C’est un manga qui possède des qualités, mais qui m’a aussi un peu laissé sur ma faim.
On entre rapidement dans l’action, et dans l’atmosphère développée par Koike, et mise en images par kamimura. Les deux auteurs nous proposent une histoire un peu stylisée, où la psychologie des personnages et la profondeur de l’intrigue ne sont pas importants.
Yuki (Lady Snowblood donc) mène de façon implacable – et très froide – une vengeance. Jouant de ses charmes et d’un aplomb à toute épreuve, elle s’introduit auprès de ses nombreuses victimes et les tue froidement, généralement d’un coup de lame.
L’histoire est donc ponctuée de scènes violentes (combats sanglants, mais aussi plusieurs scènes de torture assez sadiques). Mais aussi de quelques scènes érotiques (moins dans le troisième tome, même si je n’ai pas compris pourquoi Yuki faisait une démonstration de gymnastique toute nue !). On vise surtout un lectorat adulte donc.
Le dessin est agréable, avec un trait fin, relativement moderne pour son âge (idem pour le découpage de certaines planches).
Par contre, j’ai trouvé les polices de caractères un peu petites. Surtout, c’est encore plus petit pour les notes en bas de page ou de case, celles-ci étant très difficilement illisibles.
Quant à l’histoire, si elle se laisse lire, je l’ai trouvé un peu lassante au bout d’un moment. Et j’ai aussi trouvé que Lady Snowblood s’en sortait toujours trop facilement, quel que soit le nombre ou la qualité de ses adversaires. Si cela participe sans doute du côté « stylisé » évoqué plus haut, ça fait quand même perdre un peu de crédibilité.
Vers la fin de l’histoire, Yuki se transforme presque en passionaria, se mettant, suite au serment fait à une amie mourante, au service d’une cause collective : lutter contre la militarisation du Japon (nous sommes alors vers la fin du XIXème siècle). Mais, là aussi, elle massacre à tout va, échappant à tous les soldats et commettant moult carnages. Ce dernier tome est fortement axé sur la politique, entre tenant et opposants d’un rapprochement d’avec la culture occidentale.
Une histoire qui aurait pu aisément être raccourcie je pense.
Nous sommes en 1907, à l’époque où le journalisme parisien entame sa mue vers le reportage moderne et le sensationnalisme. Un crime sordide fait alors les gros titres, bouleversant les rédactions et influençant l’opinion publique dans un contexte de débat politique sur l’abolition de la peine de mort. Ce fait divers, qui aurait pu faire avancer la cause abolitionniste, provoque au contraire un rejet du projet, repoussant son aboutissement de plus de 70 ans.
La grande réussite de cet album réside dans sa reconstitution vivante et nuancée du Paris du début du XXe siècle. Le dessin, en peinture directe, se distingue par son réalisme et ses couleurs lumineuses qui s'éloignent des représentations ternes ou sépia habituelles de cette époque. Les personnages sont animés de dialogues vivants, mêlant discussions intimes, débats de société, échanges entre amis ou entre collègues. Le lecteur se retrouve plongé dans l’ambiance de l’époque, frappé par la résonance très contemporaine de certaines discussions, tant sur le rôle des médias que sur la justice et la peine capitale.
Sur le fond, c’est une lecture instructive par sa richesse historique et sociale. Toutefois, l’intrigue en elle-même s'avère plus faible : les protagonistes donnent souvent l'impression d’être de simples témoins ou commentateurs des événements plutôt que des acteurs à part entière. Ça limite un peu l’engagement narratif, malgré l’intérêt indéniable du propos.
Une lecture agréable et sympathique.
Ayroles développe une histoire avec quelques contraintes narratives. En effet, c’est un récit miroir dans lequel nous suivons durant quelques jours de vacances un jeune homme et une jeune femme, qui ne se connaissent pas. Dès la première page ils se heurtent, puis, jusqu’à la fin de l’album, ils ne vont cesser de se croiser sans se voir, se manquant de peu. La page de gauche est dévolue à la dame, celle de droite au jeune homme.
Si certains passages sont un peu tirés par les cheveux, pour provoquer ces « presque rencontres », l’ensemble est bien fichu, ponctué de moments amusants (dès le départ par exemple avec ce type se faisant passer pour un taxi et qui escroque sans vergogne le jeune homme – qui est plutôt naïf et malchanceux globalement).
Il y a un peu de Tati dans certaines scènes, avec ces décors et cet humour un peu désuets, faussement naïfs, le chien qui suit alternativement les deux héros, etc.
Quelques longueurs et facilités parfois, mais le récit est plein de fraicheur. Ayroles a bien dû s’amuser à faire s’entrecroiser les deux personnages sans qu’ils ne s’en rendent compte, se passant objets et interlocuteurs, voire un chien, de façon hasardeuse et quasi chronométré – comme certaines scènes de Buster Keaton (autre référence à laquelle j’ai pensé en lisant cet album).
Note réelle 3,5/5.
Tiens, une adaptation de série sur la danse qui était passée sous les radars de bdtheque jusqu'à présent.
Comme indiqué en présentation, il s'agit de l'adaptation officielle de la série Disney + qui raconte l'histoire d'une jeune danseuse, membre de la famille impériale russe, qui se retrouve propulsée de 1905 à 2019 par la grâce d'un objet magique. Ne nous leurrons pas, l'idée de la série est de faire une série à destination des préadolescentes, en mettant un peu plus de matière que d'habitude, en l'occurrence un argument fantastique. Si l'on peut faire confiance à Jean-Charles Gaudin pour torcher une histoire que se tienne à peu près en partant du scénario de la série TV, en revanche on s'ennuie assez vite, avec des personnages sans grande épaisseur, et des actions qui parfois sonnent faux. Pourquoi, par exemple, Léna quitte-t-elle une audition où elle semble captivée par la prestation d'un jeune danseur, pour se précipiter sur les toits de l'Opéra de Paris (où à mon avis on ne peut plus accéder aujourd'hui aussi facilement qu'en 1905) et aller consulter un message laissé là par une autre personne un siècle plus tôt ? J'ai eu ce sentiment d'ex machina à deux ou trois reprises au cours de ma lecture, et c'est un poil agaçant, même quand on s'adresse à un public relativement jeune.
A côté de ça j'aime beaucoup le dessin de l'Italienne Michela Cacciatore. Au-delà de la grâce nécessaire au sujet, son encrage est vraiment maîtrisé, ses décors bien travaillés, on est clairement au-dessus du tout-venant de la production du genre et même de ce que fait Soleil pour le public de préadolescentes. Beau travail également de la part de la coloriste Giulia Priori, qui met beaucoup de nuances dans sa palette.
Même si la série en elle-même ne m'a pas trop intéressé, je dois dire que l'aspect visuel est plaisant, et permet de mieux faire passer la pilule d'un récit relativement insipide.
Le sujet m’intéresse, et la teneur des propos tenus ici est en accord avec mes idées, donc c’est un album que j’ai lu globalement avec plaisir, même si j’en attendais sans doute un peu plus.
La narration est très fluide, jouant sur un dessin dynamique et caricatural, un ton ironique, humoristique, une mise en page aérée, pour faire passer des informations. Là-dessus, pas grand-chose à redire.
Mais, sur un sujet proche par certains aspects, mon ressenti est presque inverse que pour Le Choix du chômage que j’ai lu récemment. Là où ce dernier était complet, très fouillé, mais manquant de fluidité, « Comment les riches ravagent la planète » m’a donné le sentiment inverse : c’est fluide et agréable à suivre, mais peut-être un peu trop léger et pas assez fouillé.
Pas mal de choses sont présentées, mais pas toujours suffisamment développées ou mises en perspective, c’est parfois un peu fourre-tout et « facile ». Par exemple sur la fin j’aurais bien voulu voir évoquée la stratégie qui consiste à pousser les « pauvres » ou « perdants » de la mondialisation à se battre entre eux (chômeurs, immigrés, fonctionnaires, cheminots, présentés tour à tour comme privilégiés, fraudeurs, etc.) pour faire diversion par rapport à ceux qui sont les grands bénéficiaires des inégalités, qui « ravagent la planète » tout en évitant les conséquences de ces « ravages ».
Mais bon, la lecture est intéressante, et présente quand même, avec moult citations (les nombreuses sources sont données en fin d’album) quelques infos à ne pas oublier. Le creusement des inégalités, la notion de potlach accolée aux comportements des ultra-riches (une comparaison intéressante), le gaspillage que cela induit, et ce qu’il faudrait faire pour y remédier, à l’encontre de ce que le cynisme de ces ultra-riches et de leurs relais (politiques et médiatiques) assènent à longueur de journée.
Disons que c’est un documentaire qui pose des bases, pour ensuite aller creuser ailleurs.
Note réelle 3,5/5.
Les auteures nous présentent la vie et le travail à la ferme d’un frère et une sœur qui reprennent la ferme familiale et qui choisissent de passer de l’agriculture « conventionnelle » (c’est-à-dire productiviste avec force produits chimiques) à une agriculture bio. Derrière l’enthousiasme des premiers mois, les difficultés commencent à poindre.
Rien de super original dans ce récit, mais il est vivant, frais, et on s’attache aux rêves de ces jeunes agriculteurs, aux choix qu’ils doivent opérer (limiter la taille du troupeau, se séparer de certaines de leurs vaches, s’adapter à l’absence de produits « phytosanitaires », avec les bouleversements que cela entraine au départ dans les champs, etc.).
Leur projet est positif, on ne peut qu’être d’accord avec leurs choix. Je serais curieux de découvrir ce que la ferme est devenue depuis presque cinq ans, à l’heure où le bio semble refluer (les aides stagnent ou diminuent, les ventes aussi). C’est pourtant ce type d’agriculture qui devrait être soutenue, pas celle défendue par les productivistes de la FNSEA ou les industriels.
Reste que, bio ou pas, on mesure avec ce récit la difficulté du métier, l’absence de temps mort qu’il impose, pour un revenu jamais garanti – et parfois quasi nul (alors qu’on voit bien ici l’énergie mise par notre duo d’agriculteur pour faire vivre leur ferme, et l’amour porté à leurs vaches aussi).
Le principal bémol viendrait du fait que les auteures restent un peu à la surface des choses concernant le monde agricole. Les deux agriculteurs, en bio ou pas, ne sont qu’un maillon dans « l’agroalimentaire ». Les banques (ici leur prêt est facilement accordé), le coût des installations, les aléas météorologiques et la pression des industriels (laitiers ici) n’apparaissent que très peu.
Mais c’est un portrait positif qui est quand même intéressant.
J'aime beaucoup Fabcaro, sa science des situations décalées, des dialogues totalement absurdes, et ce choix de mettre une seule et même (parfois avec des variations) du début à la fin du gag.
Ici pas de fil rouge, pas de point commun entre les gagas (à part quelques références qui se répètent). J'ai un peu l'impression de voir un recueil de ce qui n'avait pas été pris ailleurs. La qualité est toujours là, on a le sourire en coin à la fin de nombreux gags. Mais c'est vrai qu'à la longue (je viens de lire les deux tomes), c'est un peu redondant, et je comprends un peu celles et ceux qui en ont marre de voir ce concept décliné à l'infini chez différents éditeurs.
J'ai passé un moment sympa (et rapide) de lecture, mais clairement ce n'est pas le meilleur de ce qu'il a produit.
Je vais commencer par parler du titre, qui n'est pas du tout évoqué dans le manga, du moins dans le premier volume. L'Anneau de Gygès est un artefact qui permet à son détenteur (le berger Gygès donc) de devenir invisible. Il s'agit d'un mythe apparu dans La République de Platon. Gygès, qui trouve dans le sol un anneau, utilise ce pouvoir pour séduire la reine, complote avec elle et assassine le roi pour s'emparer du pouvoir. l'occasion pour Socrate et ses contradicteurs de discuter de la morale.
L'auteur a donc lu Platon ou ses exégètes pour créer cette histoire. Nous avons deux personnages qui se retrouvent, après un voeu dans un sanctuaire, avec des pouvoirs complémentaires ou liés : disparaître ou faire disparaître à volonté. Mais ils n'ont bien sûr pas la même approche morale de ces pouvoirs, et celui qui est plus dérangé que l'autre (a priori), va choisir de cacher son pouvoir et embrouiller l'autre. C'est déjà bien scabreux dans le premier tome, et l'auteur nous propose des scènes tordues. Il y a de quoi être bien accroché par ce pitch et avoir envie de lire la suite, puisque ce manga se termine en 7 volumes.
Le dessin est assez nerveux, et torturé quand il faut, sans aller dans le grand bazar. Je suis curieux, donc, de lire la suite.
Voici une nouvelle série publiée chez Mana Books, qui nous plonge dans les intrigues de cour, une cour largement inspirée de celle de la Chine. C'est inspiré de l'œuvre (éponyme ?) d'Aki Shikimi, adaptée par Shiori Hiromoto dans un manga dont les deux premiers tomes sortent simultanément en France.
C'est donc par le biais de Yuran Haku, issue d'une famille de marchands, que nous pénétrons dans la cour intérieure et découvrons les jeux de pouvoir qui y ont cours. Les rivalités entre les favorites, la foule (une centaine de femmes) des concubines et des maîtresses, mais aussi les manigances de certains hauts fonctionnaires, ou encore le plan d'intégration tout particulier imaginé par l'Empereur. Sans parler de la personnalité pour le moins trouble de Monsieur Kogetsu, le mari imposé à Yuran. Si la lecture n'est pas désagréable, j'avoue ne pas avoir ressenti un intérêt démesuré pour l'histoire ou les personnages. Certains questionnements sont résolus "hors champ", d'autres sont un peu tirés par les cheveux. Et même la part d'ombre de Kogetsu me semble relativement classique. Peut-être que la suite me donnera tort, ceci dit.
Mais ce qui m'a troublé le plus, c'est le voisinage, en termes de sujet et de lieu de l'intrigue, avec La Servante de l'empereur, paru il y a peu chez Ki-oon. Ce qui explique la parution dans un autre label du même groupe éditorial, sans doute. Ici cependant, pas de petites fleurs à tous les coins de pages, et si certains personnages sont "craquants", il y a un peu plus de nuances, de véracité dans les personnages. D'où ma note un peu supérieure.
Graphiquement c'est aussi très élégant, très fin, sans avoir une véritable originalité. A réserver aux amateurs/trices du genre, cependant.
Fabrice Erre et Fabcaro se mettent en scène eux-mêmes dans une aventure pleine de déconnade inspirée d'Indiana Jones. Croyant prendre l'avion pour un festival BD à Niort, les deux compères se retrouvent par erreur au Mexique, où on les prend pour des experts en archéologie maya. Chargés de retrouver un trésor caché avant qu'une société cupide ne mette la main dessus, ils poursuivent la supercherie malgré leur incompétence flagrante, semant la pagaille avec leur bêtise assumée.
L'album cultive un humour con et potache, fidèle au style des deux auteurs. Ils jouent à fond la carte de l'autodérision, se dépeignant comme des imbéciles heureux, incapables de survivre à la moindre aventure réelle. Le récit ne se prend jamais au sérieux, enchaînant quiproquos et gags visuels, porté par le dessin expressif de Fabrice Erre qui croque des personnages à la mine perpétuellement ahurie.
L'ensemble évoque par moments l'esprit des comédies des ZAZ, avec des passages franchement drôles, mais aussi d'autres un peu plus poussifs. À force d'insister sur la stupidité des protagonistes, certains gags tournent un peu en rond et perdent en efficacité. Une touche de subtilité supplémentaire aurait permis de mieux varier les effets comiques. Malgré cela, la lecture reste plaisante, légère, et émaillée de nombreux sourires, voire de bons éclats de rire.
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Lady SnowBlood
C’est un manga qui possède des qualités, mais qui m’a aussi un peu laissé sur ma faim. On entre rapidement dans l’action, et dans l’atmosphère développée par Koike, et mise en images par kamimura. Les deux auteurs nous proposent une histoire un peu stylisée, où la psychologie des personnages et la profondeur de l’intrigue ne sont pas importants. Yuki (Lady Snowblood donc) mène de façon implacable – et très froide – une vengeance. Jouant de ses charmes et d’un aplomb à toute épreuve, elle s’introduit auprès de ses nombreuses victimes et les tue froidement, généralement d’un coup de lame. L’histoire est donc ponctuée de scènes violentes (combats sanglants, mais aussi plusieurs scènes de torture assez sadiques). Mais aussi de quelques scènes érotiques (moins dans le troisième tome, même si je n’ai pas compris pourquoi Yuki faisait une démonstration de gymnastique toute nue !). On vise surtout un lectorat adulte donc. Le dessin est agréable, avec un trait fin, relativement moderne pour son âge (idem pour le découpage de certaines planches). Par contre, j’ai trouvé les polices de caractères un peu petites. Surtout, c’est encore plus petit pour les notes en bas de page ou de case, celles-ci étant très difficilement illisibles. Quant à l’histoire, si elle se laisse lire, je l’ai trouvé un peu lassante au bout d’un moment. Et j’ai aussi trouvé que Lady Snowblood s’en sortait toujours trop facilement, quel que soit le nombre ou la qualité de ses adversaires. Si cela participe sans doute du côté « stylisé » évoqué plus haut, ça fait quand même perdre un peu de crédibilité. Vers la fin de l’histoire, Yuki se transforme presque en passionaria, se mettant, suite au serment fait à une amie mourante, au service d’une cause collective : lutter contre la militarisation du Japon (nous sommes alors vers la fin du XIXème siècle). Mais, là aussi, elle massacre à tout va, échappant à tous les soldats et commettant moult carnages. Ce dernier tome est fortement axé sur la politique, entre tenant et opposants d’un rapprochement d’avec la culture occidentale. Une histoire qui aurait pu aisément être raccourcie je pense.
Les Crieurs du crime
Nous sommes en 1907, à l’époque où le journalisme parisien entame sa mue vers le reportage moderne et le sensationnalisme. Un crime sordide fait alors les gros titres, bouleversant les rédactions et influençant l’opinion publique dans un contexte de débat politique sur l’abolition de la peine de mort. Ce fait divers, qui aurait pu faire avancer la cause abolitionniste, provoque au contraire un rejet du projet, repoussant son aboutissement de plus de 70 ans. La grande réussite de cet album réside dans sa reconstitution vivante et nuancée du Paris du début du XXe siècle. Le dessin, en peinture directe, se distingue par son réalisme et ses couleurs lumineuses qui s'éloignent des représentations ternes ou sépia habituelles de cette époque. Les personnages sont animés de dialogues vivants, mêlant discussions intimes, débats de société, échanges entre amis ou entre collègues. Le lecteur se retrouve plongé dans l’ambiance de l’époque, frappé par la résonance très contemporaine de certaines discussions, tant sur le rôle des médias que sur la justice et la peine capitale. Sur le fond, c’est une lecture instructive par sa richesse historique et sociale. Toutefois, l’intrigue en elle-même s'avère plus faible : les protagonistes donnent souvent l'impression d’être de simples témoins ou commentateurs des événements plutôt que des acteurs à part entière. Ça limite un peu l’engagement narratif, malgré l’intérêt indéniable du propos.
Océan Express
Une lecture agréable et sympathique. Ayroles développe une histoire avec quelques contraintes narratives. En effet, c’est un récit miroir dans lequel nous suivons durant quelques jours de vacances un jeune homme et une jeune femme, qui ne se connaissent pas. Dès la première page ils se heurtent, puis, jusqu’à la fin de l’album, ils ne vont cesser de se croiser sans se voir, se manquant de peu. La page de gauche est dévolue à la dame, celle de droite au jeune homme. Si certains passages sont un peu tirés par les cheveux, pour provoquer ces « presque rencontres », l’ensemble est bien fichu, ponctué de moments amusants (dès le départ par exemple avec ce type se faisant passer pour un taxi et qui escroque sans vergogne le jeune homme – qui est plutôt naïf et malchanceux globalement). Il y a un peu de Tati dans certaines scènes, avec ces décors et cet humour un peu désuets, faussement naïfs, le chien qui suit alternativement les deux héros, etc. Quelques longueurs et facilités parfois, mais le récit est plein de fraicheur. Ayroles a bien dû s’amuser à faire s’entrecroiser les deux personnages sans qu’ils ne s’en rendent compte, se passant objets et interlocuteurs, voire un chien, de façon hasardeuse et quasi chronométré – comme certaines scènes de Buster Keaton (autre référence à laquelle j’ai pensé en lisant cet album). Note réelle 3,5/5.
Léna rêve d'étoile
Tiens, une adaptation de série sur la danse qui était passée sous les radars de bdtheque jusqu'à présent. Comme indiqué en présentation, il s'agit de l'adaptation officielle de la série Disney + qui raconte l'histoire d'une jeune danseuse, membre de la famille impériale russe, qui se retrouve propulsée de 1905 à 2019 par la grâce d'un objet magique. Ne nous leurrons pas, l'idée de la série est de faire une série à destination des préadolescentes, en mettant un peu plus de matière que d'habitude, en l'occurrence un argument fantastique. Si l'on peut faire confiance à Jean-Charles Gaudin pour torcher une histoire que se tienne à peu près en partant du scénario de la série TV, en revanche on s'ennuie assez vite, avec des personnages sans grande épaisseur, et des actions qui parfois sonnent faux. Pourquoi, par exemple, Léna quitte-t-elle une audition où elle semble captivée par la prestation d'un jeune danseur, pour se précipiter sur les toits de l'Opéra de Paris (où à mon avis on ne peut plus accéder aujourd'hui aussi facilement qu'en 1905) et aller consulter un message laissé là par une autre personne un siècle plus tôt ? J'ai eu ce sentiment d'ex machina à deux ou trois reprises au cours de ma lecture, et c'est un poil agaçant, même quand on s'adresse à un public relativement jeune. A côté de ça j'aime beaucoup le dessin de l'Italienne Michela Cacciatore. Au-delà de la grâce nécessaire au sujet, son encrage est vraiment maîtrisé, ses décors bien travaillés, on est clairement au-dessus du tout-venant de la production du genre et même de ce que fait Soleil pour le public de préadolescentes. Beau travail également de la part de la coloriste Giulia Priori, qui met beaucoup de nuances dans sa palette. Même si la série en elle-même ne m'a pas trop intéressé, je dois dire que l'aspect visuel est plaisant, et permet de mieux faire passer la pilule d'un récit relativement insipide.
Comment les riches ravagent la planète - et comment les en empêcher
Le sujet m’intéresse, et la teneur des propos tenus ici est en accord avec mes idées, donc c’est un album que j’ai lu globalement avec plaisir, même si j’en attendais sans doute un peu plus. La narration est très fluide, jouant sur un dessin dynamique et caricatural, un ton ironique, humoristique, une mise en page aérée, pour faire passer des informations. Là-dessus, pas grand-chose à redire. Mais, sur un sujet proche par certains aspects, mon ressenti est presque inverse que pour Le Choix du chômage que j’ai lu récemment. Là où ce dernier était complet, très fouillé, mais manquant de fluidité, « Comment les riches ravagent la planète » m’a donné le sentiment inverse : c’est fluide et agréable à suivre, mais peut-être un peu trop léger et pas assez fouillé. Pas mal de choses sont présentées, mais pas toujours suffisamment développées ou mises en perspective, c’est parfois un peu fourre-tout et « facile ». Par exemple sur la fin j’aurais bien voulu voir évoquée la stratégie qui consiste à pousser les « pauvres » ou « perdants » de la mondialisation à se battre entre eux (chômeurs, immigrés, fonctionnaires, cheminots, présentés tour à tour comme privilégiés, fraudeurs, etc.) pour faire diversion par rapport à ceux qui sont les grands bénéficiaires des inégalités, qui « ravagent la planète » tout en évitant les conséquences de ces « ravages ». Mais bon, la lecture est intéressante, et présente quand même, avec moult citations (les nombreuses sources sont données en fin d’album) quelques infos à ne pas oublier. Le creusement des inégalités, la notion de potlach accolée aux comportements des ultra-riches (une comparaison intéressante), le gaspillage que cela induit, et ce qu’il faudrait faire pour y remédier, à l’encontre de ce que le cynisme de ces ultra-riches et de leurs relais (politiques et médiatiques) assènent à longueur de journée. Disons que c’est un documentaire qui pose des bases, pour ensuite aller creuser ailleurs. Note réelle 3,5/5.
Terre ferme
Les auteures nous présentent la vie et le travail à la ferme d’un frère et une sœur qui reprennent la ferme familiale et qui choisissent de passer de l’agriculture « conventionnelle » (c’est-à-dire productiviste avec force produits chimiques) à une agriculture bio. Derrière l’enthousiasme des premiers mois, les difficultés commencent à poindre. Rien de super original dans ce récit, mais il est vivant, frais, et on s’attache aux rêves de ces jeunes agriculteurs, aux choix qu’ils doivent opérer (limiter la taille du troupeau, se séparer de certaines de leurs vaches, s’adapter à l’absence de produits « phytosanitaires », avec les bouleversements que cela entraine au départ dans les champs, etc.). Leur projet est positif, on ne peut qu’être d’accord avec leurs choix. Je serais curieux de découvrir ce que la ferme est devenue depuis presque cinq ans, à l’heure où le bio semble refluer (les aides stagnent ou diminuent, les ventes aussi). C’est pourtant ce type d’agriculture qui devrait être soutenue, pas celle défendue par les productivistes de la FNSEA ou les industriels. Reste que, bio ou pas, on mesure avec ce récit la difficulté du métier, l’absence de temps mort qu’il impose, pour un revenu jamais garanti – et parfois quasi nul (alors qu’on voit bien ici l’énergie mise par notre duo d’agriculteur pour faire vivre leur ferme, et l’amour porté à leurs vaches aussi). Le principal bémol viendrait du fait que les auteures restent un peu à la surface des choses concernant le monde agricole. Les deux agriculteurs, en bio ou pas, ne sont qu’un maillon dans « l’agroalimentaire ». Les banques (ici leur prêt est facilement accordé), le coût des installations, les aléas météorologiques et la pression des industriels (laitiers ici) n’apparaissent que très peu. Mais c’est un portrait positif qui est quand même intéressant.
Open Bar
J'aime beaucoup Fabcaro, sa science des situations décalées, des dialogues totalement absurdes, et ce choix de mettre une seule et même (parfois avec des variations) du début à la fin du gag. Ici pas de fil rouge, pas de point commun entre les gagas (à part quelques références qui se répètent). J'ai un peu l'impression de voir un recueil de ce qui n'avait pas été pris ailleurs. La qualité est toujours là, on a le sourire en coin à la fin de nombreux gags. Mais c'est vrai qu'à la longue (je viens de lire les deux tomes), c'est un peu redondant, et je comprends un peu celles et ceux qui en ont marre de voir ce concept décliné à l'infini chez différents éditeurs. J'ai passé un moment sympa (et rapide) de lecture, mais clairement ce n'est pas le meilleur de ce qu'il a produit.
L'Anneau de Gygès
Je vais commencer par parler du titre, qui n'est pas du tout évoqué dans le manga, du moins dans le premier volume. L'Anneau de Gygès est un artefact qui permet à son détenteur (le berger Gygès donc) de devenir invisible. Il s'agit d'un mythe apparu dans La République de Platon. Gygès, qui trouve dans le sol un anneau, utilise ce pouvoir pour séduire la reine, complote avec elle et assassine le roi pour s'emparer du pouvoir. l'occasion pour Socrate et ses contradicteurs de discuter de la morale. L'auteur a donc lu Platon ou ses exégètes pour créer cette histoire. Nous avons deux personnages qui se retrouvent, après un voeu dans un sanctuaire, avec des pouvoirs complémentaires ou liés : disparaître ou faire disparaître à volonté. Mais ils n'ont bien sûr pas la même approche morale de ces pouvoirs, et celui qui est plus dérangé que l'autre (a priori), va choisir de cacher son pouvoir et embrouiller l'autre. C'est déjà bien scabreux dans le premier tome, et l'auteur nous propose des scènes tordues. Il y a de quoi être bien accroché par ce pitch et avoir envie de lire la suite, puisque ce manga se termine en 7 volumes. Le dessin est assez nerveux, et torturé quand il faut, sans aller dans le grand bazar. Je suis curieux, donc, de lire la suite.
La Gardienne des concubines
Voici une nouvelle série publiée chez Mana Books, qui nous plonge dans les intrigues de cour, une cour largement inspirée de celle de la Chine. C'est inspiré de l'œuvre (éponyme ?) d'Aki Shikimi, adaptée par Shiori Hiromoto dans un manga dont les deux premiers tomes sortent simultanément en France. C'est donc par le biais de Yuran Haku, issue d'une famille de marchands, que nous pénétrons dans la cour intérieure et découvrons les jeux de pouvoir qui y ont cours. Les rivalités entre les favorites, la foule (une centaine de femmes) des concubines et des maîtresses, mais aussi les manigances de certains hauts fonctionnaires, ou encore le plan d'intégration tout particulier imaginé par l'Empereur. Sans parler de la personnalité pour le moins trouble de Monsieur Kogetsu, le mari imposé à Yuran. Si la lecture n'est pas désagréable, j'avoue ne pas avoir ressenti un intérêt démesuré pour l'histoire ou les personnages. Certains questionnements sont résolus "hors champ", d'autres sont un peu tirés par les cheveux. Et même la part d'ombre de Kogetsu me semble relativement classique. Peut-être que la suite me donnera tort, ceci dit. Mais ce qui m'a troublé le plus, c'est le voisinage, en termes de sujet et de lieu de l'intrigue, avec La Servante de l'empereur, paru il y a peu chez Ki-oon. Ce qui explique la parution dans un autre label du même groupe éditorial, sans doute. Ici cependant, pas de petites fleurs à tous les coins de pages, et si certains personnages sont "craquants", il y a un peu plus de nuances, de véracité dans les personnages. D'où ma note un peu supérieure. Graphiquement c'est aussi très élégant, très fin, sans avoir une véritable originalité. A réserver aux amateurs/trices du genre, cependant.
À la poursuite du trésor de Décalécatán
Fabrice Erre et Fabcaro se mettent en scène eux-mêmes dans une aventure pleine de déconnade inspirée d'Indiana Jones. Croyant prendre l'avion pour un festival BD à Niort, les deux compères se retrouvent par erreur au Mexique, où on les prend pour des experts en archéologie maya. Chargés de retrouver un trésor caché avant qu'une société cupide ne mette la main dessus, ils poursuivent la supercherie malgré leur incompétence flagrante, semant la pagaille avec leur bêtise assumée. L'album cultive un humour con et potache, fidèle au style des deux auteurs. Ils jouent à fond la carte de l'autodérision, se dépeignant comme des imbéciles heureux, incapables de survivre à la moindre aventure réelle. Le récit ne se prend jamais au sérieux, enchaînant quiproquos et gags visuels, porté par le dessin expressif de Fabrice Erre qui croque des personnages à la mine perpétuellement ahurie. L'ensemble évoque par moments l'esprit des comédies des ZAZ, avec des passages franchement drôles, mais aussi d'autres un peu plus poussifs. À force d'insister sur la stupidité des protagonistes, certains gags tournent un peu en rond et perdent en efficacité. Une touche de subtilité supplémentaire aurait permis de mieux varier les effets comiques. Malgré cela, la lecture reste plaisante, légère, et émaillée de nombreux sourires, voire de bons éclats de rire.