Album autobiographique de Tronchet assez touchant, mais quelque peu décousu.
L'auteur y évoque sa famille et notamment sa maman, sans amertume malgré un passif quelque peu chargé en maladresses, avec surtout le regret de n'avoir pu comprendre et connaître véritablement ceux qui auraient dû être des proches. Cette évocation du contexte familial est l'occasion de revenir sur la bibliographie de l'auteur, de constater combien cette thématique de la famille a influencé et profondément nourri son œuvre, aussi bien les titres humoristiques des débuts, que les romans graphiques plus intimistes d'aujourd'hui.
BD indéniablement agréable à lire (les chaleureuses illustrations y sont pour beaucoup), mais trop ambitieuse et en même temps superficielle, pour ne pas laisser un goût d'inachevé. Tronchet a la sympathique modestie de l'admettre en mettant en scène un personnage fictif d'éditeur apeuré par ce projet faiblement structuré, mais se contenter de douter à propos du sens global et de la direction à donner au récit, tout comme simplement évoquer ses anciennes œuvres, ne permet pas de mettre véritablement en perspective l'ensemble ou de tenir un propos pertinent.
Pas la BD de Tronchet à lire prioritairement, mais un projet inabouti sympathique et fort honorable malgré d'évidentes réserves.
Un documentaire qui montre l'évolution de la nation française depuis la troisième République et particulièrement tout ce qui touche l'immigration.
On va donc voir que le beau rêve d'une France pure est un mythe, vu qu'il y a toujours eu des vagues d'immigration et comment les immigrants d'hier sont devenus les Français de demain avec des vagues d'immigration venant de différents pays au fil des périodes historiques. C'est pas trop mal, mais la narration manque vraiment de dynamisme. Il y a aussi le fait qu'on a surtout droit à un résumé d'histoire de la France depuis 1870 et plusieurs éléments qui auraient mérité d'être un peu plus approfondis. Lorsqu'on connait l'histoire de France, on ne va pas apprendre grand chose de nouveau. Je pense que les seules grosses surprises que j'ai eues dans l'album ont été d'apprendre que les Auvergnats étaient aussi pointés du doigt à une époque, que les Bretons et que la grosse vague d'immigration portugaise étaient plus récentes que je le pensais.
Il y a un coté politique orienté et je pense que cet album va surtout parler aux convertis. Dans notre époque de plus en plus divisée, j'ai pas l'impression que plus grand monde veut changer d'idées après avoir lu une BD. Il y a quelques détails qui m'ont fait un peu sourciller (pourquoi tout le monde trouve ça normal que les immigrants de première génération ont des emplois de merde ?!), mais pas trop. Les meilleurs moments sont les mini-témoignages qui montrent la diversité des habitants de la France et à quel point il y a des personnages qui ont marqué la France qui étaient immigrants on enfants d'immigrants.
Un triptyque sympathique.
J’ai un temps cru que le côté ésotérique – autour d’un manuscrit prouvant que le christ a survécu à la croix et qu’il s’est ensuite rendu au Tibet – allait prendre le pas sur l’intrigue, dans quelque chose de déjà pas mal vu, et que je n’aime généralement pas trop.
Heureusement cet aspect reste en sourdine, certes présent jusqu’à la fin, avec l’intervention des autorités catholiques, mais, après un premier tome qui en avait fait son enjeu central, c’est en retrait, justifiant juste quelques montées en tension.
On est donc là sur du polar, plutôt bien fichu. Si le conflit sino-tibétain occupait le premier tome, c’est par la suite aux États-Unis que ça se passe, à Los Angeles, avec une bonne utilisation du Maccarthysme.
L’inévitable privé, qui navigue entre deux eaux, ajoute à quelques clichés (c’est aussi le personnage le plus intéressant).
La narration est fluide, et l’histoire se lit agréablement. Je regrette juste quelques longueurs, et une certaine mollesse parfois, ainsi qu’une fin un peu facile.
Mais ce qui garantit d’un bon moment de lecture, c’est aussi le dessin de Grella, vraiment intéressant – et beau.
L'histoire se déroule dans l'Empire russe du début du XXe siècle, à une époque où de jeunes officiers pouvaient encore partir chercher l'aventure et la gloire aux confins d’un territoire immense, comme le faisaient leurs homologues des armées coloniales occidentales, à ceci près que leurs campagnes se jouaient dans les steppes et les montagnes de l’Asie centrale. Le lieutenant Vassili, mû par le besoin de s'accomplir et de prouver sa valeur, a lui-même demandé à servir dans ces zones reculées. Et c'est lui, toujours, qui réclame les missions les plus risquées. Stratège habile, peu enclin à fuir le danger, il s’illustre rapidement… mais se durcit tout autant, gagnant en autorité ce qu’il perd peut-être en humanité.
Ce récit, à la fois dépaysant et parfois envoûtant, avance à bon rythme, usant de plusieurs ellipses conséquentes pour accompagner l’évolution de son protagoniste sans s’enliser. Le dessin, d’une sobriété maîtrisée, restitue avec efficacité les paysages rudes et dépouillés de ces régions, tout comme les dynamiques entre les hommes, rendues avec justesse et retenue. L’ensemble fonctionne, tient l’attention, et accompagne le lecteur jusqu’à une fin d’une brutalité inattendue, presque déroutante, tant elle donne l’impression qu’il manque un épilogue, voire un deuxième tome. Cette coupure soudaine laisse un goût d’inachevé, une frustration qui contraste avec la richesse du parcours proposé jusque-là.
Malgré cette sortie de route un peu sèche, le voyage reste marquant, porté par une atmosphère singulière et un personnage principal dont l’ascension a quelque chose d’à la fois admirable et inquiétant.
J'ai longtemps cru avoir déjà lu cet album, sans doute parce que je le confondais avec Katharine Cornwell du même auteur, dont le style graphique est très proche et dont l'héroïne partage une certaine ressemblance avec celle-ci. En réalité, je ne l'avais jamais ouvert, principalement à cause de son titre et de sa couverture, qui me donnaient l'impression d'une histoire pesante, trop noire, centrée sur une femme d'une grande beauté sombrant dans une folie déchirante. Une fausse impression, car même si les deux protagonistes sont psychiquement fragiles, et que la femme s'adresse à elle-même comme à une sœur jumelle, ils restent tous deux lucides, ancrés dans la réalité et conscients de leur situation. Leur rencontre a d'ailleurs quelque chose de bouleversant, presque à la manière de Sur la route de Madison... sans la romance, ou du moins, sans son évidence.
Le dessin de Marc Malès constitue le premier atout de cet ouvrage. Malgré des corps parfois trop allongés ou des poses un peu figées, il se dégage de son trait une élégance indéniable. Son noir et blanc évoque à la fois les grandes heures du comics américain de l'âge d'or et l'esthétique plus rugueuse des auteurs latins comme Hugo Pratt ou José Muñoz. Certaines planches sont de véritables compositions rétro, pleines de caractère, qui parviennent à exister sans jamais s'effacer derrière des dialogues pourtant abondants. Le visuel ne se contente pas d'illustrer : il impose une ambiance, il suggère, il soutient.
Par contre, aucune des couvertures ne m'a convaincu. Comme dit plus haut, celle de l'édition originale dans la collection Tohu-Bohu me rebutait franchement. Et celle de la réédition de 2015 n'a pas grand chose à voir avec l'essentiel du contenu et surtout représente un gros et inutile spoiler, même si celui-ci était très prévisible.
Après une introduction un peu difficile à aborder pour qui, comme moi, n'apprécie guère les récits centrés sur la folie ou les dérives mentales, le récit gagne en intensité dès l'instant où les deux héros se croisent. Leur relation se tisse avec justesse, sans détours inutiles. Les dialogues sont sobres, francs, et permettent de mieux cerner ces deux êtres cabossés qui, peu à peu, deviennent plus proches, plus humains. Le lecteur en vient à espérer quelque chose pour eux, pas forcément un amour classique, mais une forme d'apaisement, une connexion réelle entre deux solitudes qui se reconnaissent. L'intrigue, bien construite, ne dévie jamais vers le mélodrame facile et se termine sur une note à la fois douce et amère, équilibrée et juste.
Au final, cet album mérite largement d'être redécouvert, débarrassé de ses apparences trompeuses. Sous une couverture peu engageante se cache une œuvre délicate et touchante, servie par un dessin exigeant et une narration sincère. Une belle surprise.
C’est une série qui a bien sa place dans cette collection des éditions Paquet dédiée aux avions. En effet, avions et combats aériens occupent une bonne partie des cinq albums (c’est même encore plus flagrant dans le dernier !).
C’est un récit de guerre, qui se déroule dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, du côté allemand, alors que la débâcle ne laisse plus trop de doute sur l’issue du conflit : les derniers aviateurs – dont Nikolaus, le héros – ne peuvent mener que des combats d’arrière-garde désespérés. Et autour, la série montre bien l’écroulement du Reich – ses villes, ses valeurs, etc.
Nous suivons donc Nikolaus, dont le frère, lui-même as de l’aviation, s’est suicidé après avoir trempé dans le dernier attentat visant Hitler. Une épée de Damoclès supplémentaire – en l’occurrence la Gestapo – menace notre pilote, en sus des aviateurs soviétiques.
Pinard a placé une touche fantastique dans son récit, avec ce chien qui dialogue avec Nikolaus. Même si en fin du dernier album une petite explication est donnée pour lier ce chien avec le frère du héros, je n’ai pas été convaincu de l’utilité de cette touche fantastique. Je pense que la partie « historique », militaire se suffisait, à condition de l’élaguer quelque peu.
En effet, il y a quelques longueurs. Longueurs accentuées par des textes extrêmement présents. Ajoutons à ça une foule de détails techniques (pas inutiles, et qui donnent une touche sérieuse au récit – et devraient contenter les amateurs du genre) : c’est parfois un chouia indigeste.
Une partie du récit – le ton employé, les textes abondants et souvent « explicatifs » (mais pas que) – mais surtout le dessin, donnent à cette série une patine un peu vieillotte. En effet, Dauger use d’une ligne claire ultra classique. C’est très réussi pour tout ce qui concerne décors et surtout avions (donc là les amateurs des avions soviétiques et allemands – en particulier le Messerschmitt 262, premier avion de combat à réaction - y trouveront leur compte), plus inégal concernant les visages, même si les traits sont plus détaillés et précis au fil des albums.
Au final, malgré les longueurs et des textes un peu trop dense parfois, c’est une série qui se laisse lire (la fin m’a par contre un peu déçu, un peu trop facile).
Décidément, Benoît Collombat a le tour pour trouver des sujets d'enquêtes qui me passionnent.
Ici, c'est une enquête sur le meurtre de la militante anti-apartheid Dulcie September qui n'a jamais été élucidé et qui cacherait de gros secrets d'états. Il faut dire qu'on en va pas juste avoir une biographie de Dulcie, un résumé de l'enquête qui n'a rien trouvé et des pistes sur qui sont les responsables et les complices de cet assassinat: on va aussi voir l'hypocrisie de la France qui continuait de faire du commerce avec l'Afrique du Sud malgré l'embargo, l'historique des relations entre ses eux pays et bien plus encore !
C'est donc un documentaire un peu lourd qu'on ne peut pas lire d'une traite, à moins d'avoir plusieurs heures de libres. Je pense que certains lecteurs risquent de s'ennuyer, mais moi je trouve cela passionnant parce que cela parle d'affaires d’État, de relations internationales et des ravages du capitalisme avec toutes ces entreprises qui n'ont aucun problème pour faire des affaires avec les pires régimes. Il y a des passages qui vont choquer, quoique je ne suis pas du tout surpris par ce que j'ai lu. C'est aussi un bon rappel historique que pendant plusieurs années Nelson Mandela était vu par plusieurs que comme un terroriste et des élus (et pas seulement ceux d'extrême-droite) pouvaient vanter le régime d'Apartheid.
J'ai trouvé cet album bien complet et captivant à lire, malgré la quantité d'informations que le lecteur doit digérer.
Un documentaire intéressant, fruit d’une enquête au long cours, menée par une architecte qui se posait des questions sur l’utilisation à outrance du béton (le départ de son questionnement : voir que l’on fait venir de plusieurs centaines de kilomètres du sable pour un projet de construction au Sahara !?).
Cette enquête, prépubliée dans sur un site suisse du même type que Médiapart je pense, est intéressante et jamais rébarbative. D’abord parce que ça part à chaque fois de cas concret avant de nous donner des chiffres, et surtout parce que la narration est aérée et fluide.
En tout cas voilà un sujet qui passe sous les radars de l’actualité – et même souvent sous les radars de ceux que les enjeux écologiques mobilisent – et qui mérite d’être mis en lumière, étant donnés les conséquences économiques et surtout écologiques du suremploi du béton et du ciment – et donc du sable.
Évidemment au cœur de cette enquête apparaissent des multinationales du secteur (Lafarge en tête), mais aussi d’autres requins qui gagnent des sommes énormes en exploitant la crédulité ou la méconnaissance de ceux à qui ils achètent des terrains (voir les exemples édifiants en Suisse). On voit aussi apparaitre le scandale de certaines installations que je connais bien pour avoir vécu tout près, le long de la Seine, à Paris.
A noter que les auteurs ne se contentent pas de dénoncer une hérésie écologique, mais de nombreuses pistes sont présentées, qui sont de bonnes alternatives au tout béton.
Un sujet important mais méconnu – ou plutôt maltraité et mal traité – que cet album permet de mieux appréhender (une bonne bibliographie complète l’enquête en fin de volume).
Le dessin d’Homs est fluide et agréable, et sa colorisation est elle aussi réussie. Les décors du Prague des années 1930 sont bien reconstitués, et les alternances entre gros plans et plans larges, entre parties plus sombres (beau rendu de l’enfer) et plus lumineuses, lui permettent de nous montrer son talent. Une mise en images plaisante donc.
J’ai parlé du Prague des années 1930 (1938 plus précisément), mais je m’attendais à ce que l’intrigue utilise encore davantage le climat angoissant de l’Anschluss (et la menace ressentie par les Tchèques des Sudètes ou d’ailleurs par la suite) – même si Hitler apparait, et si l’on voit à plusieurs reprises des Juifs persécutés par des Nazis. Mais tout ceci ne sert finalement qu’à ajouter de la noirceur à l’ambiance générale.
Dans cette atmosphère où l’enfer semble vouloir déborder sur la vie réelle, nous suivons Coral, une jeune fille (juive – ce qui n’est pas anodin ici) et ses relations plus ou moins tendues avec le diable (au passage, le diable peine – y compris dans des joutes verbales – à dominer Coral). Le père de la fille est un rabbin exorciste, spécialiste des luttes contre le diable. Au passage certaines scènes font penser au film « L’Exorciste » (en particulier lorsqu’un gamin exorcisé vomit).
Un récit relativement original, qui use de thèmes ésotériques et fantastiques (enfer/diable, golem, exorcisme), tout en nous racontant aussi en parallèle une relation distante entre une gamine et son père.
Les auteurs se sont bien documentés à propos du tremblement de terre qui a frappé San Francisco en 1906, ainsi que ses conséquences. C’est visible dans l’intéressant dossier concluant chacun des deux albums, mais aussi dans l’intrigue elle-même. Car les personnages inventés et l’histoire originale s’imbriquent parfaitement dans la grande Histoire et intègre bien les personnages « historiques » (dirigeants politiques, militaires de la ville, le ténor Caruso).
Si j’avais un petit bémol à évoquer, ce serait l’intrigue, que j’ai trouvé un peu légère. Et notre femme de chambre embarquée malgré elle dans une guerre entre gangs chinois et mafieux manque d’originalité. Les péripéties qui l’entourent servent avant tout de prétexte pour nous balader dans la ville frappée par le séisme.
Mais le séisme et ses conséquences – y compris la politique radicale du chef militaire – permettent de compenser le fil rouge un peu léger, en dynamisant le récit.
Les parallèles avec l’histoire de Judith et Holopherne sont un peu obscurs parfois, mais finalement ça ajoute un petit plus – et permet de revoir de jolis tableaux de Klimt.
Le dessin est inégal, mais globalement je l’ai bien aimé, et certaines planches sont vraiment très belles.
Un diptyque intéressant, qui utilise bien un événement dramatique pour donner du coffre au récit de base.
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Le Cahier à spirale
Album autobiographique de Tronchet assez touchant, mais quelque peu décousu. L'auteur y évoque sa famille et notamment sa maman, sans amertume malgré un passif quelque peu chargé en maladresses, avec surtout le regret de n'avoir pu comprendre et connaître véritablement ceux qui auraient dû être des proches. Cette évocation du contexte familial est l'occasion de revenir sur la bibliographie de l'auteur, de constater combien cette thématique de la famille a influencé et profondément nourri son œuvre, aussi bien les titres humoristiques des débuts, que les romans graphiques plus intimistes d'aujourd'hui. BD indéniablement agréable à lire (les chaleureuses illustrations y sont pour beaucoup), mais trop ambitieuse et en même temps superficielle, pour ne pas laisser un goût d'inachevé. Tronchet a la sympathique modestie de l'admettre en mettant en scène un personnage fictif d'éditeur apeuré par ce projet faiblement structuré, mais se contenter de douter à propos du sens global et de la direction à donner au récit, tout comme simplement évoquer ses anciennes œuvres, ne permet pas de mettre véritablement en perspective l'ensemble ou de tenir un propos pertinent. Pas la BD de Tronchet à lire prioritairement, mais un projet inabouti sympathique et fort honorable malgré d'évidentes réserves.
La Fabrique des Français - Histoire d’un peuple et d’une nation de 1870 à nos jours
Un documentaire qui montre l'évolution de la nation française depuis la troisième République et particulièrement tout ce qui touche l'immigration. On va donc voir que le beau rêve d'une France pure est un mythe, vu qu'il y a toujours eu des vagues d'immigration et comment les immigrants d'hier sont devenus les Français de demain avec des vagues d'immigration venant de différents pays au fil des périodes historiques. C'est pas trop mal, mais la narration manque vraiment de dynamisme. Il y a aussi le fait qu'on a surtout droit à un résumé d'histoire de la France depuis 1870 et plusieurs éléments qui auraient mérité d'être un peu plus approfondis. Lorsqu'on connait l'histoire de France, on ne va pas apprendre grand chose de nouveau. Je pense que les seules grosses surprises que j'ai eues dans l'album ont été d'apprendre que les Auvergnats étaient aussi pointés du doigt à une époque, que les Bretons et que la grosse vague d'immigration portugaise étaient plus récentes que je le pensais. Il y a un coté politique orienté et je pense que cet album va surtout parler aux convertis. Dans notre époque de plus en plus divisée, j'ai pas l'impression que plus grand monde veut changer d'idées après avoir lu une BD. Il y a quelques détails qui m'ont fait un peu sourciller (pourquoi tout le monde trouve ça normal que les immigrants de première génération ont des emplois de merde ?!), mais pas trop. Les meilleurs moments sont les mini-témoignages qui montrent la diversité des habitants de la France et à quel point il y a des personnages qui ont marqué la France qui étaient immigrants on enfants d'immigrants.
Le Manuscrit Interdit
Un triptyque sympathique. J’ai un temps cru que le côté ésotérique – autour d’un manuscrit prouvant que le christ a survécu à la croix et qu’il s’est ensuite rendu au Tibet – allait prendre le pas sur l’intrigue, dans quelque chose de déjà pas mal vu, et que je n’aime généralement pas trop. Heureusement cet aspect reste en sourdine, certes présent jusqu’à la fin, avec l’intervention des autorités catholiques, mais, après un premier tome qui en avait fait son enjeu central, c’est en retrait, justifiant juste quelques montées en tension. On est donc là sur du polar, plutôt bien fichu. Si le conflit sino-tibétain occupait le premier tome, c’est par la suite aux États-Unis que ça se passe, à Los Angeles, avec une bonne utilisation du Maccarthysme. L’inévitable privé, qui navigue entre deux eaux, ajoute à quelques clichés (c’est aussi le personnage le plus intéressant). La narration est fluide, et l’histoire se lit agréablement. Je regrette juste quelques longueurs, et une certaine mollesse parfois, ainsi qu’une fin un peu facile. Mais ce qui garantit d’un bon moment de lecture, c’est aussi le dessin de Grella, vraiment intéressant – et beau.
Kizilkum
L'histoire se déroule dans l'Empire russe du début du XXe siècle, à une époque où de jeunes officiers pouvaient encore partir chercher l'aventure et la gloire aux confins d’un territoire immense, comme le faisaient leurs homologues des armées coloniales occidentales, à ceci près que leurs campagnes se jouaient dans les steppes et les montagnes de l’Asie centrale. Le lieutenant Vassili, mû par le besoin de s'accomplir et de prouver sa valeur, a lui-même demandé à servir dans ces zones reculées. Et c'est lui, toujours, qui réclame les missions les plus risquées. Stratège habile, peu enclin à fuir le danger, il s’illustre rapidement… mais se durcit tout autant, gagnant en autorité ce qu’il perd peut-être en humanité. Ce récit, à la fois dépaysant et parfois envoûtant, avance à bon rythme, usant de plusieurs ellipses conséquentes pour accompagner l’évolution de son protagoniste sans s’enliser. Le dessin, d’une sobriété maîtrisée, restitue avec efficacité les paysages rudes et dépouillés de ces régions, tout comme les dynamiques entre les hommes, rendues avec justesse et retenue. L’ensemble fonctionne, tient l’attention, et accompagne le lecteur jusqu’à une fin d’une brutalité inattendue, presque déroutante, tant elle donne l’impression qu’il manque un épilogue, voire un deuxième tome. Cette coupure soudaine laisse un goût d’inachevé, une frustration qui contraste avec la richesse du parcours proposé jusque-là. Malgré cette sortie de route un peu sèche, le voyage reste marquant, porté par une atmosphère singulière et un personnage principal dont l’ascension a quelque chose d’à la fois admirable et inquiétant.
L'Autre Laideur l'Autre Folie
J'ai longtemps cru avoir déjà lu cet album, sans doute parce que je le confondais avec Katharine Cornwell du même auteur, dont le style graphique est très proche et dont l'héroïne partage une certaine ressemblance avec celle-ci. En réalité, je ne l'avais jamais ouvert, principalement à cause de son titre et de sa couverture, qui me donnaient l'impression d'une histoire pesante, trop noire, centrée sur une femme d'une grande beauté sombrant dans une folie déchirante. Une fausse impression, car même si les deux protagonistes sont psychiquement fragiles, et que la femme s'adresse à elle-même comme à une sœur jumelle, ils restent tous deux lucides, ancrés dans la réalité et conscients de leur situation. Leur rencontre a d'ailleurs quelque chose de bouleversant, presque à la manière de Sur la route de Madison... sans la romance, ou du moins, sans son évidence. Le dessin de Marc Malès constitue le premier atout de cet ouvrage. Malgré des corps parfois trop allongés ou des poses un peu figées, il se dégage de son trait une élégance indéniable. Son noir et blanc évoque à la fois les grandes heures du comics américain de l'âge d'or et l'esthétique plus rugueuse des auteurs latins comme Hugo Pratt ou José Muñoz. Certaines planches sont de véritables compositions rétro, pleines de caractère, qui parviennent à exister sans jamais s'effacer derrière des dialogues pourtant abondants. Le visuel ne se contente pas d'illustrer : il impose une ambiance, il suggère, il soutient. Par contre, aucune des couvertures ne m'a convaincu. Comme dit plus haut, celle de l'édition originale dans la collection Tohu-Bohu me rebutait franchement. Et celle de la réédition de 2015 n'a pas grand chose à voir avec l'essentiel du contenu et surtout représente un gros et inutile spoiler, même si celui-ci était très prévisible. Après une introduction un peu difficile à aborder pour qui, comme moi, n'apprécie guère les récits centrés sur la folie ou les dérives mentales, le récit gagne en intensité dès l'instant où les deux héros se croisent. Leur relation se tisse avec justesse, sans détours inutiles. Les dialogues sont sobres, francs, et permettent de mieux cerner ces deux êtres cabossés qui, peu à peu, deviennent plus proches, plus humains. Le lecteur en vient à espérer quelque chose pour eux, pas forcément un amour classique, mais une forme d'apaisement, une connexion réelle entre deux solitudes qui se reconnaissent. L'intrigue, bien construite, ne dévie jamais vers le mélodrame facile et se termine sur une note à la fois douce et amère, équilibrée et juste. Au final, cet album mérite largement d'être redécouvert, débarrassé de ses apparences trompeuses. Sous une couverture peu engageante se cache une œuvre délicate et touchante, servie par un dessin exigeant et une narration sincère. Une belle surprise.
Ciel en ruine
C’est une série qui a bien sa place dans cette collection des éditions Paquet dédiée aux avions. En effet, avions et combats aériens occupent une bonne partie des cinq albums (c’est même encore plus flagrant dans le dernier !). C’est un récit de guerre, qui se déroule dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, du côté allemand, alors que la débâcle ne laisse plus trop de doute sur l’issue du conflit : les derniers aviateurs – dont Nikolaus, le héros – ne peuvent mener que des combats d’arrière-garde désespérés. Et autour, la série montre bien l’écroulement du Reich – ses villes, ses valeurs, etc. Nous suivons donc Nikolaus, dont le frère, lui-même as de l’aviation, s’est suicidé après avoir trempé dans le dernier attentat visant Hitler. Une épée de Damoclès supplémentaire – en l’occurrence la Gestapo – menace notre pilote, en sus des aviateurs soviétiques. Pinard a placé une touche fantastique dans son récit, avec ce chien qui dialogue avec Nikolaus. Même si en fin du dernier album une petite explication est donnée pour lier ce chien avec le frère du héros, je n’ai pas été convaincu de l’utilité de cette touche fantastique. Je pense que la partie « historique », militaire se suffisait, à condition de l’élaguer quelque peu. En effet, il y a quelques longueurs. Longueurs accentuées par des textes extrêmement présents. Ajoutons à ça une foule de détails techniques (pas inutiles, et qui donnent une touche sérieuse au récit – et devraient contenter les amateurs du genre) : c’est parfois un chouia indigeste. Une partie du récit – le ton employé, les textes abondants et souvent « explicatifs » (mais pas que) – mais surtout le dessin, donnent à cette série une patine un peu vieillotte. En effet, Dauger use d’une ligne claire ultra classique. C’est très réussi pour tout ce qui concerne décors et surtout avions (donc là les amateurs des avions soviétiques et allemands – en particulier le Messerschmitt 262, premier avion de combat à réaction - y trouveront leur compte), plus inégal concernant les visages, même si les traits sont plus détaillés et précis au fil des albums. Au final, malgré les longueurs et des textes un peu trop dense parfois, c’est une série qui se laisse lire (la fin m’a par contre un peu déçu, un peu trop facile).
Dulcie - Du Cap à Paris, enquête sur l'assassinat d'une militante anti-apartheid
Décidément, Benoît Collombat a le tour pour trouver des sujets d'enquêtes qui me passionnent. Ici, c'est une enquête sur le meurtre de la militante anti-apartheid Dulcie September qui n'a jamais été élucidé et qui cacherait de gros secrets d'états. Il faut dire qu'on en va pas juste avoir une biographie de Dulcie, un résumé de l'enquête qui n'a rien trouvé et des pistes sur qui sont les responsables et les complices de cet assassinat: on va aussi voir l'hypocrisie de la France qui continuait de faire du commerce avec l'Afrique du Sud malgré l'embargo, l'historique des relations entre ses eux pays et bien plus encore ! C'est donc un documentaire un peu lourd qu'on ne peut pas lire d'une traite, à moins d'avoir plusieurs heures de libres. Je pense que certains lecteurs risquent de s'ennuyer, mais moi je trouve cela passionnant parce que cela parle d'affaires d’État, de relations internationales et des ravages du capitalisme avec toutes ces entreprises qui n'ont aucun problème pour faire des affaires avec les pires régimes. Il y a des passages qui vont choquer, quoique je ne suis pas du tout surpris par ce que j'ai lu. C'est aussi un bon rappel historique que pendant plusieurs années Nelson Mandela était vu par plusieurs que comme un terroriste et des élus (et pas seulement ceux d'extrême-droite) pouvaient vanter le régime d'Apartheid. J'ai trouvé cet album bien complet et captivant à lire, malgré la quantité d'informations que le lecteur doit digérer.
Béton - Enquête en sables mouvants
Un documentaire intéressant, fruit d’une enquête au long cours, menée par une architecte qui se posait des questions sur l’utilisation à outrance du béton (le départ de son questionnement : voir que l’on fait venir de plusieurs centaines de kilomètres du sable pour un projet de construction au Sahara !?). Cette enquête, prépubliée dans sur un site suisse du même type que Médiapart je pense, est intéressante et jamais rébarbative. D’abord parce que ça part à chaque fois de cas concret avant de nous donner des chiffres, et surtout parce que la narration est aérée et fluide. En tout cas voilà un sujet qui passe sous les radars de l’actualité – et même souvent sous les radars de ceux que les enjeux écologiques mobilisent – et qui mérite d’être mis en lumière, étant donnés les conséquences économiques et surtout écologiques du suremploi du béton et du ciment – et donc du sable. Évidemment au cœur de cette enquête apparaissent des multinationales du secteur (Lafarge en tête), mais aussi d’autres requins qui gagnent des sommes énormes en exploitant la crédulité ou la méconnaissance de ceux à qui ils achètent des terrains (voir les exemples édifiants en Suisse). On voit aussi apparaitre le scandale de certaines installations que je connais bien pour avoir vécu tout près, le long de la Seine, à Paris. A noter que les auteurs ne se contentent pas de dénoncer une hérésie écologique, mais de nombreuses pistes sont présentées, qui sont de bonnes alternatives au tout béton. Un sujet important mais méconnu – ou plutôt maltraité et mal traité – que cet album permet de mieux appréhender (une bonne bibliographie complète l’enquête en fin de volume).
Le Diable et Coral
Le dessin d’Homs est fluide et agréable, et sa colorisation est elle aussi réussie. Les décors du Prague des années 1930 sont bien reconstitués, et les alternances entre gros plans et plans larges, entre parties plus sombres (beau rendu de l’enfer) et plus lumineuses, lui permettent de nous montrer son talent. Une mise en images plaisante donc. J’ai parlé du Prague des années 1930 (1938 plus précisément), mais je m’attendais à ce que l’intrigue utilise encore davantage le climat angoissant de l’Anschluss (et la menace ressentie par les Tchèques des Sudètes ou d’ailleurs par la suite) – même si Hitler apparait, et si l’on voit à plusieurs reprises des Juifs persécutés par des Nazis. Mais tout ceci ne sert finalement qu’à ajouter de la noirceur à l’ambiance générale. Dans cette atmosphère où l’enfer semble vouloir déborder sur la vie réelle, nous suivons Coral, une jeune fille (juive – ce qui n’est pas anodin ici) et ses relations plus ou moins tendues avec le diable (au passage, le diable peine – y compris dans des joutes verbales – à dominer Coral). Le père de la fille est un rabbin exorciste, spécialiste des luttes contre le diable. Au passage certaines scènes font penser au film « L’Exorciste » (en particulier lorsqu’un gamin exorcisé vomit). Un récit relativement original, qui use de thèmes ésotériques et fantastiques (enfer/diable, golem, exorcisme), tout en nous racontant aussi en parallèle une relation distante entre une gamine et son père.
San Francisco 1906
Les auteurs se sont bien documentés à propos du tremblement de terre qui a frappé San Francisco en 1906, ainsi que ses conséquences. C’est visible dans l’intéressant dossier concluant chacun des deux albums, mais aussi dans l’intrigue elle-même. Car les personnages inventés et l’histoire originale s’imbriquent parfaitement dans la grande Histoire et intègre bien les personnages « historiques » (dirigeants politiques, militaires de la ville, le ténor Caruso). Si j’avais un petit bémol à évoquer, ce serait l’intrigue, que j’ai trouvé un peu légère. Et notre femme de chambre embarquée malgré elle dans une guerre entre gangs chinois et mafieux manque d’originalité. Les péripéties qui l’entourent servent avant tout de prétexte pour nous balader dans la ville frappée par le séisme. Mais le séisme et ses conséquences – y compris la politique radicale du chef militaire – permettent de compenser le fil rouge un peu léger, en dynamisant le récit. Les parallèles avec l’histoire de Judith et Holopherne sont un peu obscurs parfois, mais finalement ça ajoute un petit plus – et permet de revoir de jolis tableaux de Klimt. Le dessin est inégal, mais globalement je l’ai bien aimé, et certaines planches sont vraiment très belles. Un diptyque intéressant, qui utilise bien un événement dramatique pour donner du coffre au récit de base.