Je rajoute mon avis parmi ceux qui ont été enthousiasmés par cette BD.
Ce qui est incroyable est que c'est tiré d'un roman, mais il y a tellement peu de textes que cela ne se voit pas du tout. L'histoire est au final simple, mais terriblement efficace. Le récit est prenant et j'ai eu quelques surprises au fil des pages, même si j'avoue que la fin est un peu prévisible. La poésie du récit m'a touché et la narration est fluide. Ça se lit facilement malgré le nombre de pages.
Le dessin est très bon et j'apprécie particulièrement les couleurs. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus au niveau des qualités de cette BD. Je peux comprendre que d'autres lecteurs aient été moins touchés par ce récit que moi, c'est pourquoi je recommanderais un emprunt pour savoir après lecture si on veut posséder cet album ou non.
Cette petite bande dessinée destinée aux jeunes lecteurs met en scène une fée à l'allure enfantine, gardienne des choses minuscules. Elle est fascinée par les grains de poussière, les brins d'herbe, les cailloux oubliés, tout ce qui échappe habituellement à l'attention. Douée de pouvoirs aussi discrets que leur objet, elle peut rétrécir ou grandir à volonté, faire apparaître des merveilles minuscules, éphémères, presque imperceptibles. À ses côtés, le lecteur apprend à regarder autrement, à voir la poésie et l'imaginaire là où personne ne pose les yeux.
Derrière sa simplicité apparente, tant dans les dessins ronds et colorés que dans ses petites histoires, cette BD porte un très beau message. Le ton est calme, apaisant, presque méditatif, incitant à savourer la délicatesse du quotidien et la beauté de ce qu'on croit insignifiant. L'album propose une grande variété de formes : apartés de la fée au lecteur, récits courts, petits contes, chansons ou même un horoscope des insectes. On peut picorer dans ces pages comme dans un recueil de petits trésors. C'est une œuvre douce, souriante, empreinte de tendresse, qui transmet un vrai plaisir de lecture et un message lumineux que les parents auront plaisir à partager avec leurs enfants.
C’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir. Même dans les pires circonstances.
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Ce tome contient une histoire complète de nature biographique, sur la chanteuse Björk, qui ne nécessite pas de connaissances préalables sur sa vie ou son œuvre. Son édition originale date de 2015. Il a été réalisé par Guillaume Lebeau pour le scénario et par Christelle Pécout pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée.
En 2014, un ours polaire sur un bloc de glace traverse la mer de Norvège, allant vers l’Islande. Dans la maternité de Reykjavik, la sage-femme enjoint de pousser à Hildur Rúna Hauksdóttir. Ce dimanche 21 novembre 1965, cette dernière éprouve la sensation d’être un volcan, une terre en formation, elle entre en éruption. La sage-femme lui demande de se concentrer et d’arrêter de délirer, voici le bébé. C’est une fille et elle est en pleine forme. Le père est dans la salle d’attente et il n’entend pas le téléphone, il dort devant les informations : Une éruption sous-marine débutée fin octobre à un kilomètre de Surtsey est en train de donner naissance à une île. La sage-femme vient le chercher et lui indique que tout le monde est en parfaite santé. Sa femme lui propose le nom de leur fille : Björk, le bouleau. Elle est jolie, et aussi rare que les arbres islandais. Le boulot, c’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir, même dans les pires circonstances. Le père accepte, va pour Björk Gusdmundsdóttir, la fille de Gusdmundur.
En 1967, dans un appartement de Reykjavik, Hildur prépare un repas, alors que sa fille est dans une chaise haute. Son mari revient à a maison, et explique qu’il avait beaucoup de boulot. Elle lui indique que Björk a encore pleuré toute la nuit, la pauvre, que, elle, Hildur, n’en peut plus de rester à la maison, cuisiner, se faire belle en attendant le retour de son mari, ce n’est pas elle. Elle veut partir, le quitter. En novembre 1968, la mère de Gusdmundur lui rend visite : elle voit Björk en train de jouer du piano. Le père explique qu’elle a entendu une fois cet air à la radio et qu’elle arrive à la jouer en se souvenant des paroles, c’est incroyable. La mère indique que c’est une chanson de la Mélodie du bonheur, et qu’elle adore cette comédie musicale, et que Björk aussi visiblement. Puis ils évoquent le départ le départ de Hildur : son mari dit que son père était très dur, il pense qu’il la battait. Il sait que lui est un électricien pragmatique, et que sa femme a besoin de se sentir libre, du coup ils se sont séparés, ils refont leur vie. Il pense que leur fille Björk sera le fruit de leurs différences : elle aura la liberté que sa mère n’a pas eue. Novembre 1968, dans le bus, la fille et le père discute, sur le fait que l’Islande est un petit pays, sur le fait qu’il n’a pas de voiture. Björk décide de faire un spectacle dans le bus en jouant de la flute. Elle déclare aux autres passagers qu’elle va jeter de la couleur dans leur vie. 1970, Hildur s’est remariée, elle et sa fille, avec des amis, vont faire voler des cerfs-volants. Björk discute avec sa mère, lui demandant si on est libre d’aimer qui on veut et autant de fois qu’on veut. Sa mère lui répond qu’on est libre comme le vent.
Une biographie d’une artiste musicale extraordinaire, une Islandaise auteure-compositrice-interprète, actrice, productrice, ayant réalisé des albums remarquables dans des registres comprenant musique électronique, electronica, musique alternative, musique expérimentale, pop, art pop, avant-pop, rock alternatif, new wave, trip hop, musique folk, jazz, musique contemporaine, musique concrète. La biographie débute avec sa naissance et s’arrête le 21 mai 2000, lors de la séance de remise des prix du festival de Cannes, puis de la conférence de presse avec l’intervention de Lars von Trier et de Björk, pour la Palme d’Or et le prix d’interprétation féminine pour Björk. La suite de la carrière de l’artiste n’est pas abordée : cette biographie s’arrête avant Vespertine (2001). Le sous-titre s’avère explicite : une femme islandaise. Les auteurs évoquent la vie de l’artiste aussi bien sous l’angle de sa vie personnelle, que de sa vie professionnelle, en intégrant ses origines socio-culturelles, et en particulier son pays de naissance, ainsi qu’un pan de son histoire. Ainsi le lecteur peut être déconcerté par la prise de position explicite de Björk concernant les Danois à l’occasion de sa collaboration avec Graham Vernon Massey, britannique, producteur de disque, musicien, remixer, elle lui dit qu’elle est l’héritière de mille deux cents ans de gènes insulaires qui lui disent qu’elle se doit de lutter contre des ennemis largement plus grands qu’elle.
Lors de cette conversation, Björk continue en s’adressant à son producteur : Il peut la définir en un mot, Islandaise. Elle a l’énergie des gens de son pays, une foi en ses moyens et un optimisme à tout épreuve. En Islande, on ne s’apitoie pas sur son sort. On ne connaît pas ça, on va de l’avant. Tout du long, la narration visuelle donne voir différentes facettes de ce pays, qui comptait entre deux cent mille et deux cent cinquante mille habitants à la naissance de Björk. La première vue en extérieure correspond an voyage en bus : un temps un peu gris, de la neige, un fjord. Les fins traits encrés détourent des contours simplifiés, tout en s’inscrivant un registre descriptif et réaliste. Le lecteur n’est pas bien sûr de pouvoir identifier les modèles de voitures ou du bus, en revanche les habitations présentent des caractéristiques spécifiques à cette région du monde et à cette époque. Par la suite, il peut admirer ou se projeter en bord d’océan pour faire voler des cerfs-volants, autour d’un poêle à bois pour une soirée. Il court avec Björk dans une prairie verdoyante et s’arrête avec elle pour contempler les fleurs. Puis dans la séquence suivante, il est frappé par le contraste avec la lave et les projections de scorie lors de l’éruption du l’Eldfell qui a commencé en janvier 1973, et se poursuit en février de la même année, ravageant une partie de l’île d’Heimaey. Le journaliste télé explique que désormais la lave se dirige vers le nord-ouest, en direction des habitations. Il poursuit : les autorités ont décidé d’arroser le front de la coulée pour figer la lave, la ralentir et édifier ainsi une barrière naturelle. Selon les experts, six millions de mètres cubes d’eau seront nécessaires pour permettre de solidifier vingt mille mètres cubes de lave par heure. Le lecteur peut également voir un ours sur une rive, une usine d’embouteillage, un port de pêche, une usine de poissons, et bien sûr plusieurs lieux dédiés à la musique pour des concerts ou des enregistrements.
Ainsi l’incidence du lieu de naissance et du pays de Björk apparaissent clairement aux yeux du lecteur. Les échanges entre personnages en soulignent d’autres facettes : la petitesse du pays, la place des femmes dans ce pays et leur liberté (par exemple au travers de Vigdis Finnbogadóttir, présidente de l'Islande entre 1980 et 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État), le ressenti de vivre dans un pays qui n’est pas le sien (quand elle s’installe en Angleterre, puis en Espagne), et incidemment le constat que nul n’est prophète en son pays (Ça l’énerve qu’en Islande les médias ne commencent à s’intéresser à son groupe qu’en réaction à son succès à l’étranger…). Le lecteur peut donc suivre la carrière musicale de l’artiste, depuis ce solo de flute dans le car en 1968, jusqu’à Selmasongs en 2000. Les dessins la montrent en train de jouer du piano devant sa grand-mère, en train d‘écouter le nouveau compagnon de sa mère jouer de la guitare, en train de voir le producteur mixer son premier album dans un studio de Reykjavik en 1977, en concert avec son premier groupe Tappi Tíkarrass, puis au sein de KUKL, en concert à l’étranger avec The Sugar Cubes et la couverture des deux magazines NME et Melody Maker, enregistrer son album Gling-Gló (1990) avec Tríó Guðmundar Ingólfssonar, et évoquer le morceau Bedtime Stories (1994) qu’elle a écrit pour Madonna. Les dessins ne parviennent pas complètement à rendre compte des tenues de scène de Björk, ni de l’interprétation surréaliste de (I can’t get no) Satisfaction, avec P.J. Harvey à Londres, à l’occasion de la cérémonie des Brit Awards.
Le récit montre à quel point il est impossible de séparer l’artiste de la femme. Il évoque aussi bien l’incident de février 1996 à l’aéroport de Bangkok où Björk s’en est prise à une journaliste non sans raison, que les collaborations avec Einar Örn Benediktsson, Graham Vernon, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry, Nellee Hooper de Soul II Soul, le DJ, compositeur de musique électronique Goldie, Lars von Trier. Il met en scène la découverte d’un colis contenant un livre piégé à l’acide sulfurique, envoyé par un fan : Ricardo Lopez qui s’est tiré une balle dans la bouche, laissant huit cents pages de journaux intimes et des heures de journal vidéo, dont un enregistrement de son suicide, avec en fond sonore l’une des chansons de Björk. Manifestement, il n’a pas supporté sa relation avec l’artiste Goldie, un Noir avant tout selon lui. Au travers de ces trois composantes, origine islandaise, musique et vie privée, le lecteur voit se composer un portrait d’une grande cohérence, quant au caractère de l’artiste, à sa créativité, à son comportement et son inspiration.
Un beau défi que de brosser le portrait d’un artiste aussi atypique que Björk, sans égale. Les auteurs savent combiner une structure chronologique traditionnelle pour la dimension biographique, avec un regard sur la création de ses œuvres et l’évolution de sa carrière, au regard de ses origines, des spécificités sociales et culturelles de l’Islande. La narration visuelle reste dans un registre factuel, sans essayer de se mesurer aux univers foisonnant de cette créatrice hors pair et de ses collaborations. Le lecteur en ressort avec l’envie et la motivation de se confronter à nouveau à sa musique qui peut s’avérer exigeante.
3.5
Luz continue de bâtir une œuvre diverse et intéressante. Même si je n'ai pas aimé tous ses albums, au moins il explore différents horizons et essaie des trucs. Son dessin change pratiquement à chaque œuvre et je suis ébloui qu'un dessinateur peut changer aussi facilement son style.
Ce one-shot est un des meilleurs de Luz. On va suivre l'histoire vraie de la vie d'un tableau, Deux filles nues, qui va beaucoup se balader car victime de la censure des nazis. C'est très éducatif de voir comment était traité l'art considéré comme dégénéré par Hitler et ses copains et ce sont selon moi les meilleurs passages du livre. Une particularité de cette BD est que toute l'action se déroule du point de vue du tableau et je trouve que c'est une idée originale et qui est bien maitrisée par l'auteur, on croirait vraiment qu'on voit tout à travers le tableau ! Le dessin est très bon, contrairement à d’autres dessinateurs de presse, Luz sait comment passer de la caricature à la BD.
Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est un bon album qui mérite d'être lu.
Je ne connaissais pas le podcast dont cet album est une adaptation, mais je dois dire que j'ai désormais sincèrement envie de l'écouter tant le récit a su me plaire.
Comment raconter la vie d'un personnage historique sans trop romancer le tout, sans trop déformer leur passé par notre vision moderne, sans les ériger comme des caricatures, des individus presque légendaires là où toute personne reste bien humaine ?
Ceci n'est pas une simple phrase d'accroche de ma part, il s'agit tout simplement du sujet de cet album.
Sous couvert d'un postulat romancé - ici on imagine Anne Bonny racontant ses mémoires le soir de sa mort - on cherche vraiment à demander ce qu'il faut faire de ce genre de récits du passé. Le peu d'informations que nous possédons sur Anne Bonny nous vient d'une source unique qui était plus que probablement elle-même romancée pour le public de l'époque, donc pouvons-nous vraiment affirmer que l'image que nous avons d'Anne Bonny, même la plus objective que nous puissions tenter d'établir, soit vraiment ce qui se rapproche le plus de ce à quoi sa vie a vraiment ressemblé.
L'album est régulièrement entrecoupé par les interventions de deux historien-ne-s. Iels ne sont pas d'accord sur la manière de retranscrire le personnage d'Anne Bonny, pas d'accord donc sur certains choix de cet album précis, mais leurs visions différentes sont toujours bien argumentées et apportent beaucoup à l'album. Contre toute attente, le point fort de l'album n'est pas la vie d'Anne Bonny elle-même mais bien tout le propos développé autour du besoin de retranscrire des histoires du passé, du devoir de se rapprocher le plus de la vérité et de la question de s'il est bon ou non de réinterpréter ces histoires avec nos attentes et regards bien contemporains. J'ai envie de dire, sommes-nous seulement parfaitement capables de nous affranchir de nos préconceptions sociales et de notre vision des époques retranscrites lorsque l'on aborde ces sujets-là ? Théoriquement oui, mais le simple fait que certains sujets et certaines figures historiques attirent plus que d'autres est déjà dû à nos constructions sociales contemporaines.
Ici, en tout cas, c'est romancé (il n'y a qu'à voir la fin de l'album si vous en doutiez). On cherche à s'approcher le plus possible d'une vision réaliste du personnage mais il reste le fait que toute tentative de retranscrire une vie passé finira inlassablement pas donner un résultat romancé. Alors on peut essayer au mieux de s'approcher d'une version objective des évènements, on peut-même essayer de remettre en question les sources d'époques qui étaient sans doute elles-mêmes subjectives, mais est-il réellement possible de raconter, de rendre vivant un personnage passé sans romancer le moindre aspect de sa vie ? Je dirais que non, que l'objectivité absolue est malheureusement impossible (surtout sur des évènements que nous n'avons pas personnellement vus ou vécus), mais cela ne resterait après tout que ma vision de la chose. Devrions-nous alors arrêter de raconter ces histoires passées, d’enjoliver et déformer malgré nous ces vies qui ne sont pas les nôtres ? Dans cet album on pense que non, que l'on peut chercher à peindre la réalité, à souligner les destins exceptionnels, sans pour autant reléguer ces vies en figures de cartons pâtes tout juste bonnes à imager nos argumentaires contemporains.
L'album (et donc probablement le podcast) est vraiment une porte ouverte sur une réflexion on ne peut plus passionnante.
Quoi qu'il en soit, l'album est bon. La vie d'Anne Bonny est bien retranscrite (en tout cas bien abordée et développée à partir des quelques informations véridiques ou non que nous avons récupérées de l'époque, suivez un peu je n'ai fait que le répéter), le dessin est beau, la lecture est prenante et la réflexion sur la retranscription du passé est vraiment intéressante.
Une lecture chaudement recommandée.
(Note réelle 3,5)
Missouri, XIXe siècle, un jeune garçon peu doué pour l'école décide de se lancer dans une incroyable entreprise : convoyer un millier de dindes jusqu'à Denver, Colorado, où on lui a promis qu'elles se vendraient vingt fois leur prix. Soutenu par son institutrice qui croit en lui au point de financer l'expédition, il doit affronter plus de 1000 km de prairies sauvages, ne comptant que sur lui-même et sur les rares alliés qu'il saura se faire en chemin.
Mêlant aventure initiatique et contexte historique solidement ancré, cette bande dessinée jeunesse met en avant la débrouillardise, l'esprit d'initiative et la solidarité. Le héros, présenté comme un garçon simple, presque naïf, se révèle en réalité d'une remarquable maturité. S'il n'excelle pas à l'école, il fait preuve d'un sens pratique, d'une capacité à anticiper les risques et à bien s'entourer qui forcent le respect. Sa lucidité face au danger et sa manière de composer avec les ressources humaines qu'il croise sur sa route forcent l'admiration. En lecteur pragmatique, j'étais souvent tendu à l'idée qu'il puisse tout perdre à cause d'un vol, d'une attaque animale, de dangers naturels ou simplement de la difficulté logistique à faire marcher un millier de dindes sur une telle distance. Pourtant, même si le récit porte une forme d'optimisme parfois un peu candide, il reste crédible et maintient un vrai suspense tout au long de l'aventure. La dimension humaine du récit n'est pas en reste : les liens forts qui se tissent avec ses compagnons contrastent avec le portrait sombre de son père, figure médiocre, voire détestable, qui endosse finalement le rôle de l'antagoniste principal. Le tout est servi par une narration fluide et efficace, dans un décor dépaysant et historiquement bien restitué.
La conclusion, peut-être un peu trop heureuse pour être totalement réaliste, n'enlève rien au plaisir d'une lecture pleine de chaleur, d'espoir et d'entrain. Un bel exemple de BD jeunesse réussie, intelligente et attachante.
Au fil des années, Thibault Soulcié s'est imposé comme l'un des caricaturistes les plus appréciés de la presse française. L'Equipe, Marianne, l'Est-Eclair, entre autres, font régulièrement appel à son humour grinçant pour croquer l'actualité.
Mais dix ans après l'attentat de Charlie Hebdo, son expérience et sa réflexion sur son métier l'ont amené à écrire et dessiner un ensemble d'histoires courtes pour parler de son activité si particulière. Non qu'il sente sa sécurité, sa vie, menacées, mais il y a quand même une forme d'exposition, notamment via les réseaux sociaux.
C'est l'un des aspects qu'il évoque dans ces pages, indiquant qu'il est quand même touché quand par exemple une communauté se sent agressée par un de ses dessins. Souvent il prend alors l'attache d'un(e) collègue, qui dédramatisent le problème. Il indique ainsi comment il procède pour essayer de trouver le "bon" dessin, capable d'être immédiatement compréhensible par tous les publics (en utilisant par exemple des figures maléfiques censées être connues de tous, comme Darth Vader), un processus complexe, qui lui demande une concentration maximale sur un temps limité parfois à quelques heures, quand il y a un évènement inattendu gravissime (comme des attentats...). Le challenge est également d'essayer de lier deux évènements d'actualité sur un seul dessin, un vrai travail d'équilibriste...
Parlant de son travail, Soulcié se met en scène, dans une version carrément caricaturale de lui-même, notamment au niveau capillaire. Il est également amené chaque mois à parler de son métier à des collégiens, expliquant toutes ces contraintes... et récoltant régulièrement des silences assourdissants, parfois assortis de "la gênance" bien sentis de la part d'une génération qui n'a plus vraiment de culture populaire partagée avec celles d'avant, et construisant la sienne...
Même si en lisant entre les lignes on peut discerner la crainte d'une disparition du dessin de presse, notamment avec l'arrivée de media rapidement consommés, on ne peut s'empêcher de sourire à chaque page, Soulcié étant un professionnel de l'humour (mais aussi un humain). Essentiel pour comprendre ce métier.
Ro a tout dit !
Il est fort ce Ro...
L'objet m'est tombé dans les mains chez ma libraire. L'édition est magnifique. Une couverture superbe, très travaillée, un papier texturé. Un livre qui fait plaisir à avoir (quand on aime avoir des livres).
Je ne connaissais pas le roman, ni l'histoire, mais le quatrième de couverture et le conseil de Corinne (ma libraire donc) m'ont rapidement décidé que le jeu, ou plutôt le prix, en valait la chandelle.
Je ne reviendrai pas sur le pitch. Cette aventure épique est fabuleusement menée. Lu en plusieurs fois (350 pages quand même), j'attendais la suite avec impatience. Découpée en chapitres courts, la création de cette garenne par Hazel et ses compagnons nous tient en haleine de bout en bout jusqu'aux dernières pages, qui viennent appuyer la poésie du folklore et des croyances créés par l'auteur autour de nos lapins. La carte et le glossaire à part sont vraiment malins, bienvenus sans qu'il n'y ait besoin de le consulter à chaque page.
Côté graphique, c'est beau et simple. Pas de fioriture, une ligne soignée, claire qui appuie parfaitement le côté poétique du récit, mais aussi bien les aventures et combats. Certaines pages rendent magnifiquement le dynamisme des actions.
Cependant, rien ne ressemble plus à un lapin... qu'un lapin. Certes, chacun portent ses différences, ses marques, ses cicatrices mais il n'est pas toujours simple de savoir à qui nous avons affaire. Cela nécessite de l'attention et parfois quelques retours en arrière pour bien comprendre qui fait quoi. Cela n'entrave pas la qualité du récit, mais nécessite une lecture "concentrée".
Je rejoins Ro, une bien belle histoire qui mêle aventures, bagarres, amitiés, entraides et soutiens.
Moi qui croise 10 lapins par jour sur les routes de campagne, je ne vais plus les regarder de la même façon !
Un roman graphique à lire, à faire lire. C'est beau, c'est une belle histoire, une belle aventure.
Dans un univers imprégné de culture japonaise médiévale, les dragons existent en êtres ambivalents, porteurs autant de bénédictions que de désastres. À l'écart de ce monde, sur une île-prison isolée, vit Isagi, bourreau de profession. Sa fonction, il la doit autant à sa dévotion qu'à son exceptionnelle maîtrise du sabre, capable d'offrir une mort sans souffrance. Un jour, un célèbre prisonnier lui révèle que ce don singulier lui permet également de percevoir la mémoire des condamnés au moment de leur exécution. Lorsque Isagi tranche finalement la tête de cet homme, devenu entretemps son mentor, il hérite d'un souvenir saisissant : cet ancien général fut condamné pour avoir vaincu un véritable dragon. C'est sur les traces de ce mystère qu'Isagi quitte l'île, accompagné du fils du défunt, déterminés à comprendre comment tuer un dragon, afin de prévenir une catastrophe imminente.
L'Âme du dragon est un seinen de fantasy mature, aussi riche par son fond que raffiné dans sa forme. Le dessin, d'une grande précision, allie maîtrise technique et clarté narrative. Malgré la présence de créatures mythiques et de duels au sabre, l'œuvre privilégie la profondeur des dialogues et la réflexion intime à la pure action. L'univers, bien que familier dans ses codes, se distingue par une originalité certaine, notamment dans sa représentation subtile et spirituelle des dragons, à la manière des légendes asiatiques. Les relations entre les personnages sont particulièrement nuancées, chacun occupant une place singulière : Isagi, bourreau sensible habité par le doute ; le général, figure puissante et affable mais résignée ; et son fils, tiraillé entre admiration, jalousie et douleur. L'ensemble dégage une grande maturité émotionnelle et narrative.
C'est une histoire pleine de potentiel qui soulève la curiosité et dont on se demande où elle va nous mener.
Note : 3,5/5
Les pigments, c’est juste ce qui les a rendues visibles, ces caresses.
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Ce tome correspond à une anthologie réalisée par huit bédéastes différents relatant une expérience commune. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par des auteurs complets ayant chacun réalisé le scénario, les dessins et les couleurs de leur segment, par ordre d’apparition avec leur surnom entre parenthèses et le nombre de pages réalisées : Pascal Rabaté (Chafouin, trois segments pour un total de dix pages), Étienne Davodeau (Auroch, dix pages), Emmanuel Guibert (L’abbé, douze pages), Edmond Baudoin (Lou Cabra, douze pages), Chloé Cruchodet (Pipistrelle, treize pages), Troubs (Belette, dix pages), David Prudhomme (Bison sensible, seize pages), Marc-Antoine Mathieu (Cro-Ma, trois pages). Le tome commence par un article de huit pages (du texte illustré par des photographies) rédigé par Marc Azéma, intitulé : Picasso, Soulages, Barceló en ont rêvé…. Les Rupestres l’ont fait ! L’auteur évoque les grottes de la région, la reconnaissance d’un art pariétal paléolithique, la technique du fac-similé de grotte ornée (pour réaliser Lascaux II), ses travaux de chercheur sur la représentation du mouvement dans l’art paléolithique, son livre La préhistoire du cinéma, l’album Rupestres ! (2011, par Davodeau, Guibert, Mathieu, Prudhomme, Rabaté, Troubs), et l’expérience relatée dans cet album. À la fin se trouve un dossier de quarante-six pages de photographies prises par Rémi Flament, montrant les bédéastes à l’ouvrage ainsi que leurs réalisations dans la grotte, et un article de deux pages sur les grottes du Quercy.
Devant l’entrée de la grotte de la Sagne, une personne accueille le groupe d’artistes en leur expliquant que voici donc la grotte où ils vont œuvrer pendant dix jours. Ils ne travailleront qu’à la lampe frontale et qu’avec des pigments naturels. Les deux derniers compères qui participent à l’expérience arriveront demain. Un des participants ironise qu’il s’agit d’une sorte de Koh-Lanta pour dessinateurs-rices. Vient ensuite une vue de dessus de ladite grotte, puis une autre de la grotte de Pech Merle. Au sein de la grotte lieu de l’expérimentation : une culture de shiitake en pots, une table avec des pigments naturels et du matériel de dessin, et des bidons d’eau de chaux.
Printemps 2021, Étienne Davodeau est à sa table de dessin et il répond à un appel téléphonique. Parfois, quels que soient les retards sur les travaux en cours, quels que soient les impératifs des agendas, des propositions impossibles à écarter arrivent. Cette petite vallée du Lot l’appelle donc à nouveau. Il y file pied au plancher. La première fois, c’était pour y dessiner avec quelques camarades au fond des grottes, face aux magnifiques œuvres de leurs collègues du paléolithique. De cette inoubliable expérience est né le livre collectif Rupestres ! La deuxième fois, c’était pour y retrouver ce petit mammouth de 22.000 ans qu’ils y avaient croisé. Encore aujourd’hui il ne sait pas exactement pourquoi ce petit dessin le fascine tant.
L’introduction de Marc Azéma et celle de deux pages de Rabaté établit bien l’expérience : dix jours à réaliser des peintures rupestres pour sept artistes (Marc-Antoine Mathieu réalisant ses trois pages à partir d’une galerie), dont cinq avaient déjà participé ensemble au précédent projet : rêver et réaliser un livre en forme de grotte ornée avec ses galeries étroites, ses grandes salles, des zones d'ombres, des goulets et leurs questions… Le présent tome comprend donc un chapitre réalisé par chacun des artistes, une introduction et un épilogue réalisés par Rabaté. Chacun relate à sa manière cette expérience, tous à la première personne, certains en se mettant tout seul en scène, certains en évoquant quelques-uns des autres participants, et Guibert en mettant en scène un dialogue avec Edmond Baudoin. Ils ont chacun disposé d’une pagination adaptée : deux chapitres de dix pages, deux de douze pages, un de treize pages, un de seize pages, et les trois chapitres plus courts de Rabaté, ainsi que l’épilogue de trois pages de Mathieu. Les récits vont du commentaire sous forme d’échange (Guibert & Edmond), au récit de la réalisation effective des dessins par Troubs. De la même manière, les registres picturaux présentent des caractéristiques différentes d’un artiste à l’autre : un esquissé pour la séquence introductive, dans une veine réaliste pour Davodeau, sous forme de deux personnages comiques (sans arrière-plan) pour Guibert, des illustrations narratives mêlant plusieurs registres picturaux pour Baudoin, les délicates aquarelles de Cruchaudet, jusqu’au reportage photographique intitulés Pigments.
Le lecteur entame la première histoire : sous le charme des dessins au trait de contour fin et délicat, évoluant dans le cocon de la douce lumière qu’elle soit extérieure et vive ou artificielle et dirigée vers la paroi. Il suit le flux de pensées de l’artiste. Davodeau s’apprête à dessiner comme ses collègues du paléolithique, avec les mêmes pigments. Pourquoi dessinaient-ils à l’âge de pierre ? Pourquoi eux dessinent-ils maintenant ? Tenter de répondre, c’est peut-être déjà enfermer l’idée. Dessiner quoi ? Ils verront. Ce qui compte, c’est le geste. Et pour des auteurs de bandes dessinée, habitués à l’espace exigu des cases de leurs pages, parcourir les parois de cette grotte, c’est dessiner avec tout le corps. Dessiner des jours entiers, et surtout dessiner ensemble. Autant que dessiner, un d’eux aime voir dessiner. Voir naître le dessin d’un autre, c’est voir une intelligence au travail. Le lecteur est pris dans un flux narratif, une histoire avec un début (l’appel téléphonique) une fin (la réalisation d’un dessin à l’extérieur), un point de vue et un ressenti. Le rythme se trouve rompu par la séquence suivante : quatre pages réalisées par Rabaté, qui comprennent, chacune, trois cases de la largeur de la page pour faire apparaître la longueur du boyau souterrain, avec les silhouettes des artistes en ombre chinoise, en train de réaliser leurs œuvres, ceux du côté gauche en entrant, puis ceux du côté droit. C’est le regard que porte Rabaté sur ses collègues, détaché, observateur, factuel, avec une prise de recul pour voir cette situation comme s’il y était extérieur.
Puis le lecteur est pris par surprise par cette mise en scène des avatars de Guibert et Baudoin en petite silhouette arrondie, traits simplifiés, dans une pantomime faisant la part belle à la gestuelle, pour un dialogue. Ils papotent, échangeant leurs impressions, leurs connaissances sur le contexte de la peinture rupestre, échafaudant des hypothèses sur l’état d’esprit des artistes de l’époque, n’arrêtant pas de bouger. Ce chapitre se termine également par les réflexions de ce créateur sur cette expérience, sur le fait de pouvoir regarder les autres travailler : Sept peintres rupestres badigeonnent la muqueuse d’une caverne. C’est jouissif, de peindre sur la roche. Et rébarbatif. Et instructif. D’abord, il n’y a pas de format, pas de toutes les surfaces, du lisse au buriné, du plat au boursouflé, du ruisselant au sec. À chacune son lot de plaisirs et de désagréments. Les peintres tour à tour se mélangent ou s’isolent. Quand ils s’isolent de quelques mètres, ils s’entre-regardent parfois du coin de l’œil. Ils voient, dans le noir, une petite silhouette coiffée d’un lumignon s’escrimant contre une paroi. Elle émeut, cette petite silhouette. Le lecteur tourne la page… Et là…
Là, il découvre le chapitre réalisé par Edmond Baudoin. Extraordinaire ! La sensibilité des peintures rupestres au travers de dessins peints, libérés de la structure des cases, entremêlant des images entre elles, tout en conservant la sensation d’une lecture graphique et d’une progression, avec des cellules de texte à la frontière du commentaire et d’un flux de pensée libre, évoquant aussi bien la pratique des artistes préhistoriques, que celle de ses collègues qu’il observe, le caractère éphémère de celle qu’il réalise, agrémenté d’une citation de Gilles Deleuze (1925-1995 – S’il n’y a pas dans un tableau une rébellion de la main par rapport à l’œil, c’est que le tableau n’est pas bon.) et d’une de Charles Baudelaire (1821-1867 – Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le soir ; il descend ; le voici : une atmosphère obscure enveloppe la ville, aux uns portant la paix, aux autres le souci.), et s’achevant sur un dessin réalisé après, une page contenant quelque chose d’essentiel. C’est à la fois unique, une expression de la personnalité profonde de ce créateur, et universel. Ce chapitre mérite à lui seul la lecture de l’ouvrage.
Pour autant, le reste n’apparaît pas fade au regard du chapitre d’Edmond Baudoin. Chloé Cruchaudet rend compte de cette expérience de son point de vue, avec sa propre sensibilité, des dessin plus délicats : elle parle de son manque de confiance, de ses interrogations quant à ce qu’elle peut représenter, de son adaptation progressive à la grotte, apprenant à connaître ce milieu, trouvant une façon de s’exprimer en adéquation et en phase avec cet environnement extraordinaire. Troubs réalise des dessins plus organiques, focalisés sur la paroi qu’il s’apprête à transformer par ses dessins, montrant comment le support même agit sur sa créativité, comment la matière participe à décider de son sujet. À sa manière, David Prudhomme balaye un spectre aussi large que celui de Baudoin, avec une sensibilité différente, une expression de sa personnalité et de sa pratique du dessin qui lui est propre, proche du credo : Dessiner, c’est enregistrer un parcours de l’œil, de la main, du pied, de la bouche, du corps de l’esprit sur un support. Il continue : L’image immatérielle est une image hors du temps, un dessin donne toujours une notion de temps nécessaire à sa création. Le dessin est un art de la trace et les amateurs de dessins sont des pisteurs. Ce voyage guidé initiatique se termine avec la dernière soirée passée entre artistes. Et l’épilogue de Mathieu fait apparaître l’universalité de des surfaces de monstration des dessins, comment celle de la grotte et celle de la galerie se confondent. Curieux, le lecteur découvre ensuite le copieux reportage photographique, très beau, qui lui permet de voir de manière plus prosaïque le concret des expériences relatées en toute subjectivité par les artistes.
Peindre à la manière des hommes préhistoriques dans une grotte ? La lecture de cet ouvrage s’avère tellement plus que ça : une expérience chorale, vécue au travers de sept artistes différents, chacun avec leur personnalité. Chacun a choisi de mettre en avant des aspects et des thèmes qui lui importent, de la question de savoir quoi représenter, à la source d’inspiration, en passant par le questionnement sur ce qui pouvait inspirer les hommes préhistoriques, quel pouvait être leur état d’esprit, leur motivation. Le lecteur en ressort marqué par ces différents points de vue de ces créateurs tous praticiens expérimentés du dessin. Il se retrouve subjugué par la plénitude de l’expérience de lecture du chapitre d’Edmond Baudoin, véritable chaman. Une visite guidée que le lecteur prolongerait bien en allant visiter cette grotte par lui-même.
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La Petite Lumière
Je rajoute mon avis parmi ceux qui ont été enthousiasmés par cette BD. Ce qui est incroyable est que c'est tiré d'un roman, mais il y a tellement peu de textes que cela ne se voit pas du tout. L'histoire est au final simple, mais terriblement efficace. Le récit est prenant et j'ai eu quelques surprises au fil des pages, même si j'avoue que la fin est un peu prévisible. La poésie du récit m'a touché et la narration est fluide. Ça se lit facilement malgré le nombre de pages. Le dessin est très bon et j'apprécie particulièrement les couleurs. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus au niveau des qualités de cette BD. Je peux comprendre que d'autres lecteurs aient été moins touchés par ce récit que moi, c'est pourquoi je recommanderais un emprunt pour savoir après lecture si on veut posséder cet album ou non.
La Fée des grains de poussière
Cette petite bande dessinée destinée aux jeunes lecteurs met en scène une fée à l'allure enfantine, gardienne des choses minuscules. Elle est fascinée par les grains de poussière, les brins d'herbe, les cailloux oubliés, tout ce qui échappe habituellement à l'attention. Douée de pouvoirs aussi discrets que leur objet, elle peut rétrécir ou grandir à volonté, faire apparaître des merveilles minuscules, éphémères, presque imperceptibles. À ses côtés, le lecteur apprend à regarder autrement, à voir la poésie et l'imaginaire là où personne ne pose les yeux. Derrière sa simplicité apparente, tant dans les dessins ronds et colorés que dans ses petites histoires, cette BD porte un très beau message. Le ton est calme, apaisant, presque méditatif, incitant à savourer la délicatesse du quotidien et la beauté de ce qu'on croit insignifiant. L'album propose une grande variété de formes : apartés de la fée au lecteur, récits courts, petits contes, chansons ou même un horoscope des insectes. On peut picorer dans ces pages comme dans un recueil de petits trésors. C'est une œuvre douce, souriante, empreinte de tendresse, qui transmet un vrai plaisir de lecture et un message lumineux que les parents auront plaisir à partager avec leurs enfants.
Björk - Une femme islandaise
C’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir. Même dans les pires circonstances. - Ce tome contient une histoire complète de nature biographique, sur la chanteuse Björk, qui ne nécessite pas de connaissances préalables sur sa vie ou son œuvre. Son édition originale date de 2015. Il a été réalisé par Guillaume Lebeau pour le scénario et par Christelle Pécout pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-quatorze pages de bande dessinée. En 2014, un ours polaire sur un bloc de glace traverse la mer de Norvège, allant vers l’Islande. Dans la maternité de Reykjavik, la sage-femme enjoint de pousser à Hildur Rúna Hauksdóttir. Ce dimanche 21 novembre 1965, cette dernière éprouve la sensation d’être un volcan, une terre en formation, elle entre en éruption. La sage-femme lui demande de se concentrer et d’arrêter de délirer, voici le bébé. C’est une fille et elle est en pleine forme. Le père est dans la salle d’attente et il n’entend pas le téléphone, il dort devant les informations : Une éruption sous-marine débutée fin octobre à un kilomètre de Surtsey est en train de donner naissance à une île. La sage-femme vient le chercher et lui indique que tout le monde est en parfaite santé. Sa femme lui propose le nom de leur fille : Björk, le bouleau. Elle est jolie, et aussi rare que les arbres islandais. Le boulot, c’est l’arbre de l’endurance, de l’énergie, de l’espoir, même dans les pires circonstances. Le père accepte, va pour Björk Gusdmundsdóttir, la fille de Gusdmundur. En 1967, dans un appartement de Reykjavik, Hildur prépare un repas, alors que sa fille est dans une chaise haute. Son mari revient à a maison, et explique qu’il avait beaucoup de boulot. Elle lui indique que Björk a encore pleuré toute la nuit, la pauvre, que, elle, Hildur, n’en peut plus de rester à la maison, cuisiner, se faire belle en attendant le retour de son mari, ce n’est pas elle. Elle veut partir, le quitter. En novembre 1968, la mère de Gusdmundur lui rend visite : elle voit Björk en train de jouer du piano. Le père explique qu’elle a entendu une fois cet air à la radio et qu’elle arrive à la jouer en se souvenant des paroles, c’est incroyable. La mère indique que c’est une chanson de la Mélodie du bonheur, et qu’elle adore cette comédie musicale, et que Björk aussi visiblement. Puis ils évoquent le départ le départ de Hildur : son mari dit que son père était très dur, il pense qu’il la battait. Il sait que lui est un électricien pragmatique, et que sa femme a besoin de se sentir libre, du coup ils se sont séparés, ils refont leur vie. Il pense que leur fille Björk sera le fruit de leurs différences : elle aura la liberté que sa mère n’a pas eue. Novembre 1968, dans le bus, la fille et le père discute, sur le fait que l’Islande est un petit pays, sur le fait qu’il n’a pas de voiture. Björk décide de faire un spectacle dans le bus en jouant de la flute. Elle déclare aux autres passagers qu’elle va jeter de la couleur dans leur vie. 1970, Hildur s’est remariée, elle et sa fille, avec des amis, vont faire voler des cerfs-volants. Björk discute avec sa mère, lui demandant si on est libre d’aimer qui on veut et autant de fois qu’on veut. Sa mère lui répond qu’on est libre comme le vent. Une biographie d’une artiste musicale extraordinaire, une Islandaise auteure-compositrice-interprète, actrice, productrice, ayant réalisé des albums remarquables dans des registres comprenant musique électronique, electronica, musique alternative, musique expérimentale, pop, art pop, avant-pop, rock alternatif, new wave, trip hop, musique folk, jazz, musique contemporaine, musique concrète. La biographie débute avec sa naissance et s’arrête le 21 mai 2000, lors de la séance de remise des prix du festival de Cannes, puis de la conférence de presse avec l’intervention de Lars von Trier et de Björk, pour la Palme d’Or et le prix d’interprétation féminine pour Björk. La suite de la carrière de l’artiste n’est pas abordée : cette biographie s’arrête avant Vespertine (2001). Le sous-titre s’avère explicite : une femme islandaise. Les auteurs évoquent la vie de l’artiste aussi bien sous l’angle de sa vie personnelle, que de sa vie professionnelle, en intégrant ses origines socio-culturelles, et en particulier son pays de naissance, ainsi qu’un pan de son histoire. Ainsi le lecteur peut être déconcerté par la prise de position explicite de Björk concernant les Danois à l’occasion de sa collaboration avec Graham Vernon Massey, britannique, producteur de disque, musicien, remixer, elle lui dit qu’elle est l’héritière de mille deux cents ans de gènes insulaires qui lui disent qu’elle se doit de lutter contre des ennemis largement plus grands qu’elle. Lors de cette conversation, Björk continue en s’adressant à son producteur : Il peut la définir en un mot, Islandaise. Elle a l’énergie des gens de son pays, une foi en ses moyens et un optimisme à tout épreuve. En Islande, on ne s’apitoie pas sur son sort. On ne connaît pas ça, on va de l’avant. Tout du long, la narration visuelle donne voir différentes facettes de ce pays, qui comptait entre deux cent mille et deux cent cinquante mille habitants à la naissance de Björk. La première vue en extérieure correspond an voyage en bus : un temps un peu gris, de la neige, un fjord. Les fins traits encrés détourent des contours simplifiés, tout en s’inscrivant un registre descriptif et réaliste. Le lecteur n’est pas bien sûr de pouvoir identifier les modèles de voitures ou du bus, en revanche les habitations présentent des caractéristiques spécifiques à cette région du monde et à cette époque. Par la suite, il peut admirer ou se projeter en bord d’océan pour faire voler des cerfs-volants, autour d’un poêle à bois pour une soirée. Il court avec Björk dans une prairie verdoyante et s’arrête avec elle pour contempler les fleurs. Puis dans la séquence suivante, il est frappé par le contraste avec la lave et les projections de scorie lors de l’éruption du l’Eldfell qui a commencé en janvier 1973, et se poursuit en février de la même année, ravageant une partie de l’île d’Heimaey. Le journaliste télé explique que désormais la lave se dirige vers le nord-ouest, en direction des habitations. Il poursuit : les autorités ont décidé d’arroser le front de la coulée pour figer la lave, la ralentir et édifier ainsi une barrière naturelle. Selon les experts, six millions de mètres cubes d’eau seront nécessaires pour permettre de solidifier vingt mille mètres cubes de lave par heure. Le lecteur peut également voir un ours sur une rive, une usine d’embouteillage, un port de pêche, une usine de poissons, et bien sûr plusieurs lieux dédiés à la musique pour des concerts ou des enregistrements. Ainsi l’incidence du lieu de naissance et du pays de Björk apparaissent clairement aux yeux du lecteur. Les échanges entre personnages en soulignent d’autres facettes : la petitesse du pays, la place des femmes dans ce pays et leur liberté (par exemple au travers de Vigdis Finnbogadóttir, présidente de l'Islande entre 1980 et 1996, au cours de quatre mandats successifs. Elle est la première femme au monde élue au suffrage universel direct à la tête d'un État), le ressenti de vivre dans un pays qui n’est pas le sien (quand elle s’installe en Angleterre, puis en Espagne), et incidemment le constat que nul n’est prophète en son pays (Ça l’énerve qu’en Islande les médias ne commencent à s’intéresser à son groupe qu’en réaction à son succès à l’étranger…). Le lecteur peut donc suivre la carrière musicale de l’artiste, depuis ce solo de flute dans le car en 1968, jusqu’à Selmasongs en 2000. Les dessins la montrent en train de jouer du piano devant sa grand-mère, en train d‘écouter le nouveau compagnon de sa mère jouer de la guitare, en train de voir le producteur mixer son premier album dans un studio de Reykjavik en 1977, en concert avec son premier groupe Tappi Tíkarrass, puis au sein de KUKL, en concert à l’étranger avec The Sugar Cubes et la couverture des deux magazines NME et Melody Maker, enregistrer son album Gling-Gló (1990) avec Tríó Guðmundar Ingólfssonar, et évoquer le morceau Bedtime Stories (1994) qu’elle a écrit pour Madonna. Les dessins ne parviennent pas complètement à rendre compte des tenues de scène de Björk, ni de l’interprétation surréaliste de (I can’t get no) Satisfaction, avec P.J. Harvey à Londres, à l’occasion de la cérémonie des Brit Awards. Le récit montre à quel point il est impossible de séparer l’artiste de la femme. Il évoque aussi bien l’incident de février 1996 à l’aéroport de Bangkok où Björk s’en est prise à une journaliste non sans raison, que les collaborations avec Einar Örn Benediktsson, Graham Vernon, Jean-Baptiste Mondino, Michel Gondry, Nellee Hooper de Soul II Soul, le DJ, compositeur de musique électronique Goldie, Lars von Trier. Il met en scène la découverte d’un colis contenant un livre piégé à l’acide sulfurique, envoyé par un fan : Ricardo Lopez qui s’est tiré une balle dans la bouche, laissant huit cents pages de journaux intimes et des heures de journal vidéo, dont un enregistrement de son suicide, avec en fond sonore l’une des chansons de Björk. Manifestement, il n’a pas supporté sa relation avec l’artiste Goldie, un Noir avant tout selon lui. Au travers de ces trois composantes, origine islandaise, musique et vie privée, le lecteur voit se composer un portrait d’une grande cohérence, quant au caractère de l’artiste, à sa créativité, à son comportement et son inspiration. Un beau défi que de brosser le portrait d’un artiste aussi atypique que Björk, sans égale. Les auteurs savent combiner une structure chronologique traditionnelle pour la dimension biographique, avec un regard sur la création de ses œuvres et l’évolution de sa carrière, au regard de ses origines, des spécificités sociales et culturelles de l’Islande. La narration visuelle reste dans un registre factuel, sans essayer de se mesurer aux univers foisonnant de cette créatrice hors pair et de ses collaborations. Le lecteur en ressort avec l’envie et la motivation de se confronter à nouveau à sa musique qui peut s’avérer exigeante.
Deux Filles nues
3.5 Luz continue de bâtir une œuvre diverse et intéressante. Même si je n'ai pas aimé tous ses albums, au moins il explore différents horizons et essaie des trucs. Son dessin change pratiquement à chaque œuvre et je suis ébloui qu'un dessinateur peut changer aussi facilement son style. Ce one-shot est un des meilleurs de Luz. On va suivre l'histoire vraie de la vie d'un tableau, Deux filles nues, qui va beaucoup se balader car victime de la censure des nazis. C'est très éducatif de voir comment était traité l'art considéré comme dégénéré par Hitler et ses copains et ce sont selon moi les meilleurs passages du livre. Une particularité de cette BD est que toute l'action se déroule du point de vue du tableau et je trouve que c'est une idée originale et qui est bien maitrisée par l'auteur, on croirait vraiment qu'on voit tout à travers le tableau ! Le dessin est très bon, contrairement à d’autres dessinateurs de presse, Luz sait comment passer de la caricature à la BD. Je ne sais pas trop quoi ajouter de plus aux avis positifs hormis que c'est un bon album qui mérite d'être lu.
La Dernière Nuit d'Anne Bonny
Je ne connaissais pas le podcast dont cet album est une adaptation, mais je dois dire que j'ai désormais sincèrement envie de l'écouter tant le récit a su me plaire. Comment raconter la vie d'un personnage historique sans trop romancer le tout, sans trop déformer leur passé par notre vision moderne, sans les ériger comme des caricatures, des individus presque légendaires là où toute personne reste bien humaine ? Ceci n'est pas une simple phrase d'accroche de ma part, il s'agit tout simplement du sujet de cet album. Sous couvert d'un postulat romancé - ici on imagine Anne Bonny racontant ses mémoires le soir de sa mort - on cherche vraiment à demander ce qu'il faut faire de ce genre de récits du passé. Le peu d'informations que nous possédons sur Anne Bonny nous vient d'une source unique qui était plus que probablement elle-même romancée pour le public de l'époque, donc pouvons-nous vraiment affirmer que l'image que nous avons d'Anne Bonny, même la plus objective que nous puissions tenter d'établir, soit vraiment ce qui se rapproche le plus de ce à quoi sa vie a vraiment ressemblé. L'album est régulièrement entrecoupé par les interventions de deux historien-ne-s. Iels ne sont pas d'accord sur la manière de retranscrire le personnage d'Anne Bonny, pas d'accord donc sur certains choix de cet album précis, mais leurs visions différentes sont toujours bien argumentées et apportent beaucoup à l'album. Contre toute attente, le point fort de l'album n'est pas la vie d'Anne Bonny elle-même mais bien tout le propos développé autour du besoin de retranscrire des histoires du passé, du devoir de se rapprocher le plus de la vérité et de la question de s'il est bon ou non de réinterpréter ces histoires avec nos attentes et regards bien contemporains. J'ai envie de dire, sommes-nous seulement parfaitement capables de nous affranchir de nos préconceptions sociales et de notre vision des époques retranscrites lorsque l'on aborde ces sujets-là ? Théoriquement oui, mais le simple fait que certains sujets et certaines figures historiques attirent plus que d'autres est déjà dû à nos constructions sociales contemporaines. Ici, en tout cas, c'est romancé (il n'y a qu'à voir la fin de l'album si vous en doutiez). On cherche à s'approcher le plus possible d'une vision réaliste du personnage mais il reste le fait que toute tentative de retranscrire une vie passé finira inlassablement pas donner un résultat romancé. Alors on peut essayer au mieux de s'approcher d'une version objective des évènements, on peut-même essayer de remettre en question les sources d'époques qui étaient sans doute elles-mêmes subjectives, mais est-il réellement possible de raconter, de rendre vivant un personnage passé sans romancer le moindre aspect de sa vie ? Je dirais que non, que l'objectivité absolue est malheureusement impossible (surtout sur des évènements que nous n'avons pas personnellement vus ou vécus), mais cela ne resterait après tout que ma vision de la chose. Devrions-nous alors arrêter de raconter ces histoires passées, d’enjoliver et déformer malgré nous ces vies qui ne sont pas les nôtres ? Dans cet album on pense que non, que l'on peut chercher à peindre la réalité, à souligner les destins exceptionnels, sans pour autant reléguer ces vies en figures de cartons pâtes tout juste bonnes à imager nos argumentaires contemporains. L'album (et donc probablement le podcast) est vraiment une porte ouverte sur une réflexion on ne peut plus passionnante. Quoi qu'il en soit, l'album est bon. La vie d'Anne Bonny est bien retranscrite (en tout cas bien abordée et développée à partir des quelques informations véridiques ou non que nous avons récupérées de l'époque, suivez un peu je n'ai fait que le répéter), le dessin est beau, la lecture est prenante et la réflexion sur la retranscription du passé est vraiment intéressante. Une lecture chaudement recommandée. (Note réelle 3,5)
La Longue Marche des Dindes
Missouri, XIXe siècle, un jeune garçon peu doué pour l'école décide de se lancer dans une incroyable entreprise : convoyer un millier de dindes jusqu'à Denver, Colorado, où on lui a promis qu'elles se vendraient vingt fois leur prix. Soutenu par son institutrice qui croit en lui au point de financer l'expédition, il doit affronter plus de 1000 km de prairies sauvages, ne comptant que sur lui-même et sur les rares alliés qu'il saura se faire en chemin. Mêlant aventure initiatique et contexte historique solidement ancré, cette bande dessinée jeunesse met en avant la débrouillardise, l'esprit d'initiative et la solidarité. Le héros, présenté comme un garçon simple, presque naïf, se révèle en réalité d'une remarquable maturité. S'il n'excelle pas à l'école, il fait preuve d'un sens pratique, d'une capacité à anticiper les risques et à bien s'entourer qui forcent le respect. Sa lucidité face au danger et sa manière de composer avec les ressources humaines qu'il croise sur sa route forcent l'admiration. En lecteur pragmatique, j'étais souvent tendu à l'idée qu'il puisse tout perdre à cause d'un vol, d'une attaque animale, de dangers naturels ou simplement de la difficulté logistique à faire marcher un millier de dindes sur une telle distance. Pourtant, même si le récit porte une forme d'optimisme parfois un peu candide, il reste crédible et maintient un vrai suspense tout au long de l'aventure. La dimension humaine du récit n'est pas en reste : les liens forts qui se tissent avec ses compagnons contrastent avec le portrait sombre de son père, figure médiocre, voire détestable, qui endosse finalement le rôle de l'antagoniste principal. Le tout est servi par une narration fluide et efficace, dans un décor dépaysant et historiquement bien restitué. La conclusion, peut-être un peu trop heureuse pour être totalement réaliste, n'enlève rien au plaisir d'une lecture pleine de chaleur, d'espoir et d'entrain. Un bel exemple de BD jeunesse réussie, intelligente et attachante.
Dans la tête d'un dessinateur de presse
Au fil des années, Thibault Soulcié s'est imposé comme l'un des caricaturistes les plus appréciés de la presse française. L'Equipe, Marianne, l'Est-Eclair, entre autres, font régulièrement appel à son humour grinçant pour croquer l'actualité. Mais dix ans après l'attentat de Charlie Hebdo, son expérience et sa réflexion sur son métier l'ont amené à écrire et dessiner un ensemble d'histoires courtes pour parler de son activité si particulière. Non qu'il sente sa sécurité, sa vie, menacées, mais il y a quand même une forme d'exposition, notamment via les réseaux sociaux. C'est l'un des aspects qu'il évoque dans ces pages, indiquant qu'il est quand même touché quand par exemple une communauté se sent agressée par un de ses dessins. Souvent il prend alors l'attache d'un(e) collègue, qui dédramatisent le problème. Il indique ainsi comment il procède pour essayer de trouver le "bon" dessin, capable d'être immédiatement compréhensible par tous les publics (en utilisant par exemple des figures maléfiques censées être connues de tous, comme Darth Vader), un processus complexe, qui lui demande une concentration maximale sur un temps limité parfois à quelques heures, quand il y a un évènement inattendu gravissime (comme des attentats...). Le challenge est également d'essayer de lier deux évènements d'actualité sur un seul dessin, un vrai travail d'équilibriste... Parlant de son travail, Soulcié se met en scène, dans une version carrément caricaturale de lui-même, notamment au niveau capillaire. Il est également amené chaque mois à parler de son métier à des collégiens, expliquant toutes ces contraintes... et récoltant régulièrement des silences assourdissants, parfois assortis de "la gênance" bien sentis de la part d'une génération qui n'a plus vraiment de culture populaire partagée avec celles d'avant, et construisant la sienne... Même si en lisant entre les lignes on peut discerner la crainte d'une disparition du dessin de presse, notamment avec l'arrivée de media rapidement consommés, on ne peut s'empêcher de sourire à chaque page, Soulcié étant un professionnel de l'humour (mais aussi un humain). Essentiel pour comprendre ce métier.
Watership Down
Ro a tout dit ! Il est fort ce Ro... L'objet m'est tombé dans les mains chez ma libraire. L'édition est magnifique. Une couverture superbe, très travaillée, un papier texturé. Un livre qui fait plaisir à avoir (quand on aime avoir des livres). Je ne connaissais pas le roman, ni l'histoire, mais le quatrième de couverture et le conseil de Corinne (ma libraire donc) m'ont rapidement décidé que le jeu, ou plutôt le prix, en valait la chandelle. Je ne reviendrai pas sur le pitch. Cette aventure épique est fabuleusement menée. Lu en plusieurs fois (350 pages quand même), j'attendais la suite avec impatience. Découpée en chapitres courts, la création de cette garenne par Hazel et ses compagnons nous tient en haleine de bout en bout jusqu'aux dernières pages, qui viennent appuyer la poésie du folklore et des croyances créés par l'auteur autour de nos lapins. La carte et le glossaire à part sont vraiment malins, bienvenus sans qu'il n'y ait besoin de le consulter à chaque page. Côté graphique, c'est beau et simple. Pas de fioriture, une ligne soignée, claire qui appuie parfaitement le côté poétique du récit, mais aussi bien les aventures et combats. Certaines pages rendent magnifiquement le dynamisme des actions. Cependant, rien ne ressemble plus à un lapin... qu'un lapin. Certes, chacun portent ses différences, ses marques, ses cicatrices mais il n'est pas toujours simple de savoir à qui nous avons affaire. Cela nécessite de l'attention et parfois quelques retours en arrière pour bien comprendre qui fait quoi. Cela n'entrave pas la qualité du récit, mais nécessite une lecture "concentrée". Je rejoins Ro, une bien belle histoire qui mêle aventures, bagarres, amitiés, entraides et soutiens. Moi qui croise 10 lapins par jour sur les routes de campagne, je ne vais plus les regarder de la même façon ! Un roman graphique à lire, à faire lire. C'est beau, c'est une belle histoire, une belle aventure.
L'Âme du dragon
Dans un univers imprégné de culture japonaise médiévale, les dragons existent en êtres ambivalents, porteurs autant de bénédictions que de désastres. À l'écart de ce monde, sur une île-prison isolée, vit Isagi, bourreau de profession. Sa fonction, il la doit autant à sa dévotion qu'à son exceptionnelle maîtrise du sabre, capable d'offrir une mort sans souffrance. Un jour, un célèbre prisonnier lui révèle que ce don singulier lui permet également de percevoir la mémoire des condamnés au moment de leur exécution. Lorsque Isagi tranche finalement la tête de cet homme, devenu entretemps son mentor, il hérite d'un souvenir saisissant : cet ancien général fut condamné pour avoir vaincu un véritable dragon. C'est sur les traces de ce mystère qu'Isagi quitte l'île, accompagné du fils du défunt, déterminés à comprendre comment tuer un dragon, afin de prévenir une catastrophe imminente. L'Âme du dragon est un seinen de fantasy mature, aussi riche par son fond que raffiné dans sa forme. Le dessin, d'une grande précision, allie maîtrise technique et clarté narrative. Malgré la présence de créatures mythiques et de duels au sabre, l'œuvre privilégie la profondeur des dialogues et la réflexion intime à la pure action. L'univers, bien que familier dans ses codes, se distingue par une originalité certaine, notamment dans sa représentation subtile et spirituelle des dragons, à la manière des légendes asiatiques. Les relations entre les personnages sont particulièrement nuancées, chacun occupant une place singulière : Isagi, bourreau sensible habité par le doute ; le général, figure puissante et affable mais résignée ; et son fils, tiraillé entre admiration, jalousie et douleur. L'ensemble dégage une grande maturité émotionnelle et narrative. C'est une histoire pleine de potentiel qui soulève la curiosité et dont on se demande où elle va nous mener. Note : 3,5/5
Pigments
Les pigments, c’est juste ce qui les a rendues visibles, ces caresses. - Ce tome correspond à une anthologie réalisée par huit bédéastes différents relatant une expérience commune. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par des auteurs complets ayant chacun réalisé le scénario, les dessins et les couleurs de leur segment, par ordre d’apparition avec leur surnom entre parenthèses et le nombre de pages réalisées : Pascal Rabaté (Chafouin, trois segments pour un total de dix pages), Étienne Davodeau (Auroch, dix pages), Emmanuel Guibert (L’abbé, douze pages), Edmond Baudoin (Lou Cabra, douze pages), Chloé Cruchodet (Pipistrelle, treize pages), Troubs (Belette, dix pages), David Prudhomme (Bison sensible, seize pages), Marc-Antoine Mathieu (Cro-Ma, trois pages). Le tome commence par un article de huit pages (du texte illustré par des photographies) rédigé par Marc Azéma, intitulé : Picasso, Soulages, Barceló en ont rêvé…. Les Rupestres l’ont fait ! L’auteur évoque les grottes de la région, la reconnaissance d’un art pariétal paléolithique, la technique du fac-similé de grotte ornée (pour réaliser Lascaux II), ses travaux de chercheur sur la représentation du mouvement dans l’art paléolithique, son livre La préhistoire du cinéma, l’album Rupestres ! (2011, par Davodeau, Guibert, Mathieu, Prudhomme, Rabaté, Troubs), et l’expérience relatée dans cet album. À la fin se trouve un dossier de quarante-six pages de photographies prises par Rémi Flament, montrant les bédéastes à l’ouvrage ainsi que leurs réalisations dans la grotte, et un article de deux pages sur les grottes du Quercy. Devant l’entrée de la grotte de la Sagne, une personne accueille le groupe d’artistes en leur expliquant que voici donc la grotte où ils vont œuvrer pendant dix jours. Ils ne travailleront qu’à la lampe frontale et qu’avec des pigments naturels. Les deux derniers compères qui participent à l’expérience arriveront demain. Un des participants ironise qu’il s’agit d’une sorte de Koh-Lanta pour dessinateurs-rices. Vient ensuite une vue de dessus de ladite grotte, puis une autre de la grotte de Pech Merle. Au sein de la grotte lieu de l’expérimentation : une culture de shiitake en pots, une table avec des pigments naturels et du matériel de dessin, et des bidons d’eau de chaux. Printemps 2021, Étienne Davodeau est à sa table de dessin et il répond à un appel téléphonique. Parfois, quels que soient les retards sur les travaux en cours, quels que soient les impératifs des agendas, des propositions impossibles à écarter arrivent. Cette petite vallée du Lot l’appelle donc à nouveau. Il y file pied au plancher. La première fois, c’était pour y dessiner avec quelques camarades au fond des grottes, face aux magnifiques œuvres de leurs collègues du paléolithique. De cette inoubliable expérience est né le livre collectif Rupestres ! La deuxième fois, c’était pour y retrouver ce petit mammouth de 22.000 ans qu’ils y avaient croisé. Encore aujourd’hui il ne sait pas exactement pourquoi ce petit dessin le fascine tant. L’introduction de Marc Azéma et celle de deux pages de Rabaté établit bien l’expérience : dix jours à réaliser des peintures rupestres pour sept artistes (Marc-Antoine Mathieu réalisant ses trois pages à partir d’une galerie), dont cinq avaient déjà participé ensemble au précédent projet : rêver et réaliser un livre en forme de grotte ornée avec ses galeries étroites, ses grandes salles, des zones d'ombres, des goulets et leurs questions… Le présent tome comprend donc un chapitre réalisé par chacun des artistes, une introduction et un épilogue réalisés par Rabaté. Chacun relate à sa manière cette expérience, tous à la première personne, certains en se mettant tout seul en scène, certains en évoquant quelques-uns des autres participants, et Guibert en mettant en scène un dialogue avec Edmond Baudoin. Ils ont chacun disposé d’une pagination adaptée : deux chapitres de dix pages, deux de douze pages, un de treize pages, un de seize pages, et les trois chapitres plus courts de Rabaté, ainsi que l’épilogue de trois pages de Mathieu. Les récits vont du commentaire sous forme d’échange (Guibert & Edmond), au récit de la réalisation effective des dessins par Troubs. De la même manière, les registres picturaux présentent des caractéristiques différentes d’un artiste à l’autre : un esquissé pour la séquence introductive, dans une veine réaliste pour Davodeau, sous forme de deux personnages comiques (sans arrière-plan) pour Guibert, des illustrations narratives mêlant plusieurs registres picturaux pour Baudoin, les délicates aquarelles de Cruchaudet, jusqu’au reportage photographique intitulés Pigments. Le lecteur entame la première histoire : sous le charme des dessins au trait de contour fin et délicat, évoluant dans le cocon de la douce lumière qu’elle soit extérieure et vive ou artificielle et dirigée vers la paroi. Il suit le flux de pensées de l’artiste. Davodeau s’apprête à dessiner comme ses collègues du paléolithique, avec les mêmes pigments. Pourquoi dessinaient-ils à l’âge de pierre ? Pourquoi eux dessinent-ils maintenant ? Tenter de répondre, c’est peut-être déjà enfermer l’idée. Dessiner quoi ? Ils verront. Ce qui compte, c’est le geste. Et pour des auteurs de bandes dessinée, habitués à l’espace exigu des cases de leurs pages, parcourir les parois de cette grotte, c’est dessiner avec tout le corps. Dessiner des jours entiers, et surtout dessiner ensemble. Autant que dessiner, un d’eux aime voir dessiner. Voir naître le dessin d’un autre, c’est voir une intelligence au travail. Le lecteur est pris dans un flux narratif, une histoire avec un début (l’appel téléphonique) une fin (la réalisation d’un dessin à l’extérieur), un point de vue et un ressenti. Le rythme se trouve rompu par la séquence suivante : quatre pages réalisées par Rabaté, qui comprennent, chacune, trois cases de la largeur de la page pour faire apparaître la longueur du boyau souterrain, avec les silhouettes des artistes en ombre chinoise, en train de réaliser leurs œuvres, ceux du côté gauche en entrant, puis ceux du côté droit. C’est le regard que porte Rabaté sur ses collègues, détaché, observateur, factuel, avec une prise de recul pour voir cette situation comme s’il y était extérieur. Puis le lecteur est pris par surprise par cette mise en scène des avatars de Guibert et Baudoin en petite silhouette arrondie, traits simplifiés, dans une pantomime faisant la part belle à la gestuelle, pour un dialogue. Ils papotent, échangeant leurs impressions, leurs connaissances sur le contexte de la peinture rupestre, échafaudant des hypothèses sur l’état d’esprit des artistes de l’époque, n’arrêtant pas de bouger. Ce chapitre se termine également par les réflexions de ce créateur sur cette expérience, sur le fait de pouvoir regarder les autres travailler : Sept peintres rupestres badigeonnent la muqueuse d’une caverne. C’est jouissif, de peindre sur la roche. Et rébarbatif. Et instructif. D’abord, il n’y a pas de format, pas de toutes les surfaces, du lisse au buriné, du plat au boursouflé, du ruisselant au sec. À chacune son lot de plaisirs et de désagréments. Les peintres tour à tour se mélangent ou s’isolent. Quand ils s’isolent de quelques mètres, ils s’entre-regardent parfois du coin de l’œil. Ils voient, dans le noir, une petite silhouette coiffée d’un lumignon s’escrimant contre une paroi. Elle émeut, cette petite silhouette. Le lecteur tourne la page… Et là… Là, il découvre le chapitre réalisé par Edmond Baudoin. Extraordinaire ! La sensibilité des peintures rupestres au travers de dessins peints, libérés de la structure des cases, entremêlant des images entre elles, tout en conservant la sensation d’une lecture graphique et d’une progression, avec des cellules de texte à la frontière du commentaire et d’un flux de pensée libre, évoquant aussi bien la pratique des artistes préhistoriques, que celle de ses collègues qu’il observe, le caractère éphémère de celle qu’il réalise, agrémenté d’une citation de Gilles Deleuze (1925-1995 – S’il n’y a pas dans un tableau une rébellion de la main par rapport à l’œil, c’est que le tableau n’est pas bon.) et d’une de Charles Baudelaire (1821-1867 – Sois sage, ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le soir ; il descend ; le voici : une atmosphère obscure enveloppe la ville, aux uns portant la paix, aux autres le souci.), et s’achevant sur un dessin réalisé après, une page contenant quelque chose d’essentiel. C’est à la fois unique, une expression de la personnalité profonde de ce créateur, et universel. Ce chapitre mérite à lui seul la lecture de l’ouvrage. Pour autant, le reste n’apparaît pas fade au regard du chapitre d’Edmond Baudoin. Chloé Cruchaudet rend compte de cette expérience de son point de vue, avec sa propre sensibilité, des dessin plus délicats : elle parle de son manque de confiance, de ses interrogations quant à ce qu’elle peut représenter, de son adaptation progressive à la grotte, apprenant à connaître ce milieu, trouvant une façon de s’exprimer en adéquation et en phase avec cet environnement extraordinaire. Troubs réalise des dessins plus organiques, focalisés sur la paroi qu’il s’apprête à transformer par ses dessins, montrant comment le support même agit sur sa créativité, comment la matière participe à décider de son sujet. À sa manière, David Prudhomme balaye un spectre aussi large que celui de Baudoin, avec une sensibilité différente, une expression de sa personnalité et de sa pratique du dessin qui lui est propre, proche du credo : Dessiner, c’est enregistrer un parcours de l’œil, de la main, du pied, de la bouche, du corps de l’esprit sur un support. Il continue : L’image immatérielle est une image hors du temps, un dessin donne toujours une notion de temps nécessaire à sa création. Le dessin est un art de la trace et les amateurs de dessins sont des pisteurs. Ce voyage guidé initiatique se termine avec la dernière soirée passée entre artistes. Et l’épilogue de Mathieu fait apparaître l’universalité de des surfaces de monstration des dessins, comment celle de la grotte et celle de la galerie se confondent. Curieux, le lecteur découvre ensuite le copieux reportage photographique, très beau, qui lui permet de voir de manière plus prosaïque le concret des expériences relatées en toute subjectivité par les artistes. Peindre à la manière des hommes préhistoriques dans une grotte ? La lecture de cet ouvrage s’avère tellement plus que ça : une expérience chorale, vécue au travers de sept artistes différents, chacun avec leur personnalité. Chacun a choisi de mettre en avant des aspects et des thèmes qui lui importent, de la question de savoir quoi représenter, à la source d’inspiration, en passant par le questionnement sur ce qui pouvait inspirer les hommes préhistoriques, quel pouvait être leur état d’esprit, leur motivation. Le lecteur en ressort marqué par ces différents points de vue de ces créateurs tous praticiens expérimentés du dessin. Il se retrouve subjugué par la plénitude de l’expérience de lecture du chapitre d’Edmond Baudoin, véritable chaman. Une visite guidée que le lecteur prolongerait bien en allant visiter cette grotte par lui-même.