Que les amateur-ice-s de métafictions et les fanatiques du bon mot se réjouissent, le récit ici présent est une jolie explosion de créativité !
J'adore la métafiction, les récits où la dimension fictive/factice est conscientisée par l'auteur-ice, par les personnages, où l'on invite lae lecteur-ice/spectateur-ice à activement participer en réfléchissant sincèrement et profondément sur ce qui est dit. Pas de fainéantise quand on joue avec les codes. Alors un récit mélant personnages de contes et de fables, ruses et idioties, facilités scénaristiques assumées et ambitieux passages narratifs, moi je ne peux que l'apprécier.
Il me serait difficile de pleinement résumer l'intrigue, celle-ci étant volontairement (et sans doute inutilement) sinueuse, d'ailleurs les personnages eux-même redoutent sans cesse les décisions de l'autrice ("Quel fléau que cette donzelle !"). Sachez juste que cette histoire se passe au milieu d'autres, avant le mot fin, dans une nouvelle aventure qui n'aurait jamais été racontée ni par Perrault ni par La Fontaine (ou tout autre quidam similaire), une étrange histoire de montagne, de souris et d'ogre, de débats sémantiques sur les paraboles, d'entourloupes et de voyages éliptiques.
Bref, je m'étale, je m'étale. Difficile de bien parler de cet album. Peut-être devrais-je cesser de m'étaler dans des répétitions inutiles et des pinaillages accessoires dans mes avis ? Peut-être même me faudrait-il repartir en arrière pour changer de nouveau mon précédent paragraphe et faire comme si de rien n'était ?
Peut-être. Mais on va dire qu'au final les bafouillages importent peu.
Les dessins de Nancy Peña sont, là aussi, de très bonne facture. J'avoue avoir eu besoin d'un court temps d'adaptation pour les bouches de nos protagonistes animaliers (je ne sais pas vraiment pourquoi, les grosses lèvres ont créé un blocage chez moi) mais une fois cela passé je n'ai rien trouvé à redire. Certain-e-s pourraient regretter une forme trop confuse, je la trouve au contraire finement menée, fluide à lire et j'apprécie que l'autrice profite pleinement des codes de la mise en page de l'album en lui-même. Non seulement l'autrice s'amuse avec les codes narratifs propres à la fiction, mais en plus elle se permet de foutre le boxon dans les belles règles propres au neuvième art ! On oublie les cases, les personnages se baladent n'importent où, on se permet même de faire demi-tour quelques fois et de briser le quatrième mur en alpaguant directement lae lecteur-ice ou en jouant avec la pagination et les ellipses. Bref, un joli foutoir volontaire qui se révèle en réalité savamment travaillé.
Comme répété plusieurs fois déjà dans mon avis, cette série (ou album si vous avez l'intégrale) est un petit bijoux de métafiction créant et maintenant un agréable sentiment de connivence chez toute personne amatrice de contes, fables, paraboles, et tout simplement de récits en général.
Un album marquant, drôle et bien écrit qui mérite amplement la note maximale à mes yeux.
Allez hop 5/5! Même pas peur de mettre la note maximale pour ce très beau one shot qu'on se prend dans la tronche sans le voir venir.
Le dessin est tout simplement magnifique, avec un gros travail sur les personnages et leurs expressions. Les contours marqués en noir renforcent le sentiment d'isolement et de solitude des personnages. Les couleurs ensuite avec des ambiances quasi monochromatiques pour mettre l'emphase justement sur ce que ressentent les personnages. Ca aide à structurer le récit en une multitude de séquences cohérentes. Et ça rajoute énormément à l'ambiance banale et bizarrement angoissante de la routine du héros, son travail aux abattoirs, sa vie de famille le soir...
Le récit est comment dire... impossible à décrire sans spoiler cette histoire que j'ai trouvée très originale. Donc sans en dire davantage disons que l'histoire assez classique au début bascule rapidement et oscille entre rêve et cauchemar. C'est justement une histoire que le papa raconte à sa fille pour l'endormir qui fait office d'élément déclencheur et se trouve être le point de bascule. Il y a aussi de vrais moments surreéls comme on en croise que dans les rêves. Ca m'a fait souvent pensé à du David Lynch par exemple pour l'aspect onirique et parfois loufoque. Ce qui n'est pas une maigre référence.
L'ensemble est très cohérent et se rélève être une refléxion puissante non seulement sur l'aliénation au travail, à la société de consommation et notre rapport au vivant, mais aussi sur la poésie et l'art. Un très beau livre.
Bon, pour mon petit retour sur BDthèque il fallait bien attaquer avec un avis trop long, trop enthousiaste et pas du tout objectif, non ?
Alors que dire sur cette BD... Déjà que c'est une des récentes lectures qui m'a collé la larme à l’œil que j'apprécie d'avoir, surtout parce que j'ai été touché. Mais aussi que je ne peux que conseiller la lecture à tous ceux qui ont déjà eu un animal (félin, canin, autre). Parce que c'est une très belle lecture sur l'amitié avec les animaux, l'amour qu'on leur porte et ce que ça devient dans nos vies. Si le fait d'avoir un animal vous indiffère, si vous trouvez les gens qui parlent à leur chien gâteux, si vous pensez que les gens qui se soucient de leur chats sont émotionnellement instables, etc... Passez votre chemin. Cette BD n’est non seulement pas pour vous mais risque même de vous déplaire. Parce que l'auteur n'est pas tendre avec ces gens-là.
Mais si vous avez eu (ou avez encore) un animal, que vous l'aimez vraiment, que vous comprenez ce que ça fait de l'avoir dans votre vie, alors cette BD est faite pour vous.
Adaptée d'un roman qui fut un gros succès surprise de librairie (et dont je n'ai pas du tout entendu parler, à ma grande surprise), la BD a été mise en image par Munuera qui a fait un superbe travail. Je ne suis pas un grand connaisseur de son œuvre que j'ai très vaguement survolée mais là je reconnais son dessin et la respiration qu'il a donnée à ses planches. Pour une histoire de chien, de balade, de grand air, d'espace, c'est tout à fait indiqué et les planches sont très belles, éclatantes même.
Quant à l'histoire, c'est simple, banal, même. Ordinaire. Un homme et un chien, leur petite vie, comment tout évolue. Un professeur de sport, un bouvier bernois, une rencontre. Enfin, deux rencontres, ou même trois ou quatre. Des petits riens de la vie, des détails insignifiants, beaucoup trop d'amour entre l'homme et l'animal et un récit qui fait du bien au cœur même si la larme est là à la fin.
Mais pas que à la fin, puisque personnellement j'ai eu mon premier coup au cœur à l'enterrement qui arrive avant et cette magnifique phrase du veuf devant la tombe. Je ne la divulgacherai pas, mais je la trouve sublime et parfaitement bien amenée dans une planche muette qui laisse éclater ces simples mots.
L'auteur originel semble aimer les mots et goûte à cet art de l'écriture parfois lyrique, presque poétique, cette touche d'originalité qui invite à s'amuser avec la langue plus qu'à raconter. La mise en BD a gardé certaines phrases, clairement, et les ajoute à son dynamisme, sa colorisation et surtout sa patte graphique qui rajoute une sorte de collection d'instants, comme des photos commentées dans un album.
Une lecture plaisante pour un récit qui m'a beaucoup touché. Personnellement j'ai eu la chance de vivre avec le chien de ma colocataire pendant trois ans et je dois dire que ce récit m'a fait remonter souvenirs, émotions et larmes. Et maintenant que je me suis épanché si longtemps dessus, dois-je vraiment ajouter que je recommande la lecture ?
Etrange et édifiant, ce récit se base sur un simple fait divers très révélateur de l’individualisme de nos sociétés occidentales. Autant polar que chronique sociale, cette bande dessinée m’a très agréablement surpris : le sujet est original et peu traité, le dessin est efficace et expressif, la lecture est très fluide. Le résultat ? J’ai dévoré l’album et en suis sorti quelque peu estomaqué (d’autant plus que je n’ai vu qu’a posteriori qu’il s’agit d’une histoire vraie).
Ce récit nous parle de la vieillesse, de la solitude, de la culpabilité des enfants vis-à-vis de leurs parents, dont ils ont le sentiment de ne pas assez s’occuper, de l’isolement qui accompagne la crainte de déranger. Il soulève pas mal de questions dont, dans le cas présent, plusieurs restent sans réponses (et cela fait clairement partie du charme de cet album à mes yeux). Il est donc autant prenant que matière à réflexion.
A titre personnel, je recommande (même s’il y a quelques rares longueurs et pertes de rythme).
Je ne m'attendais pas forcément à grand-chose en ouvrant ce qui m'apparaissait comme une bande dessinée que je qualifierais de "facile". Et pourtant, quelle jolie surprise !
On est bien dans les standards du genre, et la facilité reste bien présente : on prend deux noms ultra-connus, on imagine un récit tirant vers le buddy movie tournant autour d'un artefact mystérieux et un peu mystique, et emballe tout ça dans un univers réaliste aux tonalités presque steampunk (sans y entrer totalement). Il n'y a là que du très connu, et avouons que Denis-Pierre Filippi ne s'éloigne jamais trop loin des sentiers battus.
Mais je dois reconnaître qu'il sait nous offrir une variation qui, sans rien réinventer, nous balade plus qu'agréablement dans un univers plaisant. Le récit tient debout, et surtout, Filippi a fourni un très bel effort pour nous offrir un pastiche digne de ce nom. Ainsi, le pouvoir de déduction de Holmes est tout entier, et il nous offre avec Lupin quelques échanges particulièrement jouissifs. Le scénario fait la part belle aux particularités de ces deux héros (ainsi que de l'envahissant Mycroft Holmes), et on prend largement plaisir à alterner entre la rigueur déductive de Holmes et la chance insolente de Lupin (même si ce dernier n'a pas l'air mauvais non plus pour la déduction !).
Les dialogues sont travaillés pour être vraiment élégants, mais ils le sont parfois presque trop. Certaines tournures un peu ampoulées ou le plaisir de faire durer une joute oratoire un peu trop longtemps ont tendance à alourdir la narration.
Cela dit, le dessin de Roger Vidal est vraiment somptueux et d'une très grande clarté. Il rend certaines scènes d'action muettes avec une limpidité exemplaire, notamment une séquence sous-marine assez impressionnante.
Il a l'élégance qui convient au récit et aux personnages, avec une touche de modernité pas déplaisante.
A l'image d'une bande dessinée fort agréable à lire, qui n'invente pas l'eau chaude, mais ne prétend pas le faire, et se contente de mener son récit avec beaucoup de rigueur et de finesse.
Croisons les doigts pour que le premier tome se vende bien pour avoir le droit à des suites qu'on espère au même niveau !
Cet été je suis parti faire un trip Colorado, Utah et Nouveau Mexique ! A moi les grandes étendues sauvages ! J’ai glissé dans ma valise 1 seul album ! 1 seul mais pas n’importe lequel ! Cela ne pouvait qu’être l'or du Spectre, fruit de la collaboration entre Philippe Xavier et Matz. Mais quelle claque les amis ! Dès les premières pages, on est saisi par la qualité exceptionnelle du dessin de Philippe Xavier, dont le trait précis et détaillé donne vie à un univers visuel riche et immersif. Chaque case est une véritable œuvre d'art, où les jeux d'ombres et de lumières, les expressions des personnages et les décors minutieusement travaillés ne peuvent que vous captiver et vous transporter dans une atmosphère à la fois sombre et envoûtante. C’est sublissime. Et je peux vous l’assurer, on s’y croirait ! J’y suis dans le décor en ce moment !
Le scénario de Matz est tout simplement magistral. L'histoire, complexe et bien construite, mêle habilement intrigue policière, suspense et réflexion sur des thèmes universels tels que la cupidité, la trahison et la rédemption. Les personnages sont développés, avec des motivations et des arcs narratifs qui les rendent attachants et crédibles. Chaque détail compte et chaque rebondissement est savamment amené.
L'un des points forts de cet album réside dans sa capacité à maintenir un suspense haletant tout au long de l'album. Matz excelle dans l'art de distiller les indices et de jouer avec les attentes des lecteurs les plus exigeants, créant une tension narrative qui ne faiblit jamais. Les dialogues, percutants et naturels, ajoutent une dimension supplémentaire à l'histoire, révélant les personnalités des personnages et faisant avancer l'intrigue avec brio. Philippe Xavier réussit quant à lui à traduire cette tension en images, utilisant des cadrages audacieux et des compositions dynamiques pour amplifier l'impact des scènes clés. C’est tout bonnement génial ! Visuellement pour vos pupilles délicates c’est le grand bonheur.
Je ne peux que recommander chaudement cet album qui hume la poussière des grands espaces désertiques, et qui nous ramène avec délectation dans un far west plus contemporain mais ô combien délicieux.
En voilà une jolie surprise !
Je n’ai jamais spécialement eu envie de lire cet album, car même si j’apprécie le travail de Pénélope Bagieu, je n’étais pas particulièrement attirée par l’univers de Roal Dahl étant enfant, et en lire une adaptation à l’âge adulte ne m’intéressait pas plus que ça. Mais en le voyant en bibliothèque, je me suis laisser tenter, et je ne le regrette pas du tout.
Je n’ai pas lâché l’album du début à la fin : tout d’abord, j’ai beaucoup apprécié les personnages, en particulier la relation entre ce petit garçon et sa grand-mère. Ensuite, j’ai apprécié l’intrigue, qui m’a semblé peu convenue pour une histoire a priori destinée aux enfants (en particulier la fin), rendant la lecture intéressante pour des adultes. Le récit est prenant, bien rythmé, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les différentes péripéties. Enfin, il y a le dessin de Pénélope Bagieu dont j’aime beaucoup l’expressivité et qui participe à rendre la lecture fluide et agréable.
En résumé, c’est un album très réussi, que je surnote peut-être un peu mais j’arrondis à la note supérieure car j’ai été très agréablement surprise.
Elle occupe une place singulière dans mon cœur cette bd.
À chaque fois que je la parcours, j’ai l’impression d’avoir un storyboard sous les yeux avant qu’il ne se transforme en film d’animation. C’est un style de dessin qui foisonne et qui vit par ces paysages forestiers omniprésents et ces couleurs à la fois douces et vibrantes. J’aime également le trait, avec ces détails fins et cette attention si minutieuse sur certains visages. Je pense ne surprendre personne ayant commenté ici en disant que j’aime particulièrement le visage de Viviana avec ces coulées de larmes noires comme de la suie. C’est une femme qui a subi des violences et qui a perdu l’amour de sa vie, Beldie. Au delà de la douleur de lui avoir survécu et d’être désormais seule, elle portera les traces de son deuil sur son visage, une marque qui ne pourra jamais s’effacer, même après l’arrivée de Martino dans sa vie.
Dès le début de l’histoire, nous sommes happés par la composition qui se jouera en miroir via des notions au premier abord contraires mais qui se révèlent en réalité complémentaires (naissance/mort, rejet/renaissance, perte/transmission, communauté/émancipation, masculin/féminin). La figure de la sorcière jouit aussi de cette symétrie très contemporaine (femme diabolique/femme émancipée, libre). En cela, elle n’est pas aussi caricaturale qu’on pourrait le penser puisqu’elle a l’avantage de poser un cadre reconnaissable et universel (d’un point de vu occidental tout du moins), marquant une rupture forte dans notre façon de penser l’autre, ici notamment la femme et la place qu’on lui attribue. Viviana et Beldie ne sont pas punies pour être des sorcières, elle sont punies pour avoir transgressé leur place, d’avoir voulu s’exercer à la libre-pensée, loin des dogmes religieux et des injonctions de leur communauté. Elles ont voulu être des femmes plus libres, on les a enchaîné à l’image de sorcière afin de susciter la peur et le rejet.
C’est aussi une bd qui aborde la question du genre sous un angle différent, à savoir la manière dont nous façonnent les personnes importantes pour nous. En fait, la question qu’aborde cette bd serait celle-ci : quelles sont les personnes qui nous aident à nous définir ?
C’est à travers les yeux de Martino que nous aurons une réponse à cette question. Si ce petit garçon est rejeté pour ce qu’il n’a pas choisi d’être, à savoir albinos, il va alors décider de devenir une personne nouvelle auprès des personnes qui l’acceptent et le soutiennent. Pour cela, il va se reconstruire à travers les yeux bienveillants de Viviana. Cette reconstruction sera double, puisqu’elle aidera Viviana à apaiser son deuil : « On peut s’aider à vivre » lui dit-elle. C’est ainsi qu’il va aspirer à vivre comme une femme, plus précisément comme ces femmes, ces sorcières, sa nouvelle famille. Il adopte leur mode de vie, apprend d’elles l’herbologie pour se soigner, à cultiver et cuisiner pour être auto-suffisant, à s’habiller comme elles, à aimer comme elles.
Vous l’aurez compris, tout au long de l’histoire, Martino qui deviendra Rebis, n’aura pour modèle bienveillant que des femmes. Sa mère et ses sœurs tout d’abord, puis Viviana et les amies de celle-ci, mais aussi le souvenir de Beldie, personnage à part entière dont l’aura s’incarnera à travers Rebis. Comme une touche d’espoir, la perpétuation d’un cycle de tolérance et de liberté.
À me lire, on pourrait croire que la bd raconte avec un fort parti pris et sans subtilités que les femmes sont les seuls bons exemples à suivre. Je ne pense pas que le message soit aussi tranché. Si la question du genre est diluée dans le récit, c’est pour montrer que la façon dont on se définit si l’on est entouré par de bonnes personnes se fait naturellement. Face à son mal-être, Martino aspire à devenir un être au féminin, Rebis, parce que les seuls exemples aimants et bienveillants qu’il ait jamais connu sont des femmes, tout simplement. Rebis choisit cet espace de sororité avant tout parce qu’iel s'y sent bien. On pourrait donc reprocher au récit de ne pas introduire un personnage masculin plus empathique et compréhensif dans la balance. Pourtant ce serait oublier que parfois nous n’avons pas toujours la possibilité d’élargir nos relations, que nous sommes longtemps confrontés aux mêmes schémas néfastes (familiaux notamment) avant de pouvoir s’en extraire en allant vers ceux qui leur sont opposés.
Pour conclure, Rebis, au delà de son terme latin signifiant littéralement « chose double », désigne également un processus alchimique de transformation qui vise à unifier deux choses, autrement dit le masculin et le féminin. Comme si l’idée était de créer un parfait équilibre, se sentir en phase avec soi, avec tout ce qui nous définit en tant que femme et en tant qu’homme. En bref, posséder une juste part des deux côtés pour mieux s’accepter, se comprendre et comprendre les autres. Comme quoi, la bd ne rejette pas le masculin finalement ! :p
C'est le 2e album que je lis dans cette nouvelle collection "Wave" de chez Delcourt, et c'est encore une bonne surprise. Ciblée Young Adult, cette nouvelle collection joue à merveille sur des sujets très contemporains, tout en sachant aller piocher dans des registres beaucoup plus classiques, ici les loups-garous.
La couverture est assez équivoque en ce sens, sans spoiler pour autant, restait à savoir comment cette touche de fantastique allait être intégrée dans notre monde contemporain et si ça tenait la route. Pour le coup, c'est plutôt réussi.
Becca emménage à San Francisco et doit donc faire son entrée dans un nouveau lycée. Toujours dur de débarquer dans un nouvel établissement et de s'intégrer, surtout dans LA bande de copines les plus en vues du lycée. C'est pourtant ce qui va se passer suite à un concours de circonstance en apparence anodin... Mais bien évidemment, son intégration au groupe n'était pas fortuite et il va maintenant falloir en assumer le prix... Ajoutez à cela une très légère touche de romance très en phase avec notre temps et une utilisation de la lycanthropie ingénieuse dans notre monde moderne, et cet album se laisse avaler et digérer en une bouchée.
Si le dessin de Lisa Sterle m'a un peu surpris au début par un aspect minimaliste, je l'ai trouvé très juste dans les expression des personnages. Grace au récit fluide découpé en chapitres on est rapidement pris par l'histoire qui tient ses promesses jusqu'au bout.
Un bon album bien calibré qui colle parfaitement à cette nouvelle collection ; les amateurs du genre devraient se régaler !
" Electric Miles ", c'est de la balle !
Un découpage canon qui offre presque une expérience sensorielle avec des séquences de haute volée (les auteurs donnent l'impression de faire du Christopher Nolan en BD !), Brüno au sommet de son art, quelques touches d'humour bien senties, une introduction prenante, bourrée de références, un Wilbur insaisissable (gourou charismatique ou être fantasque au sérieux délicieusement ridicule).
Nury semble aussi bien s'amuser dans cet album en s'affichant en démiurge tout puissant qui expose de façon volontairement caricaturale les liens pernicieux entre l'artiste qui a soif de création et les esprits mercantiles grossiers dont il dépend.
Et les femmes de Brüno, ah ses femmes !
Bref, ça donne envie de lire la suite !
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Les Nouvelles aventures du Chat Botté
Que les amateur-ice-s de métafictions et les fanatiques du bon mot se réjouissent, le récit ici présent est une jolie explosion de créativité ! J'adore la métafiction, les récits où la dimension fictive/factice est conscientisée par l'auteur-ice, par les personnages, où l'on invite lae lecteur-ice/spectateur-ice à activement participer en réfléchissant sincèrement et profondément sur ce qui est dit. Pas de fainéantise quand on joue avec les codes. Alors un récit mélant personnages de contes et de fables, ruses et idioties, facilités scénaristiques assumées et ambitieux passages narratifs, moi je ne peux que l'apprécier. Il me serait difficile de pleinement résumer l'intrigue, celle-ci étant volontairement (et sans doute inutilement) sinueuse, d'ailleurs les personnages eux-même redoutent sans cesse les décisions de l'autrice ("Quel fléau que cette donzelle !"). Sachez juste que cette histoire se passe au milieu d'autres, avant le mot fin, dans une nouvelle aventure qui n'aurait jamais été racontée ni par Perrault ni par La Fontaine (ou tout autre quidam similaire), une étrange histoire de montagne, de souris et d'ogre, de débats sémantiques sur les paraboles, d'entourloupes et de voyages éliptiques. Bref, je m'étale, je m'étale. Difficile de bien parler de cet album. Peut-être devrais-je cesser de m'étaler dans des répétitions inutiles et des pinaillages accessoires dans mes avis ? Peut-être même me faudrait-il repartir en arrière pour changer de nouveau mon précédent paragraphe et faire comme si de rien n'était ? Peut-être. Mais on va dire qu'au final les bafouillages importent peu. Les dessins de Nancy Peña sont, là aussi, de très bonne facture. J'avoue avoir eu besoin d'un court temps d'adaptation pour les bouches de nos protagonistes animaliers (je ne sais pas vraiment pourquoi, les grosses lèvres ont créé un blocage chez moi) mais une fois cela passé je n'ai rien trouvé à redire. Certain-e-s pourraient regretter une forme trop confuse, je la trouve au contraire finement menée, fluide à lire et j'apprécie que l'autrice profite pleinement des codes de la mise en page de l'album en lui-même. Non seulement l'autrice s'amuse avec les codes narratifs propres à la fiction, mais en plus elle se permet de foutre le boxon dans les belles règles propres au neuvième art ! On oublie les cases, les personnages se baladent n'importent où, on se permet même de faire demi-tour quelques fois et de briser le quatrième mur en alpaguant directement lae lecteur-ice ou en jouant avec la pagination et les ellipses. Bref, un joli foutoir volontaire qui se révèle en réalité savamment travaillé. Comme répété plusieurs fois déjà dans mon avis, cette série (ou album si vous avez l'intégrale) est un petit bijoux de métafiction créant et maintenant un agréable sentiment de connivence chez toute personne amatrice de contes, fables, paraboles, et tout simplement de récits en général. Un album marquant, drôle et bien écrit qui mérite amplement la note maximale à mes yeux.
Ceux qui me touchent
Allez hop 5/5! Même pas peur de mettre la note maximale pour ce très beau one shot qu'on se prend dans la tronche sans le voir venir. Le dessin est tout simplement magnifique, avec un gros travail sur les personnages et leurs expressions. Les contours marqués en noir renforcent le sentiment d'isolement et de solitude des personnages. Les couleurs ensuite avec des ambiances quasi monochromatiques pour mettre l'emphase justement sur ce que ressentent les personnages. Ca aide à structurer le récit en une multitude de séquences cohérentes. Et ça rajoute énormément à l'ambiance banale et bizarrement angoissante de la routine du héros, son travail aux abattoirs, sa vie de famille le soir... Le récit est comment dire... impossible à décrire sans spoiler cette histoire que j'ai trouvée très originale. Donc sans en dire davantage disons que l'histoire assez classique au début bascule rapidement et oscille entre rêve et cauchemar. C'est justement une histoire que le papa raconte à sa fille pour l'endormir qui fait office d'élément déclencheur et se trouve être le point de bascule. Il y a aussi de vrais moments surreéls comme on en croise que dans les rêves. Ca m'a fait souvent pensé à du David Lynch par exemple pour l'aspect onirique et parfois loufoque. Ce qui n'est pas une maigre référence. L'ensemble est très cohérent et se rélève être une refléxion puissante non seulement sur l'aliénation au travail, à la société de consommation et notre rapport au vivant, mais aussi sur la poésie et l'art. Un très beau livre.
Son odeur après la pluie
Bon, pour mon petit retour sur BDthèque il fallait bien attaquer avec un avis trop long, trop enthousiaste et pas du tout objectif, non ? Alors que dire sur cette BD... Déjà que c'est une des récentes lectures qui m'a collé la larme à l’œil que j'apprécie d'avoir, surtout parce que j'ai été touché. Mais aussi que je ne peux que conseiller la lecture à tous ceux qui ont déjà eu un animal (félin, canin, autre). Parce que c'est une très belle lecture sur l'amitié avec les animaux, l'amour qu'on leur porte et ce que ça devient dans nos vies. Si le fait d'avoir un animal vous indiffère, si vous trouvez les gens qui parlent à leur chien gâteux, si vous pensez que les gens qui se soucient de leur chats sont émotionnellement instables, etc... Passez votre chemin. Cette BD n’est non seulement pas pour vous mais risque même de vous déplaire. Parce que l'auteur n'est pas tendre avec ces gens-là. Mais si vous avez eu (ou avez encore) un animal, que vous l'aimez vraiment, que vous comprenez ce que ça fait de l'avoir dans votre vie, alors cette BD est faite pour vous. Adaptée d'un roman qui fut un gros succès surprise de librairie (et dont je n'ai pas du tout entendu parler, à ma grande surprise), la BD a été mise en image par Munuera qui a fait un superbe travail. Je ne suis pas un grand connaisseur de son œuvre que j'ai très vaguement survolée mais là je reconnais son dessin et la respiration qu'il a donnée à ses planches. Pour une histoire de chien, de balade, de grand air, d'espace, c'est tout à fait indiqué et les planches sont très belles, éclatantes même. Quant à l'histoire, c'est simple, banal, même. Ordinaire. Un homme et un chien, leur petite vie, comment tout évolue. Un professeur de sport, un bouvier bernois, une rencontre. Enfin, deux rencontres, ou même trois ou quatre. Des petits riens de la vie, des détails insignifiants, beaucoup trop d'amour entre l'homme et l'animal et un récit qui fait du bien au cœur même si la larme est là à la fin. Mais pas que à la fin, puisque personnellement j'ai eu mon premier coup au cœur à l'enterrement qui arrive avant et cette magnifique phrase du veuf devant la tombe. Je ne la divulgacherai pas, mais je la trouve sublime et parfaitement bien amenée dans une planche muette qui laisse éclater ces simples mots. L'auteur originel semble aimer les mots et goûte à cet art de l'écriture parfois lyrique, presque poétique, cette touche d'originalité qui invite à s'amuser avec la langue plus qu'à raconter. La mise en BD a gardé certaines phrases, clairement, et les ajoute à son dynamisme, sa colorisation et surtout sa patte graphique qui rajoute une sorte de collection d'instants, comme des photos commentées dans un album. Une lecture plaisante pour un récit qui m'a beaucoup touché. Personnellement j'ai eu la chance de vivre avec le chien de ma colocataire pendant trois ans et je dois dire que ce récit m'a fait remonter souvenirs, émotions et larmes. Et maintenant que je me suis épanché si longtemps dessus, dois-je vraiment ajouter que je recommande la lecture ?
Albertine a disparu
Etrange et édifiant, ce récit se base sur un simple fait divers très révélateur de l’individualisme de nos sociétés occidentales. Autant polar que chronique sociale, cette bande dessinée m’a très agréablement surpris : le sujet est original et peu traité, le dessin est efficace et expressif, la lecture est très fluide. Le résultat ? J’ai dévoré l’album et en suis sorti quelque peu estomaqué (d’autant plus que je n’ai vu qu’a posteriori qu’il s’agit d’une histoire vraie). Ce récit nous parle de la vieillesse, de la solitude, de la culpabilité des enfants vis-à-vis de leurs parents, dont ils ont le sentiment de ne pas assez s’occuper, de l’isolement qui accompagne la crainte de déranger. Il soulève pas mal de questions dont, dans le cas présent, plusieurs restent sans réponses (et cela fait clairement partie du charme de cet album à mes yeux). Il est donc autant prenant que matière à réflexion. A titre personnel, je recommande (même s’il y a quelques rares longueurs et pertes de rythme).
Sherlock Holmes contre Arsène Lupin
Je ne m'attendais pas forcément à grand-chose en ouvrant ce qui m'apparaissait comme une bande dessinée que je qualifierais de "facile". Et pourtant, quelle jolie surprise ! On est bien dans les standards du genre, et la facilité reste bien présente : on prend deux noms ultra-connus, on imagine un récit tirant vers le buddy movie tournant autour d'un artefact mystérieux et un peu mystique, et emballe tout ça dans un univers réaliste aux tonalités presque steampunk (sans y entrer totalement). Il n'y a là que du très connu, et avouons que Denis-Pierre Filippi ne s'éloigne jamais trop loin des sentiers battus. Mais je dois reconnaître qu'il sait nous offrir une variation qui, sans rien réinventer, nous balade plus qu'agréablement dans un univers plaisant. Le récit tient debout, et surtout, Filippi a fourni un très bel effort pour nous offrir un pastiche digne de ce nom. Ainsi, le pouvoir de déduction de Holmes est tout entier, et il nous offre avec Lupin quelques échanges particulièrement jouissifs. Le scénario fait la part belle aux particularités de ces deux héros (ainsi que de l'envahissant Mycroft Holmes), et on prend largement plaisir à alterner entre la rigueur déductive de Holmes et la chance insolente de Lupin (même si ce dernier n'a pas l'air mauvais non plus pour la déduction !). Les dialogues sont travaillés pour être vraiment élégants, mais ils le sont parfois presque trop. Certaines tournures un peu ampoulées ou le plaisir de faire durer une joute oratoire un peu trop longtemps ont tendance à alourdir la narration. Cela dit, le dessin de Roger Vidal est vraiment somptueux et d'une très grande clarté. Il rend certaines scènes d'action muettes avec une limpidité exemplaire, notamment une séquence sous-marine assez impressionnante. Il a l'élégance qui convient au récit et aux personnages, avec une touche de modernité pas déplaisante. A l'image d'une bande dessinée fort agréable à lire, qui n'invente pas l'eau chaude, mais ne prétend pas le faire, et se contente de mener son récit avec beaucoup de rigueur et de finesse. Croisons les doigts pour que le premier tome se vende bien pour avoir le droit à des suites qu'on espère au même niveau !
L'Or du spectre
Cet été je suis parti faire un trip Colorado, Utah et Nouveau Mexique ! A moi les grandes étendues sauvages ! J’ai glissé dans ma valise 1 seul album ! 1 seul mais pas n’importe lequel ! Cela ne pouvait qu’être l'or du Spectre, fruit de la collaboration entre Philippe Xavier et Matz. Mais quelle claque les amis ! Dès les premières pages, on est saisi par la qualité exceptionnelle du dessin de Philippe Xavier, dont le trait précis et détaillé donne vie à un univers visuel riche et immersif. Chaque case est une véritable œuvre d'art, où les jeux d'ombres et de lumières, les expressions des personnages et les décors minutieusement travaillés ne peuvent que vous captiver et vous transporter dans une atmosphère à la fois sombre et envoûtante. C’est sublissime. Et je peux vous l’assurer, on s’y croirait ! J’y suis dans le décor en ce moment ! Le scénario de Matz est tout simplement magistral. L'histoire, complexe et bien construite, mêle habilement intrigue policière, suspense et réflexion sur des thèmes universels tels que la cupidité, la trahison et la rédemption. Les personnages sont développés, avec des motivations et des arcs narratifs qui les rendent attachants et crédibles. Chaque détail compte et chaque rebondissement est savamment amené. L'un des points forts de cet album réside dans sa capacité à maintenir un suspense haletant tout au long de l'album. Matz excelle dans l'art de distiller les indices et de jouer avec les attentes des lecteurs les plus exigeants, créant une tension narrative qui ne faiblit jamais. Les dialogues, percutants et naturels, ajoutent une dimension supplémentaire à l'histoire, révélant les personnalités des personnages et faisant avancer l'intrigue avec brio. Philippe Xavier réussit quant à lui à traduire cette tension en images, utilisant des cadrages audacieux et des compositions dynamiques pour amplifier l'impact des scènes clés. C’est tout bonnement génial ! Visuellement pour vos pupilles délicates c’est le grand bonheur. Je ne peux que recommander chaudement cet album qui hume la poussière des grands espaces désertiques, et qui nous ramène avec délectation dans un far west plus contemporain mais ô combien délicieux.
Sacrées sorcières
En voilà une jolie surprise ! Je n’ai jamais spécialement eu envie de lire cet album, car même si j’apprécie le travail de Pénélope Bagieu, je n’étais pas particulièrement attirée par l’univers de Roal Dahl étant enfant, et en lire une adaptation à l’âge adulte ne m’intéressait pas plus que ça. Mais en le voyant en bibliothèque, je me suis laisser tenter, et je ne le regrette pas du tout. Je n’ai pas lâché l’album du début à la fin : tout d’abord, j’ai beaucoup apprécié les personnages, en particulier la relation entre ce petit garçon et sa grand-mère. Ensuite, j’ai apprécié l’intrigue, qui m’a semblé peu convenue pour une histoire a priori destinée aux enfants (en particulier la fin), rendant la lecture intéressante pour des adultes. Le récit est prenant, bien rythmé, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les différentes péripéties. Enfin, il y a le dessin de Pénélope Bagieu dont j’aime beaucoup l’expressivité et qui participe à rendre la lecture fluide et agréable. En résumé, c’est un album très réussi, que je surnote peut-être un peu mais j’arrondis à la note supérieure car j’ai été très agréablement surprise.
Rebis
Elle occupe une place singulière dans mon cœur cette bd. À chaque fois que je la parcours, j’ai l’impression d’avoir un storyboard sous les yeux avant qu’il ne se transforme en film d’animation. C’est un style de dessin qui foisonne et qui vit par ces paysages forestiers omniprésents et ces couleurs à la fois douces et vibrantes. J’aime également le trait, avec ces détails fins et cette attention si minutieuse sur certains visages. Je pense ne surprendre personne ayant commenté ici en disant que j’aime particulièrement le visage de Viviana avec ces coulées de larmes noires comme de la suie. C’est une femme qui a subi des violences et qui a perdu l’amour de sa vie, Beldie. Au delà de la douleur de lui avoir survécu et d’être désormais seule, elle portera les traces de son deuil sur son visage, une marque qui ne pourra jamais s’effacer, même après l’arrivée de Martino dans sa vie. Dès le début de l’histoire, nous sommes happés par la composition qui se jouera en miroir via des notions au premier abord contraires mais qui se révèlent en réalité complémentaires (naissance/mort, rejet/renaissance, perte/transmission, communauté/émancipation, masculin/féminin). La figure de la sorcière jouit aussi de cette symétrie très contemporaine (femme diabolique/femme émancipée, libre). En cela, elle n’est pas aussi caricaturale qu’on pourrait le penser puisqu’elle a l’avantage de poser un cadre reconnaissable et universel (d’un point de vu occidental tout du moins), marquant une rupture forte dans notre façon de penser l’autre, ici notamment la femme et la place qu’on lui attribue. Viviana et Beldie ne sont pas punies pour être des sorcières, elle sont punies pour avoir transgressé leur place, d’avoir voulu s’exercer à la libre-pensée, loin des dogmes religieux et des injonctions de leur communauté. Elles ont voulu être des femmes plus libres, on les a enchaîné à l’image de sorcière afin de susciter la peur et le rejet. C’est aussi une bd qui aborde la question du genre sous un angle différent, à savoir la manière dont nous façonnent les personnes importantes pour nous. En fait, la question qu’aborde cette bd serait celle-ci : quelles sont les personnes qui nous aident à nous définir ? C’est à travers les yeux de Martino que nous aurons une réponse à cette question. Si ce petit garçon est rejeté pour ce qu’il n’a pas choisi d’être, à savoir albinos, il va alors décider de devenir une personne nouvelle auprès des personnes qui l’acceptent et le soutiennent. Pour cela, il va se reconstruire à travers les yeux bienveillants de Viviana. Cette reconstruction sera double, puisqu’elle aidera Viviana à apaiser son deuil : « On peut s’aider à vivre » lui dit-elle. C’est ainsi qu’il va aspirer à vivre comme une femme, plus précisément comme ces femmes, ces sorcières, sa nouvelle famille. Il adopte leur mode de vie, apprend d’elles l’herbologie pour se soigner, à cultiver et cuisiner pour être auto-suffisant, à s’habiller comme elles, à aimer comme elles. Vous l’aurez compris, tout au long de l’histoire, Martino qui deviendra Rebis, n’aura pour modèle bienveillant que des femmes. Sa mère et ses sœurs tout d’abord, puis Viviana et les amies de celle-ci, mais aussi le souvenir de Beldie, personnage à part entière dont l’aura s’incarnera à travers Rebis. Comme une touche d’espoir, la perpétuation d’un cycle de tolérance et de liberté. À me lire, on pourrait croire que la bd raconte avec un fort parti pris et sans subtilités que les femmes sont les seuls bons exemples à suivre. Je ne pense pas que le message soit aussi tranché. Si la question du genre est diluée dans le récit, c’est pour montrer que la façon dont on se définit si l’on est entouré par de bonnes personnes se fait naturellement. Face à son mal-être, Martino aspire à devenir un être au féminin, Rebis, parce que les seuls exemples aimants et bienveillants qu’il ait jamais connu sont des femmes, tout simplement. Rebis choisit cet espace de sororité avant tout parce qu’iel s'y sent bien. On pourrait donc reprocher au récit de ne pas introduire un personnage masculin plus empathique et compréhensif dans la balance. Pourtant ce serait oublier que parfois nous n’avons pas toujours la possibilité d’élargir nos relations, que nous sommes longtemps confrontés aux mêmes schémas néfastes (familiaux notamment) avant de pouvoir s’en extraire en allant vers ceux qui leur sont opposés. Pour conclure, Rebis, au delà de son terme latin signifiant littéralement « chose double », désigne également un processus alchimique de transformation qui vise à unifier deux choses, autrement dit le masculin et le féminin. Comme si l’idée était de créer un parfait équilibre, se sentir en phase avec soi, avec tout ce qui nous définit en tant que femme et en tant qu’homme. En bref, posséder une juste part des deux côtés pour mieux s’accepter, se comprendre et comprendre les autres. Comme quoi, la bd ne rejette pas le masculin finalement ! :p
Squad
C'est le 2e album que je lis dans cette nouvelle collection "Wave" de chez Delcourt, et c'est encore une bonne surprise. Ciblée Young Adult, cette nouvelle collection joue à merveille sur des sujets très contemporains, tout en sachant aller piocher dans des registres beaucoup plus classiques, ici les loups-garous. La couverture est assez équivoque en ce sens, sans spoiler pour autant, restait à savoir comment cette touche de fantastique allait être intégrée dans notre monde contemporain et si ça tenait la route. Pour le coup, c'est plutôt réussi. Becca emménage à San Francisco et doit donc faire son entrée dans un nouveau lycée. Toujours dur de débarquer dans un nouvel établissement et de s'intégrer, surtout dans LA bande de copines les plus en vues du lycée. C'est pourtant ce qui va se passer suite à un concours de circonstance en apparence anodin... Mais bien évidemment, son intégration au groupe n'était pas fortuite et il va maintenant falloir en assumer le prix... Ajoutez à cela une très légère touche de romance très en phase avec notre temps et une utilisation de la lycanthropie ingénieuse dans notre monde moderne, et cet album se laisse avaler et digérer en une bouchée. Si le dessin de Lisa Sterle m'a un peu surpris au début par un aspect minimaliste, je l'ai trouvé très juste dans les expression des personnages. Grace au récit fluide découpé en chapitres on est rapidement pris par l'histoire qui tient ses promesses jusqu'au bout. Un bon album bien calibré qui colle parfaitement à cette nouvelle collection ; les amateurs du genre devraient se régaler !
Electric Miles
" Electric Miles ", c'est de la balle ! Un découpage canon qui offre presque une expérience sensorielle avec des séquences de haute volée (les auteurs donnent l'impression de faire du Christopher Nolan en BD !), Brüno au sommet de son art, quelques touches d'humour bien senties, une introduction prenante, bourrée de références, un Wilbur insaisissable (gourou charismatique ou être fantasque au sérieux délicieusement ridicule). Nury semble aussi bien s'amuser dans cet album en s'affichant en démiurge tout puissant qui expose de façon volontairement caricaturale les liens pernicieux entre l'artiste qui a soif de création et les esprits mercantiles grossiers dont il dépend. Et les femmes de Brüno, ah ses femmes ! Bref, ça donne envie de lire la suite !