Les derniers avis (106017 avis)

Par Spooky
Note: 2/5
Couverture de la série C'est dans la tête
C'est dans la tête

La fertilité et la stérilité sont un sujet difficile à investir, y compris en BD. Lise Minidam livre son expérience, elle qui a eu un premier enfant, mais aimerait en avoir un second, en accord avec son conjoint. Mais malgré ses efforts, ça ne marche pas, ce qui la plonge dans le désespoir. En guise de thérapie, en plus de se faire accompagner par des spécialistes, elle décide de faire une BD pour raconter son parcours, ses doutes, ses peurs, ses espoirs aussi. La plupart des planches ses présentent sous la forme d'une seule scène, sans contours de cases, sur fond rose pâle. En général on assiste à des dialogues, des scènes entre pénis, spermatozoïdes, un utérus, un ovule... C'est donc l'infiniment petit et/ou l'intimité de Lise Minidam qui nous sont montrés, avec un dialogue teinté d'humour, mais avec un fond assez grave tout de même. Le récit est émaillé de bons mots, tels que : - "Vu qu'il a 7 enfants, il doit faire partie de l'Equipe de France du sperme." - "J'ai pensé qu'il y avait peut-être des couples hétéros avec une bite en forme d'étoile et une chatte en forme de triangle;" - etc. Et au détour, cette réflexion, puissante, éclairante : "Et je dois avouer qu'en y pensant, personne n'avait jamais dit à mon mari que sa tête ou son stress pouvait potentiellement altérer la qualité de sa fertilité." Dans l'ensemble, malgré les bons mots, je n'ai pas vraiment souri à cet album. Non seulement parce que le sujet n'est pas léger, mais aussi parce qu'au-delà de sa propre thérapie, je ne suis pas sûr que ce que raconte Minidam aide beaucoup les femmes dans la même situation qu'elle à en sortir. C'est assez désespérant au final.

10/06/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Borb
Borb

À la rue - Il s'agit d'un récit complet en noir & blanc, indépendant de tout autre. Il se présente sous une forme un peu particulière, en format paysage. Chaque page comporte une seule bande dessinée pouvant s'apparenter à un gag, ou à une scène avec une chute. Jason Little est également l'auteur de Shutterbug Follies et Motel Art Improvement Service. La lecture commence, avec un déchet par page, allant d'une cassette vidéo éventrée à une boîte de donuts ouverte. La page suivante recense 13 mots pour désigner une personne à la rue. L'histoire en elle-même comporte 78 bandes de cases, à raison d'une par page. Dans la première, Borb (le surnom de la personne à la rue) essaye de mordre dans un quignon de pain trouvé dans une poubelle. Il éprouve une vive douleur dans les gencives, ce qui lui reste de sa dentition ne lui permettant pas d'en arracher un morceau. Par la suite, Borb se rend chez un dentiste pour personne nécessiteuse. Il se casse un tibia en tombant dans un escalier. Il s'enfuit de l'hôpital. Il se voit attribuer un logement précaire. Il rêve qu'il est recueilli par une riche rentière. Il se rend dans un foyer pour sans-abri. Il perd sa ceinture. Il subit plusieurs intoxications alimentaires. Après les escapades mouvementées et esthétiquement séduisantes, le lecteur ne s'attendaient pas à ce que Jason Little choisisse un sujet plus social, ou qu'il adopte un format plus austère. Les dessins sont en noir & blanc avec des traits un peu secs qui évoquent plus le stylo que la plume. Jason Little n'utilise que très peu d'aplats de noir, préférant colorier en noir les surfaces, en laissant les traits de crayons apparents (ils ne sont pas complètement jointifs. Les contours sont délimités avec soin, avec un petit degré de simplification qui rend chaque image facile à lire. Ce degré de simplification ne rend pas les dessins trop jolis, leur apparence s'adressant plus à des adultes qu'à des enfants. Jason Little dose avec soin la densité d'information visuelle par case. Elles peuvent s'apparenter à un cliché instantané, avec les personnages, les accessoires (table, couvert, plat sur la table) et l'arrière-plan (mur, fenêtre, paysage derrière la fenêtre), ou alors très rarement ne contenir qu'un personnage (par exemple Borb) ou un élément de décor (par exemple une poubelle). le lecteur peut donc se projeter dans chaque lieu, ou en tout cas s'en représenter les caractéristiques qu'il s'agisse d'un bout de trottoir au pied d'un mur en brique, d'un cabinet de dentiste, d'un escalier de métro, d'une chambre d'hôpital, d'un banc dans un jardin public, d'une rame de métro, d'un petit appartement, d'un tribunal, etc. Comme cette énumération le laisse supposer, cette bande dessinée n'a rien de répétitive. Jason Little réussit à transformer le quotidien d'un SDF, en une sorte de suite d'aventures cocasses, faisant intervenir plusieurs personnages (aucun récurrent, si ce n'est Borb lui-même), dans des endroits divers et variés que le lecteur associe sans mal avec une vie à la rue. Assez étrangement, Jason Little sait décrire cette vie de misère, en y intégrant une dimension burlesque qui dédramatise pour partie les situations. le degré de simplification lui permet d'utiliser des dispositifs visuels qui relèvent de la bande dessinée humoristique, telles que des étoiles et des petits éclairs pour représenter la douleur (après que Borb ait mordu dans le quignon de pain), des tourbillons au-dessus de la tête pour figurer la stupeur alcoolique, des lignes courbes pour indiquer que Borb rebondit sur les marches d'escalier lorsqu'il a perdu l'équilibre, ou encore des expressions exagérées sur le visage de Borb (yeux ronds, bouche grande ouverte), etc. Ainsi les mésaventures de Borb perdent une partie de leur dimension sordide et tragique. Heureusement, parce que ce pauvre homme ne subit pas que des avanies, il souffre physiquement et psychologiquement. En cours de récit, l'auteur montre comment cet homme en est arrivé à cet état de déchéance. Il n'y a rien de complaisant ou de suffisant dans cette dégringolade sociale, mais il n'y a pas non plus de glorification d'un perdant. Little ne dépeint jamais son personnage principal comme un héros. Dès les premières séquences, Little a su faire comprendre au lecteur que Borb a passé le point de non-retour. Derrière le comique de situation se cache une pulsion morbide. La force de ce récit est d'inciter le lecteur à contempler le quotidien de ce monsieur comme s'il s'agissait de quelque chose sans réelle conséquence. Dès la première image, Borb apparaît comme un individu à forte carrure, capable d'endurer bien des épreuves et des privations, sans s'en sentir plus mal. Finalement ce n'est pas grave. La dentition de Borb part en sucette, mais il réussit quand même à trouver de quoi se nourrir dans les poubelles, en choisissant des trucs mous. Cela lui détraque les intestins, mais sa robuste constitution fait qu'il finit par s'en remettre. Il se fait tabasser en prison, mais son corps récupère assez rapidement. Il passe un hiver dehors, et perd son petit doigt gelé, mais… Mais c'est horrible. Petit à petit l'horreur gagne l'esprit du lecteur. Sous des dehors de farce macabre, il sait que ce qui est décrit peut arriver, arrive de temps à autre. Pas tout à la même personne, mais il s'agit bien de faits réels. L'apparent détachement avec lequel Borb semble tout supporter, tout encaisser, ne fait que renforce la dimension morbide de son comportement. Ce n'est qu'un SDF, un paumé, mais un être humain quand même. Toutes les horreurs qu'il subit, c'est très exactement ce contre quoi tout individu socialisé essaye de se prémunir de son mieux. Quand même, il est presqu'impossible d'éprouver de l'empathie pour les souffrances de Borb. C'est un alcoolique irrécupérable. C'est le cliché de l'individu qui mendie, pour aller boire l'agent récolté, immédiatement après. C'est un individu irresponsable, au point d'en être idiot (par mégarde il met le feu à la masure où l'ont placé les services sociaux). C'est quelqu'un de désocialisé au dernier degré, sans aucune envie de réintégrer une place dans la société. L'alcool a cramé son cerveau, à un niveau pathologique. Oui mais toutes les formes d'atteinte à sa personne sont autant de risques qui planent au-dessus de la tête de n'importe quel individu, qui rappelle la fragilité de la normalité, la fragilité du statut social. Manger dans les poubelles, se retrouver avec un os cassé en pleine rue. À quoi tient d'être secouru, d'être pris en charge ? Pouvoir faire ses besoins en toute intimité, c'est quand même basique, un droit presque. En dépeignant cet individu repoussant, en lui faisant subir des horreurs très concrètes, Jason Little montre au lecteur sa propre fragilité, à quel point il est tributaire du système social dans lequel il vit. le lecteur se retrouve à sourire devant les tribulations de Borb, à tourner les pages rapidement parce que c'est drôle et que le rythme est entraînant, parce que chaque catastrophe est aussi inventive que plausible. La fin survient telle que l'on s'y attend, dans des circonstances surprenantes. Le tome se termine avec un page écrite dans laquelle l'auteur dédie ce livre à la personne à la rue qui a vécu sous un viaduc, avec son chariot, certainement à un passage fréquenté par l'auteur. Il y ajoute une incitation à participer à des associations de logement d'urgence américaines (en y incluant l'adresse du site internet afférent). Borb constitue un ouvrage sans concession. Jason Little évoque la vie de personne à la rue dans toute son horreur, rendant encore plus mal à l'aise par le personnage au comportement morbide, à la réinsertion impossible. le lecteur se surprend à trouver cette histoire très divertissante, grâce à une narration intelligemment pensée qui montre (Borb ne prononce que 3 ou 4 mots au plus pendant tout le tome). En même temps qu'il constate que Borb est responsable de sa déchéance, il ne peut pas cautionner ce qui lui arrive, il ne peut pas rester indifférent. Alors même que Borb supporte tout sans broncher, qu'il se remet d'à peu près tout, le lecteur sait qu'il s'en faut de très peu pour qu'il se retrouve dans sa situation et que ce qui lui arrive est intolérable. Jason Little a réussi un tour de force en impliquant le lecteur dans la vie d'un SDF antipathique, en le divertissant sans rien diminuer de l'impact tragique de cette survie indifférente au reste de la société.

10/06/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Rover Red Charlie
Rover Red Charlie

Trois chiens réapprennent à vivre, après l'anéantissement de la race humaine. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Il reprend les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2014, écrits par Garth Ennis, dessinés, encrés et mis en couleurs par Michael Dipascale. Il comprend également une introduction de 4 pages écrite par Alan Moore, qui réalise un panégyrique dithyrambique de la capacité de Garth Ennis à écrire une histoire sur les aventures de 3 chiens dépourvus de caractéristiques anthropomorphes. L'histoire commence à New York, alors que les humains sont pris de folie et s'entretuent ou se suicident de manière salissante. Charlie (un Colley), un chien d'aveugle, a le plaisir de voir arriver ses 2 copains qu'il rencontrait au square : Red un setter irlandais, et Rover un basset. Ces derniers rongent sa laisse pour le libérer, et les 3 amis commencent à avancer dans les rues de New York. Ils assistent à des atrocités sans nom, croisent le chemin d'un policier encore bien dans sa tête (mais ça ne dure pas longtemps), et constatent l'ampleur du carnage. Ils croisent également un groupe de chihuahuas et finissent par recevoir les conseils d'un matou tigré quant à l'attitude la plus pragmatique à adopter. Première surprise en ouvrant cette histoire, ce recueil comprend une introduction de 4 pages de texte, écrite par Alan Moore qui ne tarit pas d'éloges sur le tour de force narratif réalisé par Garth Ennis, bien aidé par Michael Dipascale. Pour commencer, Moore contextualise les comics ayant des animaux comme personnages principaux, grâce à une culture écrasante. Il balaye d'un revers de manche tous ceux qui bénéficie d'un anthropomorphisme qui facilite la narration (à commencer par une souris sur 2 pattes ayant longtemps porté des gants blancs). Il constate alors qu'Ennis s'est attaqué à un genre délaissé depuis longtemps par les autres auteurs de comics. Il s'incline également devant la qualité de la mise en images, Dipascale s'en tenant à la morphologie des chiens, sans presqu'aucune licence artistique. Effectivement, la découverte du récit confirme la description d'Alan Moore (c'est vrai qu'il n'y avait pas beaucoup de doute). Garth Ennis s'ingénie à imaginer la psychologie des 3 chiens, des quelques autres chiens qu'ils rencontrent (dont un bouledogue pas commode, des chats et quelques poules), leurs motivations, leur caractère, en cohérence avec la vie qui était la leur précédemment. C'est ainsi qu'ils qualifient les êtres humains de "nourrisseurs". Bien sûr, le risque réel est que le lecteur considère le récit plus comme un exercice de style, que comme un roman intéressant. Michael Dipascale représente les chiens de manière littérale, effectivement sans recourir aux raccourcis de l'anthropomorphisme. Dans une interview, il a indiqué qu'il avait juste légèrement exagéré une expression de visage de ci de là pour évoquer un état d'esprit ou une émotion. le lecteur propriétaire de chien aura donc le plaisir de retrouver les langues bien baveuses, et le souci de la propreté de son derrière de son animal familier. le lecteur sans chien sentira une forme de détachement affectif vis-à-vis de ce trio de canidés, ainsi qu'une vraie curiosité intellectuelle quant au degré d'exactitude des poses des chiens, et de leur langage corporel. Les représentations des chiens sont donc très réussies. le reste des éléments visuels est d'un niveau professionnel, avec peut-être un encrage trop léger. du coup il se dégage parfois une impression de manque de consistance des éléments représentés. Cette impression est compensée par une mise en couleurs naturaliste, pertinente, sans effet ostentatoire. Michael Dipascale réussit à faire croire au comportement des 3 chiens, et aux endroits qu'ils traversent. Il est amené à mettre en scène 3 ou 4 moments Ennis, scènes chocs et presqu'insoutenables (un moment hallucinant avec un chien ayant asservi un être humain). du début à la fin, Dipascale garde le cap de s'en tenir à une représentation naturaliste des chiens et des autres animaux. Cette approche narrative naturaliste prive le lecteur d'une réelle empathie pour les personnages (surtout s'il n'aime pas les animaux). Ennis et Dipascale ont si bien atteint leur but que le lecteur ne peut pas se reconnaître dans ces animaux ni même éprouver leurs émotions. Dipascale aménage discrètement quelques expressions de visage pour retranscrire un état d'esprit (essentiellement en jouant sur la forme des yeux), mais cela reste exceptionnel. de son côté, Ennis s'est également permis une entorse (de plus grande ampleur) à l'approche naturaliste : il place des mots dans la bouche des chiens, et il fait en sorte que Rover, Red et Charlie comprennent également le langage des chats et des autres animaux. Toutefois ce recours au langage humain s'accompagne de règles strictes. Pour commencer les chiens disposent d'un intellect plus limité que celui d'un humain, et par voie de conséquence d'un vocabulaire plus limité, et d'une syntaxe plus basique. Pour rester cohérent avec le règne animal, les chats disposent d'un vocabulaire et d'une syntaxe légèrement plus élaborés. Ensuite, les préoccupations des chiens s'articulent autour de leurs anciennes relations avec les humains, et leurs besoins naturels, ainsi que l'apprentissage d'une vie sans "nourrisseurs". Ainsi Ennis atteint d'autant mieux son objectif de se mettre dans la peau d'un chien (3 en l'occurrence), limitant l'implication émotionnelle du lecteur. Arrivé à l'épisode 6, le lecteur est convaincu de la réussite de l'exercice intellectuel consistant à se mettre dans la peau d'un chien, mais il reste un peu sur sa faim. Puis il découvre ce dernier épisode et les déclarations de Charlie, et la connexion se fait avec sa propre condition d'être humain. Dans la continuité naturelle du récit, Charlie en vient à faire le constat des caractéristiques de sa nouvelle vie, débarrassée des exigences des nourrisseurs, enfin dans une situation où il peut apprécier les choses simples. le parallèle s'établit de manière aveuglante avec le quotidien d'un être humain prisonnier des contraintes sociales, de son asservissement à la caste dirigeante (élites politiques ou financières, hiérarchies diverses et variées). le propos est un peu simpliste, pas loin d'une anarchie bon enfant et utopique, mais il diffuse aussi une évidence lumineuse. Certes la société humaine n'a jamais été en mesure de s'affranchir d'un ordre hiérarchisé (avec ses abus consubstantiels), mais cela n'empêche pas de pouvoir apprécier les moments de répit, hors du temps, qui échappent à cette structure contraignante. Décidément, Garth Ennis est un auteur à part entière qui n'hésite pas à prendre des risques, à changer de registre (tout en conservant quelques habitudes narratives qui lui sont propres), en conciliant divertissement adulte et consentant, avec un point de vue personnel sur le monde qui l'entoure, dans lequel il vie. Petit plus pour cette histoire, il bénéfice de la mise en image d'un artiste de bon niveau.

10/06/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Man-Thing - Le Monstrueux Homme-Chose
Man-Thing - Le Monstrueux Homme-Chose

Intégrité artistique - Ce tome contient l'histoire complète en 3 épisodes parus en 2012, écrite par Steve Gerber et illustrée par Kevin Nowlan qui réalise également la mise en couleurs. Ce tome comprend également l'épisode 12 de la série Man-Thing (paru en 1974), ainsi que la première apparition de Man-Thing dans Savage Tales 1 paru en 1971. Song-cry of… the living dead man (18 pages, scénario de Steve Gerber, dessins de John Buscema, encrage de Klaus Janson) - La créature Man-Thing est attirée par les fortes émotions qui émanent d'un asile d'aliénés désaffecté. À l'intérieur Brian Lazarus, un écrivain, est en proie à des émotions qui s'incarnent en des individus lui réclamant tout un tas de choses. Il devra son salut à l'ingérence de Sybil Mills. Cette histoire est placée après celle de Gerber et Nowlan, mais il vaut mieux la lire en premier, car la suivante y fait référence. Dans années 1970, une nouvelle génération de scénaristes débarque dans le monde des comics avec des ambitions dépassant la simple histoire de superhéros, et un mode de pensée enraciné dans la contre-culture, avec des opinions politiques de gauche. Parmi eux, Steve Gerber ressort comme créateur inventif et capable d'utiliser le genre Superhéros pour écrire n'importe quel type d'histoire. Il est passé à la postérité pour les aventures hors du commun d'une non-équipe de superhéros (Defenders), pour les pérégrinations d'un canard parlant caustique (Howard the duck) et Man-Thing, un personnage qu'il a tellement fait sien que personne après lui n'a pu en tirer quelque chose après lui. Man-Thing est une créature végétale des marais dépourvue d'intellect, capable de ressentir avec acuité les émotions, et tous ceux qui éprouvent de la peur brûlent à son contact. Dans ce premier épisode, l'esprit empathique de Man-Thing est agressé par les émanations psychiques de Brian Lazarus. Steve Gerber raconte l'histoire d'un individu qui passe trop de temps tout seul dans sa tête et qui n'accepte pas les compromis qui accompagnent le passage à l'âge adulte, l'abandon de sa soif d'absolu. le résultat est une plongée dans les névroses ordinaires de tout adulte composant avec les nécessités matérielles de la vie, mais aussi d'une personne créative utilisant ses talents à des fins mercantiles (un scénariste de comics par exemple). Les illustrations de John Buscema (plutôt ses crayonnés, achevés par Klaus Janson) sont professionnelles, sans être très jolies ou très attractives. En un épisode, Steve Gerber prouve de manière éclatante qu'un monstre de boue et de plantes peut servir de dispositif narratif pour évoquer le mal être de la vie en société, du créateur à l'imagination réduite en esclavage au service du profit. 5 étoiles. - Screenplay of the living dead man (62 pages, Gerber & Nowlan) - Une dizaine d'années plus tard, Brian Lazarus est de retour dans le marais. Il recroise la route de Sybil Mills. Il est de nouveau en proie à de violentes émotions, et il s'adresse constamment à une espèce de petite plante anthropomorphe qui est à ses cotés et qu'il a affectueusement surnommée Mindy. À nouveau la force des émotions de Brian perturbe Man-Thing. Dans les années 1980, Marvel Comics annonce un nouveau récit de Man-Thing écrit par Steve Gerber et illustré par Kevin Nowlan ; mais ce dernier tarde à réaliser le projet. Gerber décède en 2008. L'histoire paraît en 2012. Elle constitue un prolongement de l'histoire de Brian Lazarus. Il a fini par se marier et trouver sa place dans la société. Mais le chômage a remis en question cet équilibre fragile et il est de retour dans les Everglades. Gerber écrit une histoire sur l'industrie du divertissement et un créateur nourrissant cette machine (en lui sacrifiant son intégrité artistique) qui doit être nourrie en permanence, pour débiter un flux ininterrompu d'émissions, de spectacles et de films. Son constat est noir et impitoyable. Kevin Nowlan utilise un style très affirmé qui peut demander un temps d'adaptation au lecteur. Les formes sont détourées par des traits fins presque fragiles, et les couleurs apportent autant d'informations visuelles que les crayonnés. Afin de satisfaire aux exigences du scénario, il mélange une approche réaliste des personnages et des endroits, avec les manifestations virtuelles de l'esprit de Lazarus sous une forme plus enfantine. Sa mise en couleurs permet de lier les 2 modes de représentation sans solution de continuité. Il a une capacité très déconcertante à capturer l'expression d'une émotion sur un visage au travers d'un rendu très personnel. Il n'hésite pas à recourir à un registre graphique moqueur ou exagéré pour introduire une forme de dérision et de second degré qui décuple la dimension critique du scénario. En fait Nowlan ne se repose sur aucun des codes graphiques habituels des superhéros, pour un résultat idiosyncrasique qui complémente le scénario, ajoutant une dimension onirique, une saveur particulière unique. 5 étoiles. - … Man-Thing (11 pages, noir & blanc, scénario de Gerry Conway & Roy Thomas, illustrations de Gray Morrow) - Il s'agit du récit des origines de Man-Thing, la transformation de Ted Sallis en cette créature des marais. Le tome se termine avec la courte histoire relatant la première apparition de Man-Thing. Il s'agit d'une histoire d'horreur avec une chute rapide. En onze pages, le lecteur apprend tout ce qu'il y a à savoir sur Man-Thing pour apprécier ses histoires. 4 étoiles pour l'intérêt historique, dans une histoire qui n'a pas trop mal vieilli.

10/06/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 2/5
Couverture de la série Genius
Genius

Sédition - Ce tome constitue la première saison d'une nouvelle histoire. La fin apporte une résolution satisfaisante. Il contient les épisodes 1 à 5, ainsi que l'épisode "Genius: pilot saison", initialement publiés en 2014, écrits par Marc Bernardin & Adam Freeman, dessinés, encrés et mis en couleurs par Afua Richardson. L'histoire se déroule de nos jours, dans un quartier de Los Angeles (South Central). le récit s'ouvre avec des policiers du LAPD dont un qui reçoit une balle en pleine poitrine. Face à eux, se tient une jeune femme (entre 20-25 ans) appelée Destiny Ajaye. Elle leur demande de prendre leur blessé et d'évacuer cette partie de leur ville. Elle leur annonce qu'elle et son gang ont décidé de faire régner leur propre loi dans ce quartier. Dans le commissariat correspondant, le capitaine Lou Haroy écoute Reginald Grey lui expliquer sa théorie. Grey est un analyste et il a décelé une volonté qui se dégage de plusieurs signalements isolés au fil des 10 dernières années. Il a baptisé ce cerveau du crime Suspect zéro. La police se prépare à donner l'assaut pour rétablir l'ordre public. de leur côté, les insurgés sont prêts, ils ont même anticipé plusieurs coups d'avance. Sur la quatrième de couverture, le lecteur peut lire que Destiny Ajaya est une stratège hors pair, à mettre dans la même classe qu'Hannibal, Gengis Khan ou le général Patton. En feuilletant rapidement les pages, le lecteur constate qu'Afua Richardson a travaillé à l'infographie pour un résultat coloré, avec différents modes de rendu, et une approche visuelle personnelle. Ce tome promet une lecture originale qui sort des sentiers battus. Le principe de mettre en scène une stratège hors pair constitue une forme de défi vis-à-vis du lecteur, une promesse ludique d'essayer d'anticiper les mouvements de Destiny Ajaye, et donc de se montrer aussi futé que les scénaristes. Il regarde donc Destiny Ajaye s'imposer à la tête d'un gang, puis s'arranger pour unifier les différentes bandes du quartier sous son égide. Les scénaristes réussissent à rendre ce parcours possible, grâce à une stratégie intelligente, et des talents d'oratrice convaincants. En ce qui concerne la mainmise sur ce quartier, la prise de pouvoir par la force convainc également, ainsi que l'organisation des bandes en une force armée, et l'anticipation des mouvements de la police, puis de la garde nationale. En face la police est bien sûr dépassée, mais elle n'est pas incapable et débile. Les auteurs montrent qu'il s'agit d'un service organisé, préparé à répondre à ce genre de situation. Reginald Grey réussit à se faire entendre, de manière progressive. Bernardin & Freeman étoffent leur récit avec un portrait de Destiny Ajaye qui sonne juste. Certes ils utilisent un traumatisme d'enfance comme point de départ, mais son parcours dans ce quartier défavorisé s'avère très proche de ce que l'on peut lire ou voir aux informations. Les personnages secondaires ne disposent que de très peu de temps d'exposition (même Reginald Grey), et de personnalités à peine esquissées. Néanmoins les auteurs intègrent plusieurs seconds rôles qui fournissent autant de points de vue supplémentaire : Chavonne la meilleure amie de Destiny, Izzy Cortina une journaliste. Afua Richardson utilise l'infographie pour réaliser ses planches. Il détoure les formes avec un trait noir, comme de l'encrage classique. Ses personnages sont représentés avec une forme de simplification des traits qui évoque parfois les dessins animés, sans aller jusqu'à une esthétique pour la jeunesse. Ils disposent tous d'une morphologie spécifique, de visages différents, et ils s'habillent avec des vêtements normaux, reflétant leur milieu social (quartier défavorisé et plutôt noir de Los Angeles). Si les scénaristes recourent à des expressions typées "rue", le dessinateur lui n'en rajoute pas dans ce registre. Richardson change de registre de représentation des décors et arrière-plans en fonction de la séquence. Il peut se servir d'un logiciel de modélisation (de type sketchup) pour dessiner une rue, une façade, le motif en carré d'un carrelage, ou un modèle de voiture, comme il peut dessiner de manière plus traditionnelle. Comme ses collègues dessinateurs de comics, il peut également choisir de concentrer son dessin sur les personnages, et masquer la vacuité de l'arrière-plan par un discret dégradé de couleurs. Ce mélange de modalité de représentation lui permet de bien faire ressentir au lecteur, que l'action se passe dans un quartier de Los Angeles, à la fois par l'urbanisme, la luminosité, et l'architecture. Par contre quand 3 modalités différentes coexistent sur la même page, le lecteur peut ressentir comme une forme de dissonance. Difficile de passer outre l'artificialité d'une planche comprenant un dallage généré par infographie au tracé parfaitement, 2 cases sans arrière-plan, et une case avec un décor détouré dans le même mode que les personnages. À condition de s'acclimater à ce mode de dessin parfois un peu patchwork, le lecteur plonge dans ce thriller, avec le plaisir de participer au jeu de l'anticipation, d'essayer de devancer Destiny Ajaye dans sa stratégie. Les scénaristes arrivent à raconter les scènes attendues de manière vivante et enlevée (y compris les premières barricades et les premiers affrontements contre la police), et à insérer des variables aux effets inattendus (comme l'infiltration de la journaliste Izzy Cortina). Par contre, dès le début, le lecteur se pose la question de ce que peut vraiment espérer Destiny Ajaye, quel est son véritable but. En effet, le contrôle du quartier d'une ville pour imposer sa loi constitue quelque chose de très relatif. Il suffit que le maire décide de couper l'eau ou l'électricité pour que le mouvement de séparation se heurte à un obstacle insurmontable. Aussi dès le départ le lecteur s'interroge sur l'objectif réel de cette stratège. La réponse se trouve bien dans le récit, mais elle s'avère un peu décevante (même si elle reste cohérente avec l'âge de Destiny Ajaye). Cette vision à long terme un peu bancale et l'hétérogénéité de certaines planches coutent une étoile à cette histoire plutôt originale.

10/06/2024 (modifier)
Couverture de la série Alerte
Alerte

On est là dans un polar/thriller très classique, autour d’un scandale lié à l’expérimentation menée par un grand laboratoire pharmaceutique. Par le plus grand des hasards, Cathy, l’une de ses meilleures chercheuses se trouve informée d’un gros problème, que le laboratoire cherche à étouffer. Elle se transforme peu à peu en enquêtrice, et va devenir une lanceuse d’alerte. Difficile de ne pas penser à l’affaire Mediator/Servier, et au rôle joué par Irène Frachon, qui a sans aucun doute dû inspirer Johan Massez pour son personnage de Cathy – et pour une partie de l’intrigue générale. Intrigue qui, sans être hyper originale ni trop rythmée, se révèle très plaisante à suivre. Le dessin est plutôt minimaliste et un peu stylisé, le tout accompagné d’une colorisation tranchée et un peu froide (presque bichromique). Là aussi, j’ai plutôt bien aimé ce travail, qui donne un ensemble très fluide et agréable. C’est un diptyque, donc la conclusion viendra rapidement. En l’état, c’est une série dont la lecture est recommandée. Note réelle 3,5/5.

10/06/2024 (modifier)
Couverture de la série J'ai tué le soleil
J'ai tué le soleil

Je ne dois certainement pas être le seul, Winshluss est un auteur que je guette avidement. Le problème c'est que du coup j'ai pas mal d'attente à chacunes de ses productions, même s'il ne m'a jamais déçu depuis, tout ne relève pas systématiquement du génie, J'ai tué le soleil fait un peu partie de cette catégorie. Je qualifierai ma première lecture de gentillette, j'en étais sorti un poil maussade, attention j'ai bien aimé mais il m'a manqué un petit truc pour tenir et me subjuguer jusqu'au final, qui lui est franchement réussi. L'auteur s'essaie au récit post-apo, j'aime son trait un peu charbonneux et sa narration muette mais c'est long à se mettre en place et sur le coup les ingrédients présentés sont déjà vus. Bref il faut tenir pour découvrir le sel de l'histoire, par contre même une fois connu, l'album se relit très bien (peut être même mieux ?). 3,5

10/06/2024 (modifier)
Couverture de la série Welcome to the Death Club
Welcome to the Death Club

J'ai lu l'édition originale chez 6 pieds sous terre, je précise car la réédition a bien été gonflée avec un nombre de pages qui a quasi doublé ... je suis un peu deug' d'ailleurs !! Un album sympathique pour qui aime l'auteur. L'album se place comme un recueil de gags ou histoires courtes autour de la mort, ces derniers ayant étaient parus au préalable dans des revues. L'exercice permet à Winshluss d'affiner tranquillement son style, il expérimente différents types de graphisme toujours sous fond d'humour noir. Tout n'y est pas systématiquement réussi mais l'ensemble est plus qu'honorable, certains font même preuve d'une belle poésie. Pas un indispensable de l'auteur mais on peut s'attarder dessus si vous souhaitez approfondir sa bibliographie.

10/06/2024 (modifier)
Couverture de la série Super Negra
Super Negra

Je ne pensais pas mettre un jour cette note à un auteur que j'admire tant mais j'ai trouvé cet album vraiment mauvais. Précisons que je le découvre sur le tard, j'en attendais sans bien trop après les nombreuses pépites lues de Winshluss (Pinocchio, Smart monkey, In God we trust ...). Sans doute une œuvre de jeunesse, on trouve déjà son trait un peu underground et univers trash mais c'est encore loin d'être à maturité. Je sais bien que c'est voulu mais je trouve son dessin ici franchement moche, ça passerait encore si le fond suivait. L'auteur propose une parodie trashouille des héros de Disney. Pourquoi pas ? si ça amène quelque chose. Malheureusement ça tourne vite en rond, pas de double lecture et surtout ça oublie carrément d'être drôle. En fait j'ai trouvé ça juste vain et méchant. La provocation ne fait pas tout, heureusement l'auteur corrigera rapidement le tir par la suite.

10/06/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Dieu-Fauve
Le Dieu-Fauve

Je me joins au concert de louanges accordé à ce superbe album du prolifique Fabien Vehlmann. « Le Dieu-Fauve » nous raconte une aventure passionnante, brutale et sauvage. L’histoire est découpée en chapitres présentant le point de vue de plusieurs personnages, divulguant progressivement les motivations de chacun. La narration est parfaitement maitrisée, j’ai pris beaucoup de plaisir à décortiquer les méandres de l’intrigue, et la fin m’a beaucoup plu. Il faut dire que la mise en image de Roger est sublime. Le découpage est réussi, les planches contiennent de belles grandes cases au dessin très détaillé, et j’ai beaucoup aimé les lignes et les perspectives sur les paysages. Les scènes d’action sont aussi très réussies, très dynamiques. Vraiment, une chouette histoire.

10/06/2024 (modifier)