Sur la route de West (Are You Listening?)

Note: 4/5
(4/5 pour 5 avis)

Will Eisner Award 2020 : Best Graphic Album: New Béa et Lou se rencontrent dans une station-service texane et décident de faire route ensemble.


Douleurs intimes First Second La BD au féminin Road movie Will Eisner Awards [USA] - Dixie, le Sud-Est des USA

Béa et Lou se rencontrent dans une station-service texane et décident de faire route ensemble. Une dizaine d'années les séparent, mais les deux jeunes femmes se ressemblent: chacune tente, à sa manière, d'échapper à un passé douloureux. Alors qu'elles roulent vers West, une ville mystérieuse qui ne figure sur aucune carte, d'étranges individus semblent les prendre en chasse...

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 15 Janvier 2020
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Sur la route de West © Gallimard 2020
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 5 avis)
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20/08/2020 | Alix
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L'avatar du posteur Noirdésir

Une entrée en matière un peu difficile me concernant. D’abord parce que les premières cases sont obscures – dans tous les sens du terme ! Ensuite parce que certains aspects (en particulier les visages) ressemblent aux canons du manga, ce qui ne m’attire a priori pas. Mais je me suis fait à tout ça assez rapidement, et j’ai été embarqué avec ces deux jeunes femmes dans leur road trip, qui mêle aspects fantastiques et roman graphique pur. La narration est fluide, la lecture rapide pour ce petit pavé (plus de 300 pages), car il n’y a pas beaucoup de textes. Si le dessin des personnages – et des quelques décors et véhicules n’est pas forcément mon truc donc, j’ai trouvé de nombreuses planches très belles. Toujours sombres, mais cette explosion de rouges, de roses au milieu du noir qui domine est vraiment chouette à voir. L’intrigue ne livre pas forcément tous ses secrets, laissant sa chance à l’imagination du lecteur, pour certains passages, que l’on devine allégoriques. De la même manière, les douleurs que les deux femmes partagent (la mort de la mère de l’une, le viol de l’autre), donnent à leur équipée sans but clair une valeur cathartique, une sorte de saignée des mauvaises humeurs. C’est une chouette lecture en tout cas.

14/07/2022 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5
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Un roman graphique qui sort des sentiers battus et là le terme n'est pas galvaudé. Une étrange lecture que ce road movie de deux jeunes filles sur une route imaginaire. J'avoue avoir eu un peu de mal au début, une narration particulière, un mélange d'onirisme et d'intimisme sur un rythme saccadé, les dialogues y sont pour beaucoup. Mais c'est ce qui fait la force de ce récit. Lou et Béa se rencontrent dans une station service, elles vont partir ensemble pour une ville qui ne se trouve sur aucune carte. Un périple où tout doucement nos deux héroïnes vont s'apprivoiser, se livrer et se libérer de leurs fardeaux qui les rongent. Un périple où viennent s'incorporer le rêve, la magie et le fantastique. Un périple aux thèmes forts : l'homosexualité, la famille, l'amitié et le viol. Un périple atypique et enchanteur où la symbolique est de mise. Chacun en aura sa propre interprétation, moi j'y vois une renaissance et l'espoir dans cet arbre qui revient plusieurs fois. Un dessin tout en rondeur et sans fioritures qui se rapproche par certains aspects au manga. Une mise en page immersive et de superbes couleurs. Il donne cette ambiance insolite au récit. Un comics féministe qui se mérite. Videz-vous la tête pour en apprécier toute la sensibilité.

04/07/2022 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
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Avec cet album hors du commun — lu sur les conseils de Mac Arthur et achetée par hasard dans une librairie morbihanaise —, c’est la seconde fois en deux ans que la toute jeune Tillie Walden est récompensée par un prix Eisner. Dans Spinning, elle évoquait son adolescence en tant que patineuse artistique et revendiquait son attachement à la liberté et son statut de lesbienne. « Sur la route de West » s’avère un objet plus indéfinissable, entre fiction intimiste et thriller onirique. Ainsi, on comprend pourquoi l’autrice américaine a retenu l’attention du jury de San Diego… A coup sûr, cette fameuse route ne figure pas sur les cartes. Il faut accepter de l’emprunter pour s’y perdre, et elle n’est pas sans dangers. Le voyage commence par un horrible embouteillage « agrémenté » de klaxons et de gaz d’échappement. Au volant, Lou, 27 ans, qui en quittant la ville, va croiser par hasard Béatrice, dit « Béa », dans une station service. Béatrice est la fille d’une voisine de Lou, voisine quelque peu perdu de vue…. A tout juste 18 ans, elle a décidé de s’éloigner du foyer familial pour une raison obscure, vers une destination « plus ou moins définie ». De confidences en confidences, les deux jeunes femmes vont apprendre à se connaître, révéler leurs blessures et nouer peu à peu une complicité, transformant ce voyage en véritable quête initiatique. Largement inspiré du manga dans le style, le dessin luxuriant de Tillie Walden est à la fois simple et surprenant, rehaussé par une mise en couleurs chatoyante. On ne sait jamais où cette route va nous mener mais on n’est jamais au bout de nos surprises, d’autant que le trajet est semé d’embuches, telle une métaphore des états d’âme des protagonistes. Sous des cieux rougeoyants et tourmentés, la route est sinueuse, escarpée, avec des ponts qui se fissurent et s’effondrent parfois. Et puis il y a ces deux hommes employés d’un mystérieux Bureau de surveillance routière qui les pourchassent et veulent récupérer le chat, visiblement abandonné, que Béa a pris sous son aile en cours de route. La voiture de Lou, avec sa caravane de poche, paraît minuscule au milieu de ces grands espaces américains, bien trop vastes pour elle, presque menaçants, et pourtant… Bref, c’est un drôle de voyage que celui-là, un voyage en forme de songe merveilleux où viennent interférer des terreurs enfantines, mais non dénué de tendresse avec à la clé une belle histoire d’amitié. Avec ce pavé tout de même consistant et néanmoins fluide à la lecture, Tillie Walden prend son temps pour poser l’intrigue, avec peut-être quelques longueurs, prenant le risque de déstabiliser le lecteur pour qui certains passages pourraient paraître hermétiques. En effet, l’autrice semble avoir sa symbolique propre dont il faut sans doute accepter de ne pas tout saisir, du moins en une lecture… Une chose est sûre, miss Walden nous offre ici une véritable ode à la liberté, un peu dans la lignée de son opus précédent, qui a le mérite de l’originalité.

06/10/2020 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Mon ressenti est très proche de celui d’Alix. J’ai beaucoup aimé cette lecture, pour plusieurs aspects. Tout d’abord l’aspect graphique avec ces planches où le gaufrier s’efface pour laisser deux dessins s’entremêler ou, au contraire, coupe en deux un seul et même dessin… quand il ne s’efface pas au milieu d’un dessin qui devient alors à la fois double et unique (bon, si une seule personne a compris ce que je viens d’écrire, je lui décerne le prix Nobel du déchiffrage de la logique macarthuréenne). Soit ! Tout ça pour dire que je n’avais jamais vu ce type de procédé auparavant et que, dans le cas présent, je l’ai trouvé judicieux et efficace. Il génère de l’étrangeté et permet des recompositions qui apportent de la sorte un autre éclairage sur un même dessin. Ensuite vient toute la symbolique d’un récit pour le moins singulier. Un récit pour lequel chacun, je pense, aura sa propre interprétation. Et là, je n’en dirai pas plus mais si vous vous attendez à un roman graphique classique, sorte de road-movie de deux jeunes femmes rongées par un passé douloureux… ben pour le fond, c’est ça, mais pour la forme, c’est pas ça du tout !!! Il n’y a pas d’humour (ne vous attendez pas à quelque chose de loufoque) mais beaucoup d’émotions et le plaisir que j’ai éprouvé tient autant à l’attachement que j’ai ressenti pour les deux personnages centraux qu’à la liberté qui m’est donnée d’interpréter certains événements. Oui, bon, d’accord, quelque part, ça fiche la trouille parce que, si ça se trouve, j’ai rien capté et mes interprétations sont totalement à côté de la plaque… mais je les aime bien et du coup, j’ai passé un bon moment. Moment qui s’est prolongé bien au-delà de ma lecture car j’ai encore maintenant plaisir à discuter de ces interprétations avec d’autres lecteurs (enfin… avec ceux qui ont bien aimé le livre). Est-ce que je vous conseille de le lire ? NON !!!! Ce récit est trop hors norme pour que j’ose le faire. A titre privé, je pense que Blue Boy pourrait bien adorer, et je l’avais conseillé à Alix parce que je pensais qu’à lui aussi, ça pouvait plaire (et je suis heureux de voir que je ne me suis pas trompé). En fait, je trouve que c’est vraiment un bouquin pour libraires ou bibliothécaires, pour des gens qui connaissent leurs lecteurs et qui sauront ainsi faire se rencontrer le lecteur adéquat et ce livre très particulier. Soit vous adorerez, soit vous ne comprendrez pas notre engouement (et je vous comprends, dans un cas comme dans l’autre) mais c’est un des récits atypiques, symboliques et fantastiques que j’ai préférés depuis que je lis des bandes dessinées. Parce que le gaufrier est original. Parce que le dessin est agréable. Parce que les personnages m’ont touché. Et surtout parce que je peux m’amuser à interpréter plein d’éléments bizarres qui donnent alors un sens profond au récit. Enfin, je pense que quand un récit vous reste en tête des jours voire des semaines après lecture, quand vous ne pouvez cesser d’y penser, c’est qu’il vous a marqué. Et c’est, je crois, la finalité de tout récit intime (ce que celui-ci est malgré les apparences). Non, franchement, ce livre est puissant !

20/08/2020 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Alix

Tillie Walden est une jeune prodige du comics américain, qui a 24 ans à peine a déjà réalisé de nombreux romans graphiques de qualité, et gagné un Eisner Award pour Spinning, devenant ainsi une des plus jeunes lauréates depuis la création de ce prix prestigieux. Je dois pourtant avouer n’avoir lu aucun de ses albums avant « Sur la route de West » (qui a également gagné un Eisner Award cette année), et bam ! grosse claque dans la gueule et gros coup de cœur. Le récit débute de façon très banale, avec ces deux jeunes femmes qui se rencontrent un peu par hasard et embarquent dans un road trip initiatique, parlent de leurs vies… je pensais l’affaire pliée, m’attendant aux poncifs du roman graphique un peu adolescent… et puis paf, l’histoire prend un tournant inattendu vers la page 80 : des éléments de « réalisme magique » font leur apparition, et l’ambiance vire tout doucement vers un absurde onirique et inquiétant. On peut bien entendu prendre tout ça au premier degré et se laisser porter par l’histoire (et à lire les avis de lecteurs sur internet, c’est ce que bon nombre semblent avoir fait), mais il y a selon moi un symbolisme puissant entre les évènements du bouquin et le thème de la douleur intérieure. Les deux jeunes femmes parlent de certains évènements traumatisants, ce qui fait resurgir leurs démons respectifs (les méchants poursuivants) ainsi que tous les doutes et l’incompréhension associés à ces douleurs (les évènements inexplicables de l’histoire). J’ai vu la magie comme une force intérieure qui leur permet de se battre. L’arbre, enfin, représente le passé à affronter. Mais la vraie magie de ce récit est qu’il est suffisamment abstrait pour que chacun se fasse sa propre interprétation, et je serais intrigué de lire l’avis d’autres lecteurs. La mise en image est vraiment sublime. Le trait est léger, presque typé manga par moment, mais est subjugué par une mise en page judicieuse (avec ce dessin débordant sur les cases voisines, jusqu’à parfois faire disparaitre le gaufrier), et des couleurs pastelles sublimes. Je suis ressorti vraiment marqué de ma lecture, et je vais de ce pas découvrir d’autres albums de cette autrice. Un coup de cœur !

20/08/2020 (modifier)