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Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Jesse Owens - Des miles et des miles
Jesse Owens - Des miles et des miles

Ce n’est plus une vie, ça, mais une épreuve de résistance sans fin ! - Ce tome contient une autobiographie de Jesse Owens (1913-1980), quadruple médaillé aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin, en présence d’Adolf Hitler. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé par Gradimir Smudja, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comporte cent-vingt-et-une pages de bandes dessinées. Oakville, le douze septembre 1913. Un chat en salopette jouant du banjo est assis sur une haute branche d’un arbre, et il commente la scène qui se passe devant lui, dans une modeste cabane en bois. La naissance d’un nouveau jour, en même temps que celle d’une nouvelle vie, que c’est beau ! Le chat va raconter une histoire certainement encore jamais entendue. Cette histoire, c’est celle de son petit frère noir. Bienvenue dans ce monde cruel, et plein d’injustices et de dangers… Il voudrait que la chance soit à ses côtés et que jamais elle ne le lâche. Lui, il va prendre soin u nouveau-né, veiller à sa sécurité… Et lorsqu’il saura marcher, le chat le suivra comme son ombre. Mary-Emma et Henry Cleveland Owens avaient beaucoup d’enfants. Le dixième, le plus jeune s’appelait James, surnommé Jesse. Dans la cour de la famille Owens, on n’entend que les éclats de rire joyeux des enfants. Les parents n’en reviennent pas : Jesse n’a que cinq mois et il sait déjà marcher. Un matin, alors que le bambin est resté tout seul à la maison, il se retrouve soudain face à face avec… un monstre !!! Qui aurait pu prédire que Jesse aurait peur d’un campagnol ? Si peur qu’il va se coucher sous le lit, il y reste jusqu’au soir, lorsque son père lui vient en aide. Un autre jour, le grand jar Auguste se pavane tel un empereur régnant souverainement sur toute la cour. Personne ne sait avec certitude pourquoi Jesse se retrouve tout en haut de la liste noire d’Auguste. Le fait est qu’Auguste est perpétuellement après lui et le pourchasse partout… jusque dans la cabane au fond de la cour, servant de toilettes. Il n’y a aucun lieu sûr ou Jesse peut trouver refuge. Mais l’enfant apprend bien vite que la peur fait bouger ses jambes d’une manière incroyablement rapide. Ainsi, il distance Auguste, et il va se réfugier dans l’espace existant sous les planches formant la terrasse de la cabane. Dans le même temps, le chat, installé dans le rockingchair avec son banjo, incite Jesse à courir, courir le plus vite qu’il peut car bien d’autres dangers le poursuivront bientôt. Par une étouffante après-midi d’été, alors que Jesse n’a que cinq ans, il est assis sur les marches permettant d’accéder à la terrasse. Sans que rien n’annonce le danger, un serpent vient soudain le mordre par derrière au mollet droit. Quand il rentre le soir, le père ne trouve personne pour expliquer pour quelle raison l’enfant gît inanimé sur le sol. Même le médecin du village ne peut établir un diagnostic précis. Les parents couchent l’enfant dans son lit, personne n’imaginant qu’il passera la nuit. Invisible de tous, la mort approche pendant la nuit, mais le chat la lacère jusqu’à ce qu’elle reparte, puis il aspire le venin dans le mollet. Jesse reprend connaissance et il peut voir le chat qui se présente : il se nomme Essej Snewo. Les parents entrent dans la chambre et trouvent leur enfant conscient : ils estiment qu’il s’agit d’un miracle. Ils ne voient pas Essej. Une couverture impressionnante pour son pouvoir évocateur : le jeune garçon qui court, promis à un avenir olympique, la tenue du Ku Klux Klan comme épouvantail, les champs de coton, de nombreux esclaves et un maître, et un autre épouvantail à l’effigie d’Adolf Hitler. Le lecteur retrouve cette même beauté dans les dessins des pages intérieures, chaque case étant une illustration soignée. Cela devient une évidence lorsqu’il découvre une illustration en double, pages seize et dix-sept : un panoramique très large, avec en premier plan et second plan des dizaines d’exclaves en train de travailler dans des champs de coton. Le lecteur commence par assimiler l’image dans sa globalité, avec un troisième plan consacré à deux énormes bateaux à aube aux cheminées noires fumantes, et en arrière-plan des collines, puis encore des montagnes. Curieux, il regarde des groupes d’esclaves, puis certains un par un : chacun est occupé à une tâche propre qui s’additionne pour donner une image globale entre les cueilleurs (y compris des enfants), des personnes portant de lourds paniers, les chevaux tirant de grandes remorques pour les acheminer vers la baie de chargement d’un deux bateaux, les balles déjà à quai, les chemins de circulation s’adaptant au relief, les maitres à cheval avec leur fusil, etc. Quel tableau ! Ainsi éveillé, le regard du lecteur prend le temps de savourer des illustrations magnifiques et marquantes : la tornade qui soulève une grande cabane en bois dans un dessin en pleine page, la tornade qui détruit un bateau avec roue à aube dans un large panoramique occupant deux tiers de la hauteur sur la largeur de deux pages en vis-à-vis, le dessin en double page à couper le souffle montrant un viaduc ferroviaire en bois, une dizaine d’éléphants en équilibre les uns sur les autres dans un numéro de cirque exceptionnel (dessin en pleine page), les athlètes étatsuniens embarquant sur le paquebot transatlantique Manhattan (dessin en pleine page), une rue du Bronx (vue du ciel en oblique dans une illustration en double page). En réalité, chaque planche est un festin visuel roboratif. À raison d’un exemple par page : la vue du ciel en oblique sur la cabane de nuit, le chat en train de jouer du banjo sur les trois marches menant à la terrasse, la pose de groupe des parents Owens avec huit enfants dont six juchés sur le dos d’un âne, le campagnol pourchassant le tout petit Jesse dans la pièce principale, le jar Auguste s’en prenant à Jesse assis sur les cabinets, les deux parents consternés laissant leur fils sur son lit sans espoir de le retrouver vivant le lendemain, le chat griffant la Mort, etc. Le degré d’investissement de l’artiste dans chaque case de chaque planche emporte le lecteur, qui ressent l’importance du récit pour son auteur, pour qu’il s’y soit autant impliqué. Dans le même temps, l’artiste sait raconter une histoire par des séquences visuelles, chaque planche étant bien plus qu’une collection de superbes images. Après avoir été poursuivi par le jar, ce pauvre Jesse se fait courser par le bouc. Dans une planche irrésistible de cinq cases, le lecteur sourit devant la tête du bouc, son expression et le morceau de jean accroché à sa corne gauche, puis Jesse caché derrière le puits, ensuite à l’abri sous la carriole, l’image improbable du chat faisant tournoyer un lasso, et enfin le chat sur le dos du bouc se cabrant comme au rodéo. En page trente-trois, c’est une nuée de sauterelles qui ravage tout en quatre cases de la largeur de la page : une scène terrifiante dans leur efficacité, accablante dans la dernière case où il ne reste rien des champs. L’artiste aime bien les grandes cases, et il sait aussi raconter avec des structures de pages conçues sur mesure en fonction de la séquence. Celle relative à la qualification au saut en longueur et à la médaille olympique aux deux cents mètres repose sur un découpage à l’échelle des deux planches en vis-à-vis, trois bandes panoramiques contenant chacune trois cases, la première et la dernière étant de taille identique, et celle milieu s’étalant sur la page de gauche et celle de droite. Une composition identique pour les trois cases, une idée visuelle très intelligente pour rendre compte du point de départ, puis de la course de Jesse Owens, puis de la réaction de Hitler. Décidément, tous les malheurs du monde s’acharnent sur le pauvre Jesse Owens. Le lecteur part avec l’a priori d’une biographie factuelle sur l’un de plus grands champions olympiques du monde. Il apprécie l’idée d’un chat anthropomorphe (tout en conservant sa taille de gros chat), bluesman et narrateur omniscient, qui apporte un commentaire avec du recul sur ce que vit le futur champion. Il comprend qu’il faut y voir un dispositif narratif qui amène des métaphores, une version imagée de la réalité, par exemple quand le chat aspire le venin du serpent. Il se trouve un peu surpris par cette anecdote pour les cinq moins du bébé : étonnant que de tels détails aient survécu au passage des décennies. En fonction de sa capacité d’acceptation, il tique aussi un peu en découvrant que Nat King Cole (1919-1975) et Louis Armstrong (1901-1971) étaient présents au mariage de Jesse Owens. Encore plus fort : une version inédite de l’incendie du zeppelin LZ 129 Hindenburg qui chute sur le stade de Berlin en 1936, ou la coïncidence des causes du décès de Jesse. Une petite vérification en ligne permet de rectifier les faits. Le lecteur comprend alors que le récit amalgame à la fois une reconstitution biographique factuelle et une licence artistique relevant du conte, sensibilité de genre littéraire incarnée dans ce chat Essej Snewo. Il devient alors patent que l’auteur a choisi de rendre apparentes les conditions de vie pour les afro-américains au travers de son personnage. Le ton gentil et tout public de Essej Snewo permet d’intégrer Jesse Owens aux grandes forces systémiques accablant les citoyens de couleur noire. Et c’est ignoble et monstrueux. Sont ainsi mis en scène : l’esclavage et la cruauté des maîtres traitant les Noirs avec une cruauté pire que s’ils étaient des animaux, le règne de terreur du Ku Klux Klan avec massacres, ravages et lynchages, la ségrégation sous toutes ses formes, y compris après le retour du quadruple médaillé aux jeux olympiques, qui ne peut pas accéder aux hôtels de luxe du fait de sa couleur de peau, le fait que le président Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) ne le remercie pas à son retour, alors qu’il remercie les athlètes blancs. Dans le même temps, la forme de conte constitue une manière de mettre en scène une époque : les bateaux à roue à aube sur le Mississipi, la tornade en Alabama, le blues, la nuée de sauterelles, les prisonniers noirs pour les chaingangs (groupe de prisonniers enchaînés ensemble et contraints d'effectuer des travaux pénibles), les trains de marchandise interminables et les hobos (vagabonds ferroviaires), le pont ferroviaire en bois, les logs (troncs d’arbre acheminés par le fleuve), le football américain, les cirques gigantesques, le métro à Cleveland (construit en 1913), les poutrelles des gratte-ciels, le linge aux fenêtres d’un immeuble à l’autre, la mafia dans le quartier italien et les règlements de compte, les majorettes (Pom-pom girls), le jazz, une parade (ticker-tape parade) à New York avec les bandelettes de papier, etc. Ce récit foisonne d’éléments, comme encore la relation avec le règne animal et son symbolisme (campagnol, jar, serpent, bouc, sauterelles, bisons, putois, éléphants, tigre), ou aussi l’évocation du troisième Reich et sa théorie de la suprématie de la race aryenne, avec Joseph Goebbels (1897-1945), Albert Speer (1905-1981) architecte, Adolf Hitler (1889-1945), Leni Riefenstahl (1902-2003) en train de tourner Les dieux du stade (1938, Olympia). Il faut peut-être un peu de temps pour que le lecteur s’adapte au parti pris de l’auteur, un récit entre biographie factuelle et conte. Il tombe immédiatement sous le charme de la narration visuelle, à la fois des dessins s’apparentant souvent à des illustrations magnifiques, à la fois dans les plans de prise de vue et les découpages. Il découvre le parcours de l’athlète, mis dans le contexte de l’oppression systémique s’exerçant sur les afro-américains. Splendide.

02/08/2025 (modifier)
Par Josq
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Sherlock Holmes contre Arsène Lupin
Sherlock Holmes contre Arsène Lupin

Je ne m'attendais pas forcément à grand-chose en ouvrant ce qui m'apparaissait comme une bande dessinée que je qualifierais de "facile". Et pourtant, quelle jolie surprise ! On est bien dans les standards du genre, et la facilité reste bien présente : on prend deux noms ultra-connus, on imagine un récit tirant vers le buddy movie tournant autour d'un artefact mystérieux et un peu mystique, et emballe tout ça dans un univers réaliste aux tonalités presque steampunk (sans y entrer totalement). Il n'y a là que du très connu, et avouons que Denis-Pierre Filippi ne s'éloigne jamais trop loin des sentiers battus. Mais je dois reconnaître qu'il sait nous offrir une variation qui, sans rien réinventer, nous balade plus qu'agréablement dans un univers plaisant. Le récit tient debout, et surtout, Filippi a fourni un très bel effort pour nous offrir un pastiche digne de ce nom. Ainsi, le pouvoir de déduction de Holmes est tout entier, et il nous offre avec Lupin quelques échanges particulièrement jouissifs. Le scénario fait la part belle aux particularités de ces deux héros (ainsi que de l'envahissant Mycroft Holmes), et on prend largement plaisir à alterner entre la rigueur déductive de Holmes et la chance insolente de Lupin (même si ce dernier n'a pas l'air mauvais non plus pour la déduction !). Les dialogues sont travaillés pour être vraiment élégants, mais ils le sont parfois presque trop. Certaines tournures un peu ampoulées ou le plaisir de faire durer une joute oratoire un peu trop longtemps ont tendance à alourdir la narration. Cela dit, le dessin de Roger Vidal est vraiment somptueux et d'une très grande clarté. Il rend certaines scènes d'action muettes avec une limpidité exemplaire, notamment une séquence sous-marine assez impressionnante. Il a l'élégance qui convient au récit et aux personnages, avec une touche de modernité pas déplaisante. A l'image d'une bande dessinée fort agréable à lire, qui n'invente pas l'eau chaude, mais ne prétend pas le faire, et se contente de mener son récit avec beaucoup de rigueur et de finesse. Croisons les doigts pour que le premier tome se vende bien pour avoir le droit à des suites qu'on espère au même niveau !

01/08/2025 (modifier)
Couverture de la série Antarctica
Antarctica

Dès les premières pages j'ai été laissé de côté par cette histoire, et jamais par la suite je ne suis vraiment entré, le côté aventures historiques - par ailleurs peu ou mal présenté - ne compensant pas les défauts qui m'ont gêné. Le point le plus réussi est le dessin. Un style classique et réaliste, sans doute un peu trop figé, mais globalement agréable. Dans le deuxième tome Keller tente par deux fois de varier les cadrages mais ses vues de haut en contre plongée sont brutales et se justifient moyennement. Mais bon, le dessin est plaisant. Par contre l'intrigue est clairement décevante. Le cœur de celle-ci tourne autour du duel entre Admunsen et Scott pour la conquête du pôle sud en 1910-1911. Même si plusieurs séries ont récemment traité du sujet, je pense que l'intrigue aurait dû se focaliser dessus, quitte à élagueur le tout sur deux albums maximum (car il y a des longueurs, ça s'étire trop). Arrivons donc à ce qui m'a gêné. Le fait de situer Cancale en Normandie (l'erreur n'est corrigée que dans le dernier tome) fait tiquer (personne, de l'auteur à l'éditeur ne se relit ???). Mais surtout l'histoire d'amour entre Maureen et Knut, qui parasite inutilement l'intrigue, multiplie les facilités ridicules (le drame séparant brutalement les amoureux sent le prétexte improbable, et les divagations des deux entre les deux expéditions en pleine tempête antarctique dépassent allègrement les limites du crédible). Et dès le départ, des dialogues, pensées mievres plombent cet aspect inutile et raté de l'intrigue. Bref, une lecture laborieuse, sans passion, qui sera vite oubliée je pense.

01/08/2025 (modifier)
Par PatrikGC
Note: 3/5
Couverture de la série Le Roi Louve
Le Roi Louve

Je ne vais pas trop répéter ce qu'ont déjà écrit mes devanciers. Donc je vais faire assez court. Le graphisme est plutôt bon, le scénario aussi. Bref, tout pour plaire. L'univers est assez original, avec des personnages pas trop prototypés et pas trop lassants, ils sont même délassants :) Ça se laisse lire sans problème, en se disant qu'on aura droit vers la fin à quelques explications sur divers points de détail. Mais voilà, le hic, c'est la fin. Il y avait de quoi ajouter sans trop de lassitude des albums supplémentaires (au moins un, sans souci, voire deux), mais visiblement, il a fallu ''conclure'' à partir du milieu du 3ème album, sans doute suite à des retours de vente pas conformes aux attentes de l'éditeur. Bon, il y a une fin assez ouverte, qui peut laisser présager une reprise de cette série plus tard. Mais divers points restent flous, ou expédiés en un claquement de doigt. Résumons : c'était assez bien parti, aussi bien côté personnages qu'ambiance. Et paf, une fin précipitée, mais qui arrive quand même à conclure pas mal de choses. Mais on sent la précipitation. Je réduis à 3 étoiles à cause de la fin frustrante...

01/08/2025 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
Couverture de la série Le Club des divorcés
Le Club des divorcés

Le Club des Divorcés est un petit établissement d’hôtesses situé dans le Ginza des années 70. À sa tête, Yukô, une jeune femme de 25 ans, fraîchement divorcée, qui gère le lieu avec un barman (également videur à l’occasion) et deux ou trois jeunes hôtesses. Yukô est à la fois patronne, hôtesse, confidente et figure d’autorité respectée. Mais ce rôle de repère moral qu’elle incarne pour ses clientes et ses collègues, elle est incapable de le tenir avec sa propre fille de trois ans, confiée à sa grand-mère et qui lui reproche obstinément d’avoir quitté son père, pianiste alcoolique et raté. Yukô tente de rester droite face à tout : un ex-mari envahissant, une fille qu’elle ne voit pas assez, un club qui peine à survivre dans une économie en crise, et ses propres doutes sentimentaux. Une maturité acquise à la dure, et à un âge bien trop jeune. Je l’ai lu sans rien en attendre, pensant tomber sur un drame conjugal à la mode des années 70/80, pesant et poseur. Ce n’est pas le cas. Le manga repose sur des chapitres courts, plutôt bien construits, ancrés dans une époque marquée (graphiquement et socialement) mais avec une narration fluide et des personnages intéressants. J’ai éprouvé plus d’empathie pour le jeune barman, honnête et touchant, que pour Yukô, plus difficile à cerner mais de loin la figure la plus forte. Elle porte en elle une forme de douleur rentrée, sous un masque impeccable de dame japonaise digne. Elle n’est ni une bonne mère, ni une bonne épouse, mais c’est précisément là que réside tout l’intérêt du récit : montrer une femme en dehors des normes, indépendante, libre, complexe, assumant ses choix sans les brandir. En creux, le manga dresse aussi un tableau d’un Japon des années 70 qui me parle peu. Les clubs sans fenêtres où des hommes libidineux ou paumés viennent boire et peloter des hôtesses me paraissent aujourd’hui datés et glauques. Le traitement de ces hôtesses est d’ailleurs intéressant, à la lisière de la prostitution sans jamais tomber dans le jugement. Le ton général est sombre, parfois trop pour moi, notamment cette insistance sur le suicide, presque perçu comme une option courante. On voudrait voir Yukô ou les autres s’en sortir, mais ce n’est pas la logique du gekiga : on est dans un réalisme amer, juste, mais pas réconfortant. La fin du manga, d’ailleurs, est crédible mais mélancolique, à l’image du reste. Je n’ai pas pris un plaisir constant à cette lecture, mais j’en garde l’intérêt d’un témoignage social lucide et d’un bon portrait de femme : forte, fière, libre, mais brisée par endroits.

01/08/2025 (modifier)