Les derniers avis (101 avis)

Par gruizzli
Note: 4/5
Couverture de la série La Terre verte
La Terre verte

Ayrolles à travaillé son Shakespeare, aucun doute ! C'est une étrange BD, qui fait à la fois mélange d'aventures et de tragédie shakespearienne, et ça sera le cœur de ma critique. Parce qu'on est dans l'hommage très appuyé à différentes œuvres, notamment Richard 3. Et lorsque je dis que c'est bien travaillé, c'est qu'on y retrouve les dilemmes moraux de ce cher roi bossu, mais aussi ses fameuses incartades au spectateur, complice de ses nombreux crimes, tout en montrant qu'il est torturé de nombreuses problématiques. L'idée de mélanger ça au Groenland, pays alors encore très peu connu et à peine colonisé par des Danois, permettant d'ajouter divers thèmes dont l'un que j'ai trouvé pertinent et qui n'arrive qu'à la dernière page. On pourrait reprocher une thématique qui n'a rien à faire là mais je trouve assez pertinent, au contraire, d'avoir lié les deux. C'est peut-être facile pour certain, trop convenu ou cliché pour d'autres, mais personnellement j'ai trouvé que ça faisait une pique de rappel pas bête. Mais en dehors de ça, c'est fascinant de voir comment Ayroles déploie progressivement les fils d'une tragédie à nombreux étages. De nombreux personnages sont vites introduits, pour ensuite tisser des liens et des relations qui conduiront le récit. J'ai repéré les nombreuses scènes d'hommage ou de clin d’œil (la fameuse scène de dialogue entre Richard 3 et Anne, pour la convaincre de l'épouser est reprise ici à une autre sauce, très efficace d'ailleurs) tout en ayant son propre récit et sa propre conclusion. Différemment, peut-être aussi un poil plus positif dans certaines choses. Bref, un récit d'aventure et de personnages très très gris, dans une ambiance du Grand Nord à la sortie du XVè siècle, porté par un hommage très clair à Shakespeare mais aussi à quelques interrogations subsidiaires sur l'exploitation par l'homme de la nature. Le tout porté par les conflits humains habituels, avec un final à la hauteur du reste. Une très bonne BD pour ma part, que je recommande !

20/11/2025 (modifier)
Par Francky
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Moonlight mile
Moonlight mile

Autant le dire, je suis frustré de ne pas pouvoir accéder à la suite de la série, la version française n'ayant pas poursuivi au delà du tome 10 (ou 11 ?) sur les 22 - 24 tomes de l'édition japonaise. Pourquoi tant de haine (par certains) à l'égard de cette série ? Le dessin n'appel pas de critique particulière. Et avoir imaginé la course des nations pour la prospection lunaire de façon aussi pragmatique m'a vraiment intéressé. Maintenant, le coté cru (et couillu) d'Ohtagaki a pu déranger des lecteurs habitués a plus d'angélisme par d'autres auteurs. Ce n'est pas votre tasse de thé et alors, passez donc votre chemin ! Mais quel besoin ont certains de passer au vitriol un style qu'ils n'apprécient pas, le manga doit-il être normé en fonction des goûts de ces derniers ? Pour rappel, le Japon a produit voilà déjà bien longtemps des estampes à la sexualité des plus crues et explicites dans lesquelles la sueur, le poil et les liquides en tous genres y sont forts représentés. Et ces dernières estampes, n'en déplaise à certains critiques ici présents, étaient essentiellement destinées à la haute société. On peut trouver par ailleurs des mangas très fournis de ce genre de scènes depuis des années. Alors, vous n'appréciez pas ces quelques scènes Culottées émaillant le déroulé de l'histoire de Moonlight Mile, soit, lisez d'autres auteurs et ne mettez pas au bûcher celui-ci, il ne le mérite absolument pas. Peut être pensiez vous lire du Sailor moon ?

20/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 4/5
Couverture de la série Le Vent des Dieux
Le Vent des Dieux

Le premier cycle est très bon, le reste sombrant dans le n'importe quoi et la banalité au niveau du scénario comme du dessin. Mais ah, le dessin du premier cycle ! Presque aussi bon que celui des Eaux de Mortelune, et ce n'est pas peu dire ! Il y a bien quelques maladresses au début, mais le style est inimitable et va vers sa perfection. Hélas, il y a fléchissement dans le dernier tome, et dans le trait, et dans la coloration, notre héros a les yeux bleus, n'importe quoi ! Cela m'a alerté, et voir la qualité baisser dans le second cycle que je n'ai heureusement pas acheté, n'a pas été un étonnement et puis je me suis séparé des cinq tomes, n'aimant pas garder des déceptions. Bref, mais sur le moment, quel plaisir ! Je pense que le gros seigneur devenant meilleur sur le tard est crédible de ce point de vue, plusieurs choses vont dans ce sens, et notamment le personnage intéressant du moine Nichiren, plutôt distrayant avec ses discours et perversions. Et bien cerné par comme le dit la concubine en quête du samouraï et héros du Vent des Dieux. J'aime d'ailleurs tous les personnage, notre héros, et doit-on dire notre héroïne tant elle est importante ? Son amoureuse. Notons que l'œuvre est une des rares où on montre des gens faisant l'amour avec l'esthétisme des estampes japonaises et le dynamisme d'une scène d'action. Par contre, les femmes n'y trainent pas dévêtues pour rien. Applaudissons que l'autre amoureuse de notre héros permette d'avoir une vue des exclus par les paysans : si les samouraïs et leur seigneur, et surtout le comploteur en chef, réifient les masses, les masses écrasent plus faibles qu'elles, ce qui est très bien montré… Pour moi, les scènes oniriques sont crédibles, le héros entre la vie et la mort hallucine sa vie et le passage dans le nirvana ou pas. Les paysages, la relation amoureuse entre deux samouraïs, une scène de seppuku, un guerrier qui ne comprend rien à rien et offre quelques scènes faisant sourire avec sa brutalité et sa bêtise transitoire, et des ninjas encore plus démythifiés que les samouraïs, que demander de plus ? Ben moins de relâchement dans le dessin, à la fin. Démystification de pas mal de choses, mais l'attirance pour la culture nipponne en sort paradoxalement renforcée.

20/11/2025 (modifier)
Couverture de la série How I Married an Amagami Sister
How I Married an Amagami Sister

Excellent, je vois des avis parlant de redondant, mais si vous cherchez dans la romance, c'est depuis longtemps souvent la même chose. On vente the quintessential quintuplet (excellent et l'un des meilleurs à mon goût) mais, love Hina et Nisekoi existe) amagami a 2 gros avantages, le premier c'est la qualité graphique, L'auteur Marcey Naito dessine super bien, mais vraiment, et le 2e c'est originalité de mélanger harem classique avec cliché... Et de rajouter un air de surnaturel, et ça c'est fort, car perso je suis pas trop dans le délire mais la c'est hyper bien dosé, je ne peut mettre un 5 car c'est pas parfait, loin de la.. On a une plutôt bonne adaptation animée (quelque problème de rythme mais bon) Seul problème (qui personnellement me gêne pas vraiment, mais je comprends que certains n'acceptent pas trop), l'une des 3 sœurs amagami, "asahi". A en effet 14 ans au début de l'œuvre, et jouer sur la probabilité qu'elle finisse avec le héros est étrange voire déplacé, mais a savoir qu'il n'y a aucune page avec des scènes déplacées, c'est comme si l'auteur nous le disait à nous même, il place ce contexte, certes étrange, mais il ne va pas plus loin. Perso j'ai pas lu la fin. Mais je recommande vraiment cette œuvre qui peut être relax et touchante à la fois. Donc si vous aimez les mangas romances classiques, aller y les yeux fermés

19/11/2025 (modifier)
Couverture de la série La Princesse guerrière
La Princesse guerrière

Dans la droite lignée de l'album Le Roi des oiseaux, Alexander Utkin nous propose ici de nouveaux une succession de récits adaptés de contes slaves, découpés en épisodes et pouvant être reliés les uns aux autres par des personnages récurrents et les remarques du narrateur. Ici, contrairement à l'album précédent, les histoire sont moins suivies, plus décousues. Enfin, par là je veux dire que, même si deux grandes histoires se détachent clairement de tout ceci (celle de Vasilia et celle de John), elles ne se filent pas l'une l'autre aussi fluidement que l'on fait les récits du premier album (si ce n'est que le récit de John se passe vraisemblablement avant celui de Vasilia). Bon, si, techniquement elles se suivent toutes deux sur le fait qu'il s'agit à chaque fois d'un récit centré sur un enfant devant braver les dangers pour porter secours à son père, mais je voulais parlé d'un filage intra-diégétique plus explicite. Pourtant, chose intéressante, c'est bien cet album qui m'a la plus plu. Peut-être est-ce parce que chacun des deux récits a su davantage me parler, peut-être aussi parce que Baba Yaga étant la seule figure du folklore slave que je connaissais un minimum j'ai su m'attacher plus vite, peut-être encore est-ce le fait que j'ai bien plus ici ressenti cet effet de style narratif évoquant les soirées où l'on se partage des histoires au coin du feu, où les histoires se suivent, se lient et prennent vie mais pas nécessairement dans un ordre chronologique mais plutôt thématique. Quoi qu'il en soi l'album m'a plu, énormément. Qu'il s'agisse du récit initiatique de la jeune sorcière Vasilia ou de la quête épique du bon et brave John, les récits et les personnages m'ont plu, parus vivants et leurs aventures et leurs déboires possédaient bien toute la puissance évocatrice que j’attends d'un conte. On retrouve là aussi l'oiseau Gamaïoun pour la narration, nous partageant de nouveau de petites digressions au gré de ses histoires, des portes d'entrées et de sorties vers d'autres récits (mais pour d'autres moments). Nous retrouvons d'ailleurs au détour de quelques pages la souris, le serpent, le chasseur et son fils, personnages dont l'histoire nous a été racontée dans le précédent album (tout comme nous retrouvions dans leurs histoires l'éponyme Princesse Guerrière, John et Vasilia au détour de quelques épisodes). Le dessin d'Alexander Utkin est toujours aussi beau, mais là encore je l'ai préféré ici. Le travail des couleurs vives contrastées par la nuit noir lors des passages avec Baba Yaga, les couleurs bleus et orange de ce bon John qui se marient si bien, les yeux brillant de Vasilia et de sa grand-mère, l'esprit du feu, … j'ai trouvé le travail des couleurs bien plus intéressant et plus puissant dans cet album. Soi dit en passant, c'est cet album-là que j'ai lu en premier, et non Le Roi des oiseaux, peut-être cela a-t-il davantage appuyé ma préférence pour l'album ici présent.

19/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Le Roi des oiseaux
Le Roi des oiseaux

J'adore les contes et légendes, j'aime découvrir et même étudier les variations d'histoires, les sens de lectures et leurs buts évoluant avec les lieux et les temps, leur force évocatrice intemporelle, … Bref, j'adore les contes. Mais je dois bien avouer que je m'y connais assez mal en contes slaves (si ce n'est quelques récits autour de Baba Yaga), alors un album jouant visiblement les recueils et dessiné par le talentueux Alexander Utkin je me dis que ce serait une excellente initiation. L'album est une succession de récits - principalement deux - eux même découpés en une succession d'épisodes, un peu à la manière d'une saga. Le personnage principal peut varier, changer le temps d'un épisode, mais l'on peut tout de même considérer l'album comme une sorte de récit filé puisque tous ces épisodes finissent tous d'une manière ou d'une autre par avoir un lien logique entre eux. La narration est assurée par Gamaïoun, sorte d'oiseau prophétique issu lui aussi des légendes slaves, intervenant de-ci de-là entre les cases pour nous partager de petites anecdotes, des ouvertures vers d'autres histoires qui mériteraient elles aussi d'être racontées (et qui le seront pour la plupart dans l'album La Princesse guerrière). J'ai particulièrement aimé ce parti-pris de rendre le narrateur aussi présent, donnant ainsi à la narration de l'album une vraie similitude, un vrai rappel de la nature orale et partagée de ce genre de récits à l'origine. Même si les histoires ne m'ont pas autant emballées que ce à quoi je m'attendais j'ai pu rentrer sincèrement dans l'album et son histoire (et SES histoires, du coup). Un petit mot encore sur le dessin d'Alexander Utkin que je trouve personnellement magnifique. J'aime sincèrement les styles crayonnés, les traits gras, comme au fusain, qui permettent de jouer de manière imaginative avec les corps tout en restant ancré, concret. Pas sûre de bien m'exprimer là-dessus mais gardez juste en tête que j'aime ce style. Les couleurs, quant-à-elles, sont variées et chatoyantes, un bon plus également à mes yeux. Même si les histoires en elles-même ne m'ont pas nécessairement parlées plus que ça la forme, elle, a su me convaincre et me touchée, et même me motiver à trouver plus de récits adaptés de contes slaves. (Note réelle 3,5)

19/11/2025 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Patchwork
Patchwork

En vérité, elle était un million de fois plus belle que sur le dessin. - Ce tome constitue un recueil d’histoires courtes de l’auteur. Son édition originale date de 2008. Les quinze histoires courtes regroupées ici ont toutes été réalisées par Edmond Baudoin pour le scénario et les dessins. Il comprend quatre-vingt-six pages de bande dessinée, réalisée sur une période de vingt ans, de 1983 pour la première à 2003 pour la dernière. Blues, 1983, trois pages : Un afro-américain joue de la guitare en marchant dans les rues d’une petite bourgade des États-Unis et des hommes blancs se mettent le suivre, mal intentionnés. Dans son esprit, il pense à la situation : du blues, les blancs qui le dévorent, il hait les esclaves plus que les maîtres. - L’amour, 1989, deux pages : Violence. Haine. Bestialité… Impuissance des mots, alors il dessine. La main crispée sur le pinceau, le bras tétanisé, coincé dans son épaule, un rictus sur la bouche, dans la tête du béton, il dépose sur la feuille ce qu’il croit avoir appris sur le mal des hommes. Il dépose sur la feuille blanche sa violence, sa haine, sa bestialité. Et puis il recommence… encore… encore. Et puis il regarde. Non, ce n’est pas encore ça… Juste un pâle reflet de ce qu’il voulait exprimer… Encore travailler… son dessin. Demain il essaiera de peindre l’amour. – Le car, 1992, six pages : une femme effectue un voyage en car. Elle observe un homme qui regarde le paysage défiler… Quelque part en lui-même. Elle somnole vaguement, bercée par le ronron du car. Un peu enivrée par l’odeur de Jean, qui monte d’entre ses cuisses. Ils avaient fait l’amour juste avant son départ. Elle avait encore dans sa bouche, le souvenir de son passage. Lhomme à la fenêtre avait des bras comme elle aime. Des avant-bras surtout. Elle est sûre qu’elle peut dessiner le sexe d’un homme rien qu’à regarder ses bras. Elle a bien envie de vérifier. Ses yeux se sont perdus. 1420406088198, 1992, vingt-cinq pages : proche de Marseille ou de Nice, Baudoin est assis sur un rocher, une de ses filles à ses côtés, ils regardent l’horizon au loin au-dessus de la mer. Il explique à sa fille qu’il vient souvent ici, qu’il y reste. Quand il reste longtemps, il a du mal à retourner dans la ville, derrière eux. Il continue : La vrai richesse est devant, dans le vide de l’horizon, les vagues éphémères, l’argent de leurs reflets. Elle demande à son père ce qu’il a contre l’argent. Elle, elle aimerait avoir une Porsche, une Jaguar aussi. Il s’explique : L’argent lui semble être une maladie, ou plutôt comme un symptôme d’une maladie qu’ils auraient tous. Son père à lui, son grand-père, à elle était communiste, il disait que Ce sera le communisme quand plus personne dans le monde n’aura besoin d’argent. Edmond lui demandait alors comment on fera pour aller au cinéma ? Le monsieur qui fait le cinéma il sera payé comment ? La réponse du père : Ce sera gratuit, ils iront autant de fois qu’ils voudront. Le projectionniste ne sera pas payé, ça ne lui servirait à rien, tout sera gratuit. Les hommes travailleront pour le bien de tous. Edmond Baudoin est un créateur prolifique que ce soient des bandes dessinées, des histoires courtes, et même des livres. Au fil de sa carrière, il a ainsi régulièrement réalisé des nouvelles dessinées de quelques pages, pour des éditeurs très divers. Ce recueil en rassemble quinze, allant d’une page pour la plus courte (intitulée : Tu m’aimes ?) à vingt-cinq pour la plus longue (intitulée 1420406088198), pour des publications souvent confidentielles comme Le citron hallucinogène n°17, Labo (Futuropolis), Transports fripons (Les Humanoïdes Associés), L’argent roi (éditions Autrement), Le cheval sans tête n°1, Ego comme X n°1, Manga Surprise (Kodansha), Algérie la douleur et le mal, Le drozophile n°4, El Lado Oscuro III, Comix 2000 (L’Association), Stripburger n°2, Bang n°3 (Casterman), Marseille l’Hebdo n°151. Le lecteur qui a suivi sa carrière apprécie de pouvoir avoir ainsi accès à des créations dont il ne connaissait pas forcément l’existence ou qu’il n’avait pas pu se procurer du fait d’un tirage et d’une diffusion confidentiels. Il retrouve également l’habitude de ce créateur de travailler avec de nombreux éditeurs différents, certains connus d’autres moins. Dans chacune des histoires, il retrouve les caractéristiques habituelles de ce créateur : dessins souvent au pinceau parfois rehaussés de traits à la plume, mise en page très libre allant de cases avec bordure à des illustrations agrémentées de commentaires, parfois il se met en scène d’autres fois non, et toujours ce regard bienveillant si humaniste caractéristique. La diversité des histoires fait qu’il est aussi bien possible de les lire une par une en laissant passer du temps entre, que de les lire d’une traite sans crainte de répétition. Les histoires sont intitulées : Blues, L’amour, Le car, 1420406088198, America, Désemparé, Tu m’aimes ? Edmond Alain et Hughes, Algérie, Le train, Paris, Comix 2000, Sarajevo, Cuba. Baudoin y aborde de façon très personnelle à chaque fois des thèmes comme le racisme systémique envers les afro-américains, les émotions négatives envahissantes, son premier petit boulot de peintre de lettres sur des enseignes, un dialogue avec une américaine alors qu’il ne sait pas parler anglais, la situation déprimante d’un chômeur abandonné par sa femme et sa maitresse, l’incapacité des hommes à savoir aimer, trois potes en train de regarder les filles passer, la nécessité de s’aimer soi-même, la métaphore de la voie de chemin de fer, une soirée à zoner à Paris comme artiste sans le sou et sans toit, un coucher de soleil, la morbidité de la mission du tireur d’élite, des rencontres de rue à Cuba, la personnalité de Marseille. Ces histoires vont du plus concret comme un carnet de voyage au plus conceptuel comme les cinq pages sans parole consacrée à un coucher de soleil. Et toujours un regard sur le monde qui n’appartient qu’à cet être humain singulier, cet artiste. À elle seule, en trois pages, la première histoire donne un excellent aperçu de l’étendue graphique de l’artiste. Chaque page est composée de trois cases de la largeur de la page, montrant l’avancée de l’afro-américain, avec un texte au-dessus ou en-dessous de la case, correspondant à la voix intérieure de ce joueur de blues. Dans trois de ces cases, le dessinateur représente la situation de manière descriptive, avec un jeu sur les aplats de noir pour renforcer les zones d’ombre jusqu’à l’expressionisme. Quatre cases se focalisent sur les individus, les traits de pinceau s’épaississent pour des rendus allant vers l’impressionnisme, plus la sensation produite par ses individus en faisant apparaître l’état d’esprit de la foule, exagérant les traits de visages, les ombres mangeant le visage, le langage corporel pour faire ressortir la menace. Cette approche bascule dans l’expressionnisme alors que les individus forment un groupe plus compact agissant comme un seul homme, et s’apprêtant à agresser le bluesman. L’avant dernière case adopte un cadrage conceptuel avec l’individu à terre comme à demi enfoncé dans le sol, et les habitations bien alignées sur la ligne d’horizon au loin. Déjà dans ce récit des débuts de l’artiste, le lecteur peut déceler sa grande liberté quant à sa conception de la bande dessinée. En fonction de sa sensibilité, le lecteur apprécie plus le thème d’une histoire que celui d’une autre tout en ressentant l’expression de la personnalité de l’auteur dans chacune d’elle, et dans toutes il peut voir cette cohérence et cette diversité dans les représentations. Les gros coups de pinceau rageurs dans L’amour. Les beaux paysages du sud de la France délicatement esquissés dans Le car. Puis l’incroyable expressivité d’un simple coup de pinceau pour évoquer la côte ou la ligne d’horizon maritime, cette façon très visuelle de faire surgir une image ou plutôt une représentation mentale de la tête même d’un personnage, la représentation délicatement changeante d’un visage au fil d’un dialogue, la grâce féminine, les cases chargées d’un noir charbonneux pour transcrire l’angoisse habitant un individu au point de percevoir une réalité déformée par ses peurs, la dimension visuelle métaphorique d’un rail de voie ferrée, l’individu réduit à la morphologie d’une statue d’Alberto Giacometti (1901-1966), le contraste total et saisissant entre le lourd équipement d’un militaire et le corps ondulant et souple d’une jeune femme nue, des silhouettes en train de danser (extraordinaire dans leur mouvement), le portrait d’une vieille femme, ou encore l’évocation de quelques habitants de Marseille. Tout est perçu au travers du regard de l’artiste, chacun est habité d’une vie remarquable, avec un respect unique en son genre. Par la force des choses, ce recueil de nouvelles dresse en creux le portrait de l’auteur, par les choix des thèmes, par le regard qu’il porte sur ses semblables, par ce sur quoi porte son attention et son intérêt. Ce que ces nouvelles disent d’Edmond Baudoin : sa capacité à identifier le racisme systémique et le dégout de soi-même qu’il peut provoquer chez la victime qui voit les ressemblances qui existent entre lui et ses persécuteurs, son combat contre ses instincts destructeurs (violence, haine, bestialité), son rapport de haine vis-à-vis de l’argent, son émerveillement devant la beauté féminine, sa conviction profonde que la capacité de donner la vie fait des femmes des êtres profondément différents des hommes, la nécessité de commencer par s’aimer soi-même, la fraternité entre les êtres humains, la beauté des paysages, des villes, et bien sûr des arbres. Le lecteur en ressort rasséréné qu’un tel être humain puisse exister, partager ce qu’il ressent, y compris ses doutes et ses défauts. Un recueil de quinze nouvelles dont la parution s’est étalée sur vingt ans, une curiosité ? L’habitué de ce créateur découvre des œuvres d’un niveau de qualité égal à celle de ces bandes dessinées plus longues, avec la même liberté de forme, la même sensibilité extraordinaire, le même plaisir dans la fraternité humaine, cette chaleur humaine libre et honnête. Il en ressort avec la sensation d’une grande richesse visuelle unique en son genre, exprimant la personnalité de l’auteur, et des thèmes essentiels sur la condition humaine. Formidable.

19/11/2025 (modifier)
Par Lodi
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Les Ogres-Dieux
Les Ogres-Dieux

Noir et blanc parfait et novateur : le fond, noir, offre un écrin pertinent, au propos bien noir : les Ogres règnent sur des Hommes qu'ils tuent soit par colère, soit pour les dévorer, certains étant élevés à cet effet ! Grandeur et décadence des humains du coin d'être tombés si bas, cependant que les autres continuent leurs progrès, avec des armes à feu pouvant changer le rapport de force. Grandeur et décadence d'Ogres consanguins de plus en plus bêtes et petits ! Cependant, certains Ogres se veulent humanistes, et certains humains dominer les leurs par les Ogres, voire manipuler ces derniers en sous-mains. Le dessin semi-réaliste est parfait : assez réaliste pour qu'on croie à l'action, laissant assez de place à l'indéterminé pour ménager sa place au rêve quand les Ogres relèvent tout de même du mythe. Les femmes, humaines et Ogres, ne jouent pas les utilités : j'ai beaucoup aimé la grand-mère de Petit, ce personnage entre humain et Ogre qui n'est pas mal non plus. Et sa maman ! Un peu d'humour parsème les pages de l'histoire agrémentée de quelques pages expliquant mieux les tenants et les aboutissants, par exemple de la réforme ratée d'un Ogre roi éclairé, et l'origine de l'institutionnalisation du cannibalisme. Seul bémol : l'inachèvement dont grâce aux commentateurs j'apprends qu'il est hélas, définitif !

19/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Cryozone
Cryozone

J’ai connu cette série il y a environ 20ans et depuis, mes différentes relectures n’ont jamais terni le bousin. Cailleteau n’est pas reconnu pour sa subtilité mais ici, je trouve que ça passe crème. Le scénariste propose, une aventure zombies dans l’espace qui saura ravir les amateurs du genre ou de films sf un peu old school. Alors attention on a droit à tous les clichés, personnages stéréotypés, on ne s’embarrasse pas de psychologies ou explications développées, ça va vite … cependant le lecteur reste bien happé par le rythme, l’ambiance et la mise en page efficace d’un Bajram alors débutant. Bref un diptyque que j’apprécie beaucoup, de la série B fun et divertissante.

18/11/2025 (modifier)
Couverture de la série Medieval Girlfriends
Medieval Girlfriends

Voilà un projet que j'avais dans le collimateur depuis son annonce. Un album de la talentueuse Juliette Cousin, dont j'apprécie grandement le travail graphique, mettant en scène deux personnages qu'elle utilisait déjà dans ses illustrations depuis quelques années, une romance saphique médiévale avec un monstre dans l'équation de surcroît, moi je dis oui. L'album était exactement ce à quoi je pouvais m'attendre : une romance simple, une rencontre entre un monstre et la chasseuse venue l'exterminer, la découverte progressive de l'autre, la naissance des sentiments, l'amour, l'arrivée de la haine du monde extérieur et le rappel que cet amour hors norme est mal vu, une fuite et un espoir de monde meilleur. Une histoire tellement classique que l'on n'aurait même pas besoin de dialogues pour la comprendre, et c'est d'ailleurs sans doute l'une des raisons qui a poussé l'autrice à faire de cet album un récit muet. Mis à part deux mots sur une affiche et deux/trois onomatopées, pas un dialogue ni un son ne viendra appuyer la narration, tout se fera par les images et les expressions des personnages. Le découpage des cases est fluide, l'action toujours lisible, le dessin joli, on se permet même quelques petits passages emprunts de mystère où l'absence de dialogue permet d'ajouter davantage de magie au récit (notamment les interventions de la créature chimérique semblant être liée à la forêt), … Bref, même si le fond de l'histoire est classique, la forme que lui donne Juliette Cousin la rend tout de même on ne peut plus agréable à lire. Un album très doux, beau et même un peu sensuel par moment. Mention spéciale à la bête du duo romantique principal, sorte de sirène semblable à un serpent aquatique, dont je trouve le design et l'expressivité corporelle très bien trouvés. (Note réelle 3,5)

18/11/2025 (modifier)