Les derniers avis (105364 avis)

Couverture de la série Noir burlesque
Noir burlesque

Pas mal mais loin d’être transcendant. C’est bien trop classique pour sortir du lot. On retrouve tous les poncifs du genre, j’aurais aimé plus d’originalité et que l’auteur joue un peu avec les codes. Là, c’est vraiment sans surprise, pas déplaisant mais très linéaire. Reste la partie graphique, Marini a un sacré coup de patte, toujours fluide et lisible. Il fut un temps où son dessin me subjuguait (ah le 1er rapace toute une époque) mais je m’en suis détourné, le trouvant trop tape à l’œil et redondant avec souvent les mêmes « tiques ». C’est beau mais comme un blockbuster Hollywoodien. Il y a du savoir faire et ça reste très honorable. Une lecture de médiathèque. MàJ tome 2 : Je ne change pas ma note mais j’ai préféré ce tome au précédent. Bizarrement mes reproches formulés sur le classicisme de l’histoire m’ont beaucoup moins sauté aux yeux dans ce finish. Finalement un bel hommage de l’auteur au genre, les amateurs des 2 parties se régaleront.

07/02/2022 (MAJ le 04/05/2024) (modifier)
Couverture de la série Sortilèges
Sortilèges

Je ne l’ai lu que tout récemment mais une série qui m’aura surpris positivement. Il faut dire que je partais avec pas mal d’apriori, j’aime bien les auteurs mais à petites doses. Et bin en fait là, ils livrent du super boulot. Munuera use de son trait habituel, ses visages sont fins et expressifs, les couleurs installent de chouettes ambiances. Je trouve son style parfait pour le registre contes moyenâgeux. Il m’a ici bien plus emporté que dans d’autres de ses œuvres. Quant au scénario de Dufaux, je n’ai aucun gros reproches pour une fois. Une histoire agréable à suivre et qui se tient, je ne retrouve pas les tiques habituels de l’auteur … mieux je n’ai pas ressenti d’allonges artificielles avec ce 2nd cycle. Une série recommandable et qui mérite le coup d’œil, pas franchement bien mais vraiment pas mal.

04/05/2024 (modifier)
Couverture de la série La Venin
La Venin

Je serai un poil plus indulgent que Mac Arthur mais je me retrouve fortement dans son avis. J’ai découvert cette série à son tome 3, et à ce moment là, je dois dire que je la trouvais vraiment d’excellente facture, rythmée et bien troussée. Malheureusement les deux derniers tomes ne font pas honneur au début, c’est toujours aussi rythmé mais ça tombe tellement dans la facilité ou le n’importe quoi que mon enthousiasme s’est complètement estompé. La partie graphique reste agréable de bout en bout et en font une œuvre tout à fait recommandable. Par contre ce final laissera un goût amer à de nombreux lecteurs je pense. Vraiment dommage, ça se lit tranquille mais ça s’écroule en cours de route. Une série qui n’aura pas tenue toutes ses promesses. 2,5

04/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Mégalex
Mégalex

Il m'aura fallu beaucoup d'abnégation pour venir à bout de cette série... Et pourtant cela commençait plutôt bien avec ce premier tome qui introduit l'univers de Mégalex qui sans être très original (cité robotisée et ultra-contrôlée où la nature n'a plus sa place) arrivait malgré tout à susciter suffisamment d'intérêt pour poursuivre la lecture. Le dessin très informatisé et aux décors relativement dépouillés participait également selon moi à l'ambiance très aseptisée de la mégalopole. Quelques indices venaient tout de même entacher cette première impression positive comme par exemple les formes très généreuses de la quasi intégralités des personnages féminins (pourquoi les doter de protubérances mammaires aussi disproportionnées alors que cela n'ajoute rien au récit ?) ou encore les sous-entendus sexuels entre l'anomalie et l'héroïne féminine un peu lourdauds dès les premières pages du récit. Et puis dès le second tome, on sent que cette série n'a pas été réfléchie dès le départ dans son ensemble avec l'apparition d'un verbiage omniprésent, des personnages creux et caricaturaux et des délires des auteurs de plus en plus improbables : créateurs du monde dont un est dépourvu de son enveloppe charnelle, fusion des deux personnages principaux, des animaux qui parlent, etc. Même le dessin change radicalement dans le dernier tome avec la disparition de la 3D. Bref, vous l'aurez compris, c'est une série qui ne rentrera pas dans les annales et qui ne me laissera pas un souvenir impérissable (c'est un euphémisme). Originalité - Histoire : 1/10 Dessin - Mise en couleurs : 5/10 NOTE GLOBALE : 6/20

04/05/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 2/5
Couverture de la série Howard le Canard - L'Intégrale
Howard le Canard - L'Intégrale

Enfin cette série est publiée en intégrale et je vais pouvoir me venger ! En effet, il y a quelques années j'avais acheté le premier volume de l'intégrale en anglais au prix fort et j'ai vite déchanté en lisant les histoires et que je me suis rendu compte que je n'accrochais pas du tout alors qu'on m'avait dit du grand bien de la série. Depuis, j'ai relu quelques fois cette intégrale et aussi le reste de la série (mais cette fois-ci en empruntant) et j'arrive toujours au même constat que je n'aime pas Gerber lorsqu'il part dans des gros délires. Howard le canard a eu un petit buzz lorsqu'il a commencé à paraitre dans sa propre série (avant il va faire une apparition dans la série L'Homme-chose et ensuite va connaitre quelques histoires courtes dans les numéros géants de L'Homme-chose) au point qu'il aura assez de notoriété pour être le premier héros Marvel à avoir son film seulement une décennie après sa naissance alors qu'il a fallu presque 40 ans pour que Spider-Man apparaisse au cinéma. Perso, je ne comprends pas trop que ce personnage a été aussi populaire, mais j'imagine qu'il fallait être présent dans les années 70. L'humour de la série n'a pas fonctionné la plupart du temps pour moi. Gerber mélange à la fois la parodie des comics et de la pop culture en général (Star Wars par exemple) et la satire sociale et je trouve que la mayonnaise ne prend pas. Ça part dans tous les sens et c'est trop décousu pour moi. Il y a quelques passages qui m'ont fait sourire, mais au mieux je trouvais que c'était moyen. Même le célèbre récit où Howard se présente à l'élection présidentielle américaine m'a paru correct sans plus, je vois pas pourquoi c'est devenu un classique. Bref, l'humour vieillie souvent mal et pour moi c'est le cas d'Howard le canard. J'ai eu l'impression qui me manquait des références pour apprécier la série, mais si j'ai besoin d'une encyclopédie sur les années 70 à coté de moi pour comprendre une série, je pense que c'est un problème. Sur ce que j'ai vu sur internet, c'est une série qui divise avec ceux qui adorent et ceux qui n'aiment pas. C'est typique le gros délire d'auteurs où on adhère ou pas alors pour vous faire une idée ne faite pas la même erreur que moi et emprunter les albums pour voir ce que vous pensez de ce personnage. Dommage j'aurais voulu apprécier Howard, surtout que la plupart des histoires sont très bien dessinées par le grand Gene Colan.

04/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Bleu Lézard
Bleu Lézard

Je poste mon avis après la lecture des trois premiers albums (un diptyque suivi d’un one-shot). Disons que j’ai préféré le premier diptyque. Sans être follement original, il est relativement bien construit. L’album suivant a un rythme trop lent à mon goût et ne m’a pas vraiment intéressé. Les histoires sont totalement indépendantes (seule une femme fait le lien entre elles). Du polar qui peine à surprendre, en tout cas qui est un peu mollasson, de nombreux flash-back tentant de dynamiser l’ensemble (sans y réussir suffisamment). Quant au dessin, s’il est bon et lisible, je l’ai trouvé un peu « sec », , avare de détails (personnages et décors). Une lecture d’emprunt, mais qui m’a laissé sur ma faim. Note réelle 2,5/5.

04/05/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Collectionneur
Le Collectionneur

Des histoires inégales, mais toutes intrigantes, qui tournent autour d’un collectionneur très particulier, qui ne s’intéresse qu’à des objets uniques et marqués par l’Histoire – ou tout du moins des histoires fortes. Il est prêt pour cela à risquer sa vie, à traverser le monde (chaque album le voie sur un continent différent, au milieu de peuplades sauvages, traquant les possesseurs des objets convoités, impitoyable, froid lorsqu’il s’agit de tuer ou de sauver sa peau). Le héros est souvent aussi hiératique que beaucoup de décors, il n’est pas forcément charismatique. En tout cas il ne déclenche pas l’empathie. C’est une mécanique bien huilée – trop bien parfois, tant il réussit toujours à garder un miracle avec lui pour se sortir de très mauvaises passes. Mais on est prêt à accepter ces facilités, et à se laisser emporter dans ces pérégrinations dans lesquelles notre collectionneur se trouve souvent du côté des peuples indigènes (affabulateur parfois, comme lorsqu’il prétend avoir pris un temps la place de Crazy Horse au début de la bataille de la Little Big Horn). De la même façon, il a une propension à se déplacer un peu partout assez facilement qui surprend ! Mais ce qui fait tout accepter, c’est aussi et bien sûr le dessin de Toppi. On aime ou pas son style, mais on ne peut que lui reconnaître un immense talent. Il est amusant de voir comme il arrive à faire cohabiter sur une même planche d’importantes parties laissées blanches et d’autres parties foisonnantes de détails, d’un dessin méticuleux, quasi baroque. Une lecture franchement plaisante, un dessin souvent impressionnant (c’est lui qui justifie mon coup de cœur).

04/05/2024 (modifier)
Par Spooky
Note: 3/5
Couverture de la série Nyota et les Surveillants des Etoiles
Nyota et les Surveillants des Etoiles

Pierre Joly est un spécialiste de biologie, de microbiologie, qui rêvait depuis longtemps de faire une BD permettant de vulgariser des théories scientifiques. Son projet a trouvé en Lucile Thibaudier, remarquée pour Sorcières sorcières puis Enola et les animaux extraordinaires une dessinatrice motiée et passionnée, qui souhaitait également se diversifier dans les ambiances à mettre en images. Cette histoire est donc celle d'un cadet de l'espace, recalé à l'examen de titularisation, qui se retrouve à agir par défaut lorsqu'une planète appelle à l'aide, menacée par une étoile qui voit son rythme d'éruptions solaires s'accélérer. Nyota se retrouve contraint d'agir, secondé par un robot de ménage qui n'a pas sa langue dans sa poche. On ne s'ennuie pas trop, il y a pas mal de péripéties (et un méchant Surveillant de l'Espace). Cependant on est plus proche d'un conte que d'un récit de hard SF, même si le public visé, plutôt jeune, pourrait justifier cette édulcoration. Le dessin de Lucile Thibaudier est toujours aussi sympa, même si dans les premières pages, je le trouve hésitant, comme s'il se retrouvait dans un environnement où il n'est pas à l'aise. Mais à partir du moment où Nyota se retrouve forcé à agir, la dessinatrice montre une véritable énergie, et appose cette énergie à ses planches. Mais l'album propose deux initiatives bienvenues. D'abord quelques annotations dans une écriture qui rappelle un peu le cunéiforme, constituant un jeu pour les plus perspicaces, ainsi qu'un dossier précisant de manière plus scientifique la naissance d'une étoile. On notera aussi un test de personnalité. Sympa, donc, à réserver au jeune lectorat curieux.

04/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Leçon de choses
Leçon de choses

Mais pas de gypaètes barbus - Ce tome contient une histoire complète de 78 planches en couleurs. Il a été réalisé par Grégory Mardon (scénario, dessins et couleurs) et est paru la première fois en 2006. Il a bénéficié d'une réédition en 2011. Il a été intégré dans une cycle baptisé L'extravagante comédie du quotidien qui comprend 3 autres albums : Les poils (2011), C'est comment qu'on freine ? (2011), le dernier homme (2012). Il s'agit de la cinquième bande dessinée réalisée par Grégory Mardon. Jean-Pierre Martin est un enfant qui est en classe de CE1, dans un petit village rural. En tant que parigot, il se fait souvent traiter de tête de veau, mais il côtoie aussi les différents animaux de la ferme comme les vaches, les chiens, les chats, les poules, les lapins, les rats, les canards, les perdrix, mais par les gypaètes barbus. Il a un bon copain qui s'appelle Cyril, et il aide avec lui aux travaux de la ferme, dans celle des Gérard. Parfois, il leur faut s'acquitter d'une tâche pas très bien définie comme tuer un chaton parce que la portée était trop nombreuse. À l'école, toutes les classes sont réunies dans une seule salle, du CP au CM2, sous l'égide d'un maître sévère mais juste. C'est également lui qui distribue les bons points, les petites images (= 10 bons points) et les grandes images (= 40 bons points), et qui dirige l'étude. À la fin d l'étude, les enfants rentrent tout seuls chez eux Jean-Pierre ayant quelques rues à faire tout seul dans le noir, et devant passer devant le terrible calvaire, avec son Christ en croix. À la maison, il retrouve sa maman, son père ne revenant que tard du travail. Il a le temps de regarder un peu la télévision (un documentaire animalier) avant d'aller prendre son bain, de manger, et de réviser ses leçons. Il lui arrive ensuite de regarder la télé avec sa mère en attendant le retour de son père et d'aller se coucher. le week-end il voit passer les hommes qui s'entraînent au vélo, et il va faire office d'enfant de chœur pour la messe. Il peut assister aux combats de coqs quand il y en a d'organisés et même aux jeux d'argents dans la grange du cafetier Ulysse. L'après-midi, il joue à ses jeux dans sa chambre. Il va se promener tout seul dans la campagne en s'imaginant l'existence de bêtes sauvages, mais aussi de personnages fantastiques. La couverture annonce la couleur : suivre la vie d'un jeune garçon à la campagne. Grégory Mardon lui donne rapidement une personnalité, à la fois issue de son histoire personnelle (il vient de la ville), à la fois de sa situation familiale (une mère présente, un père absent) et de son amitié avec Cyril. Dans les premières pages, le lecteur a du mal à s'impliquer fortement pour ce personnage. Il le voit faire des choses très banales, et les cellules de texte sont rédigées comme s'il les avait écrites, dans un style très simple et direct, premier degré. En outre les dessins ont un air naïf un peu simpliste, ce qui ajoute encore à l'impression infantile. Pourtant dès la page 5 (la troisième page de bande dessinée), il apparaît également une forme d'ironie dans les propos de l'enfant, involontaire de sa part, mais faite sciemment par l'auteur. Jean-Pierre évoque les animaux qu'il croise, et les dessins montrent la réalité prosaïque : les vaches sont frappées à la badine pour avancer, le chien est retenu par une chaîne pour éviter qu'il agresse tout ce qui passe, le chat est noyé dans le puits, les poules sont tuées et vidées, le lapin est éventré la tête en bas, les rats sont empoisonnés par un raticide, les canards ont la tête coupée et les perdrix sont abattues par les chasseurs. Si l'histoire est racontée du point de vue d'un enfant de 7 ans, la réalité n'est pas édulcorée pour autant. du coup, le lecteur comprend que l'auteur s'adresse bien aux adultes. Le lecteur qui a vécu dans les années 1970 ou dans un village rural retrouve tout de suite les petits détails de la vie quotidienne. Même si elles sont dessinées de manière épurées, les tenues vestimentaires font authentiques, à commencer par les patchs sur les genoux des pantalons et aux coudes des pullovers. le salon de la maison des Martin contient des chaises dont le modèle atteste de l'époque, ainsi que la forme de leur téléviseur, sans télécommande qui plus est. Lors du long dimanche d'après-midi, page 33, le circuit électrique de petites voitures rappellera bien des souvenirs à ceux qui y ont joué. Impossible aussi d'avoir oublié le papier tue-mouche qui apparaît dans une case muette de la page 66, ou les terribles Gauloises sans filtre de la page 77. Finalement, c'est bien volontiers que le lecteur se laisse emmener dans ce coin de France d'une autre époque, par un garçon gentil, avec une façon de penser et d'envisager de son âge, tout en étant dépourvu de niaiserie ou de condescendance. Jean-Pierre n'est pas parfait. Il n'hésite pas à essayer de tuer le chaton pour obéir à la consigne de la fermière et pour être à la hauteur de ce que fait son ami Cyril. Il est un bon élève, mais pas un élève modèle. Il mange une hostie piquée dans la réserve avant l'arrivée du curé, pour la messe. Il essaye de fumer. Il commet même une bêtise ayant des conséquences graves. Très rapidement, le lecteur se laisse également séduire par la capacité de l'auteur à le ramener dans l'enfance. Gréogry Mardon transcrit avec une rare sensibilité la manière dont les enfants rapprochent et associent des éléments hétéroclites, établissant un lien qui leur semble plus que logique, car il relève de l'évidence. Jean-Pierre ressent bien qu'avoir tué le chaton constitue un acte signifiant. La nuit même, son inconscient fait ressortir la dimension transgressive de l'acte au travers d'un rêve terrifiant. Lorsqu'il rentre de l'école à la nuit tombée, tous les sens du garçon sont aux aguets et il projette des fantasmagories sur ce qu'il ne peut appréhender clairement. Par exemple, il éprouve la sensation très réelle qu'il est capable de voir des gouttes de sang couler sur le front du Christ du calvaire, à partir des pointes de sa couronne d'épine transperçant la peau du front. Ces projections peuvent également revêtir une forme consciente, par exemple lorsqu'il se promène dans les champs et qu'il imagine que les vaches sont de dangereux minotaures, ou qu'un ver de terre dans une flaque d'eau peut être perçu comme le monstre du Loch Ness dans son lac. L'auteur utilise avec une rare pertinence cette spécificité des la bande dessinée qui permet d'établir ainsi des rapprochements entre ce qu'observe l'enfant et ce qu'il y projette, ce qu'il imagine. Au premier abord, le lecteur adulte peut ressentir une forme déception vis-à-vis de dessins un peu trop naïfs. Dans un premier temps, il constate rapidement que si les formes semblent simplifiées, la densité d'information dans chaque page s'avère élevée. Avec la page 3, il fait l'expérience de la maîtrise du média par Grégory Mardon quand les images donnent un autre sens au gentil texte sur les animaux présents dans le village. Avec la page 13, il découvre une autre facette du savoir-faire de l'auteur avec une planche de 12 cases de la même taille, dépourvue de texte, reconstituant avec une verve étonnante une journée en école primaire. 3 pages plus loin, il y a à nouveau 3 pages sans texte lorsque Jean-Pierre rentre chez lui de nuit, et le lecteur sent l'inquiétude monter en lui, au fur et à mesure que le garçon s'imagine des monstres et des horreurs tapies dans les ténèbres. le lecteur sourit en voyant une double page dessinée à la manière des comics de romance, occupant la moitié de la page 23. Il y a ainsi 21 pages dépourvues de texte et quelques autres avec uniquement un phylactère, ou un cartouche de texte. Grégory Mardon fait preuve d'encore plus de fluidité dans des pages muettes, en particulier les pages 52 et 66. Dans ces 2 pages il accole des vignettes de paysage ou de détail d'un décor, à nouveau sans texte, et dans la deuxième sans personnage, sauf dans la dernière case. La page 52 évoque l'arrivée du printemps au travers du temps changeant et les changements survenant dans les activités de tous les jours. La page 66 montre l'arrivée de l'été et de la chaleur. le lecteur ressent les sensations de Jean-Pierre observant chacun de ces détails, du vol d'hirondelles, au chien tirant la langue dans l'ombre de sa niche, en passant par le bourdonnement des insectes sous les frondaisons de la forêt. L'auteur fait passer au lecteur les sensations de cet été à la campagne, au travers d'impressions aussi fugaces que significatives. La dernière page est également muette et elle est d'une force peu commune dans sa couleur, dans les décors géométriques, et dans l'absence de personnages, donc de vie. Éventuellement, avec le recul donné par les années, le lecteur peut trouver que la narration ne transcrit pas la forme de vie très égocentrée des enfants et leur dépendance vis-à-vis des adultes. Mais ce n'est pas le propos de l'auteur, et cela ne diminue en rien la qualité de sa reconstitution de l'enfance, des impressions qui y sont associées et de l'acuité des enfants à percevoir ce qui se passe sous leurs yeux. En particulier, Jean-Pierre se montre des plus perspicaces pour comprendre le comportement de ses parents, et pour en percevoir le sens, en l'exprimant à sa manière, avec les éléments de langage à sa disposition en fonction de son expérience de vie à son âge. Grégory Mardon réussit un incroyable numéro d'équilibriste avec cette bande dessinée. Il ramène le lecteur à la vie de l'enfant, sans niaiserie ni sentimentalisme, en lui faisant percevoir la réalité comme Jean-Pierre, tout en lui montrant ce qui se passe de manière à ce qu'il puisse le comprendre avec ses yeux d'adulte. Dans un premier temps, les dessins semblent un peu trop naïfs et simplifiés pour un adulte, mais rapidement, leur charme opère au point que le lecteur se retrouve complètement immergé dans cette vie d'enfant insouciante, sans être dépourvue de drame. S'il souhaite y prêter attention, il se rend compte que de nombreuses pages racontent bien plus que l'histoire, faisant passer les émotions et les ressentis, avec une sensibilité d'une rare justesse.

04/05/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série L'Innocente
L'Innocente

Dieu t'entende. Mais je crains que depuis quelques temps il ne soit devenu sourd. - Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de tout autre, comprenant 73 pages de bande dessinée. Il est initialement paru en 1991. le récit se déroule entre 1945 et 1949, ce qui a conduit les auteurs à l'intégrer dans leur cycle commençant par Les temps nouveaux, tome 1 : le retour (en 2 tomes), et continuant par Après-guerre, tome 1 : L'espoir (en 2 tome), puis par Les jours heureux, tome 1 : Expo 58 (également en 2 tomes). du fait des dates, ce tome s'insère entre Les temps nouveaux, et Après-guerre. le scénario est écrit par Éric Warnauts, les couleurs sont réalisés par Guy Raives, et les dessins sont le fruit d'une collaboration entre ces 2 créateurs. À l'été 1944, un haut gradé de l'armée allemande (Gebietsführer) s'adresse aux jeunes filles de l'établissement Ordensburg Vogelsang, en Rhénanie-du-Nord–Westphalie. Il les harangue leur indiquant qu'elles sont l'avenir du IIIème Reich. Quelque temps plus tard, Nina Reuber (17 ans) est reçue par la directrice de l'école, ainsi que la commandante qui lui apprennent le décès de ses grands-parents. Elle se rend dans les douches pour aller pleurer et se rassurer sous le jet d'eau chaude. Son amie Lisel vient l'y retrouver pour la réconforter. Nina lui explique qu'elle a décidé de s'enfuir. Lisel l'aide en lui coupant les cheveux à la garçonne, en lui fournissant des habits de garçon et en couvrant administrativement sa fuite, à la faveur d'un déplacement du groupe de jeunes filles. le 04 février 1945, alors que Nina Reuter s'éloigne de l'établissement, elle voit l'arrivée des troupes américaines, et elle entend les soldats alliés fusillant les soldats allemands restés sur le site. Affamée, Nina Reuter (toujours habillée en jeune homme) s'introduit de nuit dans la cuisine d'une ferme occupée par les américains. Elle y est découverte par un soldat. Mais le sergent de la troupe intervient et décide d'utiliser ce jeune garçon comme interprète. Il met Nina sous la responsabilité du soldat Jessie Jones, un afro-américain. le 05 mars 1945, l'armée américaine libère Cologne dont la population est passée de 700.000 à 25.000 habitants. Plus tard, l'unité dans laquelle a été intégrée Nina s'arrête dans une ferme pour le ravitaillement. 3 soldats décident de violer la fermière. Malgré les tentatives d'intervention de Nina, rien n'y fait. Un peu plus tard elle accepte de porter le message de Wim, un soldat allemand prisonnier, à sa mère à Berlin. Après la fin de la guerre, elle rend visite à Wim en prison, pour apporter le message en retour de sa mère. Puis elle devient la secrétaire de Bénédicte, une journaliste française, travaillant à Berlin. Le lecteur constate rapidement que les auteurs n'y sont pas allés à moitié pour insérer leur histoire dans les faits historiques. Il y a bien sûr les dates précises. Les premières concernent la construction du centre de formation de la future élite de Vogelsang, construit en 1936, recueillant des adolescents des villes d'Aix, de Cologne et de Düren à partir de 1943. Les suivantes concernent des faits militaires de petite ou de grande importance, aisément vérifiables : la prise de l'Ordensburg Vogelsang le 04/02/45, la libération de Cologne le 05/03/45, l'offensive vers l'Elbe le 01/04/45, l'occupation d'Hanovre le 10/04/45, l'entrée dans Leipzig le 25/04/45, le procès de Nuremberg (20/11/45-01/10/46), etc. Pour cette réédition, le lecteur trouve, à la fin du volume, 2 pages de chronologie des principaux événements historiques du 09/08/45 (bombardement de Nagasaki) au 20/12/45 pour la victoire de Ray (Sugar) Robinson sur Tommy Bell au Madison Square Garden de New York. Il peut donc se fier entièrement à l'authenticité de cette reconstitution historique, que ce soit pour le déroulement des événements, ou pour les uniformes militaires, les armes, les véhicules et engins de guerre, les tenues civiles, et même les coiffures à la mode. S'il en a la curiosité, il peut même chercher sur internet des photographies de l'Ordensburg Vogelsang et constater que les 2 dessinateurs l'ont reproduit avec fidélité. Dans une interview, Éric Warnauts a même indiqué que son propre père avait été stationné dans l'Ordensburg Vogelsang, et que lui, son fils, avait appris à nager dans la piscine représentée en page 12. Le dessin de couverture envoie un message ambigu : celui d'une jeune femme (forcément l'innocente du titre), en tenue militaire américaine avec l'épaule dénudée. Dans le cours de récit, le lecteur découvre plusieurs scènes effectivement dénudées, avec des rapports sexuels, y compris des plans à trois. La première fois, il est surpris de découvrir Nina Reuter sous la douche, y compris avec une case centrée sur son entrejambe. La scène dénudée suivante montre les soldats américains de l'unité de Nina en train de la déshabiller, et se retrouvant très surpris de ce qu'ils découvrent. Par la suite, il s'agit de relations sexuelles consenties. le lecteur constate rapidement qu'il ne s'agit pas (uniquement) de titiller la libido du lecteur mâle. En particulier, lors de la scène viol de la fermière, il n'y a pas de nudité, pas de voyeurisme racoleur ou malsain. Ensuite, la vie sexuelle de Nina Reuter constitue une composante importante de la construction de sa personnalité et de l'environnement dans lequel elle évolue. Elle profite de la sensation de liberté qui accompagne la chute du régime nazi et la remise en question des coutumes et des mœurs. Les auteurs montrent que son choix de vie peut être interprété comme une réaction aux horreurs révélées lors du procès de Nuremberg, une pulsion de vivre maintenant. Les artistes n'hésitent pas à dessiner le corps humain nu de manière frontale, sans hypocrisie, y compris celui des hommes. Il n'y a pas de forme de culpabilité ou de concupiscence malsaine. En page 54 & 55, le lecteur accompagne Nina et Bénédicte aux bains turcs, et l'érotisme nait plus de l'expérience que raconte Bénédicte, que de la nudité des 2 femmes. Les auteurs s'y montrent d'ailleurs assez facétieux en utilisant alors une taille de police de caractère très petite pour contraindre le lecteur à faire un effort de lecture supplémentaire, s'il veut profiter de ces confidences coquines. S'il peut apprécier l'érotisme des dessins, le lecteur découvre surtout l'évocation historique de l'Allemagne juste après la seconde guerre mondiale, du point d'une jeune femme qui découvre le monde. Les auteurs racontent le parcours de Nina Reuber, côtoyant dans un premier temps les soldats américains, puis entretenant une relation sporadique et complexe avec Wim (ayant servi dans l'armée allemande) à Berlin. Les rappels historiques rigoureux permettent de situer l'action précisément et de de mesurer l'ampleur de leur incidence sur la vie des personnages. le récit se termine le 12 mai 1949 et Nina Reuber a assisté ou participé à différentes phases : la mise en place du marché noir à Berlin, le procès de Nuremberg, les risques d'annexion de Berlin par les russes. le récit se termine avec une ouverture sur d'autres pays d'Europe en 1948/1949, jusqu'en Israël. le lecteur intègre progressivement que le récit montre la vie d'allemands qui n'étaient pas des nazis, pas des partisans de cette idéologie, qui doivent apprendre à vivre dans un pays occupé et en reconstruction, et qui découvrent l'ampleur des ignominies perpétrées par le régime nazi, mais dont ils ne sont pas responsables personnellement. le titre renvoie alors à l'innocence de l'héroïne par rapport à ces crimes contre l'humanité. le terme d'innocente prend également une autre signification par rapport à ceux qui se livrent au trafic du marché noir, ou qui compromettent leurs idéaux en acceptant de collaborer avec les occupants. Cette bande dessinée est l'une des premières collaborations entre Raives & Warnauts, et déjà ils mêlaient avec harmonie l'évocation de l'Histoire et des protagonistes complexes, au travers de l'histoire personnelle d'un personnage principal. Nina Reuber n'est pas naïve ou idiote, elle n'a pas beaucoup d'expérience de la vie du fait de son âge. Incorporée dans une unité américaine, elle côtoie des soldats qui sont des hommes imparfaits, certains droits, d'autres profiteurs jusqu'à violenter une femme. Son comportement montre qu'elle reste attachée à aider ses compatriotes dans la mesure de ce que lui autorise sa propre situation. Les auteurs n'idéalisent donc pas les soldats américains. Plus tard, Nina Reuber est malade physiquement quand elle découvre l'existence des fours crématoires, la récupération des cheveux, ou encore des abat-jours en peau humaine. Il la voit évoluer au fil des mois et des années qui passent, acquérir des convictions, des valeurs, les défendre avec ses moyens, apprendre à apprécier la sensation de liberté que procure le jazz, en particulier celui de Glenn Miller. Elle s'étoffe de page en page, le lecteur étant tenu sous le charme de sa liberté et de ses indignations. Par la force des choses, dans ce tome, l'apparence des dessins de Warnauts & Raives diffère de celle des histoires plus récentes commencée dans Les temps nouveaux, puisque que 25 ans se sont écoulés. Pourtant le lecteur retrouve la même approche graphique, en moins aboutie. En particulier, ils détourent beaucoup plus systématiquement les contours avec des traits fins, donnant une impression plus détaillée plus appliquée, moins spontanée. Ce type de représentation confère également plus de précision à la reconstitution historique qui est très minutieuse. Dans la mesure où les informations visuelles sont essentiellement portées par les traits encrés, la mise en couleurs ne présente pas le même degré de sophistication que les aquarelles des albums des décennies suivantes. La narration visuelle de Raives & Warnauts s'avère dense et facile à lire, avec des moments mémorables. le lecteur observe avec curiosité la décoration de la piscine de l'Ordensburg Vogelsang. Il prend conscience du degré de destruction de Cologne lors d'une vue aérienne en page 17. Il grimace devant l'obscénité de la violence des soldats à l'encontre de la fermière. Il sourit devant le naturel avec lequel les soldats américains se baignent nu dans la rivière, ou se détendent sur la rive, en page 28. Il apprécie la valeur des chaussures de luxe portées par Wim page 36. Il partage la frustration de Wim regardant Nina ayant mis les sous-vêtements qu'il lui a offerts en page 44. Il détaille les cages d'escalier en pages 49 et 63. Il apprécie l'utilisation d'une teinte dominante dans certaines séquences pour installer une ambiance. S'il découvre cet album en dehors du contexte du cycle commencé avec Les temps nouveaux, le lecteur savoure une reconstitution historique solide, mettant en scène des allemands de différentes conditions sociales essayant de donner un sens à leur nation après la défaite de la seconde guerre mondiale et la mise au grand jour des atrocités perverses perpétrées dans les camps de concentration. Il s'attache à la personne de Nina Reuber qui évolue et grandit au fil des séquences, bénéficiant d'une narration visuelle riche et précise. Il regrette que la fin soit un peu abrupte. S'il le découvre dans le contexte dudit cycle, il prend conscience du savoir-faire déjà remarquable des auteurs au début de leur carrière, pour donner à voir L Histoire, en suivant une femme libérée. Il lui faut un temps pour accepter de ne pas retrouver les magnifiques aquarelles de Guy Raives, et de revenir à un mode de dessin très précis, mais moins chaleureux.

04/05/2024 (modifier)