Les derniers avis (78 avis)

Couverture de la série Pillages
Pillages

Triste récit que celui-ci. Triste mais essentiel car il est important que nous, occidentaux, prenions conscience des impacts sur la planète de notre mode de vie et de notre mode de consommation, que celui-ci concerne les énergies, l’alimentation ou n’importe quel autre domaine. Pillages s’intéresse à l’alimentation, et plus exactement à la surpêche telle qu’elle est pratiquée dans le golfe de Guinée. Les auteurs en analysent les raisons et les conséquences. Le documentaire est très bien conçu, malgré quelques redites, et permet de comprendre toute l’horreur et toute l’absurdité du système mondial mis en place. Destruction des milieux marins, assèchement des ressources d’une population (la condamnant à devoir émigrer pour pouvoir vivre), massacre d’espèces de poissons jusqu’à les menacer d’extinction… tout ça pour, en grande partie, nourrir des poissons élevés en pisciculture de l’autre côté de la planète. C’est tellement con, c’est tellement absurde ! Le récit permet de suivre plusieurs acteurs sur le terrain, depuis le petit pêcheur local finalement obligé de s’engager sur un chalutier pour survivre à un équipage engagé dans la défense des océans (les Sea Shepherd) en passant par le commandant d’un chalutier, un armateur ou un garde-côte local. Corruption, braconnage, esclavagisme… tous les travers humains sont ici mis en évidence, au nom du profit et de la loi du plus fort. L’exploit de la part des auteurs est de ne pas faire montre d’un manichéisme outrancier, expliquant à quel point les différents acteurs sont prisonniers d’un système destructeur. Le constat, par contre, est incroyablement triste tant la lutte parait disproportionnée. Pillages porte bien son nom et son propos devrait nous inciter à réfléchir. Est-ce le monde dont on rêve ? Je me rends compte que je n’ai pas parlé du dessin. Si celui-ci s’efface devant la force du propos, il n’en constitue pas moins un bon support. Le trait est agréable, la colorisation est soignée, les différents tableaux (peu nombreux et toujours pertinents) sont clairs, les personnages sont faciles à reconnaitre. Ce n’est pas le trait qui fait acheter ce genre de documentaire mais, dans le cas présent, il est d’une très belle qualité. Pour moi, il s’agit d’une lecture plus que recommandée. Il aura réussi, en tous les cas, à me dissuader de consommer du saumon pour quelques temps. Pas un coup de cœur, non. Plutôt un fameux coup de poing !

24/07/2024 (modifier)
Couverture de la série Amy Winehouse en BD
Amy Winehouse en BD

Ephémère par la longueur de sa carrière, Amy Winehouse n’en aura pas moins marqué l’histoire de la musique grâce à sa voix mais aussi et peut-être surtout à sa personnalité. Elle a rejoint le club des 27 depuis déjà quelques années (2011 ! Comme le temps passe !), usée prématurément par sa consommation excessive d’alcool et de drogues en tous genres. Ce documentaire en BD permet de revenir sur les étapes majeures qui ont marqué sa trajectoire. Ce n’est pas le premier documentaire en BD que je lis dans cette collection… et ce n’est pas le meilleur non plus. Pourtant, je pensais être le public rêvé. Sans être un grand fan de la chanteuse, j’aimais sa personnalité singulière et, sans connaître les détails de sa vie, un documentaire m’avait permis de comprendre les liens étroits qui unissaient sa vie à ses textes. J’espérais donc pouvoir approfondir mes connaissances au sujet d’une personnalité à laquelle je n’étais pas indifférent. Malheureusement, je reste un peu sur ma faim. En effet, si j’ai pu apprendre certains détails de sa vie que j’ignorais, je trouve que les différents chapitres ont une fâcheuse tendance à recouper les mêmes informations. Plus grave encore à mes yeux, les auteurs se contredisent à l’occasion (notamment quant aux origines du titre du premier album d’Amy Winehouse, Frank, dont ils disent une fois qu’il vient de son admiration pour Frank Sinatra et une autre fois que ce n’est pas en référence à Sinatra mais bien en hommage pour son propre père qu’elle avait opté pour ce titre). Ces contradictions m’ont particulièrement dérangé, me donnant le sentiment que les auteurs avaient collecté des informations issues de sources différentes mais n’avaient pas fait le tri parmi celles-ci. D’où cette sensation de lire parfois deux ou trois fois la même chose mais avec des conclusions différentes. Au niveau du dessin, on a droit à un large éventail de style. Si j’aime beaucoup la couverture, je dois bien avouer n’avoir que très peu été sensible aux différents styles proposés à l’intérieur même du bouquin, mon appréciation allant du « pas mal du tout » à « franchement très bof » en fonction des artistes. Par contre, ce qui fonctionne toujours très bien avec cette collection, c’est cette alternance entre courts documentaires écrits et passages de bande dessinée. C’est vraiment addictif et il est difficile de lâcher l’objet en cours de route. Au final, je ressors donc un peu déçu… mais j’ai quand même appris certaines choses sur l’artiste, et sa trajectoire demeure dramatiquement touchante. Allez ! On va dire « pas mal »… mais sans plus.

24/07/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série La Femme à l'étoile
La Femme à l'étoile

Pas mal, ce western ! Très classique dans le déroulé, le fameux struggle for life, les auteurs brossent deux portraits de personnes qui tentent de survivre avec un meurtre sur la conscience. Progressivement le récit dénoue les motivations et on arrive au point de non-retour avec un duel au sommet. Disons que tout est classique dans le déroulé, mais ce classique efficace : le méchant parfait dans son rôle de mystique fou, les assaillants qui tombent progressivement autant de leurs faits que des assiégés, la préparation minutieuse avec le payement ensuite. Le tout maitrisé dans son récit, donc classique, sans fioriture et surtout avec une idée autour de la question de la légitime défense que chacun peut invoquer. Mais le gros attrait de la BD est surtout le dessin, entre la neige tombante et les paysages enneigés, c'est une franche réussite. L'auteur a réussi à tenir le grand nombre de planches de façon efficace et surtout en gardant un trait incontestablement réussi. C'est beau, oui ! Une BD agréable, pas indispensable mais qui remplit parfaitement son office de western. Recommandé !

24/07/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série Un amour suspendu
Un amour suspendu

En lisant le résumé, et avec ce titre, vous avez sans doute une bonne idée de l'histoire : lui cherche à rencontrer l'amour mais ne le trouve pas, elle est malheureuse dans son couple et vient de rompre ... Et ils se rencontrent sur la plage, où ils .... Eh bien non, pas du tout ! L'histoire prend une direction assez inattendue et ce pour toute la durée du récit. Très vite, alors que les deux se promènent sur la plage, il lui confie qu'il avait eu l'impression que c'était sa copine, comme s'ils étaient ensemble. Commence alors leurs dialogue, une longue discussion qui durera toute la journée et jusqu'à la nuit. Une discussion où ils s'inventent, à partir de leur environnement, ce qu'ils voient et font, une vie. Une vie ensemble, une vie d'amour, de peine, d'enfants etc ... Le tout jusqu'à la vieillesse et la mort. Dis comme ça, l'histoire est surprenante et franchement, elle m'a étonnée. L'idée de départ est très bien exploité et ne tombe pas dans un piège classique de la comédie romantique, à savoir finir par un baiser signe d'une nouvelle promesse. En fait, plus prosaïquement, les deux personnages vont mettre à plat leurs envies de couples, leurs sentiments et leurs vision de l'avenir. Le dialogue y contribue : chacun ajoute sa pierre à l'édifice et rebondit sur ce que l'autre dit. Ça passe d'autant mieux que chacun ajoute des choses que l'autre n'aurait pas mis ou qui le surprennent. Et finalement, cette vie fantasmée qu'ils se construisent semble presque une vie idéalisée qu'ils n'auront jamais, qu'ils savent ne jamais avoir, mais qu'ils vivent ensemble une journée. Comme une façon de faire le deuil de cette vie hollywoodienne qu'on souhaiterai avoir mais qui nous échappera face à une réalité pas toujours à notre convenance. Je ne sais pas si c'est volontaire (même si j'en suis assez convaincu) mais la BD est aussi un message pertinent sur le couple : au-delà des attentes de chacun mais aussi des fantasmes de vie, le couple est un compromis entre deux individus. Il y a cet échange permanent, ces moments où l'autre reprend le fil de l'histoire et raconte quelque chose qu'on doit accepter pour continuer l'histoire. Un jeu de rôle collaboratif très bien pensé. Maintenant, avec un compliment pareil en introduction mais un petit 3* seulement, vous vous doutez que tout n'est pas parfait : l'histoire est assez linéaire et une fois compris l'idée on aura jusqu'au bout la même histoire sans dévier. Le tout peut paraitre un poil long, sur l'ensemble. D'autre part, je dois dire que le dessinateur arrive bien à retranscrire certaines choses en extérieur, notamment les plans généraux, mais je trouve que c'est plus délicat dans les visages lorsqu'on est proche. C'est ce qui m' a heurté dès l'ouverture de la BD, même si j'ai l'impression que ça s'améliore ensuite. Pas mauvais, mais clairement perfectible niveau dessin. Pour ces deux auteurs que je découvre (il me semble que c'est leur première BD) je suis assez confiant pour la suite : l'idée est là et bien exploité, plutôt bien retranscrite en BD et il y a ce qu'il faut pour m'attirer dans le récit. Une BD pas parfaite mais qui m'a plu !

24/07/2024 (modifier)
Couverture de la série Skull & Bones
Skull & Bones

Les récits de piraterie foisonnent depuis quelques temps maintenant mais leur style peut fortement varier d’une série à l’autre. Skull & Bones s’inscrit dans une veine privilégiant l’aventure à un quelconque souci de reconstitution historique. En guise de narrateur, les auteurs optent pour un grand classique puisqu’il s’agit d’une jeune marin à l’âme noble qui, suite à un abordage, va se retrouver embarqué sur un bateau pirate. Si les auteurs ne gagneront pas le prix de l’originalité avec ce procédé, celui-ci a fait ses preuves et ici encore, il est efficace et accrocheur. L’histoire en elle-même est assez classique mais la pagination de l’album permet aux auteurs de développer plusieurs scènes. C’est sans doute l’aspect que j’ai préféré, le fait que chaque scène dispose de l’espace qui lui est nécessaire. Rien ne m’a semblé précipité et même si l’ensemble est très prévisible, la lecture s’est avéré plaisante. Au niveau du dessin, je suis un peu déçu, je l’avoue. La couverture est superbe et, la première fois que je me suis saisi de l’objet, je l’ai rapidement redéposé, déçu que j’étais de voir que les planches n’étaient pas à la hauteur de cette couverture. Le trait manque clairement de finesse, les décors manquent de détail, les expressions de visage des différents protagonistes manquent de subtilité. Il ne s’agit cependant pas d’un mauvais travail mais l’accent est mis sur l’action, sur l’effet au détriment de la finesse et de la profondeur. Cet album nous est présenté comme un one-shot (il n’y a pas de numérotation, par exemple) et c’est vrai que l’histoire qui y est racontée se suffit à elle-même. Ceci-dit, une suite peut tout à fait s’envisager. Pour ma part, même si j’ai trouvé l’histoire plutôt pas mal, je ne serais pas déçu si elle s’arrêtait là. Un petit pas mal sans plus pour la note.

24/07/2024 (modifier)
Couverture de la série Ann Bonny - La Louve des Caraïbes
Ann Bonny - La Louve des Caraïbes

Les récits de piraterie foisonnent depuis quelques temps maintenant mais leur style peut fortement varier d’une série à l’autre. Ann Bonny s’inscrit dans une veine historique même si Franck Bonnet, l’auteur de la série, reconnait lui-même que l’on ne sait finalement que très peu de chose sur la pirate, voire qu’il est possible que tout ce qui a été écrit sur elle n’était que pure affabulation. Cependant, l’auteur maîtrise suffisamment son sujet pour créer un théâtre très plausible. J’ai particulièrement apprécié la représentation des différents navires pour laquelle l’auteur cherche vraiment à faire montre de réalisme. Mais ce qui m’a attiré avant toutes choses, c’est le style graphique de Franck Bonnet. Dès la première page, le trait comme la colorisation m’ont donné l’impression de lire une bande dessinée du siècle dernier (voire des années septante ou quatre-vingt). Ça fera sans peur à beaucoup, mais moi, ça m’a hypnotisé. Et à la lecture, cette sensation de lire une ‘vieille’ bd est encore accentuée par le style narratif, l’écriture et la description des différentes péripéties. Pour moi, c’est vraiment de la bd ‘à l’ancienne’, et cet aspect m’a beaucoup plu. L’histoire en elle-même est celle d’Ann Bonny, une des rares femmes pirates qui n’avaient pas systématiquement recours au travestissement pour se faire respecter des hommes, à un point tel qu’elle n’hésitait pas à s’afficher seins nus sur son bateau. Son histoire est faite de violence, de trahisons et de sexe. C’est donc le portrait d’une femme forte, rebelle et prête à tout au nom de son indépendance et s’il est difficile de croire que toutes ces aventures sont bien véridiques, il est agréable de se laisser porter par la dimension romanesque du personnage. Au final, voici un album plaisant… mais il ne faut pas être allergique à ce style quelque peu daté. Pas mal du tout, pour ma part.

24/07/2024 (modifier)
Couverture de la série Kamasutra - De Chair et de sang
Kamasutra - De Chair et de sang

Inévitablement, des lecteurs vont être déçus après avoir découvert le contenu de cet album. En effet, le titre est quelque peu trompeur et là où l’on s’attendait à trouver un récit avant tout érotique, voire limite pornographique, on se retrouve devant un récit d’aventure certes agrémenté de quelques scènes érotiques mais qui restent bien secondaires en comparaison avec l’histoire de vengeance qui occupe le devant de la scène. A titre personnel, j’ai bien aimé. D’abord parce que le dessin de Laura Zuccheri se prête parfaitement au sujet. Elle use d’un style classique très léché qui met en exergue l’exotisme, la violence et la sensualité du récit. Ses personnages sont séduisants et/ou effrayants, ses décors sont soignés, sa colorisation apporte de la profondeur à son trait. C’est vraiment le genre de trait soigné qui plaira aux amateurs de bandes dessinées classiques. Ensuite parce que l’histoire imaginée par Sudeep Menon allie trois aspects avec un bel équilibre. L’exotisme d’abord puisque l’auteur nous plonge en Inde au IIème siècle après JC, cadre dépaysant s’il en est. Pas vraiment callé en la matière je ne peux pas juger de la pertinence de la reconstitution historique mais j’ai envie de dire que cela n’a pas trop d’importance tant nous sommes ici dans un récit d’aventure avant tout. L’essentiel est donc que je croie à cet univers. Et j’y ai pleinement cru ! L’aventure ensuite puisque ce récit relate principalement une histoire de vengeance et de trahisons. Les scènes d’action sont nombreuses, les combats sont violents et l’histoire en elle-même est bien contée et tient la route. L’érotisme enfin, est bien présent au travers de quelques scènes. Mais il s’agit de scènes qui s’intègrent logiquement dans le récit. De plus, si ces scènes sont plutôt chaudes, les auteurs ne tombent pas dans le piège de l’exhibition gratuite, privilégiant l’étreinte des corps et les caresses passionnées au détriment de l’exposition gratuite de sexes. Cet aspect érotique est donc tout à fait à mon goût et sa présence justifie le titre de l’album tout en s’imbriquant parfaitement dans le récit. Au final, je peux dire que j’ai vraiment bien aimé… même si l’histoire est cousue de fil blanc et si l’on se doute rapidement de son issue. Mieux qu’un simple « pas mal », en tous les cas, ne fusse que pour l'équilibre du récit et l'harmonie entre le sujet traité et le style graphique.

24/07/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Le Chant des baleines
Le Chant des baleines

Aujourd'hui que sont devenus l'homme au ventilateur, la femme aux seins coupés, l'hôtesse de Tokyo ? - Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Cette histoire a été publiée pour la première fois en 2005. Cette bande dessinée a été réalisée par Edmond Baudoin pour le scénario, les dessins, et les couleurs et elle compte cinquante-deux pages. Elle a été rééditée dans Trois pas vers la couleur avec Les yeux dans le mur (2003), et Les essuie-glaces (2006). Combien de marins, combien de capitaines, sous la surface dorment les baleines. Edmond se tient sur le pont d'un navire, un mât avec un drapeau juste à côté de l'endroit où il est accoudé au bastingage. Il fixe la ligne d'horizon au-dessus du bleu de l'océan, alors que le soleil se lève, la nuit cédant place au jour. Il s'interroge. Des bouts de phrase qui se répètent et qui fuient dans l'eau noire. Des idées molles englouties dans le remous des hélices. le jour se lève à la poupe. La nuit s'en va devant. Un homme, c'est un accord de musique. Des milliards d'hommes, des milliards d'accords, tous différents. Qu'est-ce que lui Edmond cherche ? Quelle est sa note ? Son accord de musique ? Qu'est-ce qu'il espère trouver dans ses départs sans arrivée ? Il n'a rien appris de plus que ce qu'il savait quand il a quitté son village. Mais il ne sait plus comment faire machine arrière. Trop de temps a passé. Personne ne l'attend plus nulle part depuis longtemps. Personne, et ça ne lui paraît même plus étrange. Tout lui semble normal. Il a sans doute dépassé la limite. Quelle limite ? Quelle musique ? Quelle musique ? Comment trouver sa note dans cette cacophonie ? Et surtout pourquoi essayer ? Le navire en a croisé un autre, puis il est arrivé dans le port de la mégapole. Edmond a débarqué et il quitte les quais du port à pied. Il arrive dans le quartier d'affaires avec ses gratte-ciels, ses hommes en costume noir pendus au téléphone, et les femmes en tailleur noir, elles aussi collées au téléphone. Il marche à contre-courant de cette foule. Sur le bateau, un jeune homme lui avait dit que son projet était de se faire exploser au centre d'un centre commercial. Edmond lui a dit d'attendre qu'il n'y ait personne autour de lui. Se faire exploser ou essayer quelque chose comme écouter le chant des baleines, quelque chose comme ça. Entre ces deux extrêmes, y a-t-il un espace ? Les hommes et femmes d'affaires se sont mis à courir et Edmond court dans l'autre sens, sortant de la foule, sortant du quartier d'affaires, arrivant dans un parc, sans s'arrêter de courir. Il pense à une chose lue dans un journal au Québec : une femme s'était fait faire l'ablation des deux seins, de peur, plus tard, d'avoir un cancer. À Chicago, il a vu, sur une affiche, une femme tenant dans ses bras un bébé. le texte qui accompagnait cette scène expliquait qu'il est important de toucher ses enfants, que le contact avec les parents leur fait du bien. Un soir d'été, à Paris, à la terrasse du café le Bonaparte, un homme lui a dit qu'il ne pouvait plus dormir depuis que ses riches beaux-parents lui avaient enlevé l'autorisation de voir sa fille âgée de trois ans. Ouvrir une bande dessinée d'Edmond Baudoin est une aventure à chaque fois, même si le lecteur est familier de son œuvre, de sa manière de dessiner, de ses thèmes de prédilection. La structure de la présente œuvre se dévoile assez rapidement : un voyage réalisé à pied, après la traversée d'océan en bateau. le personnage ne porte pas de nom, mais le lecteur y voit un avatar de l'auteur. Il avance : au cours du récit, il déclare qu'il souhaite découvrir ce qui se trouve derrière un col, derrière une colline, une montagne, derrière ce qui barre l'horizon. Son interlocuteur lui répond qu'il est allé de l'autre côté et qu'il n'y a rien de plus qu'ici, ce qui n'entame en rien la détermination d'Edmond. Au cours de ce périple, Edmond ne s'arrête que deux fois : une nuit à passer à dormir dans un champ aux côtés d'une jeune femme, un repas partagé avec un couple âgé dans leur maison isolée dans la montagne. le lecteur a tôt fait de comprendre qu'il ne doit pas prendre ce déplacement continu à pied, au sens littéral : il s'agit d'une métaphore. le marcheur avance dans la vie et il traverse différents paysages qui sont autant de phases de sa vie. Les dessins montrent littéralement quelqu'un qui va de l'avant, avec des cases majoritairement de largeur de la page. Comme dans la vie, il n'y a pas de retour en arrière possible, l'écoulement du temps ne se faisant que dans un sens. Une fois que le lecteur a pris conscience de cette métaphore, le principe d'intrigue disparaît : Edmond met en scène son cheminement dans la vie. Il y a donc cette avancée en marchant, en traversant des paysages, parfois en interagissant avec eux, parfois en rencontrant un ou deux êtres humains., une fois une foule, et parfois la solitude. Pendant les cinq premières pages, il n'y a que des cases de la largeur de la page : cela donne plus d'ampleur au paysage dans des images panoramiques. L'artiste réalise ses dessins au pinceau, avec parfois un contour irrégulier, parfois épais, parfois très fin. La première case comprend deux silhouettes de baleine, noyées dans le bleu de l'océan, un équilibre calculé entre représentation et formes abstraites. Baudoin sait très bien jouer des possibilités entre ces deux extrêmes. En planche deux, la case du milieu présente un dégradé de bleu en fond pour le ciel, une grosse masse noire au milieu dans la moitié supérieure, et une forme écrasée brune avec un trait de contour, dans la moitié inférieure. le contexte, case d'avant et celle d'après, ne laisse planer aucun doute sur ce qui est représenté : le buste d'Edmond vu de derrière. Mais prise à part du flux narratif, cette case pourrait être interprétée différemment, voire rester abstraite. de temps à autre, le lecteur peut repérer une autre case fonctionnant ainsi, mais elles restent assez rares. D'autant plus que la couleur apporte des éléments d'information supplémentaires, entre naturalisme et expressionnisme, qui diminuent d'autant la latitude d'interprétation. La troisième planche correspond à l'arrivée dans la mégapole, avec ses constructions qui deviennent de plus en plus porche comme dans un travelling avant. L'artiste représente beaucoup plus de choses : les nombreux buildings chacun avec leur architecture propre, les grues, les cheminées d'usine, le dôme d'un édifice religieux, etc. Dans la cinquième planche, le dessinateur réalise une case d'une demi-page permettant de découvrir un quartier de la ville dans une vue du ciel inclinée. La case du dessous montre Edmond, toujours de dos, marchant à contre-courant de la foule, avec le détail des façades d'immeuble, la signalisation verticale et ces individus au visage fermé et aux tenues vestimentaires austères. Par la suite, Baudoin donne à voir les arbres et les bacs d'un parc, un échangeur autoroutier de grande envergure, les vestiges d'une installation industrielle en périphérie, un pont ferroviaire métallique, de grands espaces naturels ouverts, les bâtiments en ruine d'une ville abandonnée, peut-être détruits par des bombardements et des affrontements armés, une guérilla urbaine, la maison à étage en bois du vieux couple, les formations rocheuses que gravit Edmond. de temps à autre, une case provoque de vagues réminiscences chez le lecteur sans qu'il ne parvienne à mettre un nom dessus. Il peut penser à Vincent van Gogh à un moment. Puis, lorsque le personnage traverse la ville en ruine, l'artiste indique par une petite note dans une graphie plus petite et plus légère le tableau dont il s'est inspiré. Il référence ainsi à six tableaux de Francisco de Goya (1746-1828). Le lecteur relève d'autres références au fil des pages : à une exposition de Zoran Muši? (1909-2005, peintre et graveur), à P.J. Harvey, à Stina Nordenstam, à Billie Holiday, à Pier Paolo Pasolini (1922-1975) au travers d'une citation. Il sourit en voyant mentionnée la chanson le chien dans la vitrine (1953), de Lise Renaud (1928-), avec les aboiements de Roger Carel (1927-2020), car l'auteur y faisait déjà référence dans Couma acò (1991). Il mention également un séjour au Liban en 1987, et celui-ci avait donné lieux à une histoire courte dans Chroniques de l'éphémère (2000). Mais ces passages s'avèrent également compréhensibles si le lecteur n'a pas connaissance de ces autres œuvres. Avec cette liberté narrative dont il a le secret, Edmond Baudoin semble sauter du coq-à-l'âne au gré de sa fantaisie, comme une sorte d'état de fugue. Au gré des pages, le lecteur relève des réflexions personnelles sur des sujets comme le rapport au corps, entre la peur du cancer du sein et le réconfort affectif du bébé en contact avec la peau de sa mère, la perception esthétique du sexe masculin, le hasard des rencontres fortuites entre deux étrangers, le souvenir de ses amours passés, le tumulte déshumanisant des grandes foules urbaines, le questionnement sur l'expression artistique (Comment dire, et, surtout, pourquoi essayer ?), le devoir filial vis-à-vis de sa mère, la beauté de la nature, la peur de l'autre lors de la rencontre avec un homme armé. Ce dernier déclare à Edmond : Vous ne devriez pas marcher sans arme, sur cette route. Personne ne le fait, alors ça fait peur à ceux qui vous croisent. Et quand on a peur, on tue. Ces phrases prennent toute leur ampleur quand le lecteur garde à l'esprit que cette route est une métaphore pour la vie. Si parfois, le flux de pensées de l'auteur semble vagabonder en s'éloignant du récit de voyage, il s'avère que qu'il n'en est rien : ce flux se nourrissant des situations, y répondant. Qu'il ait lu de nombreuses BD de cet auteur ou que ce soit sa première, le lecteur effectue la même expérience unique. Personne ne dessine comme Edmond Baudoin, même s'il ne s'agit que de dessins au pinceau. Personne ne raconte comme lui, même si chaque page se présente sous la forme de cases sagement rectangulaires avec une bordure. Peu d'artistes savent exprimer leur personnalité et leur état d'esprit au travers leurs œuvres, avec la même sincérité, la même honnêteté, la même simplicité que lui. le lecteur se sent privilégié de pouvoir ainsi accompagner Edmond, de faire un bout de chemin avec lui, de partager sa vie avec une telle générosité.

24/07/2024 (modifier)
Par Charly
Note: 4/5
Couverture de la série Le Sculpteur
Le Sculpteur

L’histoire explore le processus créatif et les sacrifices que l’artiste David Smith est prêt à faire pour réaliser son rêve. Les débats sur l’art, la célébrité et la quête de sens sont bien développés. La rencontre entre David et Meg apporte une dimension émotionnelle à l’histoire. Leur lien est poignant et réaliste. McCloud applique ses théories sur la bande dessinée avec brio. Le découpage, la mise en page et la bichromie sont excellents. Certains passages traînent un peu en longueur, mais l’ensemble reste plaisant à lire.

24/07/2024 (modifier)
Par Charly
Note: 5/5
Couverture de la série Before Watchmen - Minutemen
Before Watchmen - Minutemen

Lorsque j'ai ouvert "Before Watchmen: Minutemen", j'ai été immédiatement plongé dans l'univers des années 40. Le dessin rétro de Darwyn Cooke m'a transporté dans une époque où les super-héros étaient encore des pionniers, des aventuriers costumés prêts à défendre la justice. Derrière leurs masques, les Minutemen avaient des personnalités complexes, avec des secrets, des conflits internes et des motivations variées. Certains cherchaient la notoriété, tandis que d’autres luttaient pour la justice. Le récit explore les aspects sombres du groupe, y compris des révélations sur les abus, la dépression, l’alcoolisme et la sexualité. Il montre que les super-héros ne sont pas toujours des modèles de vertu. L'intrigue sombre et réaliste m'a tenue en haleine. Les Minutemen ne sont pas des héros parfaits, mais des individus complexes avec leurs failles et leurs démons intérieurs. Les révélations sur leur passé ont ajouté une profondeur inattendue à l'histoire. En lisant cette bande dessinée, j'ai ressenti une nostalgie pour une époque que je n'ai jamais connue. Les pages se sont enchaînées, et j'ai été captivé par les dilemmes moraux auxquels les Minutemen étaient confrontés.

24/07/2024 (modifier)