Les derniers avis (7365 avis)

Couverture de la série Le Maître d'armes
Le Maître d'armes

Beaucoup d’analyses pertinentes et d’avis généreux ont été écrits sur cet album sur tout l’internet. Je ne sais trop quoi rajouter si ce n’est que Le Maître d’Armes est vraisemblablement ma série préférée de l’année en bande dessinée. Mélange subtil et bien orchestré de divertissement et de réflexion sociopolitique à une époque charnière pour les nations judéo-chrétiennes, décrite ici avec réalisme. Alors grosso modo, pourquoi il faut lire et acheter Le Maître d’Armes : - Parce que vous détenez là une histoire complète en 94 pages de papier glacé sans aucun risque de suite, on s’évite ainsi les attentes interminables entre les albums. - 94 pages d’un récit féroce, sanglant et réaliste. C’est simple, je n’avais jamais vu de duels à l’épée aussi bien chorégraphiés. Joël Parnotte n’a pas seulement un beau coup de crayon, lui et Xavier Dorison sont allés à la rencontre d’un expert en arts martiaux historiques européens, Lutz Horvath, qui a pu ainsi leur montrer toute une palette de techniques et les différentes manières de neutraliser ou tuer un homme. Armé ou désarmé, on se mettait méchamment sur la gueule avec tout ce qu’on avait sous la main. Une rencontre salutaire pas seulement parce qu’elle permet à Parnotte d’offrir un spectacle d’escrime hyper réaliste, on en apprend aussi davantage sur la philosophie de vie de ces anciens guerriers qui se battaient d’abord dans l’honneur et la foi qu’ils avaient en Dieu. Tandis que les tenants de la nouvelle doctrine représentés par Maleztraza utilisent la rapière car il s’agit d’une arme plus rapide, plus facile à manier, où on se focalise sur la touche, une arme « de salon » popularisée à des fins stratégiques militaires car destinée à produire un plus grand nombre de soldats. - Une histoire tout en allégorie construite sur l’opposition et la dualité. Les catholiques papistes conservateurs faces aux réformistes que l’on nommera plus tard « Huguenots », l’épée contre la rapière, les esprits anciens encore tournés vers le Moyen-âge contre les progressistes de la Renaissance. Mais aussi notre duo Hans Stalhoffer (inspiré de plus grand épéiste allemand du XVème siècle Hans Talhoffer) et Casper. Le premier est un vieux lettré de la haute, tragique, résigné, réaliste et qui ne comprend plus le monde dans lequel il vit, tandis que le second est un jeune ignorant mais optimiste et volontaire. D’abord opposés, ils vont ensuite s’influencer mutuellement, Hans contaminant Casper de ses idées noires avant que ce ne soit Casper qui finalement redonne à Hans espoir en un monde meilleur. - Et c’est un peu ça le message au final, plutôt que de vivre chacun de son côté comme des cons comme le souhaitent Thimoléon l’autre sbire qui traque Hans et ses compagnons, ou comme les spins doctors de la Sorbonne, cette histoire délivre un message humaniste sur le vivre ensemble. - Pour la critique sociale sur la lutte des classes via Hans Stalhoffer qui comprend très bien que cette traduction de la Bible relève d’enjeux bien plus importants que la simple conformité à la doctrine en place en France. En fond, il y a des intérêts de pouvoirs entre la noblesse et le clergé qui souhaitent conserver le peuple dans l’ignorance afin de mieux l’écraser sous l’impôt au nom de Dieu le veut, et de l’autre la bourgeoisie qui aimeraient inverser l’ordre des choses. - Une lecture qui vous prendra plusieurs heures tant les dessins de Joël Parnotte sont magnifiques et font montre d’une grande maîtrise technique, pas une seule case de foiré, pas une planche bâclée. On varie entre cadrages serrés « Sergioleonesques » sur les regards des duellistes avant l’affrontement, et les cadrages panoramiques de ce Haut Jura brumeux, hostile, inconnu et glacial. Dois-je préciser que cela ferait un film du tonnerre ?

23/10/2015 (modifier)
Par Pedrolito
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Dragon Ball
Dragon Ball

Monstre sacré du manga ! Pionnier du genre, une longévité incroyable, qualifiée de série vieillotte pour les uns, mais icone en définitive, Dragon Ball est au manga ce que Johnny Hallyday est à la chanson française ! S'il ne devait rester qu'une oeuvre pour définir ce qu'est un manga, ce serait sans doute la meilleure des réponses. Dragon Ball est ma madeleine de Proust personnelle : une seule (re-)plongée dans l'une des pages me fait recouvrer ma jeunesse et me donne envie de hurler 'Kaméhaméha' à m'en déboîter la mâchoire. J'y retourne d'ailleurs...

18/10/2015 (modifier)
Par Pedrolito
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Astérix
Astérix

Tout a déjà été dit sur cette série... à lire d'urgence si jamais ce n'est pas déjà fait ! (et si on l'a déjà lu, il faut le relire !) Le scénario est tout simplement génial, bourré de références historiques, de petites subtilités, on en redécouvre de nouvelles à chaque lecture. Les derniers albums sont nettement en dessous mais cela n'enlève rien à l’excellente qualité de la série. Culte ! MAJ Après lecture du dernier tome 'Astérix chez les Pictes' Le dernier opus avec de nouveaux auteurs (JY. Ferri / D. Conrad) s'inscrit dans la continuité du travail de Goscinny et Uderzo. Certes, ce n'est pas (et ne sera jamais) la même chose mais le challenge (de taille) est relevé sans (trop de) fausses notes. Je continue bien sûr de suivre la série.

01/06/2013 (MAJ le 18/10/2015) (modifier)
Couverture de la série Bride Stories
Bride Stories

On peut tenir la grâce pour une des plus grandes vertus sans être pour autant religieux. On peut considérer la contemplation comme un remède salutaire à notre époque toujours agitée sans être pour autant un moine zen. Et on peut aussi s'émerveiller d'un travail graphique qui tient souvent du tissage ou de l'orfèvrerie sans pour autant crier au maniérisme décoratif. Enfin, on peut saluer la subtilité psychologique qui anime les personnages, avec ses non-dits ou ses paroles qui cachent en filigrane des émotions et des sentiments qu'une proverbiale pudeur laisse souvent en pointillés car Bride Stories ne joue pas la carte des grands élans démonstratifs. Il ne faut parfois que la présence d'un faucon blessé et recueilli par la belle Hamir pour exprimer à la fois la jalousie qui ronge le coeur humain et l'acceptation de la fatalité face à ce qui ne peut être réparé. Voilà tout l'art narratif de Kaoru Mori. La délicatesse. La simplicité. La beauté. La patience. L'évasion. L'optimisme. Autant d'autres qualités qui émaillent cette somptueuse tapisserie et qui me donne toujours, en lisant un tome, une sensation de plénitude, d'apaisement et de dépaysement que je retrouve rarement dans le manga. Non pas que la saga ethno-familiale de Bride Stories soit épargnée par la violence, les complots, la sournoiserie, les guerres et la mort (et comme l'humain est une créature décidément pervertie et que le bonheur n'a pas d'histoire(s), on est bien obligé de reconnaître que les scènes de violence et de bataille, les drames et autres complications ajoutent du piquant à l'aventure). Toutefois, au-delà des petits (et plus grands) drames et des avanies diverses que connaissent les personnages, la série garde ce qui fait sa particularité : une manière unique d’accommoder le quotidien le plus banal avec un sens de la poésie qui fait que même la scène la plus triviale en apparence (le dépeçage d'un animal, la préparation d'un repas, une partie de chasse, une séance de tissage, les préparatifs d'un mariage) n'est jamais ennuyeuse à mes yeux. A la manière du personnage européen de l'ethnologue avec lequel le lecteur peut s'identifier, on suit la vie et les coutumes à la fois étranges et familières de ces peuples d'Asie Centrale qui semblent vivre sur une autre planète. Et comme le propos de l'auteure n'est pas de faire dans le documentaire (mais plutôt la fiction bien documentée), elle parvient toujours à élaborer des scènes drôles, cocasses ou émouvantes qui retiennent l'intérêt au-delà de la minutie apportée au décor et aux us et coutumes. Il faut beaucoup de talent et de finesse à un auteur pour parvenir ainsi à agripper le lecteur - possédant en tout cas un minimum de sensibilité - avec des petits riens plutôt que de grandes batailles et/ou des péripéties à gogo, de même qu'avec une narration sinuant de tomes en tomes plutôt qu'avec un fil conducteur linéaire comme les rails d'un chemin de fer. Pour autant, Kaoru Mori montre dans le tome 6 sa capacité aussi à mettre en scène une bataille des plus mouvementées, à grands renforts de galopades, canonnades, pluies de flèches et confrontations filiales. On aura compris, je pense, qu'il s'agit ici avant tout d'une oeuvre essentiellement contemplative et non d'un "blockbuster" sur papier qui cherche à imiter le cinéma américain. C'est important de le préciser pour ceux/celles qui trouveraient "chiant" au bout de 30 pages ces nombreuses scènes quotidiennes, faites de presque rien mais que l'auteure parvient toujours, selon moi, à sublimer. Une oeuvre (un chef-d'oeuvre) remarquable de beauté, d'intelligence, de sensibilité et de sérénité venue du pays des robots géants, des gadgets débiles et du burn-out. Bref, le Japon dans toutes ses contradictions.

17/10/2015 (modifier)
Couverture de la série Mother Sarah
Mother Sarah

Je vais sauter les présentations. Si vous ne connaissez pas encore Mother Sarah, référez-vous au synopsis et passons sans tarder à ce qui fait de cette série une lecture indispensable pour tout amateur de survivor en milieu hostile. Déjà je pense que c’est une erreur de considérer Mother Sarah comme n’importe quel autre récit se déroulant dans un monde post-apocalyptique ravagé par le feu nucléaire, car ce qui fait toute la force de cette histoire c’est la façon dont elle est racontée et qu’au-delà des aspects récurrents du genre auxquels Mother Sarah n’échappe pas, il y a un vrai propos intelligemment traité. On pourrait penser au début que l’histoire penche vers un Hokuto No Ken au féminin, avec un personnage qui va d'une cité à l'autre répandant la justice à coups de tatanes et de poings dans la tronche, mais en fait c’est tout à fait différent. Sarah n’est pas du tout intéressée pas les conflits opposant les belligérants Mother Earth et Époque et à aucun moment elle ne prend position pour un des deux camps ou pour quelque idéologie que ce soit. Elle, tout ce qui l’intéresse c’est retrouver ses enfants perdues. Les seuls moments où Sarah prend part à l’action c’est lorsque des ennemis se mettent en travers de sa route ou représentent un obstacle dans sa quête pour retrouver ses gosses. On a donc un personnage qui se fait une sorte de témoin des évènements en cours et c’est à travers ce point de vue neutre que le lecteur regarde cette humanité s’entretuer et régresser dans l’avilissement. Une humanité dont Katsuhiro Otomo dresse un portrait tragique et réaliste rompant avec les théories rousseauistes qui voient en l’homme un être fondamentalement bon. Ainsi, même après l’agression nucléaire qui aurait dû déboucher sur la démilitarisation des deux armées, ces dernières n’ayant plus de raisons idéologiques pour s’opposer, les guerres reprennent pourtant de plus belle. Ce que montre Mother Sarah c’est que la guerre entraîne la guerre comme un cauchemar qui se répète inlassablement, les soldats ne s’interrogeant guère sur les raisons de pourquoi ils la font, seulement que l’ennemi c’est celui qui pense différemment et qu’on est toujours persuadé d’appartenir au camp du bien alors que s’ils voyaient ce qu’il se passe en coulisse, ils comprendraient que le véritable ennemi est celui situé dans les hautes sphères du pouvoir et commande les troupes comme des marionnettes. Cette violence, cette colère et cette haine de l’autre est marquée au fer rouge dans le cœur des soldats, des familles des victimes « martyrs de la paix », qui la transmettront à leur descendants perpétuant ainsi ce cercle vicieux. Cette prédisposition à la violence se reflète particulièrement à l’encontre des femmes, notamment Sarah qui on peut le dire a eu une chienne de vie (croyez-moi quand je vous dis qu’elle en bave du premier au dernier tome). Ici les hommes maltraitent les femmes comme ils maltraitent la Terre. Sarah c’est un peu l’incarnation en chère et en os de Gaïa, la Terre mère. Pas pour rien si le titre s’appelle "Mother Sarah". Face à ces agressions répétées Sarah va rendre coup pour coup et rendre aux hommes (ou les humains au sens large) la monnaie de leur pièce. Mother Sarah c’est en faite une parabole invitant à la déférence et à montrer de la considération pour cette chose sur laquelle nous vivons et qui s'appelle la Terre. En retrouvant ses enfants, Sarah aspire à revenir à un état antérieur, la nostalgie d’un temps passé originaire. En incarnant allégoriquement cette Terre mère, Sarah fait la leçon aux hommes comme à des enfants qui se seraient égarés et qu’une mère corrigerait pour remettre sur le droit chemin. La conclusion du récit m’a plu car elle est complètement raccord avec ce qui s’est passé tout du long. Le comportement des hommes ne changent pas, les choses vont continuer comme avant, Sarah a beau se montrer empathique et une fervente humaniste, elle ne peut influer sur l'Histoire. Elle montre que tout ce que l’on peut faire pour rendre le monde meilleur est d’agir à sa petite échelle, de façon locale, se sont nos petites actions qui favoriseront l'émergence d'un monde plus paisible. Et que dire du dessin de Takumi Nagayasu ! Qu’il est techniquement irréprochable, soigné à la perfection. Que son style réaliste est terriblement attrayant même pour des européens réfractaires à la base aux mangas. D’ailleurs, la mise en scène et le découpage sont très déconcertants, dans le bon sens du terme. Chaque tome fait à peu près dans les 130 pages en moyenne et la qualité du dessin est telle qu’on a envie de s’attarder sur chaque case pour mater tous les petits détails (miam ! l’engin ultra rapide du mécano Maggy). Et pourtant cela se lit très vite, c’est dynamique, les cadrages ont un côté très cinématographique qui donne l’impression qu’on est en train de mater un film, un peu comme si chaque case correspondait à un plan. Nagayasu fait preuve de beaucoup d’imagination pour créer ces nouvelles sociétés fragiles en reconstructions, tout comme sur les superstructures et les stations orbitales. C’est un travail titanesque réalisé par un seul homme. Franchement Mother Sarah est juste culte. En plus c’est court pour un manga, 11 tomes seulement. Donc plus d’excuses pour ne pas sauter le pas.

16/10/2015 (modifier)
Par sloane
Note: 5/5
Couverture de la série Blast
Blast

Voyage dans un esprit malade et déglingué. Quoique l'on puisse penser d'un tel ouvrage, l'évidence même est que cela ne peut laisser indifférent. N'ayons pas peur des mots il s'agit d'une œuvre magistrale qui nous décortique la folie d'un homme qui après ingestion d'alcool et de drogues se trouve en proie à des visions, "le blast", qui le mettent dans un état quasi orgasmique. Cet état lui fera commettre des crimes abominables tout au long d'un parcours erratique a travers le campagne. Il serait intéressant de se pencher sur les raisons qui font que la majorité des avis décrivent une telle addiction à cette histoire et le sentiment diffus mais oh combien présent d'avoir ressenti, à tel ou tel passage du récit, une sorte d'empathie pour un personnage qui considéré froidement ne devrait pas susciter cette sorte de sentiment. Finalement, sans faire de la psychologie de bas étage, n'y aurait-il pas dans ce Polza Mancini un peu de nous même ? Ce n'est un secret pour personne que l'homme, animal civilisé, n'en reste pas moins un animal. Au delà de l'histoire, Larcenet nous donne à voir un homme qui s’exonère d'une vie toute tracée et insipide pour vivre ses pulsions les plus morbides et les plus noires. Passé de l'autre côté, Polza ne peut qu'aller de l'avant dans sa quête d'absolu libéré de toutes les contraintes morales, civilisées qui nous permettent, nous quidams lambda, d'avancer sans faire trop de vagues. Le travail de l'auteur est d'évidence fantastique, par petites touches, par d'imperceptibles détails du quotidien ou de l’environnement nous sommes face à une inexorable fuite en avant. Dès le premier tome où pourtant rien n'est révélé, le lecteur pressent une fin inéluctable et forcément dramatique. Comme dit dans un autre avis, tout ici est hors norme, de l’œuvre elle même aux personnages, le sujet comme son traitement. Et puis Larcenet ne juge pas, il expose froidement des faits, l'enchainement d'évènements qui conduisent à une fin prévisible mais sublime. Gageons que cette série qui ne peut laisser indifférent restera comme un grand moment dans l'histoire de la BD, celle ou un auteur aura su saisir et montrer comme jamais avant lui l'intérieur d'une psychose complexe et torturée. Évidemment à lire mais ce "voyage" en compagnie de Polza n'est pas innocent à faire.

11/10/2015 (modifier)
Par Ibère
Note: 5/5
Couverture de la série Sept cavaliers
Sept cavaliers

Il faut souvent du temps pour voir si une oeuvre est quelque chose de fugace, ou qui laisse une trace. Indiscutablement Sept Cavaliers, adapté d'un roman de Jean Raspail, fait partie des BD qui resteront, qui marqueront la période. Le ton très différent de ce qui est publié, les paysages, les personnages riches et complexes, font de cette série l'un des plus grands plaisirs de lecture de ces dernières années.

09/10/2015 (modifier)
Par Ibère
Note: 5/5
Couverture de la série Capitaine perdu
Capitaine perdu

Si l'on a apprécié Sept cavaliers, le dessin de Terpant, ses grands espaces et ses personnages travaillés, mais aussi son goût pour les aventures épiques, racontées avec ce ton particulier, des séries où l'on prend le temps d'installer un monde, "Capitaine perdu" est dans cette veine, avec en plus le plaisir de découvrir vraiment une part ignorée de l'histoire américaine et, surprise, ô combien plus plaisante que les massacres perpétués ensuite par la jeune Amérique .

09/10/2015 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Kililana Song
Kililana Song

Les mots me manquent pour décrire cette magnifique bande dessinée traversée par un puissant souffle mystique ! « Kililana Song » est une réussite sur tous les tableaux, tant pour le scénario que le dessin, et on se doute que raconter une histoire de manière fluide avec autant de personnages n’a pas dû être une mince affaire. Parmi ceux-ci, le plus important est peut-être bien cet arbre imposant, mausolée naturel d’un illustre héros du pays gardé par le vieux chamane et menacé par un projet industriel géant. Benjamin Flao semble avoir été littéralement porté par ce récit vibrant d’humanisme et de spiritualité, avec ses somptueuses aquarelles qui jaillissent par moments tels des bouquets chatoyants de lumière exprimant l’indicible. Mais Flao sait rester dans la retenue quand il s’agit d’exprimer le silence d’une mer calme, évitant ainsi à son histoire de tomber dans la grandiloquence par ce graphisme à l’équilibre très subtil, avec un trait alliant à la fois assurance et fragilité. De façon remarquable, l’auteur a su représenter les personnages dans des poses très naturelles et très vivantes, l’aspect inachevé du dessin passant ainsi au second plan. Quant à la narration, son intérêt réside dans la grande variété de protagonistes, ce qui autorise une passionnante diversité de points de vue. Le jeune Naïm joue un peu le rôle de fil rouge, à la fois attachant dans sa soif inextinguible de liberté et son insoumission vis-à-vis de son grand frère, qui s’est donné pour mission d’en faire un bon petit musulman. Celui-ci n’hésite pas à le pourchasser dans les rues pour l’obliger à suivre les cours à la madrass, alors que Naïm refuse de se laisser dresser « comme un petit animal parfaitement idiot »… Ce qui au passage confère à l’histoire une tonalité burlesque assez réjouissante. Et si la bêtise religieuse est pertinemment épinglée ici, le néo-colonialisme occidental n’est pas en reste. La communauté d’expatriés blancs venus pour le business, au mépris de la population locale, est dépeinte de manière peu reluisante, le plus emblématique étant le crétin blond jetsetter et junkie venu au Kenya pour la vie facile. En comparaison, le capitaine à la gouaille « vieille école » apparaîtrait presque sympathique, comme dans cette scène jubilatoire du bar où il fait parfaitement ressortir la lâcheté et la morgue de ses compatriotes, se targuant lui-même d’être un « authentique fils de pute, un animal dangereux, ex-para, ex-légionnaire, ex-mercenaire, ce que l’on fait de pire en la matière ! » Tous les représentants de la bêtise humaine en prennent pour leur grade dans ce diptyque, mélange d’aventure, de critique politique et d’onirisme rageur. En matière de BD, on mesure le chemin parcouru depuis « Tintin au Congo » où l’Afrique était décrite comme un continent peuplé de grands enfants que l’Homme blanc, « dans sa générosité toute désintéressée », s’était donné pour mission d’instruire et d’éduquer. Certes, le colonialisme est toujours là, avec un visage plus lisse et néanmoins plus sournois, mais l’angle descriptif s’est élargi, soucieux de tous les points de vue. Rejoignant les incontournables du neuvième art, « Kililana Song » est une merveilleuse chanson, un conte moderne qui devrait imprimer pour longtemps votre âme par son intelligence et sa beauté poétique.

04/10/2015 (modifier)
Par sloane
Note: 5/5
Couverture de la série Excalibur - Chroniques
Excalibur - Chroniques

Après l'acquisition du tome 4 "Patricius", et avant la sortie des deux derniers tomes je souhaite modifier totalement mon avis précédent et surtout hausser ma note pour passer à culte. La, ou plutôt devrait on dire, les, légendes Arthuriennes existent depuis qu'elles ont été compilées au XII ème siècle par Chrétien de Troyes qui s'est lui même inspiré des récits de moines collecteurs d'anciens récits. Ces légendes prennent racines au plus profond des âges, en des périodes où les cultes païens avaient encore toute leur place avant l'arrivé du christianisme. Pour la série qui nous occupe, il ne faut pas chercher à trouver les repères habituels auxquels nous a habitué une iconographie plus récente. Je pense en premier lieu au film de John Borman, "Excalibur", prouesse cinématographique esthétisante à l'extrême où tous les éléments brillent à outrance. On ne le dira jamais assez mais Jean Luc Istin, scénariste prolifique, à fait ici un travail proprement monumental. En effet plutôt que de nous offrir une bête adaptation de l'arrachage de l'épée, celle-ci est encore en son roc dans cet opus et n'est pas au centre des évènements. Elle n'est qu'une pierre angulaire, pas trop présente, mais autour de laquelle les passions peuvent donner libre cours à leur exacerbation. Ce que nous offre l'histoire c'est justement celle d'un monde qui s'achève, un monde brutal fait de violence où les jeux de pouvoirs s'affrontent. Qui plus est le monde décrit ici n'est en rien propret, hollywoodien, les personnages souffrent, saignent. S'il ne faut pas regretter ce temps, tout du moins accordons lui le bénéfice de noter que les hommes étaient alors plus en harmonie avec le monde qui les entourait et abordaient les choses de manière plus simple. Sans être une ode béate à une "écologie" primitive l'on se doit de reconnaitre que J.L. Istin nous montre des hommes et des femmes "bruts de décoffrage", ce qui ne veut pas dire que la psychologie est oubliée. Disons le aussi d'emblée, le bougre sait mener sa barque. L'intrigue est parfois complexe mais jamais le lecteur n'est perdu, il faut dire que les héros de cette grande saga sont pour le moins charismatiques. Viviane en son île d'Avalon, Cernunos le dieu cornu maitre des forêts, Morgane, Patricius, évêque de Rome sur l'île de Bretagne et Merlin bien sûr, figure emblématique de la légende. De batailles en complots, de châteaux en landes perdues, d'Avalon au lac; la légende, car bien dommage mais c'en est une, nous entraîne au cœur d'évènements qui ont forgé notre imaginaire collectif. Si j'ai parfois trouvé que dans d'autres séries J.L. Istin délayait un peu la sauce, je suis ici pleinement conquis par son talent de raconteur d'histoire. Une légende c'est bien me direz vous mais encore fallait-il un dessinateur à la hauteur pour rendre hommage à l'histoire. C'est Alain Brion qui s'y colle et avec quel talent, à l'origine illustrateur d'un grand nombre de couvertures de romans, nous avons pu apprécier son talent sur "Les insurgés d'Eladeth", ce récit très SF n'est à mon sens qu'une esquisse par rapport au travail proposé ici. J'ose dire que certaines de ses planches sont proprement fabuleuses. Les pleines ou double pages qui émaillent le récit sont fabuleuses. Réalisées à l'ordinateur, rien d'informatique "froid" pourtant tant le rendu est sublime. Juste entre nous, pour avoir vu ce mec à l’œuvre en dédicaces c'est juste une tuerie de le voir dessiner, c'est fluide propre, sublime vous dis je. Si vous n'avez pas encore sauté le pas, la sortie de ce tome 4 est l'occasion ou jamais de vous plonger dans une légende fascinante, même si sur le coup je suis passablement subjectif, fiez vous aux avis et notes précédentes. Immanquable pour tout bédéiste qui se respecte!!!

27/12/2013 (MAJ le 02/10/2015) (modifier)