Les derniers avis (31407 avis)

Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Dans l'antre de la pénitence
Dans l'antre de la pénitence

Un deuxième uppercut au foie en moins d'une semaine après Aliss, ici ni sexe, ni drogue, mais du fantastique horrifique avec un zeste de western. Un récit basé sur des faits réels, Sarah Winchester perd sa fille unique, Annie, puis hérite à la mort de son mari, William, de cinquante pour cent des parts de la Winchester Repeating Arms Company. Elle tombe dans la dépression et se sent traquée par les personnes tuées par les carabines Winchester. Elle fera construire une maison, pendant 38 années consécutives et 24 heures sur 24, en Californie, pour elle et les fantômes. Une maison qui ne cessera de s'agrandir avec des escaliers et des couloirs qui ne mènent nulle part, des portes qui s'ouvrent sur le vide. La maison existe toujours et peut se visiter, elle se situe à San José, elle est considérée comme hantée. Voici le terreau sur lequel ce récit prend forme et qui mélange subtilement réalité, fiction et fantastique, et quoi de mieux que ces quelques mots de Sarah pour commencer : "Ce qui n'a aucun sens, c'est que tu t'obstines à prendre le parti d'une firme qui fabrique en masse des fantômes qui viennent me hanter et m'empêchent de conduire William et Annie jusqu'à leur repos éternel. Et cela je le prends très personnellement." L'action se situe en 1905, Sarah fait travailler ses ouvriers en 3x8, elle a un besoin irrationnel d'entendre le bruit des marteaux à chaque instant. Tous les ouvriers sont d'anciens criminels, ils sont là pour faire pénitence. Fusils et revolvers sont interdits sur la propriété. Un jour, arrive Warren Peck, un cowboy tout aussi abîmé, et celui-ci va prendre une place importante dans la vie de Sarah, ils vont tenter de se sauver mutuellement. Une histoire triste et émouvante avec la culpabilité et les armes à feu en caisse de résonance. La narration fluide et maîtrisée de Tomasi fait monter crescendo la tension et visite merveilleusement bien la psyché tourmentée de Sarah. Des personnages complexes qui, malgré leurs défauts, restent attachants. Un sacré tour de force. Je découvre Ian Bertram et là c'est le choc, la partie graphique est monumentale dans un style semi-réaliste qui rappelle un peu Moebius, François Bourgeon et Charles Burns, mais avec une patte bien personnelle. Un trait fin, précis, détaillé, dynamique et sale par moment qui donne une texture au dessin, j'en suis tombé amoureux. J'ai adoré la façon dont il représente la folie dès qu'elle apparaît avec ces espèces de tentacules qui sortent de partout. Mais ce qui m'a le plus marqué, c'est le regard des personnages, ils sont si expressifs qu'on en devine leurs émotions. Quelle maestria dans la mise en page, elle est tantôt intimiste, tantôt extravagante avec toujours des cadrages qui font mouches. J'en reste scotché sur ma chaise. Un petit mot sur la colorisation de Dave Stewart, elle est superbe et apporte une intensité émotionnelle supplémentaire au récit. Un trio d'auteurs qui réalisent un petit bijou dans un genre que j'affectionne. J'ai longtemps hésité avec un 5 étoiles, peut-être lors d'une prochaine lecture.

10/02/2023 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5
Couverture de la série Le Casse - Le troisième jour
Le Casse - Le troisième jour

Sans doute le meilleur titre de la série Le casse. Pour moi en tout cas. On pourrait a priori s'étonner de voir ce titre figurer dans cette collection. Que Nenni ! Graphiquement, on est sur de la ligne claire avec de grands aplats de couleurs. Cellezéceux qui apprécient le trait de Guibert dans les Olives noires ou plus généralement celui de Matthieu Bonhomme y retrouveront des ambiances identiques. Du point de vue scénaristique, si l'histoire s'inspire de ce que l'on sait de cet épisode de la vie de Jésus, c'est mené de main de maitre jusqu'à cette conclusion qui voit le corps du Christ érigé en butin. Les dialogues sont parfois drôles, et comme dans les Olives noires, ils sont accommodés à la sauce du jour. J'ai trouvé ce titre excellent, ne serait-ce que parce qu'il sort des sentiers battus.

10/02/2023 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Jamais
Jamais

3.5 Je vois qu'un second album est sorti récemment. Franchement, je ne suis pas certain que j'ai envie de le lire. Ce premier tome se suffit à lui-même et je l'ai trouvé tellement bon que j'ai peur d'être déçu. En dehors d'une fin un peu abrupte, tout dans le scénario m'a plus: les personnages sont attachants, les dialogues sont savoureux, le récit est captivant et le dessin est excellent. Au fil des pages, je me suis aperçu à quel point le scénario était bien construit et il y a des surprises. J'ai aussi aimé que ce ne soit pas manichéen, l'auteur ne tombe pas dans la facilité comme le ferait d'autres scénaristes qui se contenterait d'une simple histoire banale du genre 'le maire est un gros méchant qui fait rien que vouloir exproprier une grand-mère pour le pognon'. Ici, le maire pense à la sécurité de la vieille (et pas construire quelque chose pour une fois) et si la vieille semble folle au début de rester dans sa maison, on va s'apercevoir qu'elle n'ait pas aussi folle qu'elle en a l'air. Je sais pas ce que vaut le deuxième tome qui semble être aussi un récit indépendant, mais ce premier tome est vraiment très bon !

09/02/2023 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Le Retour
Le Retour

Je connaissais peu le travail de Duhamel et après avoir lu trois albums de lui en un après-midi, j'ai bien envie de lire tout ce que je n'ai pas lu de lui ! Le dessin m'a vraiment bluffé. C'est le style comique-réaliste (ou peu importe comment ça s'appelle) que j'aime. Dynamique, lisible et fluide. Le scénario est très bien construit. Un artiste riche et controversé est retrouvé mort et au cours de l'enquête on va apprendre sa vie à coup de flashbacks. Le coup de génie est de faire du protagoniste principal un personnage complexe qui a peut-être des bonnes intentions au départ, mais qui au fond ne semble pas si différent des gens qu'il combat. Surtout, le scénariste ne prend pas un ton moraliste et laisse le lecteur jugé si l'artiste a fait plus de bien que de mal ou l'inverse dans son ile. Certes, certains éléments du scénario sont un peu trop survolé (il y a de la corruption, mais ça parait pas vraiment), mais j'ai trouvé le personnage principal tellement fascinant que j'ai l'album d'une traite. Un scénario intelligent, qui brasse plusieurs thèmes et qui est captivant à lire.

09/02/2023 (modifier)
Couverture de la série Idée
Idée

Je suis depuis longtemps intéressé par les mouvements d’avant-garde qui ont fleuri au début du XXème siècle, dada et surréalisme en tête. J’ai aussi une âme de bibliophile. C’est dire si j’ai déjà croisé, de loin en loin, le nom et quelques travaux de Frans Masereel. Je ne savais pas qu’une réédition récente permettait de redécouvrir son travail. Je ne peux donc que remercier les éditions Martin de Halleux, qui publient peu d’albums, mais le font très bien, presque comme des livres d’art (je les avais découverts récemment avec un album de Thomas Ott). Le dossier final (voir la fiche de l’album) complète très bien ce récit, en le remettant dans le contexte de la vie de l’auteur. Ici la mise en pages est sobre, aérée, et rend bien le travail de Masereel. Travail lui aussi d’une grande sobriété, mais d’une non moins grande efficacité. car, avec une certaine économie de moyens narratifs (une image par page, aucune parole), Masereel réussit parfaitement à faire passer ses idées, son « Idée ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit, nous suivons la naissance et la diffusion d’une idée, contre vents et marées. Car pointent aussi les idées libertaires de l’auteur (il a côtoyé durant son exil suisse pendant la première guerre mondiale des artistes dada, puis s’est lié avec Grosz). C’est un pacifiste, proche d’une certaine anarchie, et dans cet album, on voit bien la censure, les récupérations, les malentendus qui menacent la diffusion d’une idée. Mais la liberté n’a pas de prix, il faut l’aider à circuler, c’est vital. Elle est d’ailleurs difficile à juguler, dès lors qu’elle est émancipatrice, et sa diffusion via la presse et l’édition (comme c’est le cas ici vers la fin), lui donne une force et une certaine immortalité. Ce livre délivre des messages optimistes, malgré les entraves à la liberté. Ecrite au sortir de la première guerre mondiale, cette histoire constituée d’une suite de gravure, est un beau roman graphique, très stylisé. Tout a l’air simple ici. Mais la profondeur de cette œuvre (les gravures regorgent parfois de détails, une simple image délivre un message souvent très fort) dépasse cette impression. Un auteur oublié, hélas, à redécouvrir, ce que cette édition permet enfin.

09/02/2023 (modifier)
Couverture de la série La Patrouille des Invisibles
La Patrouille des Invisibles

Un énième album sorti au moment du centenaire, sur la grande boucherie de la première guerre mondiale. C’est dire s’il faut que cela se démarque pour captiver le lecteur ! Et je dois dire que c’est le cas. D’abord grâce au superbe dessin de Supiot, que j’aime toujours autant, d’albums en albums. J’aime peut-être encore davantage sa colorisation. Il arrive à montrer toute l’horreur du conflit, tout en insufflant de la poésie dans la boue et le sang. Au travers de plusieurs personnages que nous découvrons successivement (un aviateur, un ex bagnard un chouia psychopathe trouvant dans les tranchées de quoi assouvir ses pulsions), Supiot montre d’une façon originale cette horreur. Surtout, il y a une certaine ironie à découvrir ces deux personnages. Le premier veut se suicider (au milieu de la plus grande tuerie de tous les temps à l’époque !!!), tandis que le second, monstre dans la société « normale », est une sorte de héros, l’inversion des valeurs faisant que ce qui vous conduisait au bagne pour avoir tué une personne vous vaut une médaille dans les tranchées pour en tuer des dizaines. Le récit est agréable à suivre, la lecture est fluide et rapide. Un bon album sur cette période noire. Note réelle 3,5/5.

09/02/2023 (modifier)
Couverture de la série Bob Denard - Le dernier mercenaire
Bob Denard - Le dernier mercenaire

La disparition de Pasqua, Foccart et des nombreux barbouzes qui, dans les services secrets ou au sein de multinationales comme ELF ont « œuvré » et magouillé pour des intérêts indéfendables laisse un pan important de l’histoire de France (et en partie du monde) sous la couverture. Surtout que la justice ne s’est pas montrée très curieuse, a été bâillonnée, et non lieux et prescriptions ont fait le reste. Cette biographie de Bob Denard est intéressante à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle m’en a appris un peu plus sur l’être humain caché derrière le « mythe » (c’est un personnage dont le nom m’est familier depuis que je me suis intéressé à la politique internationale, au milieu des années 1980). C’est d’ailleurs la partie qui sans doute est la plus vérifiable, donc crédible. Mais l’autre mérite est de remettre en lumière une partie de l’Histoire. En effet, Denard a bien souvent été un révélateur, un symptôme de cette période trouble qui va de l’après-guerre à la fin de la guerre froide, en passant par les décolonisations. Instrument complaisant et intéressé des magouilles politiques et financières, utilisé par les pouvoirs (français en tête) pour agir sans apparaitre officiellement dans un coup d’État ou un assassinat, il a été un des maillons importants de la « Françafrique ». Et cette partie de l’album est intéressante (sans doute celle où restent le plus de zones d’ombres, mais l’ensemble présenté ici reste plutôt crédible). Intéressante, et en plus pas alourdi par la narration, que j’ai trouvé légère, parfois humoristique, même lorsque le cynisme s’imposait. A noter que l’évincement de Denard après la fin de la guerre froide ne met pas fin à l’action des mercenaires, mais les « artisans » comme Denard sont depuis remplacés par de grosses multinationales (Wagner fait la une aujourd’hui, mais les américaines sont depuis longtemps utilisées et non moins efficaces) : là aussi le capitalisme libéral ne laisse de côté aucune niche ! Le dessin de Cognet est surprenant pour ce genre de récit, mais il passe très bien. Souvent proche de l’illustration, dans un style assez naïf qui fait justement penser à certains artistes africains ou haïtiens, je l’ai trouvé adapté au sujet et aux « territoires » visités (généralement en Afrique noire). Bref, une biographie réussie, sur un personnage secondaire, archétype du mercenaire, au rôle important, un de ces salauds au costume parfois trop grand, que l’Histoire ne reconnaitra jamais à sa vraie valeur – fut-elle comme ici en grande partie noire et sulfureuse. Note réelle 3,5/5.

09/02/2023 (modifier)
Par grogro
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Fleur de lait
Fleur de lait

J'ai découvert Miguel Vila avec Padovaland, chronique acide d'une jeunesse perdue quelque part entre la banlieue padouane et la modernité qui caractérise désormais massivement les relations numériques, plus tout à fait humaines. L'auteur revient avec Fleur de lait, nouvelle fenêtre ouverte sur le jardin obscur de cette nouvelle génération de Digital Native. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il frappe dur. Si Padovaland était une sorte de récit choral, Fleur de lait recentre son propos autour d'un trio déglingué dont on suit le parcours hasardeux : Marco et Stella, jeune couple peinant à sortir de l'adolescence, et Ludovica, jeune maman larguée au jeu trouble. Graphiquement, c'est toujours aussi pertinent. Dans un style qui n'appartient qu'à lui, Vila éclate encore davantage ses cases façon puzzle. Les actions des personnages sont disséquées, étalées sous nos yeux un peu effarés. Des gros plans ingrats sur des visages qui ne le sont pas moins, des parties du corps disgracieuses, honteuses, graisseuses, parfois inopinément poilues, insistent sur la perversité des personnages que l'on peine à appeler héros, accentuant encore cette impression de pénétrer dans leur sphère intime. Vila capte des comportements apparemment anodins qu'il taraude afin d'enfoncer la vis. Tout cela fonctionne très très bien. Mais sont-ce mes yeux qui vieillissent ou bien les cases qui rétrécissent ? Sans doute les deux mon général ! En effet, l'auteur incère des cases parfois microscopiques. Du coup, la lisibilité s'en ressent, en particulier lorsqu'il y a des dialogues, ce qui me rappelle que je dois prendre rendez-vous chez l'ophtalmo de toute urgence... (Au passage, j'ai trouvé amusant de croiser un personnage déjà présent dans Padovaland, en l'occurrence cette fille en vélo qui manque ici de se faire renverser par Marco alors qu'il suit une leçon de conduite). Cela étant, le récit coule tout seul et avale la poussière qui se cache sous le tapis. A mesure que l'on progresse dans la lecture, la perversité se révèle. C'est particulièrement frappant avec le personnage de Ludovica qui a l'insigne honneur de figurer en couverture. Car c'est bien elle qui est la cheville de cette histoire. Jusqu'à la fin ou presque, le lecteur nourrit une sympathie certaine pour elle, sympathie qui fleurte avec la pitié. Et cette presque fin est d'ailleurs un passage magnifique où l'auteur semble enfin lever le voile sur la fragilité de Marco et Lulu. Jusque là, Lulu semblait en effet subir la vie qui, en contrepartie, ne se gênait pas pour la cogner de toutes ses forces, à commencer par un physique qui n'est pas vraiment celui d'une nymphe. Oui, pauvre fille égarée que cette jeune maman. Mais, ATTENTION SPOIL !!!! Les trois ou quatre dernières pages se chargent de renverser totalement la vapeur. Le piège s'est refermé sur le lecteur, et ça fait boom dans sa tête. Dans ma tête de pinpin naïf, ça l'a fait en tout cas, "boom !", très fort, très très fort. Fin puissante qui dit beaucoup sur les comportements de nos contemporains, noyés dans cette inconsistante civilisation du numérique, aux prises avec l'égoïsme, le chacun pour soi. Qui dit beaucoup également sur le règne sans partage du néolibéralisme. Car c'est bien cela qui ressort avec puissance de la vision de Vila : il ne fait que portrai(tor)turer cette génération sacrifiée, la première à naitre sous influence 2.0. Je terminerai en évoquant cette remarque qu'a lâchée ma compagne en feuilletant Fleur de lait : "Beurk ! Qu'est-ce que c'est laid !" (lait/laid). Oui, c'est laid ; ce que nous donne à voir Miguel Vila est laid, mais c'est bien parce que ce qui sous-tend l'idéologie qui nous pousse dans le gouffre virtuel l'est (lait/laid/l'est) tout autant, diluant à la fois nos responsabilité et notre dignité. Tout se passe comme si sous une impunité toute apparente, nous étions à notre insu privés de nos retenues morales. En ce qui me concerne, je pense que l'auteur cherche, consciemment ou non, à mesurer l'écart qui se creuse entre ce que nous fûmes en tant qu'êtres humains et ce qui nous attend si nous persévérons dans cette voie désespérée et désespérante. En s'attaquant à Fleur de lait, il ne faut pas s'y tromper : ce nom innocent renvoyant à la maternité tout comme cette couverture immaculée dissimulent un récit noir d'encre qui nous saisit des deux côtés. Boom !

09/02/2023 (modifier)
Couverture de la série La Méduse
La Méduse

Enorme coup de cœur pour cet album ! La Méduse est un pur roman graphique dans lequel nous allons suivre une jeune libraire. Une femme toute simple, avec ses petits problèmes, des parents un peu trop intrusifs, un nouveau flirt en conflit avec son père, le quotidien de la librairie et des demandes des clients, les sorties avec les amis… Mais surtout, Odette -car c’est son prénom- a une méduse dans l’œil, une tache persistante qui l’accompagne au quotidien. On sent que l’autrice a mis beaucoup d’elle-même dans ce récit. Il transpire d’authenticité et déborde d’émotions sans jamais sombrer dans le pathos. J’ai vraiment été embarqué par cette histoire, me sentant très proche du personnage central, partageant ses craintes, ses peurs, sa rage. La mise en page est exemplaire. La lecture est on ne peut plus fluide. Les dernières pages (pour la plupart muettes) se lisent très vite mais elles en disent tellement que je finis cette lecture véritablement ému. Le dessin est à la hauteur du récit, rond, simple d’aspect, épuré. Il apporte beaucoup sans jamais trop en faire. Vraiment, j’ai adoré.

09/02/2023 (modifier)
Couverture de la série Les Douze Naissances de Miguel Marmol
Les Douze Naissances de Miguel Marmol

Voilà un album que j’ai vraiment pris plaisir à lire. La lecture est à la fois très instructive et agréable. La narration est fluide, le dessin, dans un style semi réaliste, est lui aussi à mon goût, et l’utilisation des dégradés de gris pour agrémenter le Noir et Blanc me convient tout autant. Au travers du destin de Miguel Marmol (que je ne connaissais pas), c’est tout un pan de l’histoire du Salvador et du Guatemala au XXème siècle qu’il nous est donné de découvrir. Les luttes sociales, les nombreuses dictatures qui s’y sont succédé, appuyées par les notables, l’armée et les États-Unis (voir ici le rôle joué par la multinationale United Fruit et du propagandiste Bernays) qui, sous couvert de lutte contre le communisme ont écrasé toutes les tentatives de révolte ou de réforme (pour la redistribution des terres, pour la défense des droits des minorités indiennes, pour la limitation des inégalités sociales, etc.). Et Miguel Marmol est au cœur de ces combats (il est un des fondateurs du parti communiste au Salvador, un de ses piliers durant près de soixante ans) et il va donc subir traque, répression, et échapper vraiment miraculeusement plusieurs fois à la mort (y compris en étant fusillé !), d’où le titre de cette biographie, inspirée des écrits d’Eduardo Galeano. Car effectivement, Marmol est un dur à cuir ! Et un homme remarquable, une personnalité attachante. Et cet album lui rend un bel hommage – par-delà la dénonciation des faits évoqués plus hauts. Ses « douze naissances » en font presque un immortel ! En tout cas, c’est typiquement le genre d’album qui mêle très bien petite et grande histoire, qui arrive à brosser le tableau d’un pays sur le long terme, d’une lutte sociale, sans jamais perdre de vue qu’il faut captiver le lecteur. Ce n’est jamais rébarbatif. Une réussite donc.

09/02/2023 (modifier)