La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
La servante est étonnante, à l'écoute de son patron, certes, mais aussi bien de toute autre personne se confiant à elle. Quel contraste avec l'aristocrate et tant d'autres seulement centrés sur leur personne ! C'est je pense cette ouverture à l'autre qui la prédispose à l'ailleurs, savoir aller en Amérique. Elle se fait payer le passage par la mère de l'aristocrate, qui finit par comprendre qu'elle le lui doit bien, sans parler du fait qu'elle n'apprécie guère l'influence que prend une servante. Le happy end est permis car pas tiré par les cheveux, et le vent de l'Amérique des grandes plaines d'Amérique fait du bien, après le brouillard et la presque société de caste anglaise !
Le dessin et la couleur sont à la hauteur, et le mieux que je puisse en dire est qu'ils savent retranscrire la beauté intérieure de la servante. Les contraintes sociales sont aussi bien rendues. Et quel sourire final de notre héroïne en Amérique !
Souvent, je trouve que des BD arborent inutilement crasse et poussière. En plus, je dois dire que je n'aime pas trop la grisaille... Mais ici, cela fait ressentir l'environnement et la guerre, et à la réflexion, s'imposait. Les humains, pour survivre à ce traitement, prouvent leur force, à l'image du héros défenseur des villes… Héros, oui, et quel héros, qui cogite et qui se bat, solitaire car venu seul, mais solidaire, qui agrège autour de lui ! En apprenant à se battre autrement, il réforme peuple et élites. Les personnages secondaires ne sont pas de simples faire valoir. Le discours sur la guerre n'est pas naïf, et ça change… Ni soif de gloire inclinant à la guerre, ni pacifisme à la soumission, que fait-il ? En bon Chinois, du juste milieu. Cette BD donne un aperçu du passé de la Chine sans l'immobilisme de tant de récits historiques. Un héros se détache sans écraser le reste, mais plutôt avec le désir d'en apprendre davantage. Une perle… grise !
Dès les premières pages de Colorado Train, l’ambiance est lourde, presque poisseuse : on est dans une petite ville minière du Colorado des années 90, avec des ados paumés, des vies brisées, de la misère sociale. L’intrigue : une disparition qui vire à l’horreur, monte progressivement en tension, et on sent qu’il y a quelque chose de très profond qui se cache derrière chaque personnage.?
Ce que j’ai le plus apprécié, c’est le dessin d’Alex W. Inker : un noir et blanc très charbonneux, qui correspond parfaitement au récit. Certains avis soulignent que ce trait « très noir » est parfois difficile à lire, mais pour moi, c’est justement cette densité graphique qui rend l’univers si crédible et oppressant. ?
Les personnages sont très bien écrits : Michael, Durham, Donnie et Suzy ont chacun leurs blessures, leurs désirs, et on ressent vraiment leurs espoirs et leurs peurs. Plusieurs lecteurs disent que l’album est plus une fresque adolescente qu’un simple thriller horrifique et je suis d’accord : l’amitié, l’ennui, la drogue, le skate, tout cela joue un rôle central. ?
Un gros plus selon moi : la musique. Le QR code à la fin pour accéder à une playlist grunge / rock des années 90 est une idée géniale. Ça renforce l’immersion et donne vraiment l’impression d’être dans cette époque, entre désespoir et rébellion. ?
Je comprends aussi les critiques, certains trouvent des longueurs et regrettent que la fin soit un peu expédiée. Mais personnellement, ça ne m’a pas gâché l’expérience, je trouve que l’album parvient à instiller son malaise et ses thèmes sociaux avec beaucoup de force.
En bref : Colorado Train est une BD sombre, intense, qui combine thriller, horreur et drame social de façon très réussie. Le dessin, l’ambiance, les personnages, tout fonctionne. Pour moi, c’est une lecture forte, à recommander si vous aimez les récits adultes, mélancoliques et ancrés dans la réalité.
Histoire excellente, ce que je préfère est sans doute la remise de la clef des enfers à Sandman par Morning star et ce qui en découle. Hélas, il y a un dessin où le meilleur et le pire se côtoient. Dans Corto, un humain mélange rêves et aventures, ici un éternel crée les rêves et vit des aventures qu'il n'est pas allé chercher, côtoyant des humains très ancrés dans le réel, des dieux, des extraterrestres et des animaux. Morphe se montre à eux sous la forme qui leur convient. Et des êtres cauchemar peuvent être terrifiants, des êtres lieu enchanteurs.
Morphée est l'un des éternels qui fait le mieux son job, mais quel salopard avec ses anciens amours ! Ce qui désacralise le personnage et lui offre une marge de progression. Œuvre foisonnante qui ne cache pas ses dettes en littérature et en bande dessinée, elle m'a fait lire Le paradis perdu et quelques Constantine, elle pâtit de la bonté, de la gentillesse de son scénariste jouant par trop collectif au lieu de se choisir un artiste excellent au lieu de laisser ses idées à l'aléas des meilleurs mais aussi des pires. Malgré tout, je note cette œuvre assez haut, par exemple pour l'image de Lucifer dialoguant sur la plage en admettant la beauté d'un coucher de soleil.
P.T.S.D. (ou Stress Post-Traumatique chez nous), c'est le terme pour désigner le comportement anxieux et les troubles psychiques qui naissent après un événement extrêmement traumatisant.
Comme on peut s'y attendre avec un pareil titre et une telle couverture, il sera ici question du syndrôme post-traumatique d'une ancienne soldate revenue de la guerre et ne parvenant toujours pas à passer à autre chose.
Le pays dans lequel nous nous trouvons n'est pas mentionné, pas plus que la guerre et ses enjeux, au fond on s'en fiche : le sujet de l'album est le syndrome post-traumatique en lui-même. Pas la peine de nous préciser en détail le passé pour comprendre les enjeux ici, les soldat-e-s survivant-e-s qui se sont battu-e-s pour leur pays sont aujourd'hui laissé-e-s à l'abandon à même la rue, sans le moindre soutien de l'état. Livré-e-s à leur sort, réduit-e-s à vivre sous le joug des gangs pour espérer obtenir le moindre réconfort sous la forme de médicaments et de drogues, les vétérans souffrent et meurent en silence.
Parmi elleux nous suivons principalement Jun, une ancienne snipeuse ayant perdu toute son escouade ainsi que son œil droit à la fin de la guerre. Comme tous-tes les autres vétérans elle vit à même la rue, comme tous-tes les autres vétérans elle préfère se shooter aux médicaments plutôt que de revivre sobre ses cauchemars, mais contrairement à la plupart des autres vétérans elle s'est pleinement isolée des autres. Pas d'appartenance à un groupe, pas le moindre soutien émotionnel, Jun vit parfaitement seule.
L'histoire sera donc celle de son évolution, du changement de son rapport avec les autres (en bien comme en mal), d'une tentative d'aller de l'avant, de sortir enfin de la guerre et de, on l'espère, pouvoir enfin déposer les armes. Mais pour ça il faudrait encore que Jun le réalise avant qu'il ne soit trop tard...
L'oeuvre est violente, pas mal de scènes d'actions, pas mal de scènes de morts rapides et cruelles, une histoire de vendetta, des guerres de gangs, ... l'album donne vraiment l'impression d'un film d'action hong-kongais restranscrit en bande-dessinée (et, d'après les informations de fin d'album, cela faisait effectivement partie des influences/références pour l'album).
Le travail graphique de Singelin est intéressant, sa grande ville aux gratte-ciels gigantesques, aux marchés collorés et pleins de foule et aux petites ruelles froides, sales et parfois mal-famées est vivante. On croit à la vie de cette ville, à son découpage des quartiers, à la séparation des rues "civiles" et des rues où vivent les abandonné-e-s, celleux qui vont finir par s'entretuer. Le contraste entre les couleurs sales et ternes et les couleurs chaudes et vives pour signaler l'évolution de la perception de Jun est intéressant.
L'action est fluide et lisible, le monde et ses personnages sont à la fois mignons et sales, empathiques et cruels, en bref l'histoire est simple mais humaine.
Un album intéressant, classique mine de rien dans sa construction narrative mais rondement mené et très agréable à lire.
(Note réelle 3,5)
Dire que j’attendais « Les Carnets de Stamford Hawksmoor » avec impatience est un doux euphémisme. J’adore la série mère Grandville, et de manière générale toutes les œuvres de Bryan Talbot. J’avais d’ailleurs longuement interviewé l’auteur à Angoulême en janvier 2024, et découvert la centaine de planches alors réalisées, sur sa tablette… presque 2 ans plus tard, je mets enfin les mains sur l’album, fébrilement, ayant peur d’être déçu, de trop en attendre.
Et bien non, ouf.
Je précise tout d’abord une chose importante : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu Grandville pour lire et apprécier cette préquelle. L’histoire est complètement indépendante, et propose une enquête « à la Sherlock » absolument passionnante… les références au personnage de Conan Doyle abondent, à commencer par le nom du protagoniste (Stamford apparait dans le premier roman, « Une étude en rouge »). L’enquête est bien construite et parfaitement narrée, même si sa complexité nécessite une lecture attentive.
Comme c’est souvent le cas, Bryan Talbot parsème son récit de parallèles et réflexions sur notre société… les allusions à la catastrophe « Brexit » sont évidentes, mais l’auteur en profite également pour nous donner son avis sur les déboulonnages de statues liées à l'esclavage, par exemple.
La mise en image est magnifique. La représentation brumeuse du Londres victorien est des plus réussies, notamment grâce aux superbes couleurs aquarelles sépia, pour un rendu vintage. Les personnages animaliers sont toujours aussi réussis, ainsi que les fiacres Hansom et les costumes d’époque.
Voilà, une enquête classique, certes, et parfois difficile à suivre, mais je me suis régalé, et je me prends à rêver d’une suite (même ce n’est pas du tout d’actualité). Un coup de cœur !
Voilà plus d’un siècle que l’identité du mystérieux Jack l’Éventreur nourrit tous les fantasmes. En février 2025, un détective amateur affirmait avoir enfin percé le secret grâce à des analyses ADN réalisées sur le châle porté par Catherine Eddowes, l’une des victimes. Selon lui, le meurtrier serait Aaron Kosminski, un immigrant juif venu de Pologne, barbier de son état et déjà suspecté à l’époque. Une conclusion qui, évidemment, a depuis été largement contestée…
C’est dans ce contexte que je me suis plongé dans From Hell d’Alan Moore, un véritable monument.
Alan Moore y propose, avec une précision quasi chirurgicale, sa propre lecture de la légende, appuyée sur un important travail d’enquête et de documentation. Comme l’ont souligné de nombreux lecteurs avant moi, il faut d’abord saluer l’ampleur colossale de ses recherches : chacune des scènes du récit repose sur des sources minutieusement référencées. Une annexe d’une quarantaine de pages détaille ainsi, chapitre après chapitre, les ouvrages et documents sur lesquels s’appuie sa théorie. À cela s’ajoute une reconstitution impressionnante du Londres victorien, en particulier de ses bâtiments religieux — le deuxième chapitre, d’une trentaine de pages, y est entièrement consacré.
Ce travail titanesque engendre toutefois quelques lourdeurs et un rythme parfois lent. Mais l’ensemble reste passionnant et m’a donné envie de creuser davantage le mythe de Jack l’Éventreur et les multiples hypothèses autour de son identité.
Ayant vu et apprécié l’adaptation cinématographique avant de lire la bande dessinée, je réalise maintenant que le film fait bien pâle figure face à l’œuvre d’Alan Moore.
Je regrette cependant que la partie graphique ne soit pas à la hauteur de la qualité du scénario. Dans l’intégrale en noir et blanc que j’ai lue, le trait m’a semblé souvent approximatif, parfois même bâclé. Il m’est arrivé de revenir plusieurs fois en arrière, peinant à distinguer certains éléments du décor ou à différencier les personnages.
Pour moi, une bande dessinée culte doit allier un récit original et prenant à un dessin agréable à l’œil — notion certes très subjective. Ici, l’aspect visuel m’empêche d’attribuer la note maximale, même si l’œuvre mérite clairement son statut tant elle marque ses lecteurs.
Un très beau coup de cœur malgré tout.
SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 10/10
GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10
NOTE GLOBALE : 16/20
Excellente série aux limites de la vraisemblance tant tout le monde est positif sauf Ray, alors que les enfants connaissent enfin la vérité terrifiante dans laquelle ils vivent ! Mais c'est peut-être un plus, en faire une série pour très jeunes et pour ceux qui souhaiteraient retrouver un optimisme auroral. Originalités ! Les monstres n'ont guère le choix d'agir autrement, et contraignent "maman", un personnage plein d'ambiguïté bien humaine. Emma, pas la plus brillante au départ, se montre finalement la clé, à la fin. L'orphelinat n'est pas ce qu'il semble être ? Le monde non plus. L'intelligence est le cœur du récit, inégalement distribuée, c'est cependant en réfléchissant tous ensemble que nos héros progressent. Si on se demande quoi offrir à des enfants éveillés, je pense cette série tombant à point nommée.
Nul besoin de présenter Franck Thilliez qui co signe ce scénario inédit avec Niko Tackian. Son simple nom sur la couverture, c'est la promesse d'un thriller haletant, tant les romans du scénariste sont généralement des pages-turner. Cette histoire commence comme un polar, avec la découverte de nombreux cadavres dépourvus de cerveaux et l'arrivée d'une enquêtrice pour démêler l'affaire. Mais le récit va vite prendre une tournure fantastique autour d'un mystérieux village qui semble apparaitre subitement, puis disparaitre tout aussi brutalement qu'il est arrivé. Quel est le lien entre cet étrange village et ces cadavres ? C'est là le sel de notre histoire.
Cette enquête va conduire à pas mal de découvertes : des évènements de plus en plus mystérieux, des secrets passés, des explications ésotériques, une version scientifique pour donner du sens à tout ça. L'intrigue oscille entre ces différents pans en gardant en fil rouge l'enquête sur ces morts mystérieuses. Cela donne un tout cohérent où le niveau de suspens se tient bien et suscite la curiosité et l'envie de connaitre le dénouement. Sans spoiler il y aura quelques éléments un peu gros, qui dépassent le cadre de notre récit fantastique et qui tirent presque vers la science-fiction. Cette sensation de presque too much disparait à l'arrivée de la conclusion. Sombre et pessimiste, elle brille par la raisonnance qu'elle trouve avec des problématiques bien contemporaines. J'ai trouvé cette fin percutante. Dure mais marquante.
Graphiquement, on a une ambiance assez sombre, nécessaire pour coller à ce récit très noir. Malheureusement certains visages souffrent un peu d'imprécision dans le trait, et combiné à la noirceur des couleurs on a parfois du mal à reconnaitre certains personnages. Et c'est le seul petit bémol. Car même si le niveau de tension est variable, et qu'on n'a pas toujours le page turner attendu, au final ce village propose une histoire qui reste dans la tête une fois l'album refermé. Une lecture qui ne m'a pas laissé indifférent, et qui appellera sans aucun doute une relecture prochaine.
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Azur Asphalte
La couleur tout d abord, le dessin ensuite, le récit enfin, c'est dans cet ordre que j'ai découvert Azur asphalte de Sylvain Bordesoules. On sent vraiment le sud, le vent, le soleil, rien qu'à regarder la couverture on est déjà dans l'histoire. Manque le lien entre ces deux femmes, que l'on va découvrir au fur et à mesure du récit...Leur quotidien qui n a rien d'original, tiens ça ressemble étrangement au notre ... c est à la fois beau, les illustrations notamment les pleines pages sont magnifiques, et émouvant...est ce que la vie est plus facile sous le soleil ?
Monsieur désire ?
La servante est étonnante, à l'écoute de son patron, certes, mais aussi bien de toute autre personne se confiant à elle. Quel contraste avec l'aristocrate et tant d'autres seulement centrés sur leur personne ! C'est je pense cette ouverture à l'autre qui la prédispose à l'ailleurs, savoir aller en Amérique. Elle se fait payer le passage par la mère de l'aristocrate, qui finit par comprendre qu'elle le lui doit bien, sans parler du fait qu'elle n'apprécie guère l'influence que prend une servante. Le happy end est permis car pas tiré par les cheveux, et le vent de l'Amérique des grandes plaines d'Amérique fait du bien, après le brouillard et la presque société de caste anglaise ! Le dessin et la couleur sont à la hauteur, et le mieux que je puisse en dire est qu'ils savent retranscrire la beauté intérieure de la servante. Les contraintes sociales sont aussi bien rendues. Et quel sourire final de notre héroïne en Amérique !
Bokko (Stratège)
Souvent, je trouve que des BD arborent inutilement crasse et poussière. En plus, je dois dire que je n'aime pas trop la grisaille... Mais ici, cela fait ressentir l'environnement et la guerre, et à la réflexion, s'imposait. Les humains, pour survivre à ce traitement, prouvent leur force, à l'image du héros défenseur des villes… Héros, oui, et quel héros, qui cogite et qui se bat, solitaire car venu seul, mais solidaire, qui agrège autour de lui ! En apprenant à se battre autrement, il réforme peuple et élites. Les personnages secondaires ne sont pas de simples faire valoir. Le discours sur la guerre n'est pas naïf, et ça change… Ni soif de gloire inclinant à la guerre, ni pacifisme à la soumission, que fait-il ? En bon Chinois, du juste milieu. Cette BD donne un aperçu du passé de la Chine sans l'immobilisme de tant de récits historiques. Un héros se détache sans écraser le reste, mais plutôt avec le désir d'en apprendre davantage. Une perle… grise !
Colorado train
Dès les premières pages de Colorado Train, l’ambiance est lourde, presque poisseuse : on est dans une petite ville minière du Colorado des années 90, avec des ados paumés, des vies brisées, de la misère sociale. L’intrigue : une disparition qui vire à l’horreur, monte progressivement en tension, et on sent qu’il y a quelque chose de très profond qui se cache derrière chaque personnage.? Ce que j’ai le plus apprécié, c’est le dessin d’Alex W. Inker : un noir et blanc très charbonneux, qui correspond parfaitement au récit. Certains avis soulignent que ce trait « très noir » est parfois difficile à lire, mais pour moi, c’est justement cette densité graphique qui rend l’univers si crédible et oppressant. ? Les personnages sont très bien écrits : Michael, Durham, Donnie et Suzy ont chacun leurs blessures, leurs désirs, et on ressent vraiment leurs espoirs et leurs peurs. Plusieurs lecteurs disent que l’album est plus une fresque adolescente qu’un simple thriller horrifique et je suis d’accord : l’amitié, l’ennui, la drogue, le skate, tout cela joue un rôle central. ? Un gros plus selon moi : la musique. Le QR code à la fin pour accéder à une playlist grunge / rock des années 90 est une idée géniale. Ça renforce l’immersion et donne vraiment l’impression d’être dans cette époque, entre désespoir et rébellion. ? Je comprends aussi les critiques, certains trouvent des longueurs et regrettent que la fin soit un peu expédiée. Mais personnellement, ça ne m’a pas gâché l’expérience, je trouve que l’album parvient à instiller son malaise et ses thèmes sociaux avec beaucoup de force. En bref : Colorado Train est une BD sombre, intense, qui combine thriller, horreur et drame social de façon très réussie. Le dessin, l’ambiance, les personnages, tout fonctionne. Pour moi, c’est une lecture forte, à recommander si vous aimez les récits adultes, mélancoliques et ancrés dans la réalité.
Sandman
Histoire excellente, ce que je préfère est sans doute la remise de la clef des enfers à Sandman par Morning star et ce qui en découle. Hélas, il y a un dessin où le meilleur et le pire se côtoient. Dans Corto, un humain mélange rêves et aventures, ici un éternel crée les rêves et vit des aventures qu'il n'est pas allé chercher, côtoyant des humains très ancrés dans le réel, des dieux, des extraterrestres et des animaux. Morphe se montre à eux sous la forme qui leur convient. Et des êtres cauchemar peuvent être terrifiants, des êtres lieu enchanteurs. Morphée est l'un des éternels qui fait le mieux son job, mais quel salopard avec ses anciens amours ! Ce qui désacralise le personnage et lui offre une marge de progression. Œuvre foisonnante qui ne cache pas ses dettes en littérature et en bande dessinée, elle m'a fait lire Le paradis perdu et quelques Constantine, elle pâtit de la bonté, de la gentillesse de son scénariste jouant par trop collectif au lieu de se choisir un artiste excellent au lieu de laisser ses idées à l'aléas des meilleurs mais aussi des pires. Malgré tout, je note cette œuvre assez haut, par exemple pour l'image de Lucifer dialoguant sur la plage en admettant la beauté d'un coucher de soleil.
P.T.S.D.
P.T.S.D. (ou Stress Post-Traumatique chez nous), c'est le terme pour désigner le comportement anxieux et les troubles psychiques qui naissent après un événement extrêmement traumatisant. Comme on peut s'y attendre avec un pareil titre et une telle couverture, il sera ici question du syndrôme post-traumatique d'une ancienne soldate revenue de la guerre et ne parvenant toujours pas à passer à autre chose. Le pays dans lequel nous nous trouvons n'est pas mentionné, pas plus que la guerre et ses enjeux, au fond on s'en fiche : le sujet de l'album est le syndrome post-traumatique en lui-même. Pas la peine de nous préciser en détail le passé pour comprendre les enjeux ici, les soldat-e-s survivant-e-s qui se sont battu-e-s pour leur pays sont aujourd'hui laissé-e-s à l'abandon à même la rue, sans le moindre soutien de l'état. Livré-e-s à leur sort, réduit-e-s à vivre sous le joug des gangs pour espérer obtenir le moindre réconfort sous la forme de médicaments et de drogues, les vétérans souffrent et meurent en silence. Parmi elleux nous suivons principalement Jun, une ancienne snipeuse ayant perdu toute son escouade ainsi que son œil droit à la fin de la guerre. Comme tous-tes les autres vétérans elle vit à même la rue, comme tous-tes les autres vétérans elle préfère se shooter aux médicaments plutôt que de revivre sobre ses cauchemars, mais contrairement à la plupart des autres vétérans elle s'est pleinement isolée des autres. Pas d'appartenance à un groupe, pas le moindre soutien émotionnel, Jun vit parfaitement seule. L'histoire sera donc celle de son évolution, du changement de son rapport avec les autres (en bien comme en mal), d'une tentative d'aller de l'avant, de sortir enfin de la guerre et de, on l'espère, pouvoir enfin déposer les armes. Mais pour ça il faudrait encore que Jun le réalise avant qu'il ne soit trop tard... L'oeuvre est violente, pas mal de scènes d'actions, pas mal de scènes de morts rapides et cruelles, une histoire de vendetta, des guerres de gangs, ... l'album donne vraiment l'impression d'un film d'action hong-kongais restranscrit en bande-dessinée (et, d'après les informations de fin d'album, cela faisait effectivement partie des influences/références pour l'album). Le travail graphique de Singelin est intéressant, sa grande ville aux gratte-ciels gigantesques, aux marchés collorés et pleins de foule et aux petites ruelles froides, sales et parfois mal-famées est vivante. On croit à la vie de cette ville, à son découpage des quartiers, à la séparation des rues "civiles" et des rues où vivent les abandonné-e-s, celleux qui vont finir par s'entretuer. Le contraste entre les couleurs sales et ternes et les couleurs chaudes et vives pour signaler l'évolution de la perception de Jun est intéressant. L'action est fluide et lisible, le monde et ses personnages sont à la fois mignons et sales, empathiques et cruels, en bref l'histoire est simple mais humaine. Un album intéressant, classique mine de rien dans sa construction narrative mais rondement mené et très agréable à lire. (Note réelle 3,5)
Les Carnets de Stamford Hawksmoor
Dire que j’attendais « Les Carnets de Stamford Hawksmoor » avec impatience est un doux euphémisme. J’adore la série mère Grandville, et de manière générale toutes les œuvres de Bryan Talbot. J’avais d’ailleurs longuement interviewé l’auteur à Angoulême en janvier 2024, et découvert la centaine de planches alors réalisées, sur sa tablette… presque 2 ans plus tard, je mets enfin les mains sur l’album, fébrilement, ayant peur d’être déçu, de trop en attendre. Et bien non, ouf. Je précise tout d’abord une chose importante : il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu Grandville pour lire et apprécier cette préquelle. L’histoire est complètement indépendante, et propose une enquête « à la Sherlock » absolument passionnante… les références au personnage de Conan Doyle abondent, à commencer par le nom du protagoniste (Stamford apparait dans le premier roman, « Une étude en rouge »). L’enquête est bien construite et parfaitement narrée, même si sa complexité nécessite une lecture attentive. Comme c’est souvent le cas, Bryan Talbot parsème son récit de parallèles et réflexions sur notre société… les allusions à la catastrophe « Brexit » sont évidentes, mais l’auteur en profite également pour nous donner son avis sur les déboulonnages de statues liées à l'esclavage, par exemple. La mise en image est magnifique. La représentation brumeuse du Londres victorien est des plus réussies, notamment grâce aux superbes couleurs aquarelles sépia, pour un rendu vintage. Les personnages animaliers sont toujours aussi réussis, ainsi que les fiacres Hansom et les costumes d’époque. Voilà, une enquête classique, certes, et parfois difficile à suivre, mais je me suis régalé, et je me prends à rêver d’une suite (même ce n’est pas du tout d’actualité). Un coup de cœur !
From Hell
Voilà plus d’un siècle que l’identité du mystérieux Jack l’Éventreur nourrit tous les fantasmes. En février 2025, un détective amateur affirmait avoir enfin percé le secret grâce à des analyses ADN réalisées sur le châle porté par Catherine Eddowes, l’une des victimes. Selon lui, le meurtrier serait Aaron Kosminski, un immigrant juif venu de Pologne, barbier de son état et déjà suspecté à l’époque. Une conclusion qui, évidemment, a depuis été largement contestée… C’est dans ce contexte que je me suis plongé dans From Hell d’Alan Moore, un véritable monument. Alan Moore y propose, avec une précision quasi chirurgicale, sa propre lecture de la légende, appuyée sur un important travail d’enquête et de documentation. Comme l’ont souligné de nombreux lecteurs avant moi, il faut d’abord saluer l’ampleur colossale de ses recherches : chacune des scènes du récit repose sur des sources minutieusement référencées. Une annexe d’une quarantaine de pages détaille ainsi, chapitre après chapitre, les ouvrages et documents sur lesquels s’appuie sa théorie. À cela s’ajoute une reconstitution impressionnante du Londres victorien, en particulier de ses bâtiments religieux — le deuxième chapitre, d’une trentaine de pages, y est entièrement consacré. Ce travail titanesque engendre toutefois quelques lourdeurs et un rythme parfois lent. Mais l’ensemble reste passionnant et m’a donné envie de creuser davantage le mythe de Jack l’Éventreur et les multiples hypothèses autour de son identité. Ayant vu et apprécié l’adaptation cinématographique avant de lire la bande dessinée, je réalise maintenant que le film fait bien pâle figure face à l’œuvre d’Alan Moore. Je regrette cependant que la partie graphique ne soit pas à la hauteur de la qualité du scénario. Dans l’intégrale en noir et blanc que j’ai lue, le trait m’a semblé souvent approximatif, parfois même bâclé. Il m’est arrivé de revenir plusieurs fois en arrière, peinant à distinguer certains éléments du décor ou à différencier les personnages. Pour moi, une bande dessinée culte doit allier un récit original et prenant à un dessin agréable à l’œil — notion certes très subjective. Ici, l’aspect visuel m’empêche d’attribuer la note maximale, même si l’œuvre mérite clairement son statut tant elle marque ses lecteurs. Un très beau coup de cœur malgré tout. SCENARIO (Originalité, Histoire, personnages) : 10/10 GRAPHISME (Dessin, colorisation) : 6/10 NOTE GLOBALE : 16/20
The Promised Neverland
Excellente série aux limites de la vraisemblance tant tout le monde est positif sauf Ray, alors que les enfants connaissent enfin la vérité terrifiante dans laquelle ils vivent ! Mais c'est peut-être un plus, en faire une série pour très jeunes et pour ceux qui souhaiteraient retrouver un optimisme auroral. Originalités ! Les monstres n'ont guère le choix d'agir autrement, et contraignent "maman", un personnage plein d'ambiguïté bien humaine. Emma, pas la plus brillante au départ, se montre finalement la clé, à la fin. L'orphelinat n'est pas ce qu'il semble être ? Le monde non plus. L'intelligence est le cœur du récit, inégalement distribuée, c'est cependant en réfléchissant tous ensemble que nos héros progressent. Si on se demande quoi offrir à des enfants éveillés, je pense cette série tombant à point nommée.
Le Village (Delcourt)
Nul besoin de présenter Franck Thilliez qui co signe ce scénario inédit avec Niko Tackian. Son simple nom sur la couverture, c'est la promesse d'un thriller haletant, tant les romans du scénariste sont généralement des pages-turner. Cette histoire commence comme un polar, avec la découverte de nombreux cadavres dépourvus de cerveaux et l'arrivée d'une enquêtrice pour démêler l'affaire. Mais le récit va vite prendre une tournure fantastique autour d'un mystérieux village qui semble apparaitre subitement, puis disparaitre tout aussi brutalement qu'il est arrivé. Quel est le lien entre cet étrange village et ces cadavres ? C'est là le sel de notre histoire. Cette enquête va conduire à pas mal de découvertes : des évènements de plus en plus mystérieux, des secrets passés, des explications ésotériques, une version scientifique pour donner du sens à tout ça. L'intrigue oscille entre ces différents pans en gardant en fil rouge l'enquête sur ces morts mystérieuses. Cela donne un tout cohérent où le niveau de suspens se tient bien et suscite la curiosité et l'envie de connaitre le dénouement. Sans spoiler il y aura quelques éléments un peu gros, qui dépassent le cadre de notre récit fantastique et qui tirent presque vers la science-fiction. Cette sensation de presque too much disparait à l'arrivée de la conclusion. Sombre et pessimiste, elle brille par la raisonnance qu'elle trouve avec des problématiques bien contemporaines. J'ai trouvé cette fin percutante. Dure mais marquante. Graphiquement, on a une ambiance assez sombre, nécessaire pour coller à ce récit très noir. Malheureusement certains visages souffrent un peu d'imprécision dans le trait, et combiné à la noirceur des couleurs on a parfois du mal à reconnaitre certains personnages. Et c'est le seul petit bémol. Car même si le niveau de tension est variable, et qu'on n'a pas toujours le page turner attendu, au final ce village propose une histoire qui reste dans la tête une fois l'album refermé. Une lecture qui ne m'a pas laissé indifférent, et qui appellera sans aucun doute une relecture prochaine.