Les derniers avis (174 avis)

Couverture de la série Arca ou la nouvelle Eden
Arca ou la nouvelle Eden

Le démarrage et lent, mais on prend le temps d’installer l’intrigue, le monde en « huis-clos » dans lequel nous allons baigner. Le dessin au trait gras est inégal et parfois brouillon, il manque de détails (remarque valable pour les personnages et les décors), mais là aussi je m’y suis fait. D’autant que le papier épais est agréable pour le lecteur. L’intrigue est classique dans les grandes lignes. Un régime dystopique et dictatorial va peu à peu être remis en cause par un grain de sable. Embarqués dans un vaisseau (dont le nom singe celui de l’Arche de la Bible) pour sauver des Terriens d’une catastrophe empêchant de vivre sur la planète bleue, les « survivants » sont divisés en catégories étanches et inégales : quelques dirigeants vénérés comme des sauveurs, quasi divinisés, qui vivent comme des nababs, tandis que les « jeunes » sont leurs serviteurs, jusqu’à leur majorité. Parmi ces « serviteurs » une jeune fille, Perséphone, va, juste avant d’être « émancipée », commencer à se poser des questions, et comprendre – et nous avec elle – ce qui se cache derrière la Vérité assénée à coup de slogans par les dirigeants. La SF bascule presque dans un thriller, et l’intrigue prend de l’ampleur, tout en étant de plus en plus dynamique. L’histoire est intéressante et agréable à suivre, même si la fin est un peu expédiée, tout étant résolu un peu facilement. Une lecture sympathique en tout cas. Note réelle 3,5/5.

04/05/2025 (modifier)
Par Etienne
Note: 4/5
Couverture de la série SangDragon
SangDragon

J’adore les BD fantasy des années 80, et pour le coup, j’ai passé un bon petit moment ici. Le scénario est certes léger mais je ne demande pas à un one-shot de 100 pages des rebondissements à foison. Par contre, en quelques pages, l’univers dessiné ici est plutôt beau et les "puants" m’ont fait sourire plus d’une fois avec leur vieux françois. Ce n’est pas du Thorgal ou de la Complainte des landes perdues, mais franchement, l’enfant de 10 ans en moi a adoré. Quand mon fils se mettra à lire, si les BD et la fantasy l’intéressent, je crois que ce sera l’un des premiers albums que je lui recommanderai, c’est une parfaite entrée en matière !

04/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Interlude
Interlude

Mouais. Une histoire pas désagréable à lire, et qui m’a en plus appris ce « détail » des pianos envoyés en masse pour soutenir le moral des troupes américaines sur le front durant la seconde guerre mondiale (un dossier en fin d’album précise très bien tout ça). Mais voilà, au-delà de cette anecdote, certes originale dans le traitement de cette guerre en BD, je n’ai pas trouvé grand-chose à même de me passionner dans cette histoire. Car elle est linéaire et relativement creuse. Il ne se passe pas grand-chose. Peu de dialogues, d’action, nous suivons quelques G.I. trimballant leur piano dans les Ardennes durant la contre-offensive allemande. Mais la guerre elle-même n’intervient finalement que très peu. Quant à la « chute », elle se laisse deviner bien en amont, au point que l’effet de surprise ne joue plus, et même que cela accentue le ressenti de vide et de dilution de l’ensemble. Quant au dessin, je l’ai trouvé très lisible, mais il manque de finesse et de détail. Ça passe, mais sans plus (affaire de goût peut-être). J’ai par contre bien plus accroché à la colorisation. Clairement pas une lecture marquante en tout cas. Note réelle 2,5/5.

04/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Ben Barka - La disparition
Ben Barka - La disparition

Retour sur l'une des affaires les plus mystérieuses des années 60. Une enquête passionnante, un véritable thriller et un devoir de mémoire indispensable. La disparition du marocain Mehdi Ben Barka a eu lieu le 29 octobre 1965 et cette affaire n'a jamais été clairement résolue : d'ailleurs, son fils Bachir espère toujours faire avancer l'enquête et il a même collaboré à l'écriture de cet album, tout comme Maurice Buttin, l'avocat de la famille, ou encore le juge Patrick Ramaël. Le journaliste David Servenay (né en 1970) est l'un des fondateurs de La Revue Dessinée, revue d'information en bande dessinée dont le premier numéro est paru en 2013 et qui nous a déjà donnée (entre autres exemples) l'adaptation des thèses économiques de Thomas Piketty avec le remarquable album Capital & Idéologie. Il est ici accompagné du dessinateur Jacques Raynal (ou Jake Raynal, né en 1968) : le duo avait déjà travaillé sur l'album "La septième arme". Avec cet album, Ben Barka : la disparition, ils tentent de donner un nouveau point de vue sur cette affaire que beaucoup voudraient avoir enterrée depuis longtemps. Nous ne sommes pas dans une bande dessinée classique mais plutôt à la limite du roman graphique. Les dessins de Raynal sont d'un beau noir et blanc, très contrasté, avec de grands aplats noirs, ce qui donne au récit un ton sérieux et journalistique. Un dessin tout au service de l'enquête. Et puis bien sûr il y a l'Affaire elle-même et l'enquête : le déroulement des faits et les hypothèses (soigneusement recoupées par les auteurs) sur la disparition de l'homme politique opposant au nouveau régime marocain : barbouzes de tous pays, diplomates et politiques, voyous et anciens collabos, flics et agents du Sdece, ... tous ont travaillé main dans la main avec le cabinet noir des services secrets marocains menés par le général Mohamed Oufkir, le boucher du Rif. L'ambitieux et populaire Ben Barka gênait beaucoup trop de monde dont les français qui voyaient arriver le virage de la décolonisation. On entrevoit même les ombres de la CIA et du Mossad planer sur cette histoire. Les auteurs prennent le temps nécessaire pour nous présenter les différents protagonistes, les enjeux politiques, diplomatiques et internationaux de cette affaire dans laquelle notre République s'est, une fois de plus, brillamment illustrée. Il y a même, en fin d'ouvrage, une série de fiches récapitulatives sur les protagonistes les plus importants. On peut s'interroger sur l'intérêt de ressortir encore aujourd'hui cette vieille histoire jamais élucidée ? Mais l'enterrer trop rapidement dans un recoin obscur avec le corps de Mehdi Ben Barka, reviendrait à oublier de nombreuses questions. Oublier que l'ombre de cette affaire plane encore sur les relations franco-marocaines. Oublier qu'aucun des présidents successifs de notre république n'a souhaité faire la lumière sur ces événements, de Giscard à Macron en passant par Chirac, Mitterrand ou Hollande. Oublier que la justice française reste bloquée depuis des dizaines d'années malgré l'obstination courageuse de quelques juges : il s'agit là du « dossier d'instruction qui est à ce jour la plus ancienne enquête criminelle en cours dans les annales de la justice française ». Oublier que pour tenter de faire avancer le dossier, le juge Patrick Ramaël a même perturbé la rencontre de Sarkozy avec Mohammed VI en 2007. Le président français était accompagné de Rachida Dati, alors ministre de la justice (elle est d'origine marocaine). Oublier les mots, cités dans l'album, des mots de 1966 publiés par Pierre Viansson-Ponté dans le journal Le Monde [clic] à propos de cette affaire : « [...] L'abus du renseignement, le goût du secret, le recours aux méthodes occultes, aux agents, aux réseaux, aux polices parallèles, sont [...] inhérents au compagnonnage gaulliste. Ils en sont aussi le vice majeur. » Enfin, il ne faut pas oublier non plus comment certains journaux (et non des moindres : L'Express, Minute, ...) ont été totalement manipulés pour livrer au public de fausses explications à la disparition de Ben Barka. Voilà donc bien un album utile et nécessaire à notre mémoire, un travail qui résonne comme un écho à celui d'Etienne Davodeau et Benoit Collombat dans l'album Cher pays de notre enfance.

03/05/2025 (modifier)
Couverture de la série No limits
No limits

Bon, Derib est un auteur qui a produit quelques séries vraiment sympas, mais essentiellement dans un univers western (pour jeunes ou pour adultes). Et, dès qu’il quitte ce cadre qu’il maîtrise à la perfection, j’ai vraiment du mal. Et c’est le cas avec cet album, que j’ai lu sans y trouver grand-chose à sauver. Si, le dessin, ce qui m’empêche d’être encore plus sévère dans mon appréciation. Dessin classique et agréable (même si la colorisation est un chouia trop criarde et datée parfois). Mais par contre, l’intrigue, et les dialogues, qu’est-ce qu’ils sont naïfs et cruche parfois. Tout est trop caricatural. J’ai eu l’impression de lire un truc du niveau du film « La boum » pour ce qui est de la psychologie des personnages. Et c’est moralisateur à souhait, édifiant, au point qu’on pourrait comparer ça avec une sorte de prêche contre les « mauvais comportements » de la jeunesse. Et, bien évidemment, tout est bien qui finit bien, de façon brutale et là aussi sans nuance. Franchement pas ma came ! Note réelle 1,5/5.

03/05/2025 (modifier)
Par Titanick
Note: 3/5
Couverture de la série Le Tengû Carré
Le Tengû Carré

J’ai plutôt bien aimé, moi, cette petite série japonisante. Délire de l’auteur ? Sans doute, mais j’ai trouvé ça plaisant à lire. Même si les caractères des personnages ne sont pas très développés, je les ai trouvés néanmoins sympathiques à suivre, surtout la Renarde, visiblement directement inspirée du panthéon nippon, que j’avoue connaître très mal. Elle m’a bien plu et même si elle est censée représenter la méchante, j’ai pris fait et cause pour elle. Il faut dire que ses ennemis sont fort peu engageants, c’est le moins que l’on puisse dire. De l’action, des rebondissements, des artifices divers et variés pour toujours s’en sortir, des démons grimaçants, et un beau dessin en noir et blanc, bien gras mais bien lisible. Il n’en fallait pas plus pour que je me fasse une petite lecture bien sympa et distrayante. Je n’irai pas jusqu’à l’acheter mais contente de l’avoir emprunté et d’avoir découvert le dessin de l’auteur.

03/05/2025 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5
Couverture de la série The Magic Fish
The Magic Fish

Tombé par hasard sur cet album, je me suis lancé dans sa lecture sans a priori, charmé par l'élégance du dessin. L'élégance visuelle est bien là, Trung Nguyen combinant les estampes japonaises avec un trait comics relativement classique, mais qui manque un peu de vie car les cases sont relativement vides. Il explicite son projet en postface de l'album : montrer les difficultés pour une famille d'immigrés de communiquer, mais surtout pour dire des choses simples, enfin en apparence. Mais là où la plupart des histoires à ce sujet nous montrent les difficultés en-dehors de la sphère familiale, Trung Nguyen (probablement inspiré par sa propre histoire ou celle de son entourage) a choisi de nous parler de ces difficultés à l'intérieur du cercle familial. En effet, si Hièn a gardé des liens forts avec sa famille et les traditions de son pays d'origine, le Vietnam, son fils lui est totalement intégré à la société américaine et parle à peine la langue de ses parents. la lecture de contes venus d'Asie est donc un moyen de garder le lien, de lui enseigner des choses de ce pays lointain. Si le dénouement de l'album permet de comprendre cet enjeu, j'avoue qu'il a fallu du temps pour y arriver. Seule la dernière histoire est claire à ce sujet, reflétant peut-être le cheminement de la pensée de la mère de Tièn. Je suis peut-être passé à côté de ma lecture, mais j'ai tout de même bien apprécié les parties relatives aux contes lus par l'adolescent, la grâce du trait de Nguyen reflétant bien la délicatesse des contes. C'est pour ça que j'ai mis l'album en "inclassable, car il s'agit en fait d'une suite de contes encapsulés dans un roman graphique relativement simple. J'espère que l'album a tout de même rencontré son public.

03/05/2025 (modifier)
Couverture de la série Zoulouland
Zoulouland

Ramaïoli a beaucoup publié de récits d’aventures historiques et guerrières. A chaque fois en se documentant et en cherchant à faire coller sa petite histoire avec la grande. C’est encore le cas avec cette série, qui nous plonge dans l’Afrique du Sud au moment de l’affrontement entre Anglais et Zoulous. J’ai lu le premier cycle de six albums. Si ma lecture a été plutôt plaisante, je pense m’arrêter là. En effet, ça commence un peu à s’étirer, et les batailles prennent quasiment toute la place, au détriment des personnages, et d’une intrigue plus développée. Après un premier tome introductif, mais au final déjà bien animé (la lourde défaite anglaise de l’Isandlwana, traitée dans le film « L’ultime attaque »), Ramaïoli nous présente un morceau de bravoure sur deux albums, autour de l’assaut par plusieurs milliers de Zoulous d’un peu moins de 200 Anglais à Rorke’s Drift. C’est un épisode que je connais bien, car il a été traité au cinéma (dans le film « Zoulou », que j’ai vu il y a longtemps), mais aussi en BD par D’Antonio dans L'Homme du Zoulouland. Ramaïoli délaye juste ce combat jusqu’au bout, pour en donner quelque chose d’épique et de désespéré, dans un rendu proche de ce que l’imaginaire a conservé de la résistance des Légionnaires à Camerone – mais là les défenseurs restent maîtres du terrain ! Les trois albums suivants suivent la campagne de 1879, les combats devenant de plus en plus omniprésents dans le récit. Au milieu des chefs militaires (Anglais et Zoulous), Ramaïoli a placé comme personnages principaux et fil rouge Dundee, un Anglais vivant au milieu des Zoulous et adopté par eux, qui va se trouver, à son corps défendant, obligé de lutter du côté des Anglais, mais aussi un jeune soldat écossais, Kevin, que Dundee va prendre sous son aile. Ces deux personnages se retrouvent au cœur de tous les combats. Le personnage de Dundee, entre deux cultures, et quelques aspects de l’histoire, m’ont fait penser à certains récits de Pratt (qui lui aussi a traité de la guerre de 1879 dans Cato Zoulou, album vraiment mineur dans son œuvre) se déroulant en Amérique du nord (Ticonderoga, mais aussi Fort Wheeling). Mais il manque ici une certaine force épique et poétique que savait insuffler Pratt à ces œuvres. Pour revenir au récit de Ramaïoli, c’est de l’aventure classique et old school, assez « hollywoodienne » dans son traitement (même si Hollywood aurait sans doute ajouté une jeune et belle anglaise que tous les officiers british auraient draguée et défendue, là où Ramaïoli a placé une jeune zouloue dont Kevin s’amourache – un personnage féminin qui n’apporte pas grand-chose ici je trouve). Un récit qui s’étire un peu trop, mais sur ce premier cycle, le lecteur ne s’ennuie pas. C’est très dynamique, et Ramaïoli utilise bien les termes zoulous, reconstitue très bien l’univers par son dessin réaliste et fort, pour que l’on se trouve immergé dans l’action du début à la fin. Les dispute entre un Dundee rebelle à toute autorité et quelques officiers et sous-officiers anglais rappellent quelques passages des westerns de Ford. Seul le personnage de Kevin m’est apparu parfois un peu trop falot et artificiel. Une série en tout cas très recommandable pour les amateurs de récits historiques, Ramaïoli a soigné son travail.

03/05/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Rendez-vous fatal
Rendez-vous fatal

Il est juste que les meilleurs commandent les masses, voilà le vrai darwinisme. - Ce tome contient une histoire complète. Son édition originale date de 1996. Il a été regroupé avec le récit Trois filles sur le net (1998, Le piège) dans le recueil Noirs desseins (2011 qui comprend également une introduction d’une page de l’auteur). Il a été réalisé par Milo Manara pour le scénario et les dessins. Il s’agit d’une histoire en noir & blanc. Elle compte quarante-quatre pages de bande dessinée. Dans l’introduction de Noirs desseins, l’auteur explique qu’il s’est inspiré de faits réels pour la première partie de son récit, et pour le personnage de Si Bémol qui est évoqué dans la dernière partie. À Rome, en fin de soirée, marchant dans la rue, un député déclare à Silvio et son épouse Valeria, que ce fut une belle soirée, et que pourtant il est temps de rentrer dormir, car ils prennent l’avion tôt le lendemain matin très tôt. Ils leur rappellent qu’ils les attendent chez eux à la Barbade, sans faute. Le sénateur suggère à Silvio de ne pas le prendre mal, car il est impatient de la voir elle, Valeria, pas lui. Tout le monde rit de bon cœur au bon mot. Il ajoute que Silvio fait du bon boulot, qu’il a parlé de lui au président et de la façon dont vont les choses. Ils prennent congés, et ils s’en vont de leur côté. Silvio et Valeria rejoignent leur propre berline et y prennent place. Elle est ravie à l’idée de se rendre à la Barbade. Son époux se montre moins enthousiaste : ils ne sont pas riches comme le député et son épouse, ils ont des soucis. Elle rétorque qu’elle pas envie de l’écouter. Il lui demande d’être raisonnable : tout n’est pas rose en ce moment, il a quelques problèmes. Elle lui rappelle qu’il avait promis à son père qu’en l’épousant il veillerait sur elle. Ils avaient un accord. Il explique que ce sont des difficultés passagères, il va se refaire, elle a bien entendu ce qu’a dit le député. Elle lui fait observer que le député pourvoie aux besoins de son épouse, lui. Silvio parvient à amadouer son épouse, et elle accepte de l’embrasser. Il s’enhardit et lui demande de baisser sa culotte. Elle lui fait observer qu’il ne pense qu’à ça, et qu’il ne le mérite pas car il l’a fâchée. Il promet de l’emmener à la Barbade et il finit par la convaincre. Elle baisse sa culotte, soulève sa jupe et ouvre les jambes. Il continue de l’embrasser et il la caresse intimement. Elle apprécie le plaisir que ça lui procure, et elle finit par lui demander de rentrer à la maison : certaines choses ne se font que là-bas. Il obtempère de bonne grâce. Le lendemain il se rend chez son usurier. Celui-ci lui refuse un prêt supplémentaire : il lui rappelle que Silvio savait pertinemment quels étaient les intérêts à rembourser pour son prêt. Si Silvio les avait payés plus vite, il ne serait pas dans la panade. L’usurier enfonce le clou : parce que là, oui, Silvio y est jusqu’au cou. Ce dernier lui rétorque qu’il pourrait aller trouver la police. L’usurier répond calmement que Silvio vient de faire une erreur, il n’aurait pas dû dire ça, cela va lui coûter très cher. Silvio argue du fait qu’il sera candidat aux prochaines élections et qu’il ne peut se permettre un scandale. L’usurier lui suggère de lui fournir une preuve. Silvio appelle son épouse pour qu’elle lui amène la lettre du député S.G. Milo Manara est l’un des auteurs de bande dessinée italien les plus célèbres, en particulier dans le registre érotique, avec la série Le Déclic (4 tomes, 1984, 1991, 1994, 2001) et des collaborations avec Federico Fellini (1920-1993), Hugo Pratt (1927-1995), Neil Gaiman, Chris Claremont. En particulier, il a séduit des générations de lecteurs avec ses jeunes femmes graciles, souples, élégantes, sensuelles. Le lecteur entame donc cette histoire avec cet a priori en tête. Dès la quatrième page, la belle épouse enlève sa culotte et le lecteur peut voir sa délicate toison, ainsi que la passion qui anime son époux. Par la suite, il peut admirer son corps : son élégance dans un tailleur tout simple d’apparence, certainement d’un coût très élevé. Elle marche avec des talons hauts qui mettent en valeur sa silhouette. Elle porte le pantalon avec la même prestance, une liane élancée. Elle porte les cheveux mi-longs, et ne change pas de coiffure malgré un passage chez le coiffeur. En fonction de sa tenue, elle porte un beau collier de perles, deux bracelets fins au poignet droit, ou bien pas de bijoux, une liquette en guise de chemise nuit, de grosses lunettes noires pour cacher sa détresse. Elle ne semble pas maquillée : sa beauté naturelle rayonne et se suffit à elle-même. Le lecteur se retrouve sous le charme physique de cette jeune femme. Il comprend bien qu’elle soit entretenue par son époux, et qu’elle vient d’une famille aisée : elle a conscience de son rôle d’épouse d’apparat, ce qui atteste d’une certaine force de caractère. Quand bien même la vie de Valeria et ses aspirations sont très éloignées des siennes, le lecteur éprouve une forme de respect pour elle. Lorsqu’elle subit son premier viol, il éprouve de l’empathie devant la violence atroce qui lui est faite, sa souffrance physique et psychique, et la torture mentale de savoir qu’il en ira de même le lendemain à la même heure jusqu’à ce que son époux ait remboursé ses dettes. Le lecteur ne s’attendait pas à un récit aussi atroce, peut-être uniquement parti pour un récit érotico-chic, une fantaisie avec une fibre cruelle pour les besoins du divertissement. Il assite aux tourments de Valeria, éprouvant une forme de honte à se trouver cantonné au rôle de voyeur impuissant comme l’époux. L’artiste ne se montre pas complaisant vis-à-vis de ce qu’il montre : il ne joue pas hypocritement sur les deux tableaux, de condamner tout en montrant. Le premier viol est raconté sur quatre pages : il montre la lâcheté des participants qui agissent en groupe contre une femme seule, une demi-douzaine de personnes, hommes et femmes, qui l’immobilisent sur une table, le commanditaire assis dans son fauteuil, le mari résigné à l’écart, le violeur impassible accomplissant une mission sans état d’âme. Rien n’est épargné au lecteur des viols quotidiens qui suivent pendant de nombreuses semaines, trois pages pour le second, cinq pour le troisième, trois pour celui d’après, jusqu’à passer à une bande de cases, ou même une simple case. L’érotisme potentiel est annihilé par l’usage d’une contrainte abjecte, par l’absence de plaisir du violeur, un acte mécanique indépendant de la personnalité de la victime, de ses émotions, de ses sentiments, le violeur semblant lui aussi totalement dépourvu d’émotions. Le lecteur découvre des dessins dans un registre descriptif et réaliste. L’artiste utilise des traits de contour très fins et secs, une attention délicate portée aux visages, aux tenues vestimentaires, aux accessoires, aux coupes de cheveux y compris avec un effet décoiffé pour Silvio, ou cheveux en bataille après une agression sexuelle. Comme le veut la convention graphique dans ce genre, le visage de Valeria est plus jeune et lisse, que celui des hommes, marqué par les plis et les rides. Le langage corporel appartient également à un registre naturel, ce qui fait ressortir les gestes plus étudiés de Valeria, et ses poses parfois alanguies. Mis à part le député, le reste de la distribution semble provenir d’une couche de l’humanité moins élégante, plus commune, même Silvio dans son beau costume. Alors que les personnages donnent une impression de réalisme poussé, le lecteur s’aperçoit que l’artiste déploie des techniques variées pour les décors et les environnements : presque une toile abstraite pour donner l’impression des façades de la rue avec un éclairage nocturne, l’usage de motifs non figuratifs pour le papier peint ou pour le décor d’un fauteuil, des aplats de noir irréguliers, striés ou piquetés, des franges irrégulières pour le parement d’un fauteuil bas, des traits nouilles pour le mouvement de l’eau de la mer, des entrelacs secs et fins pour des ombres projetées, des traits obliques drus pour la pluie, etc. Les images et le récit font voyager le lecteur : une avenue animée de nuit, l’habitacle d’une berline, le grand salon un peu vieillot de l’usurier, la chambre à coucher cossue des époux, le salon de coiffure chic, une route nationale peu fréquentée, un yacht à la Barbade, une chambre d’hôtel minable, etc. Potentiellement un peu décontenancé par rapport à ses attentes, le lecteur se laisse porter par l’intrigue, vite mal à l’aise dans sa position de voyeur, dans la souffrance physique et psychique de Valeria subissant un viol chaque jour à dix-huit heures, sans échappatoire possible quoi qu’elle fasse. Elle s’en fait la remarque : Elle faisait maintenant partie d’un autre monde, celui des perdants, celui des victimes. Et malgré tout, elle conserve sa santé mentale, assez de volonté de vivre pour tenir le coup. Il se rend compte que Silvio n’apparaît plus après la vingt-huitième planche. L’enjeu du récit semble être de savoir si Valeria pourra trouver une issue à cette torture quotidienne. De fait, le scénariste amène son intrigue à une conclusion claire et nette, tranchée même. Il intègre d’autres éléments. Deux retournements de situation sous la forme de deux révélations : il apparaît ainsi qu’il s’agit bien d’un récit de genre, entre policier et thriller. Il met également en scène cette femme surnommée Si Bémol, du nom de la corde dont elle se sert pour émasculer des prisonniers bosniaques, une séquence éprouvante même si elle n’est pas graphique. Par ailleurs, le député réapparaît dans une scène et il exprime son opinion sur la politique : tranquillement installé sur le pont de yacht à la Barbade, il déclare à son interlocutrice qu’il est juste que les meilleurs commandent les masses, voilà le vrai darwinisme. Plus loin, il insiste : quand on n’est pas assez fort, on ne fait pas de la politique, seuls les forts peuvent commander les masses. Du point de vue de l’intrigue, le lecteur peut estimer que certaines situations manquent de plausibilité, et il se souvient qu’il est dans un récit de genre, pas dans un reportage. Il prend un peu de recul pour identifier les forts du récit, ceux qui commandent. Silvio a voulu intégrer le cercle des forts et il a échoué, le darwinisme a tranché : il ne fait pas partie des meilleurs. Le lecteur considère alors ceux qui survivent et qui commandent. Il en déduit que les différentes révélations n’affecteront pas la position sociale du député, un individu véritablement fort, et en même temps abject. Il réfléchit alors à la position de Valeria : indubitablement forte pour avoir survécu à une telle série d’épreuves innommables, toutefois elle ne commande à personne. La morale de l’histoire apparaît dans toute son ambiguïté, bien noire, et bien révélatrice d’une façon dont marche le monde. C’est parti pour un divertissement de type érotico-chic avec une touche de cruauté… Que nenni ! C’est une plongée dans un récit très noir, mettant le lecteur dans une position de voyeur impuissant. La narration visuelle atteint le niveau d’élégance et de grâce propre à Manara. L’intrigue se montre cruelle et sadique, impitoyable et terrifiante. Traumatisant.

03/05/2025 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
Couverture de la série Sa Majesté des Mouches
Sa Majesté des Mouches

Je n'ai jamais lu le roman Sa majesté des mouches dont je ne connais que les grandes lignes. Je ne peux donc pas comparer, mais pendant une bonne partie de l'album j'avais l'impression de lire une version tout public tant le récit me semblait moins glauque que je l'imaginais et puis il y a le dernier tiers où le drame s'accentue et la plupart des personnages basculent totalement. Je ne sais pas si c'est aussi comme ça dans le roman, mais cela m'a un peu dérouté parce que je pensais que c'était noir du début jusqu'à la fin. J'ai trouvé la lecture agréable à défaut d'être mémorable sauf pour les moments les plus durs du récit qui je pense m'auraient traumatisé si j'avais vu ces images très jeune. C'est donc un peu dur de trouver passionnant un récit dont je n'ai ressenti de la tension que sur quelques pages. La fin est un peu trop abrupte, mais là je sais que ce coup-ci c'est 100 % la faute du roman et que l'autrice ne l'a fait que la reprendre. Le dessin d'Aimée De Jongh est toujours aussi bon, mais peut-être un peu trop propre la plupart du temps sauf lorsqu'il y a la fameuse tête de cochon présente. Peut-être que mon opinion aurait été différente si j'avais lu le roman. En tout cas, c'est une bonne BD, mais je la mettrais pas dans les indispensables de 2024.

03/05/2025 (modifier)