Les derniers avis (89 avis)

Par Ro
Note: 4/5
Couverture de la série Je suis leur silence
Je suis leur silence

Cet album est assez dense, légèrement confus et on ne sait pas toujours si l'auteur sait bien où il veut aller, mais je l'ai lu avec beaucoup de plaisir. Il tient avant tout sur la personnalité de son héroïne. Outre sa beauté et sa finesse d'esprit, celle-ci est d'un caractère volontairement étonnant, difficile à cerner, entre exubérance imprudente et intelligence avec beaucoup de recul. L'auteur rend hommage en fin d'album aux personnes bipolaires mais je n'ai pas l'impression que son héroïne le soit. Oui, elle fait preuve d'hyperactivité et de troubles maniaques, mais on ne lui voit quasiment pas de phase de dépression qui viennent les contrebalancer si ce n'est une séance de pleurs mais pas vraiment sans raison. Par contre, on peut l'observer dans une sorte d'éternelle fuite en avant, incapable de restreindre ses émotions et ses envies ni de se brider, par peur d'un traumatisme de son passé qu'on découvrira peu à peu. Ça en fait un personnage très original et charmant malgré ses défauts et son côté parfois casse-pieds. L'histoire pour sa part est très rythmée, complexe et intéressante même si parfois légèrement embrouillée. Les personnages y sont tous bons et les situations sortent assez des sentiers battus. Quant au dessin de Jordi Lafebre, il est excellent comme toujours. Ce n'est pas un scénario complètement ficelé avec un déroulement clair et une fin percutante, mais c'est une histoire très sympathique, avec une bonne dose d'humour et une héroïne joyeusement "attachiante".

16/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Guerres de Lucas
Les Guerres de Lucas

Il y a longtemps, dans une Californie lointaine, très lointaine... Incontournable pour les adeptes de la saga, ce roman graphique super bien foutu pourra également intéresser les amateurs de backstage de cinéma tellement l’œuvre regorge d’anecdotes tout en étant dotée d’une narration fluide et assimilable par n’importe qui. Ce livre ce lit comme un vrai page-turner, j’ai été scotché de bout en bout et pourtant je ne suis pas un néophyte : j’ai vu les 6 premiers films des dizaines de fois chacun, j’ai lu des comics, des romans, fait tous les jeux vidéos, je me suis intéressé à d’autres médias, bref, je connais plutôt bien l’univers Star Wars par rapport à la moyenne. Après pour certaines personnes c’est quasiment une religion il faut dire, donc des trucs diverses et variés on peut en apprendre tout les jours. J’ignorais par exemple que les interprètes de C3PO et R2-D2 ne pouvaient pas se blairer sur le tournage (est-ce toujours le cas ? ), l’infarctus de Lucas, sa jeunesse rebelle dont je n’avais pas le moindre soupçon (quand on voit Lucas il fait plus pépère tranquille, même lorsqu’il était jeune), je ne vais pas vous gâcher le plaisir de lecture en vous spoilant le récit mais il y a à boire et à manger là-dedans. Ce qui est diablement intéressant, et c’est le tour de Force des auteurs, c’est d’avoir réussi à conjuguer une biographie intimiste de Georges Lucas tout en étant à la fois une histoire sur la production du tout premier « La Guerre des étoiles », de l’envie du réalisateur de créer quelque chose qui lui ressemble et qui sort des sentiers battus à la sortie dudit film et le ras-de-marée culturel qu’il a représenté. C’est une véritable aventure en parallèle de ce space fantasy qui nous est contée, et de for belle manière : Lucas cet homme taiseux et affable m’a touché par sa réserve, les gens de la 20st Century Fox au contraire apparaissent comme des méchants de James Bond tant ils sont vénales et calculateurs (c’est romancé mais est-ce si éloigné de la réalité ? ), certains personnages m’ont déçu : je savais par exemple qu’Alec Guinness trouvé les dialogues enfantins, ou que pas grand monde parmi le crew ne croyait au projet, mais j’ai été surpris que des Ford, Fisher ou Kenny Baker, c’est-à-dire des moins que rien avant ce film, se foutent ouvertement de ce film « de merde ». Cela a été plus qu’un parcours du combattant la réalisation de ce film, dans la lignée de ces films maudits comme Fitzcarraldo, Don Quichotte ou Waterworld. Lucas a sué sang et eau pour le mener au bout et il est intéressant de remarquer que si son succès repose pour l’immense partie sur les épaules de Lucas imself, quelques noms de notables sont à ajouter, des gens qui ont cru au projet et en l’homme : sa femme Marcia Lucas sa première critique et relectrice et son équipe de monteurs, Gary Kurtz le producteur exécutif le Sam de l’équipe, Tom Pollock son avocat qui a négocié le contrat du siècle, Ben Burtt prodige des effets sonores, John Williams l’un des plus grands compositeurs de cinéma, Alan Ladd indéfectible soutient de Lucas envers et contre tous, George Mather qui a remis de l’ordre dans le bordel des studios I.L.M ; Willard et Gloria Huyck les dialoguistes (sans eux ça ne ressemblerai à rien vu que Lucas « ne sait pas écrire »), Fred Roos le directeur de casting qui a eu du flair. Ah oui ! Et le dessin est juste parfait, aux petits oignons, il sert parfaitement la narration, le code couleur est génial, y rien à redire, c’est très plaisant à regarder.

16/04/2024 (modifier)
Par karibou79
Note: 4/5
Couverture de la série La Traque - L'Affaire de Ligonnés
La Traque - L'Affaire de Ligonnés

De la piste de la DEA en passant par l'univers mystique d'une secte, d'extraits de blogs à séances d'interrogatoires, on a accès à toutes les informations révélées plus ou moins confidentiellement de l'affaire XDDL qui a défrayé les chroniques durant plus 8 ans (et peut-être encore plus si de nouvelles pistes font surface). Les faits sont mis en image à hauteur d'homme, les spéléologues effectuant les fouilles souterraines portent des noms et des visages. Et des protagonistes il y a en a : famille, amis de longue date, policiers, scientifiques, ecclésisastiques... Je suis admiratif de l'alternance si fluide de flashbacks en BD biographique, d'investigation en BD documentaire, de reproductions de lettres, mails, notes de blogs, de texte compléementaires, de suggestions de lecture. Les 200 pages de cet album sont justifiées, les chapitres sont également pondérés. Tout le monde prendra donc plaisir à gratter une piste plus qu'une autre. Car cette traque est toujours en cours, à l'instar de celle de la Chouette d'Or, relancée aux USA par la série Netflix dont je n'avais pas entendu parler. Car de locale, l'enquête a vite pris une tournure nationale puis européenne et maintenant mondiale. Et ce bel ouvrage de Petit-Valette risque d'en inspirer d'autres tant tous les ingrédients d'une course-poursuite sans fin sont là. Les dernières pages le confirment en empilant les avis de spécialistes, proches et autres concernant la question pourtant simple de la vie ou de la mort de l'insaisissable XDDL. Une expérience passionante chaudement recommandée aux amateurs de polar et de faits divers.

16/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Bone - Rose
Bone - Rose

Un ravissement enchanteur -Les événements de ce tome se déroule avant ceux de la série Bone (à commencer par La Forêt sans retour). Il comprend les 3 épisodes de la minisérie du même nom, initialement parus de 2000 à 2002. Il est possible de lire cette histoire, sans avoir les 9 tomes de la série Bone. le scénario a été écrit par Jeff Smith (l'auteur De Bone). Les dessins, l'encrage et la mise en couleurs ont été réalisés par Charles Vess. Il y a longtemps dans un autre monde, Mim, la reine des dragons, veillait sur le monde des rêves. Mais celui-ci fut corrompu par une entité appelée le Seigneur de Locustes qui prit possession de Mim. Il s'en suivi un terrible affrontement qui s'acheva avec la pétrification des 2 adversaires, même si l'esprit du Seigneur des Locustes rôde encore. À Atheia, la capitale du royaume, Briar et Rose (les 2 filles de la reine et du roi) étudient sous la tutelle d'un maître Veni-Yan pour apprendre à ouvrir leur oeil du rêve. le temps de leur initiation est bientôt venu. Dans la forêt le Grand Dragon Rouge suit leur progrès de près. Mais voilà que Balsaad (un dragon de rivière) est sorti du fleuve pour semer la destruction dans les villages voisins. La publication de la série Bone s'est étalée de 1991 à 2004, en 55 épisodes. En cours de route, Jeff Smith a décidé de raconter un épisode de la jeunesse de l'un des personnages principaux : Rose Harvestar, sans oublier sa sœur Briar. Il en résulte l'histoire d'une princesse courageuse, doté d'une capacité surnaturelle, qui va découvrir l'étendue de son pouvoir, les responsabilités qui viennent avec, et qui devoir faire preuve d'encore plus de courage. Dans la mesure où cette histoire est racontée par le créateur de la série Bone, elle s'y insère sans solution de continuité. le lecteur retrouve donc des personnages qui lui sont déjà familiers. Outre les 2 sœurs, il y a le Grand Dragon Rouge, Lucius Down, Mim, l'Encapuchonné (le porte-parole du Seigneur des Locustes), le clan des Veni-Yan, les rats garous. Il séjourne le temps de quelques pages à Atheia. Il découvre les 2 chiens de Rose : Cleo et Euclid. Le lecteur découvre avec plaisir cette histoire de "Sword & sorcery" qui défie les conventions du genre. Il y a bien un méchant dragon et des villageois apeurés, une princesse (et même 2) et un brave capitaine des gardes, une reine & un roi et un esprit maléfique, des combats à l'épée et du feu craché. Mais les héros sont 2 jeunes femmes qui ne savent pas tout, les vrais méchants sont des sortes de sauterelles (des locustes), Rose peut entendre ce que disent ses chiens, et il existe une troisième faction plus puissante (le Grand Dragon Rouge) qui n'intervient pas à la fin pour sauver tout le monde. Surtout cette histoire bénéficie de la mise en images exceptionnelle de Charles Vess. Ce dernier avait déjà réalisé des illustrations magnifiques pour un récit de Neil Gaiman : Stardust : le mystère de l'étoile. Il avait également mis en images 2 épisodes magiques de la série Sandman, dans lesquels William Shakespeare faisait affaire avec Morpheus. L'enchantement commence dès la première page avec cette vision de Mim enserrant la Terre, sur fond étoilé. Les traits sont fins et délicats, avec une approche mélangeant le merveilleux de l'enfance (le fond étoilé) et une mise en scène appréciable par des adultes, rendant bien compte de la dimension mythique de cette séquence. La séquence suivante permet de découvrir Rose et Briar, d'apprécier la sensibilité de Vess pour ces personnages, leurs coiffures, leurs robes, l'architecture de l'arrière-plan. Les parents sont vêtus d'habits royaux, simples sans être stéréotypés, au drapé élégant. La scène du départ d'Atheia invite à s'arrêter sur le harnachement des chevaux. La progression à travers les bois montre des arbres dénudés dont il est possible de reconnaître les essences, les formations rocheuses, et la végétation. La petite troupe progresse en respectant le relief, à l'opposé d'un décor factice et de personnages évoluant sur une scène de théâtre vide. De page en page, le lecteur apprécie que chaque page soit visuellement intéressante, sans raccourci graphique pour éviter de dessiner ceci ou cela. Les personnages ont des morphologies diverses et plausibles. Les mises en scène sont adaptées à chaque séquence, qu'il s'agisse d'un échange verbal délicat, ou d'une scène d'affrontement physique. Les créatures surnaturelles sont bizarres sans être ridicules, ou bêtement effrayantes. Chaque environnement est spécifique, évitant l'impression de décor passepartout. Charles Vess effectue lui-même sa mise en couleurs qui vent complémenter avec intelligence et retenue ses dessins aérés et minutieux. Les couleurs de chaque case ont été pensées pour refléter la nature de la luminosité, en toute discrétion. Charles Vess se montre encore plus fort quand il s'agit de représenter des personnages que le lecteur connaît déjà. L'exemple le plus frappant est le Grand Dragon Rouge qui est exactement comme Jeff Smith le représente dans la série Bone, tout en bénéficiant de la délicatesse des traits de Vess, parfaitement intégré au reste des composants de l'image. Au fur et à mesure des pages, le lecteur prend pleinement conscience que le charme de cette histoire doit plus aux dessins de Charles Vess, qu'à l'intrigue en elle-même. L'approche picturale de Charles Vess amalgame les aspects merveilleux ou fantastiques de ce conte (à commencer par les dragons) et les aspects plus réalistes (évocation d'un moyen-âge courtois, tenues vestimentaires, nature, personnages crédibles). le lecteur apprécie aussi bien le détail d'une ferrure de porte, qu'un tapis neigeux, ou les ondulations de Balsaad dans la rivière. Grâce au dessinateur ce qui n'aurait pu être qu'un conte linéaire devient les histoires entremêlées d'individus forts et fragiles, dans des décors délicatement sublimés. Pour l'initiation de Rose (futur mamie Ben), Jeff Smith a trouvé le dessinateur parfait pour donner corps à son récit. Il flotte une atmosphère délicate, teinté de fantastique dont le pouvoir de séduction entraîne tous les lecteurs (mêmes les adultes blasés) dans ces endroits où se battent princesses et dragons, sans une once de mièvrerie ou de suffisance hautaine. le récit est narré par deux créateurs amoureux du genre, qui refusent la facilité. Il en résulte un récit enchanteur au premier degré, avec une thématique sur les compromis inhérents à la vie d'adulte, sur la nature du courage.

16/04/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 3/5
Couverture de la série Horizons obliques
Horizons obliques

Beaucoup de choses m’ont attiré dans cet album : ses chouettes couvertures VO minimalistes (voir sur le site de Image Comics), sa thématique, le petit mot de François Schuiten sur la couverture VF, et surtout le dessin. Je commencerai par ce dernier : le graphisme est absolument superbe. Il est fin et détaillé, tantôt réaliste, tantôt géométrique voire psychédéliques, et j’en ai pris plein les mirettes. La représentation des dimensions parallèles fait preuve d’une créativité remarquable. Par contre je reste plus circonspect sur le scenario. La narration est contemplative et légère en texte, et ressemble plutôt à une promenade onirique dans des espaces étranges (mondes parallèles ? virtuels ?). Les 4 premiers chapitres sont vite lus et n’expliquent pas grand-chose, alors que le cinquième, beaucoup plus dense, conclut l’histoire en fournissant subitement toutes les explications. Ces dernières sont pour le moins vagues et alambiquées, et je ressors de ma lecture avec plus de questions que de réponses. Un dénouement pas vraiment satisfaisant en ce qui me concerne. Je me demande aussi ce que viennent faire les IA dans cette histoire, j’ai eu l’impression que l’auteur voulait surfer sur cette thématique à la mode. « Horizons obliques » est un ovni graphique, une balade contemplative dans des univers superbement mis en image… mais le scenario m’a laissé sur ma faim. 2/5 pour l’histoire, 4/5 pour le dessin. Un auteur à suivre cependant (« Horizons obliques » est la première BD de Richard Blake !)

16/04/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 2/5
Couverture de la série Spirou et la Gorgone bleue
Spirou et la Gorgone bleue

Un autre one-shot pas terrible avec Spirou et Fantasio. Le dessin de Dany est bon même si je ne suis pas fan des looks de Spirou et Fantasio. Évidemment, la plupart des femmes de l'album sont toutes des canons. Je retiens tout de même qu'un personnage féminin avec un rôle important est grosse, c'est la seule qui ne soit pas un canon, mais c'est mieux que rien j'imagine. En revanche, l'histoire est pas terrible. Pourtant, les thèmes abordés sont actuels et pas dénué d'intérêt, mais c'est mal fait. J'aime bien l'humour de Yann dans ses premières œuvres et malheureusement au fil du temps il est devenu de plus en plus lourd. L’humour n’est pas du tout subtil dans ce Spirou. Je trouve d'ailleurs que le récit s'adapte mal à l'univers du groom. J'ai déjà eu des problèmes dans le passé avec la manière dont Yann traite cet univers et je trouve qu'ici c'est le pire exemple. Le comportement de Champignac me semble incohérent avec le personnage que je connais et Spirou et Fantasio passent l'histoire en tant que spectateurs qui ne font que subir les événements. On dirait presque que Yann a ressorti un vieux projet et qu'il s'est contenté d'ajouter Spirou et Fantasio et quelques références modernes (la caricature de Trump notamment). Une déception.

15/04/2024 (modifier)
Par Pierig
Note: 2/5
Couverture de la série Hôtel Gagarine
Hôtel Gagarine

Je poursuis ma lecture de cette collection en petit format à dos toilé rouge. Attiré par le trait incisif de Dominique Hérody, j'ai entamé la lecture du n°23 de la collection Atomium. Les planches en bichromie en jettent franchement. J'aime le dessin et l'atmosphère mais je suis resté en dehors de l'histoire. Si je pense en avoir saisi la substance, cela demeure brouillon. Il est vrai qu'il y a de quoi se perdre avec les récits d'espionnage mais là je m'avoue vaincu, et ce malgré plusieurs relectures. En outre, la calligraphie, belle au demeurant, ne facilite pas l'immersion dans ces avatars d'espions. Certainement une subtilité qui m'a échappé ... tout comme l'espion qui a fini par prendre la tangente.

15/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Les Experts - Crime scene investigation
Les Experts - Crime scene investigation

Je ne connais pas cette série télé - je ne suis pas fan des séries en général - mais ce surgeon ne m'a ni convaincu de la regarder, ni un temps soit peu intéressé. Déjà je n'ai pas aimé le dessin. Le style, très froid, et la colorisation à l'informatique. Et balancer 4 cases par page, avec de grandes plages blanches occupant une partie non négligeable de la page donne un résultat peu heureux, et une impression de flemme du dessinateur : un travail de commande réalisé à l'économie. Même impression pour la narration, très lente (il ne s'est presque rien passé dans les quarante premières pages du premier tome !). J'ai aussi eu l'impression d'une bête transposition d'un épisode en mode malentendants : des textes expliquent par le menu ce que font les enquêteurs ( redondant avec ce que le lecteur a vu et lu par ailleurs !), des "résumés " là aussi inutiles alourdissent parfois certains passages, etc. L'enquête en elle-même se laisse lire, mais ne sort pas du niveau basique d'une série polar américaine. Mais, plombée par les travers evoqués plus haut, et des dialogues quelconques, elle n'a amené chez-moi qu'ennui et désintérêt. Honnêtement, s'il ne s'était pas agi de faire sortir cette série de la catégorie des "avis uniques ", je l'aurais probablement laissé tomber avant la fin. Très gros bof me concernant. Note réelle 1,5/5.

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Démon
Le Démon

Une leçon graphique, un concentré de Jack Kirby - Ce tome regroupe les 16 épisodes de la série originale, parus d'août 1972 à janvier 1974, écrits et dessinés par Jack Kirby, encrés par Mike Royer. La légendaire cité de Camelot est assaillie et la tour de Merlin est la proie des flammes. Margane le Fey tient sa revanche. Merlin accomplit un dernier acte avant de disparaître : associer Etrigan le démon à Jason Blood un être humain. de nos jours (enfin plus dans les années 1970 au vu des coiffures et des vêtements), Jason Blood est un démonologiste reconnu qui a pignon sur rue et qui est installé à Gotham. Dans le premier épisode, il reçoit la visite de Warly (l'aide de Morgane) dans son appartement. Après une confrontation physique, il reçoit l'aide d'un être de pierre muet. Ensemble ils se rendent dans un endroit qui évoque un village fermier dans une Europe de l'Est de pacotille. Au cours de ces 16 épisodes, le lecteur fait connaissance avec les rares amis de Jason Blood : Harry Matthews, Randu Singh et Glenda Mark. le Demon se bat contre Morgane le Fey (épisodes 1 & 2), contre une secte capable de transformer les homos sapiens en hommes de Neandertal (épisode 3), contre une sorte de sorcière vaudou capable de faire surgir des monstres (épisode 4 & 5, avec l'aide de Merlin), contre un homme-bête victime d'une malédiction (épisode 6), contre Klarion un enfant sorcier pas commode (épisodes 7, 14 et 15), contre une variation du le fantôme de l'opéra (épisodes 8 à 10), contre un dérivé du docteur Frankenstein (épisode 11 à 13) et une dernière fois contre Morgane le Fey (épisode 16). Dans la production de Jack Kirby, cette série présente plusieurs particularités. Tout d'abord elle est entièrement indépendante ; elle ne fait intervenir aucun autre personnage de l'univers partagé DC. Ensuite, Kirby a choisi un personnage principal issu des enfers : le démon Etrigan. Les éditeurs de DC ayant décidé de mettre un terme aux séries regroupées sous le nom de Quatrième Monde, ils demandèrent à Kirby de proposer de nouvelles idées. Pour ce titre, Kirby bénéficie de toute la latitude qu'il souhaite : il est même responsable éditorial de sa propre série. En termes de narration, Jack Kirby réduit ses personnages à leur plus simple expression. Harry Matthews est un monsieur peu cultivé qui ne comprend pas les termes compliqués et qui fume des cigares (vous n'en apprendrez pas plus sur lui au long des 16 épisodes). Glenda Mark est une jolie jeune femme aux nerfs solides, qui ne semble pas travailler et qui en pince pour Jason Blood de manière plus amicale qu'amoureuse. Randu Singh apporte une touche d'exotisme du fait de son origine indienne, et de mystère du fait de ses vagues pouvoirs extra-sensoriels. Même Jason Blood n'affiche pas une personnalité très affirmée. Etrigan provient des enfers, mais il a un sens moral irréprochable et c'est un pourfendeur de monstres en tous genres. La logique des récits est parfois incroyablement gauche, avec Jason Blood qui se transforme en Etrigan juste à 5 pages de la fin pour le combat décisif. le deus ex machina de la pierre philosophale prête également à sourire. Donc l'intérêt de ces histoires se trouve ailleurs : les monstres improbables et incroyables qu'affronte Etrigan et le parfum de légende qui se dégage de chacune des histoires. Kirby a été piocher dans sa carrière de créateur de monstres en pagaille pour engendrer une horreur après l'autre, avec certaines vraiment magnifiques. J'ai beaucoup apprécié le monstre qui donne son pouvoir à la sorcière vaudou, Klarion et son air gothique, la majesté du fantôme des égouts, l'idole antique de la secte, etc. Et ces monstres ne se résument pas à un concept simple, ils disposent chacun de graphismes incroyables. En fait j'ai voulu découvrir ces épisodes pour me replonger dans les graphismes sans concession de Kirby. Si vous voulez découvrir en quoi Jack Kirby était un illustrateur sans égal qui a imprimé une marque indélébile sur l'imagerie des comics, ce tome est fait pour vous. Il est visible qu'il a consacré beaucoup de temps à peaufiner ces histoires, en particulier les deux premiers tiers de la série. À elle seule, la couverture donne une idée de l'incroyable énergie contenue dans chaque dessin. Bien sûr il est facile de trouver ridicule les expressions exagérées des personnages, les émotions exacerbées et les postures théâtrales. Mais dès la première page, la force et la puissance de conviction s'empare du lecteur. Dès la première page (une pleine page), les célèbres points d'énergie (Kirby crackles) encadrent Merlin à sa fenêtre. Incroyable ! le lecteur distingue la chaleur des flammes, leur nature surnaturelle du fait de leur forme et de leur énergie, la solidité des pierres de la façade, ainsi que les décorations qui constituent autant de charmes magiques de protection. Les pages 2 & 3 ne forment qu'une seule illustration (double page) barbare, brutale et magique : une troupe de guerriers en armure donne l'assaut aux remparts, le feu ravage la citadelle, les armures sont toutes différentes, une boule de feu traverse le ciel, l'un des guerriers porte un casque qui évoque un modèle utilisé par les footballeurs américains. C'est ahurissant tout ce qu'il a réussi à mettre dans cette page. Morgane le Fey est impériale, étrangère et barbare, fantastique. La première apparition de Warly en vieillard irascible dont le visage est parcheminé convainc le lecteur de sa laideur intérieure et de sa dangerosité. Chaque monstre est magnifique : l'interprétation démesurée du monstre de Frankenstein est convaincante, Klarion redéfinit à lui seul el terme gothique grâce à a tenue de puritain, la petite créature toute blanche et pelucheuse est aussi mignonne que dégénérée. Jack Kirby s'est surpassé pour la double page de l'épisode 12 où Etrigan découvre toutes les créatures composées dans un laboratoire de sorcellerie. L'encrage du Mike Royer est épais comme il faut, formidable. Cette édition comprend quelques pages crayonnées qui permettent de comprendre le travail de l'encreur et le respect avec lequel il a transcrit les crayonnés. Et les textures ! Quand Kirby représente une construction en pierre, c'est de la pierre de taille massive. Quand il décrit une vue aérienne de Gotham, il arrange les ombres des immeubles pour que cet arrière plan devienne une composition abstraite recelant une intention mystérieuse à la lisière de la compréhension. Les coulisses du théâtre avec leurs panneaux en bois évoquent l'ancienneté des lieux, l'amour du travail manuel des artisans qui ont fabriqué les décors, etc. Non, je ne suis pas en plein délire, je me régale de cette vision d'artiste du monde qui nous entoure. Kirby porte un regard personnel sur la réalité, dont ses illustrations portent la marque. Si vous ne connaissez pas Jack Kirby et vous vous demandez pourquoi les anciens le vénèrent, ce tome recèle des trésors graphiques inouïs. Si vous connaissez déjà le style de Jack Kirby, il apparaît ici dans sa forme la plus mature et la plus pure.

15/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Jeremy Brood
Jeremy Brood

Héros malgré lui, jusqu'au bout - Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, indépendante de toute autre. le scénario est de Jan Strnad (attention, l'association des orthophonistes vous déconseille de prononcer son nom à haute voix), les illustrations et les couleurs de Richard Corben. Cette histoire a été publiée pour la première fois en 1982/1983. Quelque part dans le vide de l'espace, à bord d'un petit vaisseau isolé, Charlene et Jeremy Brood essaye d'avoir un rapport sexuel en attendant que leur soit confiée une mission. Leur tentative est interrompue par un message codé requérant leur aide sur Eden, une planète éloignée, mais la fin du message qui explique la situation et la solution est indéchiffrable. Charlene et Jeremy se rendent compte que leur voyage durera 2 mois, mais que sur la planète 200 ans se seront écoulés. Sur place, Finchley, un étrange meneur religieux, rend visite à Brynne (une jeune vierge en âge de procréer détenue dans une tour). Cette dernière lui dit avoir vu arriver une étoile filante, en plein jour. Finchley comprend que le sauveur annoncé par la prophétie vient d'arriver. Il est urgent de prendre contact avec lui. Strnad et Corben invite le lecteur à suivre le parcours de Jeremy Brood sur cette planète étrange. le scénario expose à grands traits la situation : le peuple habitant la cité où se trouve Finchley est oppressé par un mystérieux Holobar qui n'apparaît qu'une seule fois dans le récit. Brood est décrit comme un militaire compétent avec un entraînement qui lui confère une grande science du combat à main nue, et armé. Il a pour équipière une femme noire magnifique à la forte personnalité, et tout aussi compétente que lui. Brood plonge au cœur du mystère que représente cet appel de détresse auquel il manque la fin. Mais bien vite il est dépassé par les événements et il se retrouve au milieu d'une mise en scène qui le prend de court. Au-delà de ses capacités physiques et tactiques, Strnad le décrit comme un individu normal n'ayant pas la science infuse et se sentant moyennement concerné par le sort des indigènes. Dans une interview, Strnad a expliqué que la série n'avait pas rencontré le succès escompté et que c'est la raison pour laquelle la fin est aussi abrupte. À la lecture, la fin ressemble à une chute qui prend les attentes du lecteur à contrepied, de manière magnifique. Non seulement elle s'accorde parfaitement avec le personnage faillible de Jeremy Brood, mais en plus elle met en perspective le récit comme une histoire choisissant le chemin le moins emprunté. Strnad répond à une question aussi basique que rarement abordée, propre à tous les récits mettant en scène un héros valeureux et courageux, avec une chute aussi évidente qu'ironique. En quelques cases et quelques répliques, Strnad sait doter chaque personnage de particularités psychologiques crédibles. Jeremy Brood n'est pas un simple militaire capable de terrasser tout le monde en combat singulier et d'inventer des stratégies brillantes. Il apparaît également qu'il a des doutes sur ses capacités, et sur la nature de la mission qu'il doit effectuer. Dès la première scène, Charlene dispose d'une forte personnalité, éloignée de tout stéréotype, et cohérente avec sa fonction militaire. Strnad dresse un portrait aux petits oignons de Finchley, en sage retors, pas dupe, et agissant selon un plan d'actions mûrement réfléchi. le lecteur familier de Corben sent poindre toute la rouerie attribuée aux vieux dans ses histoires (en moins pervers que d'habitude). Ce récit est également unique du fait des illustrations de Richard Corben. Il s'agit donc d'un récit où il assure lui-même la mise en couleurs principalement à l'aérographe, mais également avec tout ce qui lui semble pertinent. Cette technique sophistiquée (à une époque où l'infographie n'existait pas) lui permet de donner un relief unique à chaque forme, et de le contraster avec les surfaces colorées par un ton plein. S'il peut être difficile pour de jeunes lecteurs de se rendre compte de la prouesse technique pour l'époque, la maîtrise des couleurs reste évidente après toutes ces années et elle n'a rien à envier aux meilleurs metteurs en couleurs actuels. Les tons sont aussi riches, intenses et chauds. de plus Corben a l'art et la manière de gérer sa palette pour créer des ambiances de couleurs spécifiques à chaque scène, sans s'éparpiller dans une démonstration stérile. Lors de la deuxième scène, le lecteur découvre une zone boisée sur la planète Eden, avec une flore délicieusement extraterrestre, dans des tons vert-bleu succulents. le lecteur peut aussi apprécier l'aspect visuel du monstre qui se délecte d'une sorte de rongeur. Cette scène oppose 2 esclaves à leur maître et le sang coule. Là encore la maîtrise de Corben éclate : il évite les litres d'hémoglobine pour avoir un écoulement de sang normal dont le rouge tranche avec encore plus d'intensité sur le reste des couleurs. Richard Corben utilise un style qui marie des éléments photoréalistes, avec d'autres plus esquissés, afin de donner encore plus de substance aux premiers. Les 3 premières cases représentent le petit vaisseau spatial vu depuis l'espace. Corben a conçu une forme biscornue qui a tout son sens dans la mesure où le frottement est négligeable dans le vide spatial. Il utilise un rendu très travaillé pour les jeux de lumière sur le métal. le lecteur pénètre ensuite dans l'habitacle et contemple Charlene et Jeremy dans le plus simple appareil (nudité frontale au dessus de la ceinture) et leur corps d'athlètes musculeux. Par contraste, le panneau de contrôle de la radio est rendu de manière plus grossière, intensifiant ainsi la présence des 2 humains. Il faut dire que les illustrations de Corben traduise une fascination pour la plasticité de la chair et pour le corps humain (ou extraterrestre de forme humanoïde). Avec ce mode représentation, les personnages s'incarnent avec intensité dans chaque case. Une autre scène très intense correspond au sacrifice de la vierge qui a dénudé son corps pour la cérémonie (nudité frontale totale). Corben joue avec le voyeurisme du lecteur dans une mise en scène époustouflante mêlant la tension générée par le sacrifice, la position moralement inconfortable de Brood et les bizarreries de la cérémonie. Corben marie horreur, érotisme et humour de façon magistrale. À rajouter à son crédit, il y a encore sa capacité à créer des apparences visuelles chargée d'ironie pour les monstres. Une fois le vaisseau posé sur Eden, Jeremy Brood effectue une sortie et se retrouve face à 2 créatures mutantes agressives qui se battent pour essayer de récupérer une sorte de ver fouisseur. Il leur donne une apparence dégingandée de dégénérés pourvus de 2 neurones, aux instincts les plus bas. À la fois leur apparence et leur langage corporel sont un délice d'ironie et de moquerie, tout en leur conférant un comportement hautement dangereux. L'histoire de Jeremy Brood n'a rien de banal. Elle suit le parcours atypique d'un héros malgré lui. Elle mélange harmonieusement science-fiction, horreur et quelques scènes érotiques, avec un grand sens de la dérision et du second degré. Elle bénéficie des illustrations sophistiquées de Richard Corben, à l'esthétisme exubérant et second degré.

15/04/2024 (modifier)