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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Joker - Killer Smile
Joker - Killer Smile

En espérant survivre au traitement - Ce tome comprend une histoire complète indépendante de toute autre. Il regroupe les 3 épisodes de la minisérie ainsi que le numéro supplémentaire Batamn: Smile Killer, initialement parus en 2020, écrits par Jeff Lemire, dessinés et encrés par Andrea Sorrentino, et mis en couleurs par Jordie Bellaire. Les couvertures originales ont été réalisées par Sorrentino & Bellaire. Les deux couvertures variantes ont été réalisées par Kaare Andrews. Dans une large avenue de Gotham, un petit garçon marche en donnant la main à a maman : il regarde des ballons s'élever dans le ciel, certains verts certains violets. Dans sa cellule, Joker pense à sa motivation : créer des belles choses, des choses sublimes que personne n'a jamais créées. Des ballons flottent par dizaine dans le ciel de ce quartier de Gotham : ils explosent et libèrent un gaz mortel, empoisonnant les passants qui meurent avec un rictus sur le visage, comme un grand sourire crispé trop large. Dans sa grande cellule très haute de plafond, avec une grande paroi de verre, Joker continue à parler : le rire est la vraie beauté, la vie est faite pour être savourée, et certains en sont incapables. De l'autre côté de la paroi vitrée, le psychologue Ben Arnell prend régulièrement des notes. Joker lui indique que ça va être dur pour lui d'établir un diagnostic s'il n'est pas capable de déceler quand il ment. Le docteur lui répond qu'il n'est pas là pour établir un diagnostic, mais pour guérir Joker. Ce dernier rit doucement pendant un instant. Arnel lui demande si ce n'est pas ça qu'il veut : guérir ? Joker répond que ça fait longtemps que quelqu'un ne lui a pas demandé ce qu'il veut, mais que le guérir n'apporterait rien aux centaines de personnes qu'il a tuées. Il termine en ajoutant que ces sessions ne sont pas pour ses victimes, ni même pour lui, mais bien pour Ben Arnell lui-même. Après cet entretien avec Joker, le docteur Ben Arnell effectue un débriefing avec la docteure Marie Hutchins, responsable des suivis psychiatriques des patients de l'asile d'Arkham. Elle lui demande si Joker a raison quant à une motivation égocentrée d'Arnell : il lui répond que non et qu'il espère bien que l'étude d'une folie aussi poussée que celle de Joker lui permettra de formuler des propositions de traitement pour des patients à un stade moins avancé. Elle lui rappelle qu'il n'a plus que deux semaines d'étude, et qu'après il retourne à son université, car déjà il semble que Joker commence à jouer avec lui, et elle ne veut pas perdre un autre jeune psychologue. Puis elle lui raconte une blague nulle de Jason Woodrue, un autre patient. Ils sourient doucement tous les deux, Joker semblant les regarder en fixant la caméra de sa cellule. Enfin, Ben Arnell rentre chez lui en voiture, en banlieue. Il arrive tardivement et trouve sa femme Anna avec son fils Simon dans le spacieux salon, autour de la table basse, devant le manteau de la cheminée au-dessus duquel est accroché un tableau avec un test de Rorschach. Son épouse lui fait observer qu'il a une heure de retard, mais elle sourit. Ben demande à son fils comment s'est passé sa journée : Simon lui montre un dessin. Ils passent à table, et Ben ressent la chaleur humaine, le bonheur domestique, appréciant les rires. Il y a une vraie beauté dans les rires. Joker est un personnage créé par Bob Kane, Bill Finger et Jerry Robinson en 1940, et apparu pour la première fois dans Batman 1. Ici, Jeff Lemire met en œuvre une version générique : un individu maigre, à la peau blanche et aux cheveux discrètement verts, un criminel endurci, un tueur en série et un tueur de masse, un individu fou, mis en prison par Batman. Comme il s'agit de la collection Black Label destinée à un public adulte, il n'est pas tenu de faire référence à quelque continuité que ce soit. Andrea Sorrentino en donne une représentation très naturaliste : un homme normal, calme et posé, avec un sourire inquiétant, parfois juste un peu trop large. De fait, les références à la mythologie associée à Batman sont très limitées : deux ou trois apparitions de Batman dans une case, la vision d'une partie des autres patients incarcérés à Arkham (des supercriminels classiques comme Bane, Clayface, Harley Quinn, Killer Croc, Mad Hatter, Man-Bat, Mister Freeze, Penguin, Poison Ivy, Professor Pyg, The Riddler, Scarecrow, Two-Face, Ventriloquist) le temps de 2 ou 3 courtes séquences. L'objet du récit n'est pas la lutte de Joker contre Batman, ou les patients d'Arkham : c'est l'évolution de la relation entre Joker et son analyste, la façon dont il le manipule à son insu. En voyant le test de Rorschach accroché comme un tableau, le lecteur pense tout de suite à l'épisode 6 de la série Watchmen d'Alan Moore & Dave Gibbons : le psychologue Malcolm Long interrogeant Walter Korvacs qui lui fait prendre conscience de l'horreur du monde, du gouffre sans fond de la méchanceté de l'être humain. Le lecteur se doute bien que les choses vont mal tourner pour le pauvre Ben Arnell, trop idéaliste, trop jeune. Le lecteur s'attend donc à ce que Ben Arnell perde pied progressivement. Ça commence très discrètement avec cette remarque anodine sur le rire comme moment de beauté. La narration visuelle s'appuie sur une approche naturaliste, sans les exagérations propres aux comics de superhéros : pas de musculature du culturiste dopé, pas de combats physiques chorégraphiés avec une violence sadique. La scène avec les ballons est même jolie tant qu'on ne voit pas les visages grimaçants des cadavres. Ensuite seule la hauteur sous plafond de la pièce d'entretien sort de l'ordinaire, vraisemblablement une bizarrerie architecturale de l'asile d'Arkham. Ben Armell a un physique quelconque et ordinaire, avec un sourire confiant. L'artiste détoure les personnages et les éléments d'un trait fin, mais pas cassant, leur donnant un peu de poids avec des aplats de noir mesurés, comme la barbe de Ben, la chevelure d'Anna. La mise en page est aérée, avec de nombreuses cases de la largeur de la page, et le personnage au centre. Il n'y a que la mise en couleurs qui génère une sensation vaguement cafardeuse, avec des teintes un peu sombres. Alors qu'il est le maître de compositions de page aventureuses (par exemple dans Green Arrow, ou dans Gideon Falls, toutes les deux avec un scénario de Lemire), ici, Sorrentino s'en tient à des cases bien rectangulaires et sagement alignées. Le choc n'en est que plus fort quand il passe dans un autre mode avec un découpage de page audacieux, soulignant un effet horrifique avec une grande efficacité. Les couleurs suivent le mouvement devenant plus sombre ou noyées dans le rouge sang. Le suspense psychologique augmente d'autant de crans, Ben Arnell subissant une hallucination ou effectuant une action sortant de l'ordinaire, attestant de l'emprise inconsciente de Joker sur son esprit, son ressenti, sa façon de réfléchir, de voir le monde. Le lecteur mesure toute l'habileté de l'artiste en regardant les pages faites à la manière d'un livre pour enfant où l'illustration gentille avec des formes rondes comprend un élément sinistre, preuve de la présence de la perversion meurtrière insidieuse de Joker. Pour peu qu'il ait déjà lu ou vu une histoire de ce genre, le lecteur se doute bien de la tournure et des événements, et sait que l'intérêt du récit réside dans la manière dont le psychologue perd pied, les symptômes attestant de sa manipulation par Joker et de la capacité de conviction de ce dernier. De ce point de vue, le scénariste maîtrise ses effets : le lecteur est convaincu par les éléments qui font que le personnage principal perd pied, doute de son système de valeurs. Cela commence très élégamment par Joker faisant incidemment remarquer qu'il n'a peut-être aucune envie de guérir. En bon scénariste, Jeff Lemire a réservé une surprise de taille au lecteur en cours de route, mettant en cause la fiabilité du comportement d'Arnell. Cette histoire relève d'un bel ouvrage, bien exécuté, avec une ambiance sur le point de basculer dans les ténèbres, des dessins réalistes, avec une mise en page bien stable, rendant ses écarts visuels ponctuels très significatifs et impressionnants, et une tonalité qui convainc doucement le lecteur de la folie profonde de Joker, et de la force de son esprit, inimaginable par le commun des mortels, même un professionnel. Le lecteur éprouve la sensation de la perte d'équilibre et de repères de Ben, ressentant une forte empathie pour lui, mais il manque le grain de folie nécessaire pour que le récit soit assez noir, ou assez oppressant pour être indispensable. Entraînés par son sujet et par le succès de la série, Jeff Lemire, Andrea Sorrentino et Jordie Bellaire ont réalisé un quatrième épisode, cette fois-ci du point de vue de Batman. Enfant Bruce Wayne regardait une émission jeunesse à la télévision avec une marionnette (Mr. Smiles) sur la main du présentateur dont le visage n'apparaissait pas à l'écran. Mr. Smiles tenait des propos étranges sur incitant les enfants à sourire, semblant s'adresser directement au jeune Bruce et lui reprocher de ne pas sourire. Au temps présent, Batman intervient dans un immeuble où Joker est sensé se trouver. Il découvre des cadavres dans un présentoir de boucher, et un dessin sur une feuille : Mr. Pouts, un visage qu'il avait représenté enfant. Plus tard, Bruce Wayne est interné à Arkham Asylum et Ben Arnell est dans la cellule contiguë. Logique que les responsables éditoriaux aient voulu prolonger les ventes de la série, et que le scénariste propose une suite en adoptant le point de vue de Batman. Andrea Sorrentino et Jordie Bellaire sont dans le même mode réaliste, avec une dose de désespoir dans les couleurs ternes et sombres. Mais ce n'est pas une suite : l'histoire suit surtout Bruce Wayne, et Ben Arnell est cette fois-ci un patient d'Arkham. Le scénariste joue sur la difficulté de savoir ce qui est réel, et ce qui correspond à la réalité déformée dans l'esprit de Bruce, par l'administration d'une drogue de Joker. Bien sûr, le lecteur effectue le parallèle entre le cheminement de Ben Arnell dans le récit principal et celui de Wayne dans cette coda. L'influence de Joker sur Bruce enfant est particulièrement malsaine, mais vraisemblablement totalement factice, ou pas. Difficile d'y retrouver ses petits. Mais ce n'est pas non plus totalement onirique. Le lecteur aurait bien aimé bénéficier d'un signe, comme Bruce dans la dernière page du récit, pour lui aussi s'y retrouver. Sympathique et malsain, mais pas totalement convaincant.

26/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 3/5
Couverture de la série Plutona
Plutona

Dilemmes adultes imposés à des adolescents - Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de toute autre. Il contient les 5 épisodes, initialement parus en 2015/2016, écrits par Jeff Lemire, dessinés et encrés par Emi Lenox, et mis en couleurs par Jordie Bellaire. Jeff Lemire s'est d'abord fait connaître sur des séries indépendantes comme Sweet Tooth, Trillium ou Descender avec Dustin Nguyen, puis sur quelques séries DC comme Green Arrow avec Andrea Sorrentino, et Marvel comme Old man Logan. Emi Lenox est l'auteure de EmiTown. Quelque part en pleine forêt, non loin de la ville de Metro City, gît le corps inanimé de la superhéroïne Plutona. Teddy (un jeune adolescent) est dans sa chambre, en train de suivre les activités des superhéros de Metro City par le biais de la radio et d'internet, tout en prenant des notes. Diane achève de se préparer, en se maquillant discrètement, et disant au revoir à son chiot Loki. Ray s'est réveillé tout seul. Il pique le paquet de clopes de son père avachi sur le canapé, et le réveille pour qu'il n'oublie pas d'aller travailler. Mie prend son petit déjeuner avec son petit frère Mike, pendant que sa mère lui rappelle qu'elle doit le garder pendant l'après-midi. Ils sont tous prêt à partir et prennent chacun le car de ramassage scolaire qui dessert leur domicile. Chacun croise l'autre dans l'établissement, en donnant le bonjour en fonction de leur relation. Diane est la meilleure copine de Mie, alors que Ray se moque régulièrement de Teddy et l'a affublé d'un surnom péjoratif à connotation sexuelle. À la fin de la journée de classe, Diane, Mie et Mike s'apprêtent à rentrer ensemble, par le car. Elles s'arrêtent devant un talus herbeux, en voyant Ray et Teddy observer l'horizon à l'aide de jumelles. Mike parvient à fausser compagnie à sa grande sœur pendant que son attention est occupée ailleurs. S'apercevant de sa disparition, elle part à sa recherche dans les bois avec les autres. Ils retrouvent sa console de jeux (une Game Boy) par terre. Mike est plus loin devant le cadavre de Plutona. La citation de Scott Snyder (auteur de Wytches est dithyrambique comme il se doit, annonçant une réflexion de haut niveau sur l'héroïsme et l'identité. Cette phrase laudative apparaît sur un dessin un peu naïf, avec des visages simplifiés, des yeux tout ronds, et une mise en couleurs à l'aquarelle. Les dessins à l'intérieur participent de la même approche graphique. Emi Lenox détoure les formes avec un trait encré assez fin. La représentation des visages est sous influence manga, avec des yeux un peu plus grands que la normale, et des expressions simplifiées. Au fil du récit ce choix révèle sa pertinence puisqu'il n'y a presque que des adolescents ou des enfants mis en scène, et que ces yeux plus grands évoquent l'innocence de l'enfance, ainsi que l'émerveillement devant les surprises que recèle le monde. Les auteurs ont conçu des personnages aux apparences personnalisées, sans qu'ils n'en deviennent des caricatures ou des parodies. Ils se reconnaissent au premier coup d'œil et le lecteur voit que Mike est beaucoup plus jeune que les autres. De ce point de vue, l'artiste sait représenter des enfants et des adolescents qui n'ont pas l'apparence d'adultes miniatures. Elle leur attribue des tenues vestimentaires adéquates, sans volonté de faire mode ou tendance. Celle de Mike est passepartout, sans personnalité marquée, attestant que c'est encore sa mère qui choisit ses habits. Celle de Diane montre qu'elle hésite entre conserver une apparence présentable et conformiste de jeune fille de bonne famille et tenter de paraître plus rebelle. Teddy met ce qui lui tombe sous la main, sans volonté de se raccrocher à un groupe ou à un autre. Ray essaye d'accentuer la dureté de son apparence pour passer pour un dur. Mie se tient à l'écart de tout ce qui pourrait la faire paraître féminine, en essayant également de montrer son côté rebelle. En les observant, le lecteur se dit qu'il s'agit de jeunes adolescents entre 12 et 14 ans. En cohérence avec leur âge, Emi Lenox les représente avec des silhouettes pas encore formées, sauf pour Diane, déjà un peu en surpoids. Pour une raison qui lui est propre et qui n'a pas de motif visible, elle a choisi de dessiner les pieds sous forme triangulaire, ce qui est inexplicable puisque dessiner des mains anatomiquement correctes ne lui pose pas de difficulté. Les décors présentent eux aussi un degré de simplification, en cohérence graphique avec les personnages. L'artiste prend bien soin de situer le lieu de chaque séquence, et s'affranchit rarement de dessiner les arrière-plans. Le lecteur peut ainsi contempler quelques maisons de cette banlieue d'une ville de plus grande importance, l'aménagement des chambres de chacun des protagonistes (reflétant à la fois sa personnalité et son milieu social), des salles de classe, les abords de l'établissement scolaire, les bois (avec des arbres et de l'herbe). Pour cette dernière localisation où se déroule plus de la moitié du récit, Lenox ne cherche pas à donner une idée de l'essence des arbres, ou du type de sol. Il est visible qu'elle se contente de placer quelques arbres et quelques brins d'herbe de ci de là, pour évoquer l'idée d'une forêt plus que pour la représenter. Fort heureusement, Jordie Bellaire effectue un très bon travail de mise en couleurs qui permet de restituer une ambiance ombragée et verte, suffisante pour compléter les dessins. D'une manière générale, elle a opté pour des aplats de couleur uniforme, avec une très légère trace de luminosité, mais sans nullement sculpter les formes ou leur donner plus de volume. Les mises en scène et les découpages de planche sont très efficaces et professionnels. Il y a parfois quelques placements de personnages qui font artificiels, dans un souci de clarté de lecture. Mais le lecteur n'éprouve jamais l'impression qu'Emi Lenox rencontre des difficultés à maîtriser la perspective, ou qu'elle atteint ses limites de capacité graphique. Les pages ne rendent pas une impression d'amateurisme. C'est juste qu'elle est en phase avec le scénario (ou que Jeff Lemire l'a conçu sur mesure) et qu'elle privilégie une apparence simple, ce qui n'obère pas la qualité de la narration graphique. Même sans la citation de Scott Snyder, le lecteur comprend rapidement que l'enjeu du récit est de matérialiser le passage de l'enfance au début du chemin vers l'âge adulte pendant ces quelques jours pour ce groupe de 4 adolescents, (Mike étant encore à quelques années de l'adolescence). Jeff Lemire s'appuie sur un point de départ éprouvé : un groupe de jeunes adolescents se retrouve dans une situation où ils doivent gérer une problématique adulte, sans pouvoir en parler aux adultes. Le corps de la superhéroïne constitue le catalyseur de leur changement. Chacun d'entre eux réagit comme à son habitude, et prend peu à peu conscience de la nature de ses réactions. La belle amitié entre Diane et Mie en prend un coup dans l'aile. Le regard des autres sur Ray évolue dans des directions différentes. La charge que représente Mike est gérée de manière différente. La solitude de leur chambre change également de saveur en fonction de ce qu'ils ont vécu. Le scénariste déroule son histoire en respectant les points de passage obligés de ce genre de récit, avec la sensibilité nécessaire pour faire exister ces adolescents, leurs émotions, leur état d'esprit, sans bulle de pensée, sans verbalisation par des adultes de leur entourage. Le lecteur voit comment ils évoluent dans leur comportement, les adultes restant totalement ignorant de ce qui leur arrive. C'est aussi un peu la limite du récit que de se cantonner à la mise en lumière de ce changement. Finalement l'existence des superhéros n'apporte rien au récit. Il n'y a pas de valeur morale dans le comportement des uns et des autres. Il n'est pas possible de juger leurs actes, mais du coup il devient aussi très difficile de se projeter dans ces personnages. Le lecteur éprouve bien un peu d'empathie pour eux, pour la manière dont ils se retrouvent contraints par leur éducation, par leur milieu social, sans pour autant pouvoir se reconnaître en eux. En fin de chaque chapitre, Jeff Lemire a réalisé entièrement (scénario + dessins) quelques pages consacrés à Plutona, soit 13 au total. Ces séquences mises bout à bout permettent de découvrir comment cette superhéroïne a abouti dans cette forêt, avant d'être découverte par ce groupe de 5 enfants. Il a adopté sciemment une approche graphique à l'apparence plus datée que celle d'Emi Lenox, avec des traits de contours plus fins, vaguement tremblés. Ses dessins semblent un peu plus amateurs que ceux de Lenox, comme s'il s'agissait d'un comics dans le comics, également à destination d'enfants d'une dizaine d'années. Sa narration est impeccable, et le récit est très linéaire, montrant le sens de l'altruisme de Plutona. Néanmoins cette promptitude à se dévouer à la sécurité des autres en fait une héroïne parfaite et imaginaire, par comparaison avec le comportement plus normal de Mie et des autres. Du coup, elle ne peut pas être leur reflet déformé et idéalisé, juste un idéal inaccessible et irréalisable. Cette histoire capture avec doigté le moment où les enfants doivent prendre leurs premières décisions d'adulte, par eux-mêmes, avec toute la dimension contingente et relative du monde adulte. Les dessins dépeignent de vrais adolescents, sans exagération ni condescendance. Le scénario et les dialogues décrivent des comportements plausibles et adaptés. Le résultat final apparaît un peu aride, plus un exercice de style bien maîtrisé, qu'un récit habité.

26/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Trillium
Trillium

Science-fiction, voyage dans le temps et amour impossible - Il s'agit d'un récit complet en 1 tome, indépendant de tout autre. Ce tome regroupe les 8 épisodes de la minisérie initiale, initialement parus en 2013/2014, écrits, dessinés et encrés par Jeff Lemire, avec une mise en couleurs réalisée par Lemire et José Villarrubia. En 3797, Nika Temsmith est docteur en xénobiologie Elle fait partie d'une petite colonie humaine sur une planète éloignée. Elle a pour mission de récupérer des fleurs de trille (trillium) qui contiennent une molécule qu'il n'est pas possible de synthétiser, et qui est le principe actif pour l'antidote contre une épidémie mortelle et dotée de conscience qui éradique l'humanité dans l'univers. Sur cette planète Atabithi, il a été détecté une grande concentration de trillium, mais les fleurs se trouvent au sein d'une ville extraterrestre retranchée derrière une enceinte impénétrable. Nika réussit à établir un contact avec ces extraterrestres, malgré la barrière de la langue. En 1921, William Pike (surnommé Billy) est un survivant de la grande guerre. Il fait partie d'une expédition de quelques hommes (menée par son frère Clayton Pike) pour trouver un temple inca en pleine jungle amazonienne. Il est régulièrement la proie de remontée de souvenirs sanglants des champs de bataille. Le petit groupe découvre un village en pleine forêt où les habitants ont été massacrés. Billy aperçoit une pyramide inca. Jeff Lemire est un auteur canadien qui avant d'écrire des superhéros DC (par exemple Green Arrow : machine à tuer ) s'est fait connaître par ses récits personnels : Essex County: Ontario, Canada, Sweet Tooth, Monsieur Personne, Jack Joseph, soudeur sous-marin. "Trillium" est une histoire de science-fiction dans laquelle l'humanité a colonisé de nombreuses planètes en dehors du système solaire, et peut-être même au-delà de la Voie Lactée. Jeff Lemire explique lui-même que sa manière de dessiner (un peu esquissée) n'est pas compatible avec une approche descriptive minutieuse des technologies d'anticipation. Il s'attache à transcrire l'impression que donnent des vaisseaux spatiaux, des combinaisons spatiales, des armes futuriste, plutôt que s'attacher aux détails qui pourraient faire croire à l'existence de ces éléments. Cette approche graphique ne nuit pas à l'immersion parce que ces éléments d'anticipation sont cohérents tout du long du récit, avec un degré de précision suffisant pour qu'ils ne ressemblent pas à de simples de toiles de fond, ou à des costumes en papier mâché de cosplayer fauché. Il est tout juste possible de s'agacer de ces casques de combinaison dessinés au compas (sans reflet sur le verre), formant malgré tout un cercle qui ne se referme pas sur lui-même. Jeff Lemire ne cherche pas à dessiner pour faire joli, il ne réalise pas des dessins bien léchés pour une séduction maximale. Il préfère conserver une impression de spontanéité, quitte à ce que les visages soient un peu anguleux, et que les arrières plans puissent donner l'impression de manquer de finition. Rapidement le lecteur constate qu'il s'agit uniquement d'une apparence. Les découpages de chaque page relèvent d'une conception réfléchie et rigoureuse en amont, en particulier le chapitre 5. Chaque page de ce dernier se décompose en 2 moitié, la moitié supérieure étant consacrée à Nika, la moitié inférieure à William, les 2 moitié étant disposées tête-bêche (= il faut retourner l'ouvrage pour pouvoir lire la moitié inférieure), avec un bel effet circulaire. Jeff Lemire a composé son intrigue sur la base d'une épidémie menaçant la survie de la race humaine, avec une résolution en bonne en due forme. Il y a ajouté des voyages dans le temps, pour que Nika de 3797 puisse rencontrer William de 1921, avec une histoire d'amour contrarié entre ces 2 personnages. Il prend le temps de développer leur histoire personnelle réciproque, même si leur personnalité n'est pas très affirmée. Ces composantes aboutissent à une histoire riche sans être complexe, avec plusieurs axes divertissants. En cours de route, le lecteur finit par prendre conscience que l'effet miroir entre 3797 et 1921 ne se limite pas à rapprocher Nika et William. Il y a également un effet miroir sur la société de 3797 (les femmes occupent les principaux postes de responsabilité) et sur celle de 1921 (encore essentiellement patriarcale). D'épisode en épisode, Jeff Lemire déroule son intrigue savamment composée, sans jamais perdre son lecteur, avec un bon niveau de divertissement sans que les nombreuses scènes de grande ampleur ne deviennent une excuse. Toutefois, il apparaît également que l'histoire d'amour reste à l'état de passion entre 2 individus qui ne se connaissent pas, se reposant un peu trop sur les stéréotypes du genre. De la même manière, le second niveau de lecture reste à l'état embryonnaire, et se limite à ce miroir entre les 2 types de sociétés. La fin apporte une résolution satisfaisante au récit. La dernière page exige une interprétation du lecteur, sans émergence d'un sens clair, car plusieurs possibilités existent, sans qu'il soit possible de déterminer avec certitude l'intention de l'auteur.

26/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série The Black Beetle
The Black Beetle

Hommage virtuose aux pupls - Ce tome contient les 4 épisodes de la minisérie ""No way out", ainsi que le prologue "Night shift" (prépublié dans "Dark Horse comics presents"), initialement parus en 2011/2012, écrits, dessinés, encrés et mis en couleurs par Francesco Francavilla. Il contient également une introduction d'une page écrite par Darwyn Cooke, et une vingtaine de pages de bonus très édifiantes quant au processus de création. "Night shift" - Dans la ville de Colt City, le 24 janvier 1941, un petit commando de soldats nazis disposant d'hélipack arrive. Leur objectif : le musée d'histoire naturelle pour y récupérer le Lézard Creux, une relique sur laquelle est en train de travailler le docteur Antonia Howard. Sur leur chemin : Black Beetle. "No way out" - Don Pasquale Galazzo et Joe Fierro (2 parrains du crime organisé) se rencontrent dans le pub "Spencer". Black Beetle s'apprête à intervenir pour mettre un terme à leur entretien et leurs trafics. Alors qu'il s'élance vers le bâtiment, celui-ci explose, tuant tous ses occupants. Il ne lui reste qu'une seul piste pour comprendre qui a commandité cet attentat : retrouver Constantino Galazzo qui ne participait pas à ce rendez-vous d'affaires. Mais ce dernier est en prison, "The Fort", située sur une île au large de Colt City. L'introduction de Darwyn Cooke ne laisse planer aucun doute : l'objectif de Francesco Francavilla (artiste italien, dessinateur de comics tels que Zorro (VO), Batman - Sombre reflet, Panthère Noire - L'homme sans peur) est de rendre hommage aux pulps, ces récits à sensation bon marché des années 1930 ou 1940, mettant en scène un justicier souvent masqué, dispensant une justice expéditive dans les bas fonds d'une métropole corrompue où les affaires de la pègre sont florissantes. Effectivement, le lecteur repère bien vite les conventions de ce genre de récit : nazis en goguette, justicier masqué s'en prenant aux affaires louches du milieu, passage dans les égouts, combats à main nue, ennemi très singulier, costume du héros avec cape, lunette de vision nocturne et emblème du scarabée, etc. Comme l'indique Cooke, il s'agit pour Francavilla de s'approprier les conventions des pulps pour les faire siennes, et en donner sa version. Il s'agit d'un objectif artistique un peu délicat, puisqu'il faut que le créateur maîtrise assez ces conventions pour pouvoir les citer avec conviction, mais aussi assez pour pouvoir en faire quelque chose de différent. Du début à la fin, Francavilla impressionne par le niveau d'intégration de toutes les composantes du récit pour former un tout d'une grande richesse, sans être indigeste. Au fur et à mesure des séquences, le lecteur peut apprécier l'inventivité mise naturellement au service de la narration. Prise une par une, chaque composante peut se réduire à une convention stéréotypée et banale. Mais intégrée dans l'ensemble, elle apporte sa pierre à un édifice narratif haletant et savoureux. Le début de l'épisode 1 est une suite de pages, toutes plus étonnantes que la précédente. La première est une pleine page montrant Black Beetle en haut d'un immeuble, un appareil d'écoute à la main, un écouteur dans l'oreille. Les immeubles en arrière plan sont peu détaillés, il y a quelques lignes électriques vaguement esquissées, et les détails du costume de Black Beetle sont indiscernables dans l'ombre. Pourtant la posture de Black Beetle transcrit toute l'intensité de l'attention qu'il porte à ce qu'il entend. Son masque avec ses 2 gros verres rouge transmet toute l'incongruité étrange de son activité. Sa voix intérieure expose laconiquement les faits pour le lecteur. Sa silhouette se fond dans le décor, et les couleurs permettent d'installer une ambiance qui rend l'image à la fois stéréotypée, et pourtant pleine de caractère. La page suivante est consacrée à Don Pasquale Galazzo, celle d'après à Joe Fierro, sur la base d'une mise en page où les différents dessins ne sont pas séparés par des bordures mais comme fondus l'un à l'autre, avec un ou deux clichés photographiques posés par-dessus. Le lecteur a sous les yeux les dossiers de ces 2 individus, pendant que la voix intérieure de Black Beetle délivre avec concision les informations relatives à ces individus. La page d'après est un dessin pleine page, découpé en 3 par la forme des lunettes de vision de Black Beetle, permettant au lecteur de se figurer comment le regard du héros parcours la façade de l'immeuble. La page suivante est tout aussi impressionnante avec un rond central pour Black Beetle prêt à l'action, une rangée de case en haut le montrant préparant ses pistolets, une rangée de case sous le cercle où il tire, et la dernière case de la largeur de la page montrant la pluie de fléchettes. Là encore, c'est le découpage de la séquence à l'échelle de la page qui transforme un moment très classique, en une scène très vivante transcrivant à la fois la préparation du héros, et son action silencieuse et méthodique. Tout du long de ces épisodes, le lecteur est emporté par un découpage et une mise en page inventive, intelligente, où la forme devient signifiante. Alors que le dernier épisode comprend une scène d'exposition artificielle dans laquelle Black Beetle expose ce qu'il a compris à son adversaire, puis l'adversaire comble les trous de son exposé, cette séquence passe toute seule, parce que les cases sont découpées comme des pièces de puzzle emboîtées les unes dans les autres, avec la moitié de la tête de l'orateur dessinée sur la hauteur de la page de gauche, et la moitié de celle de l'auditeur sur la hauteur de celle de la page de droite. Cette mise en forme transforme 2 monologues d'exposition en une résolution visuelle du mystère. Alors que le lecteur peut apprécier le style un peu épuré de Francavilla comme évoquant les dessins parfois naïfs et bruts des comics des années 1940 (ou l'idée que le lecteur peut s'en faire), la mise en page et le découpage séquentiel transforment un exercice de style passéiste en une aventure visuelle peu commune. Francesco Francavilla raconte une histoire bien tordue de règlements de compte dans le milieu du crime organisé, dans une ville fictive de la côte Est des États-Unis, en 1941. Il recrée avec maestria l'esprit des pulps, dans une narration virtuose, surprenant le lecteur à chaque page. Même les scènes les plus rabâchées prennent une dimension ludique dans une grande fluidité. Les 20 pages de bonus permettent de se faire une idée de l'investissement de Francavilla dans sa création, et de sa rigueur. Il y a par exemple une scène de combat à main nue entre Black Beetle et une poignée de gros bras (affrontement mille fois déjà lu) qui est racontée dans une forme chorégraphiée lui apportant une crédibilité étonnante. Le lecteur découvre dans les pages bonus que Francavilla a demandé à un des ses amis pratiquant les arts martiaux de l'aider à chorégraphier ladite scène. Francavilla explique également comment il a choisi le symbole de Colt City (élément vu en passant lors d'une scène ou deux) qui porte une signification des plus macabres. Il a réussi son pari de rendre hommage aux pulps, tout en réalisant une histoire à la narration très personnelle. Par opposition à un récit comme le premier tome de Lobster Johnson (Le Prométhée de fer), le lecteur n'a jamais l'impression de lire un copie qui n'arrive pas à dépasser son modèle.

26/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Kraken (Soleil)
Kraken (Soleil)

Une lecture plaisante. Pourtant, la première moitié du récit, au rythme lent et presque convenu, m’avais fait un temps penser à une sorte de téléfilm de France télévision, avec quelques personnages presque caricaturaux, le rythme lent donc. Mais j’ai passé outre ce départ mollasson, grâce au dessin, vraiment bon, dynamique et agréable. Et aussi parce que l’histoire se densifie, sait ménager quelques effets et retournements, et donne un peu d’épaisseur à quelques personnages. La fin est par contre menée sur un rythme plus rapide – contrastant trop avec ce qui précède – ce qui fait perdre un peu de crédibilité au récit (concernant le coupable des crimes qui endeuillent le petit village de pêcheurs dans lequel prend place cette histoire qui appâte avec du fantastique mais qui reste dans un récit classique finalement).

26/04/2024 (modifier)
Par Blue boy
Note: 3/5
Couverture de la série Copenhague
Copenhague

Une BD se déroulant à Copenhague, cela devait bien finir par arriver de la part de l’inséparable duo franco-danois Pandolfo Risbjerg… D’ailleurs, on pourrait même déceler une part autobiographique dans ce récit déjanté mêlant enquête policière et romance, mais ça, c’est au lecteur qu’il appartiendra d’en juger et uniquement au lecteur… Et pour ce qui est de la déjante, le moins qu’on puisse dire, c’est que les auteurs n’ont pas fait dans la demi-mesure ! L’histoire commence en fanfare, au propre comme au figuré. Dès son arrivée dans la cité scandinave, Nana Miller, parigote un peu olé-olé (qui a décidé de partir une semaine à Copenhague en oubliant de prévenir sa fille, restée seule à la maison !), va se retrouver entrainée dans un tourbillon sonore au rythme des tambours et des trompettes lors d’une parade de soldats royaux, un événement qui va donner le la du récit… Après ce démarrage en trombe, la narration d’Anne-Caroline Pandolfo va se poursuivre sans aucun temps mort en nous entraînant dans les pas frénétiques de l’improbable duo d’enquêteurs improvisés constitué de Nana Miller et de Thyge Thygesen, un grand type totalement extravagant qui semble débouler d’une autre planète, sorte de croisement entre Pierre Richard et Jacques Tati. A l’image de ce dernier, cette histoire bien barrée va osciller entre burlesque et poésie, avec une galerie de personnages hauts en couleurs et une meute de toutous pittoresques. C’est à la fois foutraque et charmant, c’est léger et ça se mange sans fin, et si ça ne tient pas forcément au corps, ça fait tout de même du bien par les temps qui courent… Comme à son habitude, Terkel Risbjerg nous livre un dessin splendide et accompagne de façon très fusionnelle le récit de Pandolfo. Celui-ci rend bien hommage à la capitale danoise qu’il chérit sans aucun doute possible, avec des vues nocturnes et enchanteresses de la ville qui donnerait bien envie d’y traîner ses guêtres. Avec « Copenhague », les auteurs nous montrent aussi une ville sous un jour inattendu, bien loin de l’image parfaitement ordonnée que l’on pourrait avoir des mœurs danoises, en tout cas ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. Celle-ci prend parfois des airs de cité méditerranéenne où la vie ressemble à un joyeux bazar, il ne manque que Léon la Terreur compléter le tableau ! Cette bande dessinée totalement « feel good », en s’inspirant du célèbre conte d’Andersen, donne voix à des sirènes bienveillantes dont on se laissera volontiers ensorceler par le chant, si tant est qu’il éloigne la laideur du monde.

26/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Frontier
Frontier

Je rejoins les très bons avis précédents sur cette BD, la première de Singelin que je lis, et qui constitue pour moi un mini coup de cœur. Je l'ai achetée suite à l'avalanche de critiques dithyrambiques que j'ai lues à son sujet et je ne le regrette aucunement ! Il est difficile de décrire la poésie qui se dégage de cette œuvre dont les thèmes sont assez variés (écologie, consumérisme, sens de la vie, amitié, etc.) mais je l'ai refermée en sentant que quelque chose s'était passé. C'est ce qui pour moi différencie une très bonne BD d'une BD sympa qui nous fait simplement passer un bon moment. Je ne reviendrai pas sur l'histoire qui a déjà été largement décrite précédemment mais sur les plus gros points forts de cette BD : - Un très bel ouvrage dans son ensemble avec ce côté métallique et fluo collant bien à l'univers de la SF ; - Un dessin magnifique qui fourmille de détails et aux très belles couleurs pastels. La rondeur et le côté enfantin des personnages tranchent d'ailleurs beaucoup avec certaines séquences assez dures de l'histoire (passage à tabac d'Alex par exemple) ; - Une histoire très poétique, sans que l'on sache forcément où elle va nous mener, même si comme le souligne Ro, on pourra critiquer par moment la bien-pensance et le côté un peu "fleur-bleue" des réactions de nos 3 héros, pourtant issus de milieux et de conditions sociales très différentes. Une BD ressourçante et inspirante devant faire partie de toute bonne bdthèque selon moi. Originalité - Histoire : 8/10 Dessin - Mise en couleurs : 9/10 NOTE GLOBALE : 17/20

26/04/2024 (modifier)
Par Cleck
Note: 3/5
Couverture de la série La Véritable Histoire de Saint-Nicolas
La Véritable Histoire de Saint-Nicolas

L'ambition de réveiller les consciences est inattaquable et fort appréciée. Dénoncer les violences policières, les attaques envers les migrants, les pauvres, les écolos, les idéalistes gauchistes, etc. est assez jubilatoire. L'idée de le faire via une BD quasi sans texte est tout aussi louable et beau. Je regrette à titre personnel ce détour plus assumé vers le conte moderne. Conserver un Saint-Nicolas seulement observateur des dérives de nos sociétés contemporaines ne m'aurait pas déplu. Le conte rend la dénonciation davantage punk (façon Gremlins), mais moins pertinente car plus éloignée de la réalité. Une belle idée néanmoins, pour un bel objet, un beau projet.

26/04/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 3/5
Couverture de la série Regarde les filles
Regarde les filles

Étrange BD que voila. Le parti-pris est assez osé, avec un protagoniste qui ne prononcera aucune parole tout au long du récit mais dont le regard conduira celui-ci. Un regard porté sur le genre féminin, l'éternel mystère de l'homme. La BD est une longue présentation de femmes, toutes celles qui traversent sa vie et marquent son regard jusqu'à la dernière, bien trouvée pour une conclusion qui fait presque plus ouverture. Le récit est assez lent, plutôt contemplatif et ne semble pas réellement se poser en critique ou développement de cette idée de base. On reste dessus et on a un développement sur les années de cette recherche d'image visuelle. Si je regrette un peu qu'on n'ait pas réellement de développement autre, je dois noter que l'auteur va jusqu'au bout de son idée ce qui est déjà appréciable. Maintenant je dois dire que je ne suis pas plus impliqué que ça dans le récit. Les formes féminines me sont agréable à l’œil, oui, mais je n'arrive pas trop à m'identifier à ce côté voyeur parfois trop intrusif à mon gout. En tout cas la BD est étonnante dans sa lecture. Intéressant, pas forcément marquant.

26/04/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série La Neige était sale
La Neige était sale

Une lecture qui ne laissera personne insensible. L'adaptation d'un roman dur de Georges Simenon, une postface très instructive de Fromental sur le roman et son auteur. Tu vas suivre la vie, sur une courte période, d'un jeune homme de 18 ans, Frank, pendant l'occupation "nazis" dans une ville d'Europe de l'Est. C'est l'hiver, il fait froid et la neige est le décor de cette tragédie. Frank est une ordure de la pire espèce, né d'une mère maquerelle et d'un père inconnu. Cette mini autobiographie prend aux tripes et cela on le doit à la narration : Une voix off qui tutoie le lecteur, qui l'interpelle, qui le met devant des faits dégueulasses et toi pauvre lecteur, tu ne peux rien y faire, tu subis. Et c'est là toute l'intelligence de Fromental, il m'a rendu ce monstre presque touchant dans son envie d'autodestruction, dont l'issue est inéluctable pour trouver une forme de rédemption. Le dessin d'Yslaire dans des nuances de gris est magnifique. Il est juste rehaussé de rares couleurs qui apportent un vrai plus à l'ambiance nauséabonde et feutré que dégage ce récit. Ces couleurs ont aussi un rôle narratif important, elles ne sont pas posées au hasard. En particulier ces différents roses omniprésents, dont le "cuisse de nymphe" pour les lieux de perdition. Même l'étoile jaune de Frank est rose... Et en y regardant bien, tu pourras découvrir sur de rares cases le mot SWING sur son étoile. Alors, acte solidaire ou de sabordage ? Gros coup de cœur. Un album dur, dérangeant et glauque que je recommande chaudement. Pour découvrir la signification de SWING : https://www.fondationresistance.org/pages/rech_doc/amis-des-juifs-les-resistants-aux-etoiles_cr_lecture54.htm

26/04/2024 (modifier)