C'est en voyant passer l'avis de Lodi que je me suis replongé avec plaisir dans mon souvenir de lecture du premier cycle des Eaux de Mortelune. A l'époque, je découvrais un peu l'univers de la BD. Disons que je sortais des Astérix, Scrameustache, Gaston et consors pour entrer dans la BD adulte. Voilà donc que le frangin m'offre le premier tome....
Bref ! Quelle claque ! Je me souviens de cet univers poisseux et décadent qui avait une texture complètement inédite. Tout était inventif à mes yeux d'ado tout neuf. J'aimais aussi le décalage entre la perversion des puissants et la poésie dont faisait preuve Nicolas. Il y avait dans ce personnage l'étincelle de vie qui parlait à ma conscience d'ado poète (pouet).
Je me souviens il y a quelques mois avoir songé à cette BD en me disant qu'elle était totalement dans le ton de notre époque. Le gouvernement Attal se cassait la gueule, Bruno Le Maire en profitait alors pour se barrer en Suisse en laissant une ardoise conséquente, non sans avoir chié un roman dans lequel il faisait état de ses fantasmes beaufs et sodomites. Alors lui, me suis-je dis alors, c'est vraiment le Duc Malik ! Je chie à la gueule des pauvres et je fais mes petites affaires de quéquette à deux balles sur le dos des tondus. Sans vergogne le mec. Et quelques temps plus tard, rebelotte avec ce porc de Larcher qui, avec tant d'autres, vient gerber sur la Justice... On pourrait égrainer la liste, désormais longue comme un jour sans soleil, de ces gestes et paroles de fin d'empire, mais franchement, on dirait la galerie décadente des Eaux de Mortelune, non ?
Du coup, la critique de Lodi m'a donné envie de m'attaquer au second cycle, que je n'ai encore jamais lu. J'ajoute donc ces tomes sur ma déjà très longue PAL !
Bref ! Cette BD fait pour moi figure de classique parmi les classiques, à ranger aux côtés des Passagers du vent, Thorgal (jusqu'au tome 13), Astérix (jusqu'à Astérix chez les Belges), L'Incal, Tintin, Philémon... Ce qui s'appelle un immanquable quoi !
Dans le sud de l'Angleterre, un adolescent nommé James tente de surmonter la mort tragique de sa sœur jumelle. Peu avant sa disparition, elle jurait avoir vu un terrible chien noir rôder autour de leur maison. En cherchant à comprendre ce qu'elle a vu, James découvre que sa petite ville et les collines environnantes sont hantées par d'anciennes légendes : un molosse qui annonce la mort, des disparitions inexpliquées, des esprits qui se manifestent à la tombée du jour. Au fil de son enquête, il comprend que le passé du village et le sien s'entremêlent peu à peu.
En revisitant les classiques du folklore fantomatique anglais, Norm Konyu livre une fable fantastique moderne, à la croisée du roman graphique et de la méditation mélancolique sur le deuil et la mémoire.
Son dessin impose une identité forte. Le trait, précis et anguleux, s'accompagne d'une modernité glacée. Les compositions, d'une rigueur presque architecturale, se parent de teintes douces oscillant entre brumes pastel et gris pluvieux. Par instants, cette esthétique très maîtrisée peut paraître figée, mais elle participe pleinement à l'atmosphère d'étrangeté silencieuse qui enveloppe le récit. Chaque planche respire la solitude et la mélancolie.
Sur le plan narratif, Konyu mise sur la lenteur et la suggestion. Il construit son récit autour d'un fil rouge centré sur James, auquel on finit par s'attacher, entrecoupé de saynètes fantastiques retraçant les événements à l'origine des légendes locales ; équivalents britanniques de la Dame Blanche, du Barghest et d'autres récits tragiques devenus contes fantomatiques à faire frissonner au coin du feu. D'abord ancré dans un réalisme presque intimiste, le récit glisse progressivement vers le surnaturel, comme si la mémoire du lieu refaisait surface. L'histoire entretient le doute : s'agit-il vraiment de fantômes ou d'une mémoire collective refusant de s'éteindre ? Si le rythme mesuré peut désarçonner, le scénario reste limpide, et la montée émotionnelle se déploie avec une belle maîtrise. Sous l'enquête surnaturelle affleurent le deuil, la culpabilité et la transmission, jusqu'à une conclusion où l'émotion atteint pleinement le lecteur.
Downlands n'est pas un récit d'épouvante, mais un poème graphique sur la perte et la survivance des âmes. Une œuvre sensible, élégante et parfois distante, mais qui touche juste par son ton feutré et son imaginaire crépusculaire. Un bel hommage aux mythes ruraux anglais, revisités avec pudeur et modernité.
Tous les tomes, toutes les cases, tout est absolument parfait. Histoire, psychologie, dessin, couleur, dialogue, rythme.
Je m'en vais défendre la seconde partie, tant incomprise !
Elle est le reflet inversé de la première, tout simplement, où l'implacable réalité cauchemardesque dévorait le reste, à commencer par le rêve. Passeur entre les deux monde, qui peut déconcerter, mais est-il de meilleur passeur ? Lovecraft, dont les créatures de rêves-cauchemar sont adaptés à l'impuissance à rêver, et surtout à rêver de façon non destructive, des personnages. Eh oui, même de Nicolas, qui ressuscite le duc Malik, soit un des méchants les plus intéressants de la fiction. Et les bons, dans tout ça ? Aux abonnés absents, mais plus intéressant, il y a un cheminement vers la bonté de certains protagonistes. Et vers le… présent. Voyage spatial et temporel sont discrètement là, et on comprend certaines images du début à la fin. L'origine de tout, par Thomas, est bien venue, l'émancipation des personnages aussi.
Cruauté sans complaisance, morale sans fadaise, cauchemar sans ressassement, rêves entravés, tout pour moi célèbre les noces de la forme et du fond : perfection.
Grand amateur de Christophe Bec, je trouve chez lui autant de séries que j’admire que de séries qui me laissent sur ma faim. Toutefois, je ne m'étais jamais attaqué à ses séries les plus longues, par crainte de m'embarquer dans une trop longue saga dont je ne saurais pas me dépêtrer. Et pourtant, j'ai toujours aimé les premiers tomes de Carthago que j'ai lus il y a maintenant quelques années.
Je viens enfin de découvrir la saga au complet et malgré quelques divagations passagères, qu'est-ce que c'est bon ! Il est vrai que le long récit suivi qui va du tome 1 au tome 10 s'égare régulièrement. A force de multiplier les personnages, les créatures, les lieux, les époques, on perd parfois quelques repères. A ce titre, je regrette un peu que la série ne soit pas restée focalisée sur les mégalodons... Mais une fois accepté que le postulat réel de la série ne se limite pas à la résurgence du mégalodon, mais à quelque chose de beaucoup plus ancré dans le registre de la science-fiction, Carthago fonctionne très bien. On sent que Bec sait (à peu près) où il va, et son histoire se déroule d'une manière assez cohérente. Surtout, passé le tome 10, on sent que Bec a trouvé le moyen de recentrer son histoire et de fluidifier sa narration.
Après un premier diptyque "flashback" sur le père de son héroïne, il emmène enfin à partir du tome 13 sa saga dans des eaux parfaitement inexplorées et inattendues. J'ai l'impression que beaucoup de lecteurs ont lâché la saga avant, et je les comprends un peu, mais s'ils savaient ce qu'ils ratent... En choisissant d'orienter soudain sa saga vers du post-apocalyptique, Christophe Bec lâche enfin les chiens (enfin, les requins) et nous offre un diptyque presque parfait avec les géniaux Abzu est notre seul dieu/Courbée, je me redresse ! Un monde ruiné par l'apocalypse nucléaire, des moines fanatiques qui s'affrontent sur une plateforme pétrolière abandonnée, un mégalodon devenu divinité païenne... Débarrassé de sa multiplicité de lieux et d'époque (ou presque) le récit de ces deux tomes constitue l'apothéose d'une saga qui a enfin trouvé la bonne direction, et qui n'oublie pas de répondre à plusieurs questions qu'on craignait de voir laissées en suspens (même s'il faut aussi faire un détour par le tome 6 de Carthago Adventures pour certaines réponses primordiales).
Alors comment continuer Carthago après ce diptyque aussi réussi ? N'était-ce pas du suicide de lui offrir un dernier diptyque (le tome 16 étant encore à paraître) ? Non, car Christophe Bec a, là encore, trouvé la formule parfaite. On reste dans le post-apocalyptique, mais plus intime, avec un aspect survival, cette fois. Et on sait que Bec excelle dans ce registre... Il nous offre ainsi une bande dessinée de très haut vol avec Au Cœur des ténèbres (et pitié, fais revenir le zmeu dans le tome suivant !!). Ne reste plus qu'à espérer que le 16e (et normalement dernier) tome ne vienne pas briser cet état de grâce !
En tous cas, au gré des divagations de la saga, je craignais de devoir plafonner à 3 étoiles, mais quel plaisir de constater que Christophe Bec a su faire muter sa saga exactement de la bonne manière pour rendre son évolution satisfaisante et l'amener là où on ne l'attendait pas ! Sans compter qu'avec l'excellent Ennio Buffi au dessin, il laisse enfin à son dessinateur quartier libre dans les tomes 13 et 14 pour nous offrir de grandes images (parfois pleine page) qui illustrent enfin la présence des mégalodons avec toute leur puissance.
Bref, voilà indéniablement une saga qui n'aura pas toujours su aller droit au but, mais qui semble achever sa carrière d'une manière presque parfaite. On croise les doigts pour la fin !
3.5
Un bon album qui raconte la première fois qu'une femme s'est rebellé contre le système d'Hollywood et a essayer d'obtenir justice face aux hommes qui l'ont violés.
C'est encore un récit écœurant, mais nécessaire pour dénoncer les injustices de la société. C'est triste de voir à quel point la société a peu évoluer pendant des décennies. Cela se passe dans les années 30 et tout ce que subit la pauvre Patricia Douglas ne m'a pas du tout surpris et la soi-disant justice est cousue de fil blanc. Même si l'album est globalement bon, il y a quelques éléments qui m'ont fait levé les sourcils. Je trouve que le comportement de la mère de Douglas est pas clair, en tout cas je n'ai pas trop bien compris pourquoi elle garde l'argent que la MGM a donné pour que sa fille la ferme alors que l'avocat avait dit rendre l'argent. Ensuite, parfois il y avait des mots qui me semblaient anachroniques. Il y avait vraiment des gens qui disaient pédocriminalité ou culture du viol dans les années 30 ? Je n'aime pas trop lorsque dans un récit se passant dans le passé les personnages parlent comme des gens modernes.
Le dessin est très bon et l'auteur sait comment dessiner une scène de viol sans tomber dans un truc salasse. Le seul problème est que parfois l'ordre des cases à lire n'était pas très clair. C'est bien de s'amuser avec la mise en scène, mais il ne faudrait pas oublier le lecteur.
Silent Jenny de Mathieu Bablet est une bande dessinée fascinante qui réussit à combiner science-fiction, tension et réflexion humaine. L’histoire suit Jenny dans un monde post-apocalyptique où les abeilles ont disparu et où la survie de l’humanité repose sur des cités mobiles et des technologies complexes. L’univers évoque immédiatement des ambiances connues : le désert et la lutte pour la survie rappellent Mad Max, la poésie et la contemplation de la nature font penser à Nausicaa, tandis que les séquences de voyage solitaire et de reconstruction du monde évoquent Death Stranding.
Les dialogues sont bien choisis, donnant du rythme et révélant les relations entre les personnages sans jamais alourdir l’histoire. Ils viennent ponctuer des moments plus contemplatifs, où le silence et les images seules suffisent à transmettre l’émotion. Chaque plan est pensé avec précision : les décors sont grandioses et détaillés, et les couleurs contribuent à rendre l’univers à la fois désolé et poétique. J’ai particulièrement aimé la référence à Akira sur la planche page 32.
Jenny est un personnage attachant et complexe, dont les doutes et les espoirs se reflètent dans ses actions. Son parcours nous fait ressentir à la fois la fragilité et la résilience humaines, dans un monde où la nature et l’humanité semblent sur le point de se perdre. Les « monades », ces vaisseaux-villages motorisés, font quant à elles penser au Château ambulant, ajoutant une dimension presque féérique à ce monde mécanique et désolé. Malgré la gravité de la situation, Bablet réussit à laisser une lueur d’espoir et à montrer que même dans la destruction, des possibilités de renaissance existent.
En résumé, Silent Jenny est une lecture immersive et émotive, où la beauté des images rencontre la profondeur des thèmes. Les références cinématographiques et culturelles enrichissent l’expérience, et chaque plan est un véritable plaisir pour les yeux. C’est une BD marquante, qui fait réfléchir à notre impact écologique sur la biodiversité et qui reste longtemps en mémoire après avoir tourné la dernière page.
Les auteurs concluent leur préface par ces mots : « L’affaire du Mediator n’est pas juste un scandale de médicament toxique, c’est le révélateur de dysfonctionnements graves de notre démocratie ». Hélas tout est dit, car, effectivement, cette affaire donne à réfléchir (et à vomir tout autant !).
Je connaissais les grandes lignes, avait lu des articles, dans le Canard enchainé, mais aussi un gros article dans Le Monde diplomatique. Cet album permet de rentrer dans les détails, de suivre la chronologie des événements – et du foutage de gueule.
La cupidité de Servier, les astuces habituelles du Big Pharma pour se goinfrer avec ses prétendues nouvelles molécules (quitte à truquer leur bilan pour pouvoir être remboursé par la Sécu et ainsi davantage prescrit et vendu), tout y passe par le menu. S’ajoutent à ça les barbouzeries du labo, qui fait tout pour intimider témoins, lanceurs d’alerte, et même les victimes. Mais aussi la collusion entre labo et médecins, les revues médicales qui à part « Prescrire » sont financées par les pubs des labos et sont complices. Enfin, la complicité de certains décideurs politiques – une nouvelle fois nous retrouvons Nicolas Sarkozy, avocat d’affaire de Servier, qui lui donnera la plus haute distinction de la Légion d’honneur…
La « stratégie du doute » visant à discréditer les lanceurs d’alerte (utilisée par les vendeurs de cigarette ou ceux qui contestent le réchauffement climatique par exemple), le harcèlement des lanceurs d’alerte avec des « procédures baillons » épuisantes (nerveusement et financièrement) pour ceux qui osent s’attaquer à Servier, tout y passe. Et enfin, après un parcours du combattant, les décisions de justice : Servier mort avant d’avoir été jugé, qui garde ses décorations, et des peines ridicules par rapport au chiffre d’affaires et aux salaires des quelques condamnés, personne n’ayant fait de prison… Les victimes continuent à mourir, la labo à tout faire pour ne pas les indemniser...
L’album est fluide, ça n’est jamais ennuyeux ou trop technique – malgré les chiffres et informations nombreuses qui parsèment les pages – et tout est très bien démontré (un imposant dossier final donne la multitude de sources utilisées et consultables). Ecœurant, mais à lire…
J'ai décidé de découvrir cette série sans savoir qu'il s'agissait d'une série de près de 1000 planches (même plus avec le quatrième tome) qui se développe lentement sur son sujet. Mais je dois avouer que j'ai été entrainé par le récit durant les quelques jours que j'ai pris pour les lire !
Jeff Lemire commence à m'être plus familier et je reconnais certaines choses dans son récit et ses archétypes, comme Jepperd ici qui m'a beaucoup rappelé Derek de Winter Road du même auteur. Cela dit, je lui reconnais aussi une patte carrément bonne dans le scénario, celle de pouvoir mener des intrigues aussi claires et simples que celle-ci, tout en greffant dessus de nombreux sujets intéressants. "Sweet Tooth" (traduit par gueule sucrée dans le texte en français) est une BD qui parle de l'écologie, de la paternité, d’épidémie dévastatrice (et la BD date d'avant le Covid, chapeau pour le timing !) tout en reprenant des légendes inuit, des considérations sur le racisme ou sur la violence envers les femmes.
Et franchement, ça passe carrément bien. C'est une BD qui prend son temps et développe chaque personnage par des flashbacks, tout en densifiant son récit. C'est surtout les personnages qui marquent, et j'ai personnellement beaucoup aimé le scientifique se prenant finalement pour un prophète et redevenant un simple professeur, une belle image de l'humain qui pense toujours à s'élever plutôt qu'agir pour le bien. Le trait de Lemire est toujours identique, avec ces bonhommes aux traits marqués et son esthétique faisant très scène indépendante américaine. Je note son amour des paysages et de la neige qui revient sans cesse, une marque de fabrique que je lui reconnais.
Niveau livre, je suis par contre surpris par le quatrième volume qui arrive en 2021 et semble initier un second cycle (bien qu'il se suffise à lui-même). L'histoire est très différente et prend un autre chemin, mais m'a semblé moins réussi notamment à cause des questions que pose la réapparition de Jepperd qui semble débarquer de nul part. C'est un peu étrange, mais le reste est toujours là avec le poids de la religion qui revient s'inscrire dans le récit, une thématique déjà soulignée dans le premier cycle. Le dernier volume n'est clairement pas indispensable et n'a pas de réels intérêt quant au reste du récit, mais ça reste intéressant à lire.
Une série longue, travaillée même si parfois on sent l'auteur qui se fait clairement plaisir, qui aurait peut-être gagnée à être raccourci sur certains points, mais qui est entrainante et a même un petit relent prophétique sur la question de gestion de crise sanitaire. Recommandée !
Une série culte de mon enfance. J’ai adoré ces scénarios surréalistes un peu futuristes. M Magellan et sa comparse Miss Capella dans une surenchère constante d’excentricité. De plus le coté science-fiction fantastique de cette série est toujours resté très cohérent et rationnel, sans jamais céder dans la facilité, ce qui changeait de beaucoup de séries de l’époque.
Voila une très sympathique petite série fantasy pour jeunesse. Tout comme Bergères Guerrières à laquelle j'aurais envie de le comparer, cette série porte en elle une sympathique histoire aux personnages marquants et dans une ambiance de monde à sauver.
J'ai commencé la série sans avoir la moindre idée de là où l'on allait, et j'ai été agréablement surpris. C'est une aventure qui part en exploration d'un monde de fantasy entre une jeune femme anxieuse élevée par un grand-père cochon et un jeune d'une race ancienne désormais éteinte dont on ne sait pas grand chose. Très vite l'histoire s'emballe et commence à dériver autour des lampes qui éclairent le monde (une idée piquée à Tolkien par hasard ?). Si l'ensemble est très linéaire dans son déroulé, il faut bien dire que l'histoire ne va pas dans une direction précise (même si ça se sent) et camoufle soigneusement ce qui va se développer. Le méchant qui se dévoile n'est pas monolithique et des surprises viendront à son propos. De même, alors que l'histoire allait clairement vers une confrontation, celle-ci survient bien vite et continue ensuite. Le développement n'est pas remarquablement fait, mais suffisamment subtile pour un public plus jeune. L'auteur a décidé parler de sujets importants aux plus jeunes et c'est tout à son honneur.
Mais le récit ne manque pas d'humour malgré son histoire sombre. Que ce soit le grand-père gourmand aux trous de mémoire ou l'acolyte un peu bourrin avec son épée, les touches d'humour parsèment le récit qui reste pourtant globalement assez sombre. Il y a une réelle tristesse dans le récit, et son personnage principal est sujet à des crises d'anxiété très bien représentées qui l'handicapent tout en lui permettant de se révéler lorsqu'elle les affronte et se libère de ses peurs.
Le dessin d'ailleurs est très dynamique mais surtout une entrée dans un monde fantastique. L'ambiance cosy des intérieurs, les costumes et les décors font complètement fantasy, invitant le lecteur à s'immerger dans un monde qui sera exploré en détails. Le tome 3 se conclue sur une quête toujours relancée sans que je ne sente l'ensemble faiblir et je dois dire que je suis assez intéressé par la suite ! Je l'espère pas trop longue, mais cette série est un plaisir de lecture que je recommande d'offrir aux plus jeunes !
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Les Eaux de Mortelune
C'est en voyant passer l'avis de Lodi que je me suis replongé avec plaisir dans mon souvenir de lecture du premier cycle des Eaux de Mortelune. A l'époque, je découvrais un peu l'univers de la BD. Disons que je sortais des Astérix, Scrameustache, Gaston et consors pour entrer dans la BD adulte. Voilà donc que le frangin m'offre le premier tome.... Bref ! Quelle claque ! Je me souviens de cet univers poisseux et décadent qui avait une texture complètement inédite. Tout était inventif à mes yeux d'ado tout neuf. J'aimais aussi le décalage entre la perversion des puissants et la poésie dont faisait preuve Nicolas. Il y avait dans ce personnage l'étincelle de vie qui parlait à ma conscience d'ado poète (pouet). Je me souviens il y a quelques mois avoir songé à cette BD en me disant qu'elle était totalement dans le ton de notre époque. Le gouvernement Attal se cassait la gueule, Bruno Le Maire en profitait alors pour se barrer en Suisse en laissant une ardoise conséquente, non sans avoir chié un roman dans lequel il faisait état de ses fantasmes beaufs et sodomites. Alors lui, me suis-je dis alors, c'est vraiment le Duc Malik ! Je chie à la gueule des pauvres et je fais mes petites affaires de quéquette à deux balles sur le dos des tondus. Sans vergogne le mec. Et quelques temps plus tard, rebelotte avec ce porc de Larcher qui, avec tant d'autres, vient gerber sur la Justice... On pourrait égrainer la liste, désormais longue comme un jour sans soleil, de ces gestes et paroles de fin d'empire, mais franchement, on dirait la galerie décadente des Eaux de Mortelune, non ? Du coup, la critique de Lodi m'a donné envie de m'attaquer au second cycle, que je n'ai encore jamais lu. J'ajoute donc ces tomes sur ma déjà très longue PAL ! Bref ! Cette BD fait pour moi figure de classique parmi les classiques, à ranger aux côtés des Passagers du vent, Thorgal (jusqu'au tome 13), Astérix (jusqu'à Astérix chez les Belges), L'Incal, Tintin, Philémon... Ce qui s'appelle un immanquable quoi !
Downlands
Dans le sud de l'Angleterre, un adolescent nommé James tente de surmonter la mort tragique de sa sœur jumelle. Peu avant sa disparition, elle jurait avoir vu un terrible chien noir rôder autour de leur maison. En cherchant à comprendre ce qu'elle a vu, James découvre que sa petite ville et les collines environnantes sont hantées par d'anciennes légendes : un molosse qui annonce la mort, des disparitions inexpliquées, des esprits qui se manifestent à la tombée du jour. Au fil de son enquête, il comprend que le passé du village et le sien s'entremêlent peu à peu. En revisitant les classiques du folklore fantomatique anglais, Norm Konyu livre une fable fantastique moderne, à la croisée du roman graphique et de la méditation mélancolique sur le deuil et la mémoire. Son dessin impose une identité forte. Le trait, précis et anguleux, s'accompagne d'une modernité glacée. Les compositions, d'une rigueur presque architecturale, se parent de teintes douces oscillant entre brumes pastel et gris pluvieux. Par instants, cette esthétique très maîtrisée peut paraître figée, mais elle participe pleinement à l'atmosphère d'étrangeté silencieuse qui enveloppe le récit. Chaque planche respire la solitude et la mélancolie. Sur le plan narratif, Konyu mise sur la lenteur et la suggestion. Il construit son récit autour d'un fil rouge centré sur James, auquel on finit par s'attacher, entrecoupé de saynètes fantastiques retraçant les événements à l'origine des légendes locales ; équivalents britanniques de la Dame Blanche, du Barghest et d'autres récits tragiques devenus contes fantomatiques à faire frissonner au coin du feu. D'abord ancré dans un réalisme presque intimiste, le récit glisse progressivement vers le surnaturel, comme si la mémoire du lieu refaisait surface. L'histoire entretient le doute : s'agit-il vraiment de fantômes ou d'une mémoire collective refusant de s'éteindre ? Si le rythme mesuré peut désarçonner, le scénario reste limpide, et la montée émotionnelle se déploie avec une belle maîtrise. Sous l'enquête surnaturelle affleurent le deuil, la culpabilité et la transmission, jusqu'à une conclusion où l'émotion atteint pleinement le lecteur. Downlands n'est pas un récit d'épouvante, mais un poème graphique sur la perte et la survivance des âmes. Une œuvre sensible, élégante et parfois distante, mais qui touche juste par son ton feutré et son imaginaire crépusculaire. Un bel hommage aux mythes ruraux anglais, revisités avec pudeur et modernité.
Les Eaux de Mortelune
Tous les tomes, toutes les cases, tout est absolument parfait. Histoire, psychologie, dessin, couleur, dialogue, rythme. Je m'en vais défendre la seconde partie, tant incomprise ! Elle est le reflet inversé de la première, tout simplement, où l'implacable réalité cauchemardesque dévorait le reste, à commencer par le rêve. Passeur entre les deux monde, qui peut déconcerter, mais est-il de meilleur passeur ? Lovecraft, dont les créatures de rêves-cauchemar sont adaptés à l'impuissance à rêver, et surtout à rêver de façon non destructive, des personnages. Eh oui, même de Nicolas, qui ressuscite le duc Malik, soit un des méchants les plus intéressants de la fiction. Et les bons, dans tout ça ? Aux abonnés absents, mais plus intéressant, il y a un cheminement vers la bonté de certains protagonistes. Et vers le… présent. Voyage spatial et temporel sont discrètement là, et on comprend certaines images du début à la fin. L'origine de tout, par Thomas, est bien venue, l'émancipation des personnages aussi. Cruauté sans complaisance, morale sans fadaise, cauchemar sans ressassement, rêves entravés, tout pour moi célèbre les noces de la forme et du fond : perfection.
Carthago
Grand amateur de Christophe Bec, je trouve chez lui autant de séries que j’admire que de séries qui me laissent sur ma faim. Toutefois, je ne m'étais jamais attaqué à ses séries les plus longues, par crainte de m'embarquer dans une trop longue saga dont je ne saurais pas me dépêtrer. Et pourtant, j'ai toujours aimé les premiers tomes de Carthago que j'ai lus il y a maintenant quelques années. Je viens enfin de découvrir la saga au complet et malgré quelques divagations passagères, qu'est-ce que c'est bon ! Il est vrai que le long récit suivi qui va du tome 1 au tome 10 s'égare régulièrement. A force de multiplier les personnages, les créatures, les lieux, les époques, on perd parfois quelques repères. A ce titre, je regrette un peu que la série ne soit pas restée focalisée sur les mégalodons... Mais une fois accepté que le postulat réel de la série ne se limite pas à la résurgence du mégalodon, mais à quelque chose de beaucoup plus ancré dans le registre de la science-fiction, Carthago fonctionne très bien. On sent que Bec sait (à peu près) où il va, et son histoire se déroule d'une manière assez cohérente. Surtout, passé le tome 10, on sent que Bec a trouvé le moyen de recentrer son histoire et de fluidifier sa narration. Après un premier diptyque "flashback" sur le père de son héroïne, il emmène enfin à partir du tome 13 sa saga dans des eaux parfaitement inexplorées et inattendues. J'ai l'impression que beaucoup de lecteurs ont lâché la saga avant, et je les comprends un peu, mais s'ils savaient ce qu'ils ratent... En choisissant d'orienter soudain sa saga vers du post-apocalyptique, Christophe Bec lâche enfin les chiens (enfin, les requins) et nous offre un diptyque presque parfait avec les géniaux Abzu est notre seul dieu/Courbée, je me redresse ! Un monde ruiné par l'apocalypse nucléaire, des moines fanatiques qui s'affrontent sur une plateforme pétrolière abandonnée, un mégalodon devenu divinité païenne... Débarrassé de sa multiplicité de lieux et d'époque (ou presque) le récit de ces deux tomes constitue l'apothéose d'une saga qui a enfin trouvé la bonne direction, et qui n'oublie pas de répondre à plusieurs questions qu'on craignait de voir laissées en suspens (même s'il faut aussi faire un détour par le tome 6 de Carthago Adventures pour certaines réponses primordiales). Alors comment continuer Carthago après ce diptyque aussi réussi ? N'était-ce pas du suicide de lui offrir un dernier diptyque (le tome 16 étant encore à paraître) ? Non, car Christophe Bec a, là encore, trouvé la formule parfaite. On reste dans le post-apocalyptique, mais plus intime, avec un aspect survival, cette fois. Et on sait que Bec excelle dans ce registre... Il nous offre ainsi une bande dessinée de très haut vol avec Au Cœur des ténèbres (et pitié, fais revenir le zmeu dans le tome suivant !!). Ne reste plus qu'à espérer que le 16e (et normalement dernier) tome ne vienne pas briser cet état de grâce ! En tous cas, au gré des divagations de la saga, je craignais de devoir plafonner à 3 étoiles, mais quel plaisir de constater que Christophe Bec a su faire muter sa saga exactement de la bonne manière pour rendre son évolution satisfaisante et l'amener là où on ne l'attendait pas ! Sans compter qu'avec l'excellent Ennio Buffi au dessin, il laisse enfin à son dessinateur quartier libre dans les tomes 13 et 14 pour nous offrir de grandes images (parfois pleine page) qui illustrent enfin la présence des mégalodons avec toute leur puissance. Bref, voilà indéniablement une saga qui n'aura pas toujours su aller droit au but, mais qui semble achever sa carrière d'une manière presque parfaite. On croise les doigts pour la fin !
Seule contre Hollywood
3.5 Un bon album qui raconte la première fois qu'une femme s'est rebellé contre le système d'Hollywood et a essayer d'obtenir justice face aux hommes qui l'ont violés. C'est encore un récit écœurant, mais nécessaire pour dénoncer les injustices de la société. C'est triste de voir à quel point la société a peu évoluer pendant des décennies. Cela se passe dans les années 30 et tout ce que subit la pauvre Patricia Douglas ne m'a pas du tout surpris et la soi-disant justice est cousue de fil blanc. Même si l'album est globalement bon, il y a quelques éléments qui m'ont fait levé les sourcils. Je trouve que le comportement de la mère de Douglas est pas clair, en tout cas je n'ai pas trop bien compris pourquoi elle garde l'argent que la MGM a donné pour que sa fille la ferme alors que l'avocat avait dit rendre l'argent. Ensuite, parfois il y avait des mots qui me semblaient anachroniques. Il y avait vraiment des gens qui disaient pédocriminalité ou culture du viol dans les années 30 ? Je n'aime pas trop lorsque dans un récit se passant dans le passé les personnages parlent comme des gens modernes. Le dessin est très bon et l'auteur sait comment dessiner une scène de viol sans tomber dans un truc salasse. Le seul problème est que parfois l'ordre des cases à lire n'était pas très clair. C'est bien de s'amuser avec la mise en scène, mais il ne faudrait pas oublier le lecteur.
Silent Jenny
Silent Jenny de Mathieu Bablet est une bande dessinée fascinante qui réussit à combiner science-fiction, tension et réflexion humaine. L’histoire suit Jenny dans un monde post-apocalyptique où les abeilles ont disparu et où la survie de l’humanité repose sur des cités mobiles et des technologies complexes. L’univers évoque immédiatement des ambiances connues : le désert et la lutte pour la survie rappellent Mad Max, la poésie et la contemplation de la nature font penser à Nausicaa, tandis que les séquences de voyage solitaire et de reconstruction du monde évoquent Death Stranding. Les dialogues sont bien choisis, donnant du rythme et révélant les relations entre les personnages sans jamais alourdir l’histoire. Ils viennent ponctuer des moments plus contemplatifs, où le silence et les images seules suffisent à transmettre l’émotion. Chaque plan est pensé avec précision : les décors sont grandioses et détaillés, et les couleurs contribuent à rendre l’univers à la fois désolé et poétique. J’ai particulièrement aimé la référence à Akira sur la planche page 32. Jenny est un personnage attachant et complexe, dont les doutes et les espoirs se reflètent dans ses actions. Son parcours nous fait ressentir à la fois la fragilité et la résilience humaines, dans un monde où la nature et l’humanité semblent sur le point de se perdre. Les « monades », ces vaisseaux-villages motorisés, font quant à elles penser au Château ambulant, ajoutant une dimension presque féérique à ce monde mécanique et désolé. Malgré la gravité de la situation, Bablet réussit à laisser une lueur d’espoir et à montrer que même dans la destruction, des possibilités de renaissance existent. En résumé, Silent Jenny est une lecture immersive et émotive, où la beauté des images rencontre la profondeur des thèmes. Les références cinématographiques et culturelles enrichissent l’expérience, et chaque plan est un véritable plaisir pour les yeux. C’est une BD marquante, qui fait réfléchir à notre impact écologique sur la biodiversité et qui reste longtemps en mémoire après avoir tourné la dernière page.
Mediator - Un crime chimiquement pur
Les auteurs concluent leur préface par ces mots : « L’affaire du Mediator n’est pas juste un scandale de médicament toxique, c’est le révélateur de dysfonctionnements graves de notre démocratie ». Hélas tout est dit, car, effectivement, cette affaire donne à réfléchir (et à vomir tout autant !). Je connaissais les grandes lignes, avait lu des articles, dans le Canard enchainé, mais aussi un gros article dans Le Monde diplomatique. Cet album permet de rentrer dans les détails, de suivre la chronologie des événements – et du foutage de gueule. La cupidité de Servier, les astuces habituelles du Big Pharma pour se goinfrer avec ses prétendues nouvelles molécules (quitte à truquer leur bilan pour pouvoir être remboursé par la Sécu et ainsi davantage prescrit et vendu), tout y passe par le menu. S’ajoutent à ça les barbouzeries du labo, qui fait tout pour intimider témoins, lanceurs d’alerte, et même les victimes. Mais aussi la collusion entre labo et médecins, les revues médicales qui à part « Prescrire » sont financées par les pubs des labos et sont complices. Enfin, la complicité de certains décideurs politiques – une nouvelle fois nous retrouvons Nicolas Sarkozy, avocat d’affaire de Servier, qui lui donnera la plus haute distinction de la Légion d’honneur… La « stratégie du doute » visant à discréditer les lanceurs d’alerte (utilisée par les vendeurs de cigarette ou ceux qui contestent le réchauffement climatique par exemple), le harcèlement des lanceurs d’alerte avec des « procédures baillons » épuisantes (nerveusement et financièrement) pour ceux qui osent s’attaquer à Servier, tout y passe. Et enfin, après un parcours du combattant, les décisions de justice : Servier mort avant d’avoir été jugé, qui garde ses décorations, et des peines ridicules par rapport au chiffre d’affaires et aux salaires des quelques condamnés, personne n’ayant fait de prison… Les victimes continuent à mourir, la labo à tout faire pour ne pas les indemniser... L’album est fluide, ça n’est jamais ennuyeux ou trop technique – malgré les chiffres et informations nombreuses qui parsèment les pages – et tout est très bien démontré (un imposant dossier final donne la multitude de sources utilisées et consultables). Ecœurant, mais à lire…
Sweet Tooth
J'ai décidé de découvrir cette série sans savoir qu'il s'agissait d'une série de près de 1000 planches (même plus avec le quatrième tome) qui se développe lentement sur son sujet. Mais je dois avouer que j'ai été entrainé par le récit durant les quelques jours que j'ai pris pour les lire ! Jeff Lemire commence à m'être plus familier et je reconnais certaines choses dans son récit et ses archétypes, comme Jepperd ici qui m'a beaucoup rappelé Derek de Winter Road du même auteur. Cela dit, je lui reconnais aussi une patte carrément bonne dans le scénario, celle de pouvoir mener des intrigues aussi claires et simples que celle-ci, tout en greffant dessus de nombreux sujets intéressants. "Sweet Tooth" (traduit par gueule sucrée dans le texte en français) est une BD qui parle de l'écologie, de la paternité, d’épidémie dévastatrice (et la BD date d'avant le Covid, chapeau pour le timing !) tout en reprenant des légendes inuit, des considérations sur le racisme ou sur la violence envers les femmes. Et franchement, ça passe carrément bien. C'est une BD qui prend son temps et développe chaque personnage par des flashbacks, tout en densifiant son récit. C'est surtout les personnages qui marquent, et j'ai personnellement beaucoup aimé le scientifique se prenant finalement pour un prophète et redevenant un simple professeur, une belle image de l'humain qui pense toujours à s'élever plutôt qu'agir pour le bien. Le trait de Lemire est toujours identique, avec ces bonhommes aux traits marqués et son esthétique faisant très scène indépendante américaine. Je note son amour des paysages et de la neige qui revient sans cesse, une marque de fabrique que je lui reconnais. Niveau livre, je suis par contre surpris par le quatrième volume qui arrive en 2021 et semble initier un second cycle (bien qu'il se suffise à lui-même). L'histoire est très différente et prend un autre chemin, mais m'a semblé moins réussi notamment à cause des questions que pose la réapparition de Jepperd qui semble débarquer de nul part. C'est un peu étrange, mais le reste est toujours là avec le poids de la religion qui revient s'inscrire dans le récit, une thématique déjà soulignée dans le premier cycle. Le dernier volume n'est clairement pas indispensable et n'a pas de réels intérêt quant au reste du récit, mais ça reste intéressant à lire. Une série longue, travaillée même si parfois on sent l'auteur qui se fait clairement plaisir, qui aurait peut-être gagnée à être raccourci sur certains points, mais qui est entrainante et a même un petit relent prophétique sur la question de gestion de crise sanitaire. Recommandée !
Mr Magellan
Une série culte de mon enfance. J’ai adoré ces scénarios surréalistes un peu futuristes. M Magellan et sa comparse Miss Capella dans une surenchère constante d’excentricité. De plus le coté science-fiction fantastique de cette série est toujours resté très cohérent et rationnel, sans jamais céder dans la facilité, ce qui changeait de beaucoup de séries de l’époque.
Lightfall
Voila une très sympathique petite série fantasy pour jeunesse. Tout comme Bergères Guerrières à laquelle j'aurais envie de le comparer, cette série porte en elle une sympathique histoire aux personnages marquants et dans une ambiance de monde à sauver. J'ai commencé la série sans avoir la moindre idée de là où l'on allait, et j'ai été agréablement surpris. C'est une aventure qui part en exploration d'un monde de fantasy entre une jeune femme anxieuse élevée par un grand-père cochon et un jeune d'une race ancienne désormais éteinte dont on ne sait pas grand chose. Très vite l'histoire s'emballe et commence à dériver autour des lampes qui éclairent le monde (une idée piquée à Tolkien par hasard ?). Si l'ensemble est très linéaire dans son déroulé, il faut bien dire que l'histoire ne va pas dans une direction précise (même si ça se sent) et camoufle soigneusement ce qui va se développer. Le méchant qui se dévoile n'est pas monolithique et des surprises viendront à son propos. De même, alors que l'histoire allait clairement vers une confrontation, celle-ci survient bien vite et continue ensuite. Le développement n'est pas remarquablement fait, mais suffisamment subtile pour un public plus jeune. L'auteur a décidé parler de sujets importants aux plus jeunes et c'est tout à son honneur. Mais le récit ne manque pas d'humour malgré son histoire sombre. Que ce soit le grand-père gourmand aux trous de mémoire ou l'acolyte un peu bourrin avec son épée, les touches d'humour parsèment le récit qui reste pourtant globalement assez sombre. Il y a une réelle tristesse dans le récit, et son personnage principal est sujet à des crises d'anxiété très bien représentées qui l'handicapent tout en lui permettant de se révéler lorsqu'elle les affronte et se libère de ses peurs. Le dessin d'ailleurs est très dynamique mais surtout une entrée dans un monde fantastique. L'ambiance cosy des intérieurs, les costumes et les décors font complètement fantasy, invitant le lecteur à s'immerger dans un monde qui sera exploré en détails. Le tome 3 se conclue sur une quête toujours relancée sans que je ne sente l'ensemble faiblir et je dois dire que je suis assez intéressé par la suite ! Je l'espère pas trop longue, mais cette série est un plaisir de lecture que je recommande d'offrir aux plus jeunes !