Les derniers avis (236 avis)

Par gruizzli
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Médée (Le Callet / Peña)
Médée (Le Callet / Peña)

Oh, mais c'est très très bien ça ! Je ne m'attendais pas à une telle série et je suis franchement ravi de l'avoir lu, parce que j'adore les mythes et que j'ai grandement apprécié les œuvres de Nancy Pena (pas toutes, mais en grande partie). J'ai pu me procurer l'intégrale généreusement complété d'un lexique documenté en fin d'ouvrage, et c'est parfait ! Il y a une certaine mode aujourd'hui à la reprise de figure mythologique (principalement grecques) pour en ressortir des histoires répondant aux nouveaux enjeux de notre temps (féminisme, homosexualité, etc …), non sans un certain succès d'ailleurs (Circé et le Chant d'Achille de Madeline Miller par exemple). A mon sens, Médée s'inscrit totalement dans cette optique : elle est une reprise de mythe grec mais se veut aussi une œuvre redonnant du sens à un personnage féminin et surtout, surtout, une incroyable remise en contexte historique de la légende. C'est sur ce point là que la série m'a convaincu définitivement : la reprise dans un contexte historique très précis, avec des explications de l'origine du mythe à la fois plausible mais surtout bien documentée pour en faire un récit historique (dans les grandes lignes). A ce niveau là, j'ai apprécié les ajouts qui renforcent la crédibilité : les grecs et les barbares, les questions de nouveautés techniques, les royaumes en guerre, les personnages mythologique qui s'inscrivent dans des réalités concrètes … J'ai senti le poids des recherches effectuées, des interactions crées mais aussi les explications que l'auteure a fourni aux mythes. Comment ceux-ci se sont crées et pourquoi, avec cette touche de poids historique qui le rend plausible. La série est comblée avec le dessin de Nancy Pena, qui a sorti les grands moyens et ça se voit. Les dessins, les couleurs, les effets de lumière … On sent le soleil de la Méditerranée, la Grèce, la mer. Elle s'est aussi fait plaisir sur les personnages, incarnant les mythes à l'opposé de ce qu'on imagine généralement : Jason n'est pas une montagne de muscle ni un héros à l'apparence sublime, les rois sont souvent moches, gras. C'est un dessin que j'apprécie grandement et qui est magnifiquement mis en scène. Cette série est une merveille, j'en suis sorti avec un énorme coup de cœur que je n'ai pas hésité à décerner immédiatement. La somme de travail, la réalisation, le dessin, le propos … On sent que les auteures parlent de la place des femmes dans une Grèce classique, mais sans verser dans la dénonciation absurde de notre monde. C'est aussi une très belle histoire sur la complexité d'un monde et de l'Antiquité qui s'ouvre aux nouvelles techniques. Une vraie belle découverte, je ne peux que la recommander chaudement. C'est une surprise de bout en bout, mais c'est une magnifique surprise.

07/12/2023 (modifier)
Par Bruno :)
Note: 5/5
Couverture de la série ClanDestine - Réunion de famille
ClanDestine - Réunion de famille

Ah oui ! Cet essai chez Marvel, visiblement très pensé en amont, est une réussite pour Alan Davis tant la spécificité scénaristique de l'histoire -du Super-Héros visuellement tout ce qu'il y a de plus classique mais dont le contexte est fortement teinté de mysticisme !- complimente le style graphique de l'auteur, toujours limite entre le semi-réaliste et le romantico-décoré (je me comprends : voir les poses des héros et/ou la représentation dessinée des manifestations para-normales...). Une famille, donc ; mais dont les liens parentaux ne sont pas ceux que l'on imagine au premier abord -ne dévoilons rien !- et qui voit ses origines très originales se perdre dans la nuit des temps... l'Amour, toujours Lui ! Une recherche manifeste quant à la création des personnages ; avec un soucis très Science-Fictionnesque assez surprenant de pousser chaque exploration des facultés extraordinaires de la famille (The Clan Destine, donc !) jusqu'au bout de leurs applications/limites et exploitations scénaristiques. Le contexte familial "recréé" permet un angle intime assez nouveau pour offrir une large palette d'idées à l'auteur et, même si son run sur le Comic est assez court, il s'en sort vraiment bien ; tout en réussissant l'exploit d'intégrer son équipe à l'univers foutraquement riche du MCG sans lui enlever un gramme de "crédibilité". Plein de promesses (avortées, donc...) et tout plein d'antagonistes intéressants -car entre deux, comme dans la vie !- ; le tout sous-tendu par un fil rouge (le mystère autour de Vincent) qui est conclu -un poil rapidement !- lors d'un ultime épisode réalisé bien après l'arrêt de la série. Faudra que je me renseigne sur les raisons de cet abandon, d'ailleurs. Un plaisir de lecture comparable à Excalibur ; pour peu qu'on évite les suites archi-pas belles et -surtout !- TRÈS maladroites (grotesques !) côté scénario... J'ai cru rêver BEURK. Merci Gaston pour le post ! Je les avais zappés...

02/12/2023 (modifier)
Par Cleck
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Ceux qui me touchent
Ceux qui me touchent

Le trait de Bonneau m'avait déjà enthousiasmé dans l'excellent roman graphique L'Étreinte, dans le beau mais moins abouti Le Regard d'un père. J'étais donc réceptif à ce style particulier et prêt à accueillir la tornade émotionnelle en marche, si tant est que l'on puisse être prêt à cela. "Ceux qui me touchent" vibre d'une force brute et viscérale. Damien Marie offre un puzzle parfait à Laurent Bonneau : on suit la trajectoire d'un homme désenchanté mais non résigné, son couple certes heureux mais surtout fatigué par le travail quotidien, une fille adorée offrant une échappatoire dans l'imaginaire, et puis la nostalgie d'une jeunesse où des envies d'Art et d'absolu conviaient encore tous les possibles. Nous sommes en présence de perdants magnifiques : des femmes et des hommes broyés par un système imposant ses cadences, ses horaires infernaux, sa froideur capitaliste, sa négation du sens et de l'éthique. Ici, nulle révolte sociale et collective (grèves, manifs traditionnelles, mouvement des gilets jaunes...) comme nous le présentait Tristan Egolf dans le roman "Le Seigneur des porcheries", immanquablement à l'esprit lorsqu'il est question d'abattoirs porcins. Non, ici on épouse une trajectoire individuelle, une fuite irréfléchie capable de tout envoyer en l'air (travail, couple et niveau social) pour s'offrir une respiration désespérée, profondément humaine, artistique. S'invitent alors nos souvenirs d'un des beaux romans graphiques de l'année passée, La Dernière Reine de Rochette : les thématiques dialoguent, se répondent (rapport au monde, à la nature, à l'Art brut, dichotomie Paris/Province, quête d'absolu, l'amour magnifié). Les illustrations de Bonneau acceptent de se présenter comme quasi-inachevées ; nul repassage à l'encre ici pour en gommer les traits de construction, elles s'offrent par touche à la manière des peintres impressionnistes, non pour en dévoiler la lumière et les couleurs mais pour ne pas en effacer le geste artistique, l'hésitation devant la feuille. Elles demeurent une perpétuelle esquisse, des fragments de vie. Cela leur confère une puissance magnifique renfermant de l'ellipse et une polysémie de sens, susceptibles d'abriter nos souvenirs de lecture et plus encore notre intime dont les thématiques aisément partagées facilitent l'identification (ici nos rêves d'enfant, nos actes manqués, les difficultés au sein de nos couples, la quête de sens au travail, la (ma)paternité, nos colères...) On touche parfois au sublime !

24/11/2023 (modifier)
Couverture de la série Perpendiculaire au soleil
Perpendiculaire au soleil

Je n'ai pas hésité à mettre la note max à cet ouvrage aussi original que saisissant. La thématique de la peine de mort est assez souvent reprise mais ici Valentine Cuny-Le Callet produit une œuvre d'une grande densité qui aborde la problématique par le bon bout. En effet la notion de degré de culpabilité est secondaire dans la question de fond sur la légitimité de la peine capitale. En évoquant plusieurs anecdotes atroces, Valentine montre qu'elle n'élude pas cet aspect. Mais le sujet se pense en nature et pas en degré. Comme elle le propose. L'autrice s'inscrit ainsi dans les pas de Victor Hugo (Claude Gueux, Les derniers jours d'un condamné) où il n'y avait aucun doute sur la culpabilité du prévenu. Valentine place immédiatement son récit sur le plan du contraste entre l'humanité de Renaldo et l'inhumanité du système carcéral. C'est d'ailleurs paradoxal car c'est souvent un acte inhumain qui a conduit ces hommes dans le couloir de la mort mis en place par une société qui se revendique comme modèle d'humanité. Je suis impressionné par la maturité du propos de la jeune autrice de 24 ans. Maturité dans la construction de son récit et maturité dans son graphisme où elle utilise plusieurs techniques. Comme le souligne Valentine, cette double violence la dépasse. C'est uniquement en se réfugiant dans les différentes références artistiques qu'elle peut avancer sur son objectif sans y laisser trop de son affect. J'ai perçu Valentine dans un constant besoin d'équilibre pour trouver la position juste vis à vis de Renaldo. C'est une problématique très connue des bénévoles associatifs dans ce type de situations où la mort est très présente. Elle ne doit pas envahir tout l'espace mais ne doit pas non plus se laisser envahir par Renaldo. Malgré sa jeunesse, je trouve que Valentine réussit admirablement bien cet exercice. Le pavé de plus de 400 pages peut paraître un peu lourd mais cela permet à l'autrice des passages bien aboutis sur des voies de traverses comme le racisme aux USA ou certaines règles de fonctionnement du système carcéral. Toutes les œuvres qui traitent sérieusement du monde carcéral (L'Accident de chasse, Panthers in the hole) mènent à des questionnements fondamentaux sur notre humanité. L'œuvre de Valentine Cuny-Le Callet ne déroge pas à la règle. Une lecture exigeante et marquante d'un excellent niveau.

15/11/2023 (modifier)
Par Cacal69
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série L'Éclaireur - Récits gravés de Lynd Ward
L'Éclaireur - Récits gravés de Lynd Ward

Une œuvre majeure de la bande dessinée. Un grand bravo aux éditions Monsieur Toussaint Louverture pour cette anthologie et pour la qualité de ce coffret. Lynd Ward est un précurseur du roman graphique, c'est lorsque qu'il vit en Allemagne à Leipzig où il suit une formation en gravure qu'il découvre "Le Soleil" de Frans Masereel qui aura une influence déterminante sur ses ambitions artistiques. Ce coffret reprend l'intégralité de ses six romans sans paroles, ils sont proposés dans l'ordre chronologique de création, ce qui permettra de suivre l'évolution graphique de l'artiste. Une œuvre marquée par son époque, de la crise de 1929 à l'aube de la seconde guerre mondiale. Le témoignage sur une période trouble du XX° siècle. Une narration visuelle unique, les symboles sont omniprésents, puisqu'elle permet à chaque lecteur de se l'approprier et d'en faire une interprétation personnelle même si Ward en donne les grandes lignes. Chaque récit est suivi des mots de Lynd Ward qui nous éclairent sur le processus de création. Mais Lynd Ward c'est aussi un peintre et de nombreuses bd pour enfants, souvent avec son épouse May McNeer à l'écriture. Graphiquement, au début j'ai été un peu perturbé, car la dimension des gravures varie souvent d'une planche à l'autre, le choix a été fait de garder les formats originaux des gravures sur bois. Des formats différents qui, finalement, n'ont pas gêné mon plaisir de lecture. On a droit à une image par page ou plutôt d'une image par feuille, ce qui facilite la lecture. Un dessin à la grande force évocatrice, sensuel, puissant, expressif et d'une finesse époustouflante puisqu'il ne joue pas seulement sur un noir et blanc contrasté, comme Masereel, il arrive à immiscer des nuances de gris grâce la technique "La Manière Noire" pour la première fois dans l'histoire de la gravure. Un dessin qui va évoluer de l'expressionnisme allemand anguleux à un style art déco plus doux. Des gravures qui grouillent de détails, qui jouent sur les ombres. Magnifique ! - Gods' Man (1929) _ 139 bois. Ce livre est sorti en octobre 1929, la semaine même du krach de la bourse de New-York. L'histoire faustienne d'un artiste qui renonce à son âme contre un pinceau miraculeux. Un récit sur l'art et le pouvoir de l'argent avec en toile de fond la recherche du bonheur. Une fin inéluctable. Percutant. 4 étoiles. - Madman's Drum (1930) _ 118 bois. L'histoire d'un marchand d'esclaves qui vole un tambour, orné d'un visage de démon, à un homme qu'il assassine. Un récit sur les liens familiaux, la perte d'êtres chers et l'injustice sociale avec un brin de religion. Il faut rester concentré pour bien saisir l'intrigue qui se joue au fil des pages. L'histoire la plus complexe, à mon avis, à décrypter, la narration manque de fluidité. La couverture est issue de ce récit. 3,5 étoiles. - Wild Pilgrimage (1932) _ 108 bois. L'histoire d'un ouvrier d'usine qui abandonne son lieu de travail pour chercher une vie libre. Un récit qui explore la réalité du monde extérieur et son image qui se projette dans l'esprit de chacun. Une narration qui joue sur la couleur de l'encre utilisée pour ne pas nous perdre, le noir pour la réalité et l'orange pour les fantasmes avec en filigrane le racisme. Dérangeant. 4,5 étoiles. - Prelude to a Million Year (1933) _ 30 bois. L'histoire d'un sculpteur qui, dans sa quête de la beauté idéale, néglige la réalité des luttes entraînant ses voisins dans les profondeurs de la grande dépression. Un regard sur la vie nombriliste d'un artiste avec en arrière plan l'injustice sociale. Poignant. 4 étoiles. - Song Without Words (1936) _ 21 bois. L'histoire concerne l'anxiété qu'éprouve une future mère à l'idée de mettre un enfant dans un monde sous la menace du fascisme. Une œuvre réalisée alors que l'épouse de Ward est enceinte de leur deuxième enfant. Visionnaire. 4,5 étoiles. - Vertigo (1937) _ 230 bois. L'histoire se déroule de 1929 à 1935 et suit trois personnages principaux : une jeune femme, un jeune homme et un vieil homme. Chacune fait l'objet d'un chapitre complet. D'abord "The girl" qui se découpe en années, puis "An elderly gentleman" en mois et enfin "The boy" en jours. Une narration maîtrisée et qui s'accélère pour mieux montrer l'impact de la grande dépression, celle-ci transpire dans ces trois vies brisées. Un chef-d'œuvre. 5 étoiles. Une anthologie dense, novatrice et à la forte puissance narrative. Si vous en avez l'occasion, ne vous en privez pas. Culte et gros coup de cœur.

08/11/2023 (modifier)
Couverture de la série Les Illuminés
Les Illuminés

Quelle merveille ce livre! Commençons par le dessin! J'aime énormément le travail de Jean Dytar (une bibliographie sans fausse note (Scénario/dessin) et en particulier Florida, un de mes gros coups de coeur de l'année 2018) mais là, waouh, je ne m'attendais pas à pareille claque visuelle !! Un peu dans la même veine que David Vandermeulen pour Fritz Haber. Que c'est beau et cette idée de découpage des planches qui permet, aidé par les couleurs, de suivre en parallèle et aisément nos trois protagonistes (i.e. Rimbaud, Verlaine et Nouveau) est judicieuse et marche formidablement bien. Côté scénario, rien à redire, c'est d'une subtilité et finesse sans nom ! On ne présente plus non plus Laurent-Frédéric Bollée et on notera l'apport reconnu de Jean Dytar. Lire ce récit sur la genèse des Illuminations me donne des envies de (re)lire le(s) livre(s) de Rimbaud, (re)lire les livres de Verlaine et Nouveau, se renseigner sur cette période et ces trois auteurs et finalement, se replonger à nouveau dans cette BD ! Un immanquable de 2023 !

31/10/2023 (modifier)
Par Jashugan
Note: 5/5
Couverture de la série Blast
Blast

Ce qui est incroyable avec l'art, c'est quand bien même je n'ai rien en commun ni avec l'expérience de l'auteur, ni ses valeurs et probablement son sens moral, on ne peut s'empêcher devant une telle oeuvre d'être saisie par l'insaisissable quand l'auteur y a posé ses tripes et son âme comme cataliseur catharsistique. Mr Larcenet m'a vraiment soufflé en peignant ce récit, et il a réussi à nous partager en fond l'expression de son esprit endommagé par des affres psychiatrique, se traduisant par un récit d'une intensité dramatique effroyable et un univers graphique à l'encre de chine bouleversant. En disant ça on peut s'attendre à ce que le récit soit pénible à suivre, qu'on va souffrir avec les protagonistes et l'auteur, mais non j'ai ressenti presque de la légèreté dans le ton adopté, car le personnage principal n'a pas bien conscience dans quelle folie il évolue. On suit ce marginal malade, qui n'a pas bien conscience de ses actes (en ce sens cela me rappelle le personnage principal de Silent Hill 2 autre chef d'oeuvre sur le thème de la non expiation des horreurs commises, et que cette non acceptation a créé une inconscience post traumatique ici symbolisée par le "Blast"), et finalement on emboite le pas de sa déposition d'un personnage quelque peu simplet, voire enfantin, comme on se promenerait dans une forêt avec son labrador. Avant de comprendre de quel mal est atteint cette grosse carcasse, on lui porte une empathie réelle. C'est aussi ce qui va rendre ce récit presque effrayant, exarcerbé par les hallucinations subies par cet étrange personnage dans une explosion graphique. Il va nous intriguer, nous dégouter et au final nous toucher. Avait-il finalement conscience de ses actes, était il coupable moralement, voilà tout le rôle de la psyché et de son mécanisme difficilement traduisible qui pourra altérer notre vision de ce qu'on jugera du domaine du barbarisme ou du domaine de la névrose incontrôlée. Nous avons encore tant de choses à apprendre sur la psyché humaine. C'est aussi pourquoi les tueurs en série nous subjuguent, car il nous font apprendre beaucoup sur les formes que le conscient et l'inconscient peuvent prendre. Je ne pense pas avoir connu une oeuvre graphique aussi profonde. C'est un chef d'oeuvre, de l'art en barre.

29/10/2023 (modifier)
Par gruizzli
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Jonathan
Jonathan

2023, bientôt 50 ans que le premier album est sorti. Je déniche un lot dans une librairie d'occasion, je les achète. C'est pas cher et ça fait un avis de plus ! Retour à la maison, je commence le premier volume. J'en sors surpris : ça a été publié dans le journal Tintin, ça ? Ça parle d'une guerre que les occidentaux n'ont jamais vraiment regardée en face. Ça mentionne des ethnies inconnues, on a des morts, des bombardements. C'est vraiment fait pour enfant ? Je continue les lectures et l'étonnement grandit. On parle de vols d'œuvres culturelles par les occidentaux, de disparus dans l'Himalaya par manque de préparation, de maladies mentales. Chaque volume est une histoire mais toutes ensemble tissent une trame narrative qui se suit. C'est prenant, c'est passionnant. L'auteur évolue, et ça se sent. Le dessin du premier volume, plus grossier, s'affine. On sent l'amour pour la montagne, pour le Tibet, pour les populations locales. On mentionne quantité de noms inconnus en occident, ça parle de pays qu'on ne connait qu'en carte postale. Le tout accompagné de bandes originales à chaque album : Mike Oldfield, Kate Bush, Pink Floyd, Brian Eno, du classique parfois … Tiens, il a les mêmes goûts que mon papa, qui me les a transmis ! Et puis la césure, les albums américains. Cosey a changé d'imaginaires, tout comme dans ses BD. On oublie les montagnes de l'Asie, on a les plaines de l'Amérique. C'est le passage de Saigon-Hanoi à Orchidea. Mais Jonathan reste le même, il est toujours affublé de ses vêtements iconiques, sa coupe de cheveux et son spleen mélancolique. Jonathan, c'est du Corto Maltese inspiré par l'Asie et l'Amérique, c'est du baroudeur qui n'a jamais d'attaches. Il aime, il avance, il découvre. Jonathan ne juge pas, il est spectateur d'un monde, s'inscrit dedans et accepte les gens tels qu'ils sont. Marginaux, rêveurs, idéalistes, tous portés par leur foi en quelque chose. Jonathan, lui, regarde. Je ressors de ma lecture. C'est prenant. Une envie me vient d'aller prendre mes chaussures et de marcher dans les Vosges. On est en automne, c'est le moment où la forêt sera magnifique et j'ai soudainement envie de montagne. La BD qui habite après sa lecture, n'est-elle pas la meilleure ? Lorsqu'on est encore baigné par une ambiance, c'est qu'elle nous marque, après tout. Et j'ai envie de retourner faire des escapades avec Jonathan, voir un peu le monde et vivre quelques instants encore dans l'Himalaya. Il va falloir que je me procure les albums manquants. Et si je me remettais un Mike Oldfield en attendant ?

19/10/2023 (modifier)
Couverture de la série Le Goût du Japon
Le Goût du Japon

C'est avec un grand plaisir que je retrouve la fascinante épopée du kimono fantastique de Nancy Peña. Sur les pas de l'intrépide et moderne Alice Barnes, l'autrice nous fait voyager dans un Japon traditionnel qui s'ouvre au monde extérieur. C'est donc à une confrontation culturelle intense que nous invite cette escapade japonaise. Le scénario transpire de la grande culture de l'autrice qui nous fait passer des références littéraires anglaises aux contes traditionnels japonais avec un grand brio. Deux mondes éloignés géographiquement mais qui peuvent se rejoindre tellement le fantastique et l'onirique imbibent les deux cultures littéraires. Le titre renvoie à un ouvrage collectif qui montre la difficulté à "comprendre le Japon". Mais "ici c'est le Japon" le lecteur comme Neville doit "accepter de ne pas comprendre" mais plutôt utiliser son "nonsense anglais". Il faut donc se laisser porter dans ce monde où les Kamis vous invitent au détachement. Graphiquement cet ouvrage est une merveille. Déjà la très belle couverture est digne des plus jolies gravures. L'intérieur est du même niveau, chaque planche est une merveille de courbes, de finesse, de foisonnement et de précision. Le dessin de Nancy participe pleinement à la narration qui nous rappelle l'importance du rapport à la nature pour les japonais. Nature instable, exigeante et qui invite à l'humilité de l'éphémère tellement tout peut changer d'un jour à l'autre. La mise en couleur en bichromie rouge/noire ajoute de la profondeur à cette univers poétique et fantastique. Nancy Peña conclut magnifiquement son cycle du chat du kimono par un ouvrage d'une intelligence rare. Son originalité des scénarii et son talent graphique en font à mon goût une artiste d'exception dans le monde de la BD.

12/10/2023 (modifier)
Par Patoun
Note: 5/5
Couverture de la série Sapiens (Albin Michel)
Sapiens (Albin Michel)

De mon point de vue, rares sont les BD tirées d'un livre dont le résultat est au moins à la hauteur du format originel. Sapiens en fait indéniablement partie. (j'ai lu les deux premiers tomes de la série après avoir écouté l'ensemble du livre en version audio) Pourtant les risques de déconvenue étaient grands tellement le livre regorge d'informations cruciales relatives à la compréhension de l'Histoire humaine. Je suis convaincu que le dessin est ici le garant de cette réussite. Malgré un gros travail de synthèse (très bien mené), les illustrations permettent, en un nombre de pages limité (relatif tout de même : c'est un pavé !) ainsi qu'un volume de texte condensé, de retranscrire l'essentiel du livre. Je ne vais pas m'attarder longtemps sur cette description. Je dirais simplement qu'il est quasi impératif de lire cette œuvre tellement on en apprend sur l'apparition de nos sociétés humaines et sur le cheminement qui nous a conduit à aujourd'hui. Certains arguments avancés sont encore au stade de l'hypothèse scientifique mais il est surprenant de découvrir comment une succession possible de hasards, ou à l'inverse, un détail anodin, peuvent changer le cours de l'Humanité de manière irréversible. Pour résumé, @Sapiens est à l'anthropologie ce qu'@Economix est aux sciences économiques (de manière vulgarisée bien évidemment). Culte donc de ce point de vue ! ;) Petit coup de cœur pour l'originalité des mini-scénarios explicatifs présents tout au long de la lecture ! Note réelle : 4,5 / 5

04/10/2023 (modifier)