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Couverture de la série La Patrie des frères Werner
La Patrie des frères Werner

La Patrie des frères Werner est une fiction qui s’enchâsse dans le fil de l’Histoire avec une telle plausibilité que je me suis longuement demandé où s’arrêtaient les faits véridiques et où commençaient les faits inventés. Le match au centre du récit a bien entendu eu lieu et, dans le dossier fouillé offert en fin d’album, plusieurs faits évoqués sont reprécisés (dont une malle qui devait permettre de rapatrier en toute discrétion tout Est-Allemand candidat à la fuite vers l’Ouest vers sa mère patrie). Par contre, ces frères et leur destin sont pures fictions. Et découvrir ce fait m’a finalement quelque peu frustré tant j’ai aimé leur histoire. Ceci dit ! Ceci dit, j’ai adoré ma lecture. L’aspect historique et le contexte politique et sportif, déjà, font partie des sujets qui naturellement m’attirent. Ensuite vient la relation entre ces deux frères, l’endoctrinement, les convictions, les aspirations –soit ce qui doucement va les séparer- les épreuves traversées ensemble, la solidarité, le soutien fraternel –soit ce qui les lie par-dessus tout- sont autant d’éléments qui nourrissent ce récit, rendant cette relation forte et poignante. Et comme j’ai bien aimé le dessin (personnages bien typés, décors riches et soignés, lisibilité jamais prise en défaut) et sa colorisation monochrome (qui simplifie encore la lisibilité de l’album), je ressors de ma lecture ravi. Il s’agit donc à mes yeux d’un très bon récit où les sentiments fraternels qui unissent les frères Werner s’opposent à leurs convictions idéologiques, reflet de ces deux Allemagnes de 1974, frères ennemis d’une coupe du monde historique.

08/06/2021 (modifier)
Par Ubrald
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Brooklyn Dreams
Brooklyn Dreams

C’est typiquement le genre de roman graphique que j’affectionne tant en termes de contenu que de dessin. J’ai tout d’abord savouré la façon dont John Marc DeMatteis introduit son témoignage autobiographique, en philosophant sur le degré limité de vérité que nous réussissons à transmettre, notre perception humaine étant imparfaite. Une fois cette précaution liminaire prise, il se lance dans un récit introspectif, frisant parfois la psychanalyse, pas une démarche purement mentale, mais quelque chose de beaucoup plus vivant, de son enfance jusqu’à son année de terminale. C’est admirablement réalisé, via la superposition de 2 codes graphiques distincts, d’une part un narrateur adulte crayonné ou en aquarelle sombre quelque peu brumeuse, et d’autre part un dessin plus classique ligne claire représentant son enfance, sa vie qui défile. Ces 2 frises s’enchevêtrent de façon subtile et pertinente, l’adulte portant un regard que l’on ressent compréhensif, bienveillant, sur le jeune en souffrance qu’il était alors. L’adulte est d’ailleurs parfois seul dans le noir, assis ou dans une posture pouvant suggérer qu’il est en train de suivre une psychanalyse. J’ai adoré la profondeur et la richesse de cette histoire : toute l’évolution psychique du jeune John Marc DeMatteis, de par les cahots de sa vie, ses expériences notamment psychotropes, ses passions solitaires, ses rencontres déterminantes, ses premiers émois amoureux puis surtout son questionnement mystique et existentiel. Il évoque aussi les 15 années qu’il lui a fallu pour guérir ses souffrances intérieures, ce qui pourrait faire l’objet d’un nouveau roman graphique. Niveau dessin, c’est un superbe noir & blanc, il y a du Eisner dans la façon dont Glenn Barr croque les travers familiaux, c’est jubilatoire, cela m’a rappelé Affaires de famille (Une affaire de famille). Son dessin me fait aussi penser à l’argentin Eduardo Risso, que j’apprécie beaucoup, notamment pour la réalisation de la couverture. J’espère ardemment que l’auteur nous offrira une suite à ce premier opus !

06/06/2021 (modifier)
Par Titanick
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Urgence climatique
Urgence climatique

Que voilà un excellent documentaire sur le sujet. Tout d'abord très agréable à lire, pas lourdingue pour deux sous malgré le sujet, avec une mise en page aérée et colorée. Ceux qui connaissent Lécroart savent ses talents de raconteur et d'illustrateur, tout cela est bel et bien fait. Maintenant sur les tenants et aboutissants de ce dérèglement climatique qui nous concerne tous, il s'est adjoint un mathématicien spécialiste du chaos et de l'économique (qui, soit dit en passant, a inspiré le personnage du Dr Malcolm de Jurassik park). Les auteurs ont entamé l'ouvrage en 2020, ce qui permet d'avoir des données récentes par rapport aux autres bds traitant du sujet, je pense forcément au non moins excellent Saison brune qui n'a que l'inconvénient de dater d'avant Fukushima. Un choix que j'ai grandement apprécié dans ce documentaire, c'est de ne finalement s'attarder que peu sur la « technique » du dérèglement climatique, ainsi que sur ses conséquences physiques. Ces sujets sont maintenant suffisamment évoqués par divers médias, des reportages télé (bon, ça dépend sur quelles chaînes) pour que tout un chacun puisse connaître à peu près ce qui se passe déjà et ce qui nous attend. Là, on a une approche bien historique de l'économie mondialisée. Bien sûr, ce commerce mondial ne date pas d'hier mais l'ouvrage montre bien l'évolution parallèle du commerce, de l'industrie, de la finance et de ce qu'il faut bien appeler le capitalisme effréné. On voit bien ce mouvement qui a conduit à la situation actuelle, mais ce n'est pas manichéen. Les auteurs évoquent bien sûr le progrès que cette progression du commerce a engendré, sur le plan sanitaire (sauf Covid évidemment), sur le confort obtenu dans les pays riches …. au prix bien sûr d'une dépendance de plus en plus forte aux énergies fossiles. Je ne suis nullement une férue de finance et parfois je peine dans les émissions sur l'économie politique à vraiment comprendre le fond des choses. J'ai eu droit ici à un cours que j'ai trouvé extrêmement bien fait. Je n'avais nullement imaginé l'impact des guerres mondiales sur l'essor, post conflit, des industries au XXe siècle par exemple. Les auteurs montrent bien également les freins à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, que ce soit de par notre mode de vie, nos politiques toujours soumises aux impératifs économiques, la publicité, et l'agriculture conventionnelle qui n'est pas épargnée. C'était passionnant, je le relirai. J'ai déjà promis à mon bibliothécaire municipal que je lui prêterai pour qu'il en commande un et le diffuse au maximum. Le seul petit regret que je pourrai avoir : les chiffres et statistiques donnés ne sont pas sourcés directement sur la page concernée, toutes les sources scientifiques sont regroupées en fin d'album, certes ça a le mérite d'aérer la mise en page mais on retrouve moins facilement d'où vient quoi. Je n'ai pas l'habitude de mettre 5 étoiles, « culte » c'est énorme. Mais là, je ne peux pas faire autrement. Donc culte.

26/05/2021 (modifier)
Couverture de la série Le Loup des Mers
Le Loup des Mers

Qu'est-ce qui fait qu'une lecture est remarquable ? Un certain nombre de critères, sans doute. En l'occurrence, quand une lecture a marqué son lecteur et qu'il y pense toujours après quelques temps, quand il se dit que, quand même, il y a dans cette histoire de la richesse, de la matière et ce même si elle n'est pas forcément facile d'accès, quand, ayant lu ce livre il se dit que oui, il va vouloir le relire, et quand l'ayant emprunté il se dit que oui, il va l'acheter, alors sans doute peut-on considérer que cette lecture a été remarquable. Pourtant je ne savais pas à quoi m'attendre. Les ambiances colorées assez monochromatiques par chapitre m'ont tout de suite plu. Le dessin aussi, fin, précis, soigné, avec des personnages ayant de vraies gueules. Même si j'ai plus loin été un peu déçu quand pour les têtes des personnages il devenait plus doux et moins réaliste, j'ai été époustouflé par les scène marines de toute beauté, avec ce bateau aux prises avec les vagues rageuses. Mais ce qui est le plus marquant pour moi, c'est bien sûr le personnage de Loup Larsen. Terrifiant, détestable, insaisissable. Capitaine despote s'arrogeant le droit de vie, de mort et de souffrance sur son équipage, embarquer sur son navire revient à entrer dans un enfer sur mer. Personnage d'une brutalité sans nom, représenté comme une bête sauvage ou un démon ou encore un titan, manipulateur, il s'avérera pourtant cultivé, presqu'autant que Humphrey Van Weyden. Et ce point est très intéressant, car d'abord perçu comme une brute par nature, Loup Larsen se révèle une brute par choix. Désabusé, nihiliste. On aura donc non seulement une dichotomie sur la civilisation et la domination par la force - la loi de la nature - mais aussi et peut-être surtout sur la moralité ou son absence, l'amoralité. Humphrey et le capitaine semblent d'abord être aussi éloignés l'un de l'autre qu'il est possible de l'être. Pourtant ils seront étroitement liés, et Humphrey sera fortement influencé par le capitaine. Personnage poli, civilisé et pour tout dire intellectuel bourgeois imbu de lui-même, il ne sortira de cette histoire qu'en portant la marque indélébile de ce capitaine. Vous ferez peut-être quelque chose de votre vie finalement ! Déjà vous commencez à marcher par vous-même, lui dit d'ailleurs ce dernier. En refermant ce livre aux ambiances fortes, au discours brutal et implacable, aux idées sombres et violentes, j'ai vraiment eu le sentiment d'une lecture riche et marquante. C'est donc avec grand plaisir que je l'ai choisi pour mon 1000ème avis.

20/05/2021 (modifier)
Par DamBDfan
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série La Fée Assassine
La Fée Assassine

Oh le bel ouvrage tout en délicatesse que voilà. Enfin "délicatesse", il faut le dire vite car cette histoire va faire preuve d'une violence assez inouïe mais je n'en dirai pas plus... J'entends par "délicatesse", la façon dont est racontée l'histoire tout en subtilité et surtout la beauté du trait d'Olivier Grenson ainsi que sa manière de représenter ses personnages. J'aime m'attarder sur leurs gestes, leurs regards expressifs, touchants parfois terrifiants suivant les circonstances et leurs postures justes qui communiquent beaucoup de choses en ce qui me concerne. Je ressens cela aussi avec le style de Servais, c'est ainsi, question de sensibilité personnelle sans doute. Grenson avait déjà fleurté avec le drame psychologique dans La Femme accident parue au éditions Dupuis en 2008 et il récidive ici en compagnie de son épouse Sylvie Roge dont c'est la première bande dessinée. Pour une première, c'est assez réussi, la lecture se fait sans accroc, la mise en scène est soignée, claire et la tension dramatique monte de plusieurs crans au fil de la lecture. Celle-ci est fort attractive, on apprend à connaître doucement les divers protagonistes, on se prend d'affection pour eux, particulièrement ces deux soeurs jumelles qui paraissent si réelles et on se dit que cette histoire a déjà dû exister de par le monde. Il suffit de voir les faits divers dramatiques du quotidien. Par ailleurs, les thèmes abordés sont vastes et finement élaborés, il est question de l'enfance, de l'amour fraternel, du rejet parental avec toutes les frustrations qui en découlent... les choses de la vie en somme. Ce n'est pas un énième récit larmoyant, cela va plus loin et les auteurs évitent la caricature qu'on peut parfois rencontrer dans le style "drame social". Coup de cœur pour moi car la fin possède une belle force émotionnelle.

15/05/2021 (modifier)
Par Gaendoul
Note: 5/5
Couverture de la série Maus
Maus

J'ai rarement été aussi pris par une bd. J'ai lu l'intégrale sans m'arrêter. Ce qui fait véritablement la force de ce récit, outre le fait que ce soit une histoire vraie, c'est la dualité entre l'époque "actuelle" et les récits de la guerre et des camps. C'est cela qui nous fait entrer dans la réalité de la chose et non comme une vague histoire racontée. Les personnages paraissent réels car ils le sont et cela donne un impact rarement atteint dans une bd. De plus, les personnages sont dépeints avec leurs défauts et leurs qualités. Rien ne semble avoir été ommis et l'auteur s'écorche lui-même en se montrant s'énervant ou déprimé. Ca ne fait que renforcer cette sensation de "retranscription" plutôt que de récit qui donne sa force à l'oeuvre. Je ne mets pas de coup de coeur, car je ne peux décemment pas avoir de coup de coeur pour une histoire à propos du massacre de millions d'innocents. Mais cette oeuvre est définitivement culte et mérite assurément d'être lue par tout un chacun. Et elle devrait, selon moi, également trouver sa place dans l'éducation, aux côtés du Journal d'Anne Frank (l'original, pas la BD de Soleil...).

03/05/2021 (modifier)
Par JAMES RED
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
Couverture de la série Les Amants d'Hérouville - Une histoire vraie
Les Amants d'Hérouville - Une histoire vraie

Comme l'a dit le posteur précédent, Delcourt publie un roman graphique qui sera sans nul doute un des albums de l'année. Ce livre évoque le destin tragique de Michel Magne musicien prolifique des années 60-70, souvent novateur dans son travail et parfois génie incompris. Je dois bien dire que je connaissais mal Michel Magne ; de lui, je connaissais surtout ses compositions des musiques de films pour Jean Yanne, ou encore celle des tontons flingueurs. Cela n'est qu'une infime partie de son œuvre car il a fait d'innombrables choses dans des domaines assez variés (il suffit de voir à la fin du livre le nombre de ses œuvres et de ses collaborations). Les auteurs Yann Le Quellec au scénario et Romain Ronzeau au dessin s'intéressent surtout à l'histoire du château d'Hérouville qui servit de salle d'enregistrement à des groupes aussi mythiques que Canned Heat, Magma, T Rex ou encore à des chanteurs solo comme David Bowie ou Eddy Mitchell. Le château, acheté par Michel Magne en 1962, d'abord destiné à des événements festifs devient réellement un grand studio d'enregistrement en 1969 après l'incendie qu'il a connu. Les auteurs montrent toute la démesure de Michel Magne qui dépense sans compter achetant les meilleures bouteilles pour ses convives et qui se retrouve vite en difficulté financière ainsi que sa relation tumultueuse avec sa compagne Marie-Claude beaucoup plus jeune que lui. L'album est comme constitué de chapitres entrecoupés par des entractes biographiques évoquant la vie et la carrière de Magne avant 1969 où alternent des pages illustrées quasi en roman-photo et des illustrations de l'auteur. Cela a parfois tendance à alourdir la narration. Le trait de Ronzeau est assez intéressant et traduit bien le côté bouillonnant de la vie qui se déroule au Château (qui fut -Magne ne cessant de le rappeler-un endroit que fréquentèrent Chopin et Sand). Le château est donc un élément essentiel de l'histoire ; l'on y croise un certain nombre de groupes et de pop-stars de l'époque. Il faut quand même avoir une bonne connaissance de ces années et cela fera quand même plus d'effets à un nostalgique des années 70. Le concert des Grateful Dead au château est un morceau d'anthologie, avec -histoire vraie- des policiers chargés de la sécurité sous LSD. La relation de couple entre Michel Magne et Marie-Claude sert aussi de fil narratif. Les auteurs ont d'ailleurs eu les confidences de Marie-Claude, comme nous pouvons le voir à la fin de l'ouvrage. Elle montre le côté sombre de Michel Magne car comme souvent les histoires d'amour finissent mal. On apprend donc beaucoup sur cette époque et sur ce compositeur un peu oublié et cela vaut clairement l'achat pour des passionnés d'une période beaucoup plus insouciante que celle d'aujourd'hui.

30/04/2021 (modifier)
Par canarde
Note: 4/5
Couverture de la série Sur un air de Fado
Sur un air de Fado

Très bonne BD : à recommander. J'avais lu le roman Pereira prétend , et c'est à peu prêt la seule connaissance que j'avais de la période Salazar au Portugal. Je vis par ailleurs dans un petit village où quelques immigrés portugais, anciens ouvriers de la carrière, prennent parfois le soleil sur un banc. Ces deux approches me donnaient un point de vue tragique et mystérieux sur le Portugal de cette époque, et pas forcément adapté à la lecture insouciante d'un beau dimanche de printemps. Pourtant "Sur un air de fado" réussit à marier un coté documentaire historique avec une vraie histoire touchante. Le caractère du héros, le docteur Pais, désinvolte et ironique, rappelle Nestor Burma par ses tendances volages et sa manière aujourd'hui un peu surannée d'allumer une cigarette pour se donner une contenance. (Je vois que Barral a d'ailleurs adapté des Burma "dans l'esprit de Tardi") L'ironie se mélange à la gravité des situations qui le poussent au delà de ses fragiles convictions. La beauté des visages et des paysages, l'espièglerie des mioches, le sordide de la police lazariste, la naïveté des militants démocrates, une fratrie dissymétrique, un ami écrivain et homosexuel... Tous ces ingrédients concourent à la description nuancée, sans pathos, mais avec humanité de la vie sous une dictature arbitraire. Le personnage principal est très bien campé et toute la constellation des liens qu'il entretient avec les autres personnages est abordée par petites touches, avec au besoin, quelques flash-back. Les amours du docteur et ses engagements se créent un chemin entre la pression policière, sa famillle et ses amis. Les dialogues sont très justes. Contrairement à Pereira prétend, nous ne sommes pas dans la tête du héros, nous voyons ses actes, nous entendons sa voix, et le reste : à nous de l'imaginer. Et par dessus tout le dessin et la couleur sont extrêmement séduisants. La lumière du sud nous laisse imaginer le vent du large. Le trait parfois très gras autour des personnages devient très fin dans les paysages, les rues, les trottoirs pavés, les azuléjos, les dégagements vers l'océan. Bref, c'est un souffle d'humanité et de dépaysement.

25/04/2021 (modifier)
Par iannick
Note: 4/5
Couverture de la série Le Voyage des Pères - L'Exode selon Yona
Le Voyage des Pères - L'Exode selon Yona

C’est en souvenir du « Voyage des Pères » premier cycle que j’ai acheté le « L’Exode selon Yona ». En effet, j’y avais bien aimé le style de David Ratte, l’humour employé et les personnages. Au fait, « L’Exode selon Yona » est le prequel du « Voyage des Pères », ça se passe 1500 ans avant JC… justement en plein pendant la période égyptienne et les fameuses « aventures » de Moïse. Bon, sachez cependant que l’histoire est centrée sur Yona, un riche égyptien râleur qui veut épouser une juive afin d’avoir (enfin) des héritiers… et il tombe sur Libi, une (très) jeune et belle femme qui n’a pas sa langue dans la poche… Ce prequel m’est apparu également très humoristique grâce à l’emploi par l’auteur de conversations -que je dirais- très « actuelles ». Et c’est ce gros contraste entre dialogues modernes et la période où se passe cette histoire qui -à mon avis- fait son intérêt principal. A la rigueur, on se passerait bien volontiers des péripéties du peuple juif et de son « sauveur » sauf que ces situations ubuesques nous apportent des moments de franche rigolade (et aussi de tristesse) autour de nos deux protagonistes, du pharaon, de Moïse et toute une flopée de personnages secondaires riches en couleurs. Le graphisme de David Ratte est -à mon avis- parfaitement en adéquation avec son récit. On y a droit à un style à la fois tout en rondeur et en caricature, cela permet de proposer un dessin très agréable à contempler et très expressif. La mise en couleurs de Myriam Lavialle est dans la même lignée que celle du « Voyage des Pères » : les tons employés y sont très plaisants même s’ils sont moins pastels que sur la première série. Mais ce que j’apprécie le plus dans « L’Exode selon Yona », c’est que j’y trouve mon compte d’émotions : bien entendu, le ton y est résolument humoristique ; cependant, certaines scènes sont vraiment touchantes… c’est ce que j’aime découvrir dans une bande dessinée : pouvoir me procurer des sentiments qui oscillent entre le rire et la tristesse, c’est ce que je retiens de ma lecture de « l’Exode selon Yona ». Bien sûr, je vois que des lecteurs me diront que c’est un récit qui s’inspire d’un mythe religieux, ce qui fera hérisser les athées, les autres adeptes de religions plus ou moins éloignées du judaïsme, etc… mais si vous laissez de côté ces considérations religieuses et votre premier degré de "sériosité", il y a de fortes chances que vous passerez un bon moment de lecture en compagnie de ces personnages loufoques et de leurs conversations décalées par rapport au contexte historique de cette époque.

13/04/2021 (modifier)
Couverture de la série Gérard - Cinq années dans les pattes de Depardieu
Gérard - Cinq années dans les pattes de Depardieu

Une BD que j'ai lue plusieurs fois, et surtout que j'ouvre parfois à n'importe quelle page pour m'étonner, rire, réfléchir. J'ai toujours aimé le style de Mathieu Sapin, c'est son style petit bonhomme, on aime ou pas, c'est le même dans ses derniers volumes. Il sait en tous cas comme personne rapporter les détails insignifiants et pourtant tellement instructifs qu'il perçoit avec une grande sagacité. Clairement, avec Gérard il y avait de la matière à exploiter, tandis que dans "le Château", son passage à l'Elysée était très creux. Par contre, les deux BD se répondent puisque Gérard et François se croisent, ce qui est très fun. Gérard Depardieu, je ne suis pas dans son fan club, le personnage lui-même m'avait toujours rebuté (je ne l'apprécie que dans ses rôles comiques). Je dois dire que cette BD m'a permis de comprendre l'engin, c'est stupéfiant ce mélange de raffinement et de grossièreté, sa richesse intérieure, sa souffrance. Loin de tout voyeurisme stupide ou de toute starification, cette BD qui aurait pu s'appeler "dans la peau de Gérard Depardieu", nous fait voir autrement cet être, et tous les êtres humains. On en vient à comprendre toutes les contradictions de Gérard, ses phrases tranchées : on n'en tombe pas d'accord, mais on en comprend l'origine et on la respecte. Imaginez la vie d'un Pascal Brutal qui ne serait pas macho et qui serait tout en sensibilité, (et en puissance 10), et vous avez la vie de Gérard. Pour moi, j'y vois quantité de citations pénétrantes, philosophiques qui font échos avec d'autres lectures, il y a un second sens derrière chaque incongruité. Si vous lisez attentivement, vous apprendrez des détails très importants sur comment survivre dans ces conditions émotionnelles extrêmes, sur la relation aux autres, sur le plaisir. Le plus étonnant, c'est que je n'ai jamais autant prêté une BD à autant de monde, peut-être douze à quinze personnes, là où mon meilleur score devait être de trois prêts. Tout le monde voulait lire Gérard ! La plupart ont bien aimé et une minorité a détesté.

08/04/2021 (modifier)