Les derniers avis (239 avis)

Couverture de la série Rojava
Rojava

Il faut saluer cette sympathique mise en images du combat des femmes du Kurdistan : il n'y a pas que des barbus au Moyen-Orient. La rentrée littéraire c'est aussi des albums BD : voici Rojava avec Aurélien Ducoudray au scénario et Sébastien Morice au dessin. Sa formation d'architecte permet à S. Morice de se montrer très réaliste dans les scènes de guérilla urbaine au cœur des ruines syriennes et A. Ducoudray a réalisé de son côté un gros travail de documentation pour décrire cet épisode de la guerre civile syrienne. Un second épisode est programmé : on a déjà hâte ! L'héroïne, Rojava, est une très jeune femme kurde (16 ans !) qui s'engage comme sniper (snipeuse ?) dans les YPJ, la déclinaison féminine (depuis 2013) des YPG (Yekîneyên Parastina Gel : Unités de Protection du Peuple), la branche armée de la lutte pour l'indépendance du Kurdistan au Moyen-Orient. La nouveauté peut-être, c'est que les dirigeants des unités YPJ sont des dirigeantes, leurs chefs sont des cheffes, et ça c'est un peu nouveau dans l'histoire du combat au féminin. Leur cri de ralliement : « La vie ! La femme ! La liberté ! » L'ironie de la chose (si ironie il y a ici), c'est qu'elles sont devenues les bêtes noires de Daesh : aux yeux des barbus intégristes, se faire tuer par une femme est déshonorant et ferme la porte du paradis ... Rojava c'est aussi le nom de la région du nord de la Syrie, c'est donc la partie sud-ouest du Kurdistan. Lorsque la snipeuse Rojava débarque dans l'album, elle tient le rôle principal dans un reportage Youtube filmé par des journalistes occidentaux, ce qui ne plait pas forcément à la commandante de la section, Rukan. Pour la petite histoire, A. Ducoudray a eu cette idée en lisant (chez son dentiste !) un reportage-photo de Paris-Match sur des combattantes kurdes vêtues de propre, maquillées, baskets neuves aux pieds, comme à la fashion-week : sans doute un peu d'habile propagande de la part du PKK ! Au premier abord, on pourrait croire à une BD pour ados, mièvre et éducative : l'héroïne est moitié snipeuse moitié youtubeuse et il y a même dans l'équipe une gamine qui collectionne les photos de martyrs !? De plus, A. Ducoudray parsème son récit de blagues anti-Daesh histoire de détendre un peu une atmosphère de guérilla pour le moins tendue. Mais ce n'est qu'une amusante façade, et le propos, très documenté, va s'avérer bien plus sérieux que cela. « [...] Après mon premier affrontement, j'ai décidé de ne plus avoir mes règles ... À partir de là, j'étais dans un monde où il n'y avait plus que la mort, donc continuer chaque mois d'avoir un rappel que je pouvais donner la vie, ça ne coïncidait pas avec ce que je vivais ... » Ou bien encore : « [...] - Tiens, mets ce caillou dans ton slip. Chaque fois que tu seras couchée pour tirer, ça te griffera le ventre et tu t'endormiras pas ... Le confort c'est l'ennemi du sniper. » Pour cette dernière anecdote, A. Ducoudray s'est sans doute inspiré du livre de Azad Cudi, célèbre sniper kurde iranien ("Sniper - Ma guerre contre Daech" éditions Nouveau Monde). On sait que les guerres changent les pays et les frontières, mais aussi les habitants et les mœurs. Les américains l'ont découvert à la fin de la Seconde Guerre Mondiale quand les noirs sont revenus au pays après avoir servi dans les armes et été acclamés en libérateurs en Europe, ... tout comme les blancs, ou bien encore quand les GI sont rentrés chez eux et ont retrouvé des femmes qui avaient pris les affaires en main ... en leur absence. Les femmes des brigades YPJ espèrent qu'il en sera de même au Kurdistan, si du moins ces guerres prennent fin un jour. « [...] Contre Daesh, on est tous égaux, mais après ? Ils me respectent parce que j'ai un fusil et un uniforme. Change le costume, le respect part avec. Notre plus grand combat après Daesh, sera celui d'une société mixte vraiment égalitaire. » Les dessins de S. Morice sont ceux d'une belle ligne claire et laissent toute la place à l'intrigue et aux personnages, dessinés et typés avec soin. On a déjà évoqué son passé d'architecte et la colorisation comme les éclairages font ressortir les différentes ambiances : le bleu pour la nuit sur la terrasse, le rouge au fond des tunnels creusés sous la ville, les ocres du désert, ...

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Under Earth
Under Earth

Le récit ne révolutionne sans doute rien, et je peux lui reprocher d’être parfois un peu trop « léger », de manquer d’une certaine densité (malgré une pagination très importante). Certains passages m’ont aussi paru un chouia obscurs, et la conclusion, un peu ouverte, n’est, elle aussi pas assez claire. Mais, malgré ces remarques, c’est une lecture que j’ai trouvé sympathique, agréable. D’abord, les plus de 500 pages se dévorent rapidement. Il y a peu de texte, de cases. On est d’emblée plongé dans cet univers carcéral horrible, cette immense prison en grande partie souterraine, où des détenus – pour de longues peines, voire des peines infinies – vivent et travaillent quasiment en vase clos, survivent plutôt. Au milieu de cette masse de réprouvés, l’auteur nous propose de suivre quelques personnages, qui cherchent à s’en sortir, voire à sortir de ce mouroir implacable, où on fouille les bas-fonds pour en retrouver des objets, des restes de la société « ordinaire », artefacts vendus plus ou moins cher, seuls les plus riches, les plus forts pouvant agrémenter leur séjour d’un petit confort. Le jeu sur les couleurs est intéressant. Il y en a peu, c’est tranché, du Noir et Blanc avec nuances de gris, un peu de bichromies. Là aussi c’est simple et volontairement pauvre. L’univers créé par Chris Gooch est oppressant, franchement noir. Et prenant. On s’attache aussi aux personnages qui se débattent pour s’échapper, en lisant des livres pour l’un d’entre eux, ou physiquement pour d’autres. Comme à leur habitude, les éditions Huber nous proposent un auteur indé intéressant et original, avec un beau travail éditorial. Note réelle 3,5/5.

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Mukanda Tiodora
Mukanda Tiodora

Je me retrouve dans l’avis et la déception de Cacal69. En effet, le sujet est a priori intéressant, et on sent que l’auteur est passionné et s’est solidement documenté. D’ailleurs, le texte de présentation, le glossaire, le dossier final sont les parties qui m’ont le plus intéressé. Il s’agit ici de l’esclavage au Brésil au XIXème siècle, l’album s’inspirant des lettres écrites par une esclaves cherchant à obtenir l’argent pour acheter sa liberté. J’ai aussi apprécié le travail graphique, plutôt original, avec un Noir et Blanc assez charbonneux, au rendu parfois proche de la gravure. Malheureusement, j’ai traversé cette lecture sans réellement accrocher. D’abord parce que, si le dessin est en soi agréable, la mise en pages ne le rend pas toujours très clair. Et surtout, les esclaves, et le personnage de Tiodora en particulier ne m’ont ici pas vraiment captivé. On ne s’attache pas à elle. La faute sans doute à une narration sans passion, décousue, manquant parfois de clarté (je ne savais pas toujours qui était qui). En plus, « l’intrigue » elle-même n’est pas toujours très claire, et elle est en tout cas un peu « légère ». Bref, je salue le travail de recherche et une certaine originalité du dessin, mais le rendu m’a clairement déçu. Note réelle 2,5/5.

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Vertigéo
Vertigéo

J’avais découvert – plutôt avec plaisir – Amaury Bündgen, comme auteur complet sur Le Rite et Ion Mud. En plus d’univers très différents, j’avais beaucoup aimé le dessin. Et déjà sur Ion Mud Bündgen s’en donnait à cœur-joie avec les immensités intérieures et vides. Et on retrouve ici son très beau dessin, une belle utilisation du Noir et Blanc. Les décors et les personnages sont vraiment chouettes. C’est clairement le point fort du cet album, et ce dessin entretient bien le relatif mystère angoissant qui prédomine. Mais, si l’histoire se laisse lire plutôt agréablement, il lui manque un peu de tension. Et surtout, lorsque éclate la bulle mystérieuse, sur la fin, j’ai été déçu. C’est un peu trop abrupt, trop vite expédié. D’autre part l’explication finale est trop facile et caricaturale, au point au dernier moment de faire perdre une bonne partie de la critique induite par le récit, dans lequel les simples ouvriers sont sacrifiés à la réussite d’une construction obscure, obéissant à des ordres impitoyables et quasi absurdes au profit de nantis se donnant bonne conscience. Le scénario de Chéry aurait pu peaufiner les nuances et la fin, pour mieux exploiter l’univers créé, et bien mis en images par Bündgen.

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Il y avait une fois
Il y avait une fois

Mouais. Pas convaincu par cet album, dont l’intrigue n’est ni originale, ni emballante. Et comme la série a été abandonnée, ça reste donc un album clairement dispensable. En fait il n’y a pas vraiment d’intrigue claire, c’est décousu. On nous propose une succession de situations, de dialogues qui ne m’ont pas captivé. La volonté légèrement parodique (voir le début avec les fées qui se penchent sur le berceau d’une princesse) ne donne pas quelque chose de suffisamment appuyé ou percutant. Le dessin n’est pas mauvais, même si je ne suis pas fan des visages anguleux. Bof bof donc.

07/09/2025 (modifier)
Par Blue boy
Note: 2/5
Couverture de la série Hazara Blues
Hazara Blues

Yann Damezin, que l’on avait découvert il y a six ans avec « Concerto pour main gauche » et qui nous avait littéralement éblouis, trois ans plus tard, avec Majnoun et Leïli - Chants d'outre-tombe, nous revient ici dans un registre différent. « Hazara Blues » est né de la rencontre avec Réza, cet Afghan qui, avec sa famille, avait dû fuir son pays, notamment en raison de l’emprise croissante des Talibans et des attaques contre la minorité ethnique hazâra à laquelle il appartient. Dans ce témoignage particulièrement dense, l’homme évoque son rêve de devenir cinéaste dans un contexte très peu favorable, pas plus en Afghanistan qu’en Iran, où les réfugiés afghans sont rarement accueillis à bras ouverts… Discriminé dans son propre pays, Réza avait en outre le « tort » d’être afghan dans la république islamique. Yann Damezin a ainsi mis en images l’histoire de ce jeune homme. Après sa flamboyante adaptation du conte oriental précité, véritable chef d’œuvre graphique, c’est peu dire que cet auteur était attendu au tournant. Tout comme la Boîte à bulles l’avait fait pour "Majnoun et Leïli", les éditions Sarbacane ont particulièrement soigné la qualité éditoriale, comme à leur habitude. En grand format, le livre bénéficie d’une superbe couverture agrémentée d’un vernis sélectif vert étincelant, qui suscite immédiatement l’envie de se plonger dans sa lecture. Malheureusement, après quelques dizaines de pages, il sera très difficile de masquer une certaine déception… Bien sûr, l’initiative de Damezin d’évoquer la vie d’un réfugié reste tout à fait méritoire. Et on doit lui être reconnaissant de mettre en lumière une personne qui a appartenu à cette cohorte anonyme de ceux qu’on appelle pudiquement « migrants », en échange du qualificatif trop connoté d’ « immigrés ». Dans la ligne de Fabien Toulmé avec "L’Odyssée d’Hakim", de Lucas Vallerie avec "Traversées", ou d’Antonio Altarriba et Sergio Garcia Sanchez avec Le Ciel dans la tête, Yann Damezin vient documenter le parcours de ces hommes et femmes tout en leur donnant un visage, en leur rendant leur statut d’être humain digne de respect, à rebours de la xénophobie croissante qui se propage un peu partout à la faveur d’un système en déliquescence, consumé par le capitalisme, et ce à l’échelle internationale. Là où on pourra avoir quelques réserves à l’endroit d’ « Hazara Blues », et c’est mon cas, c’est avant tout sur le plan de la narration, qui souffre de longueurs et semble avoir été conçue dans l’improvisation. Et ce qui domine, c’est une impression simultanée de dispersion et de monotonie, avec une partie textuelle un peu redondante, des détails pas toujours très passionnants, même si on sent la volonté de l’auteur d’être respectueux dans sa démarche et de ne négliger aucun détail du parcours de Réza. Je suis obligé de l’admettre et cela me fait de la peine parce que j’attendais beaucoup de ce récit : je me suis ennuyé à la la lecture, ma déception étant à la hauteur de mes attentes. De même, on ne retrouve pas l’émerveillement que l’on avait ressenti avec le graphisme sublime de "Majnoun et Leïli", ici très simplifié et par moments minimaliste à l’extrême. Comme si Damezin se contentait de reproduire à l’infini les gimmicks visuels de son univers, si unique soit-il. Les personnages, trop nombreux peut-être, sont ici représentés de façon assez sommaire, un peu froide et figée, et on a parfois des difficultés à identifier les visages. Quant à la mise en couleurs, l’auteur a opté pour une monochromie où domine le vert, avec des tonalités différentes selon les passages. On est loin du feu d’artifice de son conte oriental… Objectivement, « Hazara Blues » n’est bien sûr pas à jeter aux orties. Certes, Yann Damezin avait mis la barre très très haute avec son précédent opus, mais celui-ci tient difficilement la comparaison, quand bien même il pourra toucher la frange du public la plus sensible au sort des personnes dans cette situation. (Note réelle 2,5)

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Je suis charrette - Vie d'architecte
Je suis charrette - Vie d'architecte

Une belle surprise et une jolie réussite d'une première BD pour un auteur italien n'appartenant pas à la filière traditionnelle des beaux arts. Je ne suis pas architecte mais j'ai lu cette série avec beaucoup de plaisir. C'est un peu sur le modèle de l'excellent Vie de Carabin à savoir une vue de l'intérieur des défauts ,agglomérés dans l'espace et le temps, d'une structure professionnelle très hiérarchisée. C'est le monde de l'architecture qui est ainsi passé à la loupe grossissante . On y retrouve le patron archistar entouré de sa cour de "yesman", le second imbuvable et prédateur sexuel, le stagiaire lèche-bottes mais aussi l'esprit d'équipe, la fierté de participer à une œuvre culturelle et civilisationnelle de premier ordre, du défi personnel qui engage jusqu'au sacrifice. L'auteur est architecte et sait de quoi il parle techniquement et humainement. Je suis impressionné par l'intelligence de la construction de son récit qui donne une narration très fluide avec une tension dramatique très bien équilibrée. Je me suis très vite attaché au personnage d'Enzo. Paradoxalement il ne crache jamais dans la soupe et au contraire je suis sorti de ma lecture en pensant que l'Architecture était au dessus de ces mesquineries de bureaux. Graphiquement on sent la patte du professionnel: les extérieurs parisiens sont sublimes. C'est d'une grande précision dans les détails avec même un bonus d'une visite de musée commentée façon architecture. De plus Danicollaterale s'en sort très bien avec les personnages. Cela donne un récit très vivant, dynamique et expressif. Une très belle lecture et une agréable surprise d'un néophyte.

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Grande échappée
Grande échappée

C'est toujours une gageure d'adapter un poème ou une chanson en BD. Une simple retranscription des paroles donne un rendu souvent aussi sec qu'une analyse de texte d'un-e lycéen-ne. Comme le souligne Charlotte Bousquet cocréatrice du concept de Poéstrip il s'agit ici de faire vivre la substance invisible du poème, son âme et la vibration que cela a produit sur une artiste du graphisme. Cela a aussi l'avantage de faire découvrir le très beau poème de Rilke, La Panthère, dont les textes en allemand et une traduction en français ferment le récit. Le poème est court, 12 vers, mais suffisamment puissant pour que Bérangère Delaporte le traduise dans un récit moderne de 65 pages sans temps morts. La narration est très fluide et accessible à un large public. La double lecture montre très bien comment deux situations éloignées dans le temps, l'espace et l'anatomie peuvent se rejoindre dans des thématiques universelles telles que la liberté, la soumission et la perte progressive de sa vitalité/créativité innée. Le graphisme souple s'apparente à un style journalistique qui va à l'essentiel pour mettre en valeur les expressions et le mouvement. C'est parfaitement en harmonie avec cette thématique du poème. Une construction très moderne et dynamique donne du rythme à une belle et agréable lecture. Je pousse un peu ma note à cause de l'originalité et la difficulté de l'exercice. 3.5

07/09/2025 (modifier)
Couverture de la série Cyan
Cyan

Mouais ! Presque 500 pages pour en arriver là c'est quand même très long. J'avais deux réticences à emprunter cette série : son poids et son graphisme. Lire Cyan en position allongée devient très vite physiquement pénible et ne participe donc pas au plaisir du moment. Quant au graphisme le trait de Lucia Biagi m'a fait penser au Monica de Daniel Clowes pour lequel je n'ai pas d'appétence. De plus je trouve les personnages figés et les extérieurs rudimentaires dans un univers plat. Malgré la pagination excessive, à mon goût, cela se lit rapidement à cause de dialogues basiques et convenus de type slogans souvent très superficiels pour la pseudo enquête policière. Je suis d'ailleurs étonné que cette série ait été sélectionnée dans la catégorie polar tellement la contribution des policiers au récit est faible, superficielle voire caricaturale. Le final m'apparaissant d'une banalité sans originalité dans un happy end où chacun est à sa place. A mes yeux il n'y a pas photo avec le sublime Contrition qui a gagné le prix cette année là. L'autrice nous aide en proposant une carte qui me rappelle NY et son downtown. D'ailleurs l'événement tragique date de 20 ans dans un incendie meurtrier attribué aux terroristes bleus. Là encore j'ai trouvé l'ambiance dystopique peu réaliste. Ainsi les thématiques réellement exploitées par l'autrice reste une critique sur la faiblesse de la mixité sociale ou ethnique dans un univers de corruption. Ce sont des thématiques très visitées depuis longtemps. De plus je connais assez bien ces thématiques et là j'ai trouvé que l'autrice les utilisait d'une manière convenue et vieillotte sans beaucoup de subtilité. Finalement je me suis vite ennuyé à cette lecture si prévisible. Pas à mon goût, une déception.

07/09/2025 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Wonder Woman Historia
Wonder Woman Historia

Oh. Wouaw. Bigre, même ! Je suis charmé par cette BD, mais carrément charmé. Et je dois dire que je reviens de loin après lecture. Il faut dire que je ne connais rien du tout à Wonder Woman et son univers, dont je n'ai lu aucun des albums. Mais cette préquelle à la série est tellement bonne que je lirais volontiers des suites si jamais elles se présentaient à la bibliothèque du coin. L'album est très complet, l'histoire étant précédée d'une interview des auteurs très intéressante pour comprendre les enjeux du récit ainsi que la vision des auteurs que je trouve extrêmement intéressante notamment sur la question de la considération des femmes. Quelques phrases frappées au coin du bon sens parsèment cette interview dont je recommande la lecture. D'autre part l'album est complété a la fin par des pages de travail et de recherches graphiques qui mettent en lumière le travail réalisé dans les planches et notamment lorsque l'auteur s'amuse à caler des dieux dans les décors en les rendant un peu invisible. C'est une superbe idée (et une très bonne incarnation de ce qu'elles représentent) et il faut dire que sans ces pages, je n'aurais pas remarqué l'attention graphique qui fut portée aux planches. Mais parlons-en, du graphisme, puisqu'il envoie du pâté dès les premières pages avec sa représentation des Dieux qui peut piquer des yeux, mais qui a cet avantage de donner une patte graphique unique et détachée de la suite du récit, créant visuellement le choc entre les deux mondes. D'autre part, il y a une volonté de rendre les dieux protéiformes en changeant souvent de vêtements, d'attitudes, de poses, mais en restant dans quelque chose de très stylisés. Les dieux sont des symboles, visuels et métaphoriques, qui doivent assurer leur prestance avec des poses parfois improbables mais conférant directement l'idée au lecteur de ce qu'ils incarnent. On peut ne pas aimer le style très chargé (voir surchargé) mais il rend clairement compte d'un monde défiant la logique et la compréhension humaine, presque Lovecraftienne dans sa dimension mythologique. Ces dieux voient l'avenir et le modèlent, créent à partir de rien et décident de notre sort, cette toute puissance est visuellement incarnée. Et je trouve l'idée très réussie d'autant que le contraste avec les autres parties rend l'intention d'autant plus claire. Par contre, ce qui m'a le plus marqué est bien sur le scénario, qui a su me surprendre et m'accrocher. Je n'attendais pas autant de violences et de noirceur d'un récit sur Wonder Woman, mais je pense que son statut de super-héroïne culte permet ce genre d'approches. Dans un monde saturé par leur présence (adaptation en film, invasion de comics books et séries, omniprésence dans nos écrans ...) la question des super-héros change d'approche, incarnant un air du temps. Aujourd'hui The Boys triomphe à la télé, Kick-Ass fut un énorme succès et le genre connait un renouveau plus sombre, plus Dark, retournant les codes et les genres. Cette BD s'inscrit dans cette tendance actuelle en empoignant ici le sujet des femmes. Ainsi la représentation de Zeus, homme tout puissant dictant ce qui est la justice qu'il incarne (et qui paradoxalement peut être injuste ...), mais aussi les femmes prenant leur destin en main, la violence du monde envers elle, l'enfermement final ... Il y aurait beaucoup à en dire et rien qu'en discutant avec ma copine des dizaines de sujets nous semblent abordées sous un angle ingénieux, ne cherchant surtout pas à être historique ni réaliste, réinterprétant les mythes (notamment Héraklès) et donnant une image parfois nouvelle ou différentes de la mythologie. Rien que Héra, qui est ici une figure à la fois tragique et grandiose, un personnage de tragédie à l'ancienne ! (qui donne d'ailleurs envie de le voir réutilisé ensuite) Je m'épanche beaucoup mais je suis vraiment touché par cette BD. Une relecture féministe d'un univers de super-héros que je ne connais pas mais qui fait clairement référence à l'air du temps. Pas de femmes mises en avant juste parce qu'elles doivent être forte, mais une vraie réflexion de ses personnages et une écriture certes rapide mais soignée. Le genre de lecture qui me donne réellement envie de découvrir plus avant cet univers, pour autant qu'il contienne des pépites ainsi. Le genre de lecture qui donne envie d'en discuter pendant des heures ensuite, et peut-être que cela s'est ressenti dans mon avis, mais croyez-moi, j'ai écourté au maximum !

06/09/2025 (modifier)