des libertés – et en l’occurrence qui l’ont même perdu.
Roger Faligot a réalisé un beau travail de recherche pour accumuler les témoignages, parfois tenus, pour reconstituer le parcours d’Anne Corre, durant sa période active de résistante, mais aussi durant sa captivité, de camps en camps, jusqu’à ce qu’elle disparaisse, on ne sait vraiment où, probablement dans la fosse commune d’un camp nazi.
Une fille ordinaire au courage extraordinaire, une histoire sur laquelle il est toujours bon d’enlever la poussière, en espérant que nous ne soyons jamais obligés de faire les mêmes choix douloureux qu’elle.
Malgré les bémols évoqués plus haut (le dessin n'est vraiment pas top je trouve), c'est une lecture intéressante.
Oulah ! Ce n’est pas l’album le plus accessible de Masse. Qui n’est déjà pas l’auteur le plus mainstream !
On y trouve comme souvent un texte surabondant, développant des dialogues et théories parfois loufoques, souvent alambiquées. Je trouve qu’ici c’est peut-être davantage marqué qu’ailleurs, avec peut-être moins d’humour apparent.
Il s’agit visiblement pour Masse de développer une sorte de science poétique, ou une poétique de la science, avec des réflexions sur l’art.
Le dessin est moins facilement appréhendable que dans la plupart de ses productions, il fait plus « peinture », virant parfois à l’abstrait, avec des couleurs plus marquées un peu baveuses. Masse a travaillé en couleurs directes. Je préfère (affaire de goût) le rendu de ses autres albums lorsqu’ils sont colorisés.
Une œuvre toujours très riche, atypique, mais là j’ai eu plus de mal à accrocher.
Note réelle 2,5/5.
Adepte de récits muets, Nicolas Presl est définitivement un auteur à part, soutenu depuis des années par les Editions Atrabile. Il possède son propre univers, empreint de surréalisme, qui demande la participation active du lecteur.
Avec « La Jungle », il ne déroge pas à ses habitudes. Cette fois, ce féru des mythes antiques nous propose une histoire contemporaine, horriblement contemporaine devrait-on dire, puisqu’elle nous emmène sur les traces d’un réfugié cherchant à fuir son pays en proie à la guerre et au terrorisme qui pourrait être la Syrie. Sur le rafiot bondé censé l’amener vers une « terre promise », qui ne se révélera être qu’un camp grillagé, il tombe amoureux d’une femme qu’il sauvera de justesse des mains de ses violeurs. Une fois arrivés dans le camp, le couple se voit accordé les faveurs d’un gourou de passage qui les prend, on ne sait pas trop pourquoi d’ailleurs, sous son aile. S’ensuit une aventure rocambolesque où le sexe se mêle au sang, où les instants de félicité sont constamment menacés par la violence et la destruction.
En résumé, l’auteur nous livre une fable picaresque hors normes, une histoire dérangeante, extrêmement intrigante même si souvent on n’est pas sûr de comprendre tous les tenants et aboutissants. On est toutefois sûr d’une chose : le monde selon Nicolas Presl est bien une jungle où il n’y a rien de bon à attendre de l’être humain. De manière systématique, les rapports sociaux sont régis par la loi du plus fort, et religions et croyances n’arrangent rien à l’affaire.
Le dessin renforce le côté dérangeant de cette lecture, en particulier par ces personnages à l’aspect inquiétant, quasiment toujours de profil, qui semblent inspirés par Picasso. Chez Presl, si la beauté existe, elle ne se trouve que dans la nature, seule la laideur appartient à l’Homme (et plutôt du genre masculin), toujours enclin à la corruption, à la soif de contrôle et de domination, à l’esprit de meute et à la pulsion de mort. Et la Mort, toujours grimaçante et menaçante, est une figure marquante et récurrente dans ces pages, tandis que le paradis, s’il lui arrive d’être terrestre, menacé par cette dernière constamment en embuscade, ne demeure jamais qu’une brève illusion.
Si « La Jungle » est un OVNI éditorial, c’est bien de notre monde terrestre dont il est question. Certes, le livre ne nous apprend pas grand chose de la nature humaine, mais il vaut surtout pour ses qualités artistiques et son étrangeté.
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L'Eau amère
Pas mal, ce recueil de courts récits intimes, dans lesquels amour et sexualité sont indissociables. L’autrice, Kan Takahama, a travaillé avec Frédéric Boilet, et je trouve que cela se remarque tant dans le trait que dans le ton doux amer employé. Graphiquement, c’est beau à voir et facile à lire malgré la noirceur de nombreuses planches. Les scènes de sexe sont nombreuses et assez explicites même si elles n’ont pas pour raison d’être l’excitation du lecteur. Ces scènes s’inscrivent en effet avec naturel dans des récits qui nous parlent avant tout d’amour, mais d’amours souvent fragiles car soit adultérins, soit en fin de cycle. Le trait est riche, avec de belles nuances de gris. Les décors ne sont pas essentiels mais ils sont bien présents et mis en avant-plan lorsque le besoin s’en fait sentir. Les histoires sont assez inégales mais dans l’ensemble c’est plutôt bon. J’ai aimé le fait que l’autrice nous propose de partager un moment intime d’un couple. Nous découvrons progressivement leur passé et les abandonnons en cours de route, les laissant poursuivre leurs chemins. Cela donne le sentiment d’assister à des instants volés, qui cadrent bien avec les récits eux-mêmes. Pas mal du tout, en somme. Très doux, amer comme il se doit, agréablement dessiné, et m'offrant de découvrir à nouveau un peu de la culture japonaise (dans laquelle l'hypersexualisation des jeunes filles est quand même très marquée).
Marcel et Odilon
Voilà une charmante petite histoire pour les petits de 5/7 ans. Noémie Favart nous propose un récit en trois épisodes qui met à l'honneur les valeurs de l'amitié et de l'entraide. Le récit est simple et abordable pour l'univers des enfants. Les textes et dialogues sont d'un bon niveau avec des jeux sur le mot pois. Le dessin est précis et fourmille(!) de détails. J'ai une petite réserve pour la mise en couleur que j'aurais aimé plus chatoyante. Un bon petit ouvrage pour les jeunes enfants autour du CP avec un assez bon niveau de lecture.
Coq-sur-Mer 1933
S’inspirant du séjour d’Albert Einstein au Coq durant l’année 1933, Rudy Miel et Baudouin Deville nous proposent une fiction historique de type « espionnage ». A titre personnel, j’éprouve toujours quelques réticences face à ce genre de récit qui mélange éléments historiques et éléments romancés. Toutefois, dans le cas présent l’aspect fictif est tellement appuyé qu’il n’est pas trop difficile de distinguer la réalité (le cadre, les personnages, l’ambiance générale) de la fiction (une histoire assez abracadabrante de tableau). Et le point fort se situe clairement à mes yeux dans la reconstitution historique. J’ai bien aimé cet aspect, découvrir le Coqs-sur-Mer dans l’entre-deux-guerres, et notamment la Villa Savoyarde dans laquelle Albert Einstein a véritablement séjourné. Me retrouver plongé dans cette ambiance où la désinvolture du physicien stresse des autorités belges craignant les manigances des nazis a été un vrai plaisir. L’intervention d’autres personnages illustres (James Ensor en tête) constitue un petit plus et demeure bien en accord avec une plausibilité historique. De ce point de vue, je trouve l’album réussi. Par contre, l’aspect fictionnel m’a moins convaincu. Cette histoire de faux tableau sonne très old school. Ca pourrait plaire à plus d’un lecteur amateur de récits à l’ancienne mais pour ma part, je suis véritablement resté sur ma faim, trouvant le procédé trop peu crédible et les relations entre les personnages quelques peu forcées. Au niveau du dessin, Baudouin Deville opte pour son style habituel, une ligne claire élégante et agréable à lire. Les décors sont soignés et faciles à reconnaître (tout comme les personnages), la mise en page est confortable et le découpage permet de garder un agréable rythme narratif. Pas mal, quoi, mais j’en attendais quand même un peu plus. A noter, le faux tableau de James Ensor au centre de ce récit a été signé par Olivier Grenson et, franchement, c’est assez réussi.
La Caverne du souvenir
Ado, une lecture qui ne m’emballait pas outre mesure. Une œuvre mineure de son auteur, c’est d’ailleurs par elle que je l’ai découvert. En grandissant et connaissant dorénavant bien mieux Andreas, cet album possède bien des charmes. Comme le souligne Ro, c’est un moment un peu charnière dans la carrière d’Andreas, le début de la maturité graphique (se détachant des 2 premiers Rork et de l’école Eddy Paape) et scénaristique, nous sommes avant ses grandes sagas. A travers ce petit one shot, Andreas peaufine son style et montre son amour pour la Bretagne et ses légendes. Du coup, une chouette petite curiosité pour les amateurs de l’auteur ou d’ambiances bretonnes. Pas indispensable mais un récit avec son lot de mystères et d’interprétations agrémenté de belles mises en page dont Andreas a le secret.
Rigueur et engagement
C'est une histoire très vite lue évidemment étant donné le format. Mais je l’ai trouvée sympa. Un pigeon expérimenté donne moult conseils à un jeunot qui commence dans le transport de messages, lui donnant quelques astuces, le rabrouant pour ses erreurs et imprécisions, bref, le chaperonnant, sur un ton mi-protecteur, mi-hautain. Je me doutais un peu de la chute, mais elle conclut parfaitement et débilement cette leçon, en contrebalançant la lenteur et le sérieux du vieux prof.
Marseille - Une ville sous influences
Même si sur la fin les auteurs nuances un peu leur propos, en montrant quelques aspects positifs, dynamiques de la ville, on ressort quand même de cette lecture avec l’impression que rien ne pourra totalement faire sortir Marseille de l’emprise de certaines cliques plus ou moins mafieuses (criminelles, politiques, les deux étant intimement liées). On a parfois l’impression de lire le Canard enchainé ou le Monde diplomatique sur un ton badin. Car c’est un jeune loubard des cités nord qui, venu demander conseil à un oncle, délinquant vieille école, qui se voit donner quelques leçons de « manegement criminel », en même temps que nous visitons la ville – géographiquement et historiquement. S’il peut paraitre gênant de « normaliser » quelque peu l’action délétère du crime organisé, et si le dessin ne m’a pas spécialement plu, j’ai trouvé quand même cet album intéressant. Quelques piqûres de rappel pas inutile (sur les actions de Deferre et plus récemment de Gaudin, dont l’image est sans doute moins écornée que celle de Tapie, alors qu’en matière d’hypocrisie et de cynisme, ils le valent bien !). A lire à l’occasion.
Emmett Till
Si le décor général (l’ultra racisme du Sud des États-Unis dans les années 1950) m’était connu, je n’avais pas entendu parler du crime atroce dont il est question ici, un gamin noir enlevé, horriblement mutilé par deux Blancs, qui s’en sont sorti acquitté par un jury blanc (en une heure chrono !). Ce crime a semble-t-il joué un rôle dans la mobilisation de certains, dont Rosa Parks, avant de tomber dans l’oubli. Un petit dossier en fin d’album complète très bien l’histoire. La narration est peut-être un peu molle. Mais l’album est de toute façon intéressant, pour que ce genre de crime (il y en eut hélas de nombreux autres tout aussi impunis à cette époque et dans cette région) ne tombe pas dans l’oubli. A l’heure où certains révisionnismes, le racisme, reprennent du poil de la sale bête, cette histoire est là pour montrer où mène la bêtise et la haine de l’autre. Le dessin et certains aspects de la narration peuvent intéresser un lectorat adolescent, même si les adultes accrocheront peut-être davantage.
La Fille au carnet pourpre
Je ne suis pas fan du dessin, et la narration manque sans doute d’allant, de rythme. Mais je suis tout de même sorti satisfait de ma lecture, ayant appris à connaitre un pan de la résistance aux Nazis (qu’ils soient allemands ou français) en Bretagne. Certes, on là un nouveau témoignage sur une résistante. Un énième diront les blasés. Mais ils ne s’annulent pas, et il n’est jamais trop tard pour rendre hommage à ceux qui ont su dire non, qui ont risqué leur vie pour que l’on garde des libertés – et en l’occurrence qui l’ont même perdu. Roger Faligot a réalisé un beau travail de recherche pour accumuler les témoignages, parfois tenus, pour reconstituer le parcours d’Anne Corre, durant sa période active de résistante, mais aussi durant sa captivité, de camps en camps, jusqu’à ce qu’elle disparaisse, on ne sait vraiment où, probablement dans la fosse commune d’un camp nazi. Une fille ordinaire au courage extraordinaire, une histoire sur laquelle il est toujours bon d’enlever la poussière, en espérant que nous ne soyons jamais obligés de faire les mêmes choix douloureux qu’elle. Malgré les bémols évoqués plus haut (le dessin n'est vraiment pas top je trouve), c'est une lecture intéressante.
(vue d'artiste)
Oulah ! Ce n’est pas l’album le plus accessible de Masse. Qui n’est déjà pas l’auteur le plus mainstream ! On y trouve comme souvent un texte surabondant, développant des dialogues et théories parfois loufoques, souvent alambiquées. Je trouve qu’ici c’est peut-être davantage marqué qu’ailleurs, avec peut-être moins d’humour apparent. Il s’agit visiblement pour Masse de développer une sorte de science poétique, ou une poétique de la science, avec des réflexions sur l’art. Le dessin est moins facilement appréhendable que dans la plupart de ses productions, il fait plus « peinture », virant parfois à l’abstrait, avec des couleurs plus marquées un peu baveuses. Masse a travaillé en couleurs directes. Je préfère (affaire de goût) le rendu de ses autres albums lorsqu’ils sont colorisés. Une œuvre toujours très riche, atypique, mais là j’ai eu plus de mal à accrocher. Note réelle 2,5/5.
La Jungle (Presl)
Adepte de récits muets, Nicolas Presl est définitivement un auteur à part, soutenu depuis des années par les Editions Atrabile. Il possède son propre univers, empreint de surréalisme, qui demande la participation active du lecteur. Avec « La Jungle », il ne déroge pas à ses habitudes. Cette fois, ce féru des mythes antiques nous propose une histoire contemporaine, horriblement contemporaine devrait-on dire, puisqu’elle nous emmène sur les traces d’un réfugié cherchant à fuir son pays en proie à la guerre et au terrorisme qui pourrait être la Syrie. Sur le rafiot bondé censé l’amener vers une « terre promise », qui ne se révélera être qu’un camp grillagé, il tombe amoureux d’une femme qu’il sauvera de justesse des mains de ses violeurs. Une fois arrivés dans le camp, le couple se voit accordé les faveurs d’un gourou de passage qui les prend, on ne sait pas trop pourquoi d’ailleurs, sous son aile. S’ensuit une aventure rocambolesque où le sexe se mêle au sang, où les instants de félicité sont constamment menacés par la violence et la destruction. En résumé, l’auteur nous livre une fable picaresque hors normes, une histoire dérangeante, extrêmement intrigante même si souvent on n’est pas sûr de comprendre tous les tenants et aboutissants. On est toutefois sûr d’une chose : le monde selon Nicolas Presl est bien une jungle où il n’y a rien de bon à attendre de l’être humain. De manière systématique, les rapports sociaux sont régis par la loi du plus fort, et religions et croyances n’arrangent rien à l’affaire. Le dessin renforce le côté dérangeant de cette lecture, en particulier par ces personnages à l’aspect inquiétant, quasiment toujours de profil, qui semblent inspirés par Picasso. Chez Presl, si la beauté existe, elle ne se trouve que dans la nature, seule la laideur appartient à l’Homme (et plutôt du genre masculin), toujours enclin à la corruption, à la soif de contrôle et de domination, à l’esprit de meute et à la pulsion de mort. Et la Mort, toujours grimaçante et menaçante, est une figure marquante et récurrente dans ces pages, tandis que le paradis, s’il lui arrive d’être terrestre, menacé par cette dernière constamment en embuscade, ne demeure jamais qu’une brève illusion. Si « La Jungle » est un OVNI éditorial, c’est bien de notre monde terrestre dont il est question. Certes, le livre ne nous apprend pas grand chose de la nature humaine, mais il vaut surtout pour ses qualités artistiques et son étrangeté.