Une série culte de mon enfance. J’ai adoré ces scénarios surréalistes un peu futuristes. M Magellan et sa comparse Miss Capella dans une surenchère constante d’excentricité. De plus le coté science-fiction fantastique de cette série est toujours resté très cohérent et rationnel, sans jamais céder dans la facilité, ce qui changeait de beaucoup de séries de l’époque.
Voila une très sympathique petite série fantasy pour jeunesse. Tout comme Bergères Guerrières à laquelle j'aurais envie de le comparer, cette série porte en elle une sympathique histoire aux personnages marquants et dans une ambiance de monde à sauver.
J'ai commencé la série sans avoir la moindre idée de là où l'on allait, et j'ai été agréablement surpris. C'est une aventure qui part en exploration d'un monde de fantasy entre une jeune femme anxieuse élevée par un grand-père cochon et un jeune d'une race ancienne désormais éteinte dont on ne sait pas grand chose. Très vite l'histoire s'emballe et commence à dériver autour des lampes qui éclairent le monde (une idée piquée à Tolkien par hasard ?). Si l'ensemble est très linéaire dans son déroulé, il faut bien dire que l'histoire ne va pas dans une direction précise (même si ça se sent) et camoufle soigneusement ce qui va se développer. Le méchant qui se dévoile n'est pas monolithique et des surprises viendront à son propos. De même, alors que l'histoire allait clairement vers une confrontation, celle-ci survient bien vite et continue ensuite. Le développement n'est pas remarquablement fait, mais suffisamment subtile pour un public plus jeune. L'auteur a décidé parler de sujets importants aux plus jeunes et c'est tout à son honneur.
Mais le récit ne manque pas d'humour malgré son histoire sombre. Que ce soit le grand-père gourmand aux trous de mémoire ou l'acolyte un peu bourrin avec son épée, les touches d'humour parsèment le récit qui reste pourtant globalement assez sombre. Il y a une réelle tristesse dans le récit, et son personnage principal est sujet à des crises d'anxiété très bien représentées qui l'handicapent tout en lui permettant de se révéler lorsqu'elle les affronte et se libère de ses peurs.
Le dessin d'ailleurs est très dynamique mais surtout une entrée dans un monde fantastique. L'ambiance cosy des intérieurs, les costumes et les décors font complètement fantasy, invitant le lecteur à s'immerger dans un monde qui sera exploré en détails. Le tome 3 se conclue sur une quête toujours relancée sans que je ne sente l'ensemble faiblir et je dois dire que je suis assez intéressé par la suite ! Je l'espère pas trop longue, mais cette série est un plaisir de lecture que je recommande d'offrir aux plus jeunes !
N’être qu’avec soi, c’est mourir.
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Ce tome contient une histoire complète, un voyage au Chili en 2021, ou plutôt deux. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé à quatre mains pour le scénario, les dessins et les couleurs, par Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage. Il comprend deux-cent-cinquante-quatre pages de bande dessinée.
À l’origine, il y a la lumière. La lumière fabrique l’univers. L’espace et le temps commencent à exister. C’est d’abord un brouillard opaque… Un brouillard dont est prisonnier la lumière… L’univers grandit, se refroidit… Alors apparaissent les protons, les neutrons et les électrons : ce sont les particules élémentaires. Elles dansent avec les grains de lumière, les protons… Ensemble, ils donnent naissance à la matière. Quand un proton et un électron se rencontrent, ils forment l’hydrogène. Tout ce qui est matière s’attire et s’agglutine. Quand la masse de cette matière ainsi créée devient très importante, elle fusionne. Et quand les atomes d’hydrogène fusionnent, naît alors l’hélium. Vol Paris-Santiago, cinq décembre 2021. Quand l’hélium fusionne à son tour, se créent d’autres éléments. Le carbone, l’oxygène. Les étoiles sont des usines à matière. La matière s’attire, la lumière la repousse. L’étoile existe dans ce fragile équilibre. Si la matière gagne, des trous noirs apparaissent. Si la lumière gagne, l’étoile explose. Quand une étoile explose, elle libère les atomes d’hydrogène et d’oxygène… Quand ceux-ci se rencontrent, se crée alors la molécule H2O… L’eau, la vie. Ce livre est une histoire de rencontres, de lumière et de vie.
Edmond revient sur la genèse de ce livre. En décembre 2021, voici deux ans qu’un professeur de physique en lycée à Grenoble, José Ollivares, a proposé à deux auteurs de bandes dessinées d’aller voir les étoiles. Edmond Baudoin, Emmanuel Lepage. Deux auteurs de bandes dessinées aux univers très différents, deux planètes bien distinctes. Une figue, une pomme, et des noix. Edmond raconte comment il a connu Emmanuel : il y a longtemps, à Saint-Malo. Ils se sont promenés sur la plage ensemble. Il s’était inspiré de cette balade pour l’affiche du festival. Quelle année ? Il a en ce temps-là la cinquantaine, Emmanuel est un jeune homme, il est beau, Edmond est sensible à sa beauté, il est dans un devenir qui ira au-delà du sien. Le travail de Lepage est dans l’extériorité, les oiseaux sortent de sa tête, Edmond marche sur d’autres chemins. La nuit, la plage, ces réflexions, cette émotion, s’enfoncent à chaque pas dans le sable. Puis Emmanuel met en scène sa version de cette rencontre. Au début des années 1990, il a vingt-cinq ans, Edmond cinquante. Ils marchent le long du sillon. Edmond est un précurseur. Il pratique une bande dessinée de l’intime quand celle-ci est encore balbutiante. Il se raconte. Lui, Emmanuel s’est nourri de bandes dessinées franco-belges de fiction. Des récits qui se déclinent en séries et dans des formats courts. Il a déjà plusieurs albums derrière lui. Il tâtonne, il se cherche… Et il aime le chemin de création de Baudoin qui semble si loin du sien. Il arrive que l’attraction d’une planète soit si forte qu’elle modifie l’ellipse d’une autre. Edmond est cette planète.
Une collaboration entre ces deux auteurs, tous les deux excellents : Hop ! C’est plié, extraordinaire bande dessinée, d’une richesse exceptionnelle. Des détails ? Soit. C’est l’histoire de José Ollivares, un professeur de physique qui veut emmener ses élèves voir les étoiles dans le désert d'Atacama, au Chili. Il se dit que les échanges n’en seront que plus intéressants s’ils sont accompagnés de deux auteurs de bande dessinée, et puis d’un réalisateur de documentaire pour en faire un film. Date prévisionnelle du voyage : avril 2020. Il se produit un petit imprévu : la COVID-19. Tant pis, ils feront deux voyages, le premier à trois, le second avec les élèves. Deuxième imprévu, Baudoin ne pourra pas participer au deuxième voyage. Donc un premier voyage en décembre 2021, un second en avril 2022. Baudoin a une grande habitude de réaliser des albums à quatre mains, que ce soit avec Troubs (quatre bandes dessinées à leur actif), ou avec Céline Wagner, Tanguy Dohollau, Aurore Bize. Il a détaillé sa méthode de travail en duo, par exemple dans Inuit (2023) : discuter des planches au fur et à mesure à deux, les réaliser de préférence sur le vif, ou pendant les séjours chez l’habitant. Un rapide feuilletage montre des planches réalisées par l’un, des planches réalisées par l’autre, et quelques planches et mêmes quelques cases réalisées ensemble.
Il est possible de lire cet album comme un carnet de voyage. Dans la première partie les deux créateurs s’envolent pour Santiago, après avoir expliqué la genèse du projet. Ils arrivent à quelques jours de l’élection présidentielle opposant José Antonio Kast à Gabriel Boric, ce dernier étant élu le dix-neuf décembre 2021, ce qui donne lieu à des manifestations de liesse populaire. Puis le petit groupe voyage, traverse Chiloé. Ils séjournent en passant à Valparaiso, se rendent compte qu’ils ne peuvent pas se rendre à Atacama à cause des restrictions imposées par la pandémie. Ils continuent leur voyage, et bénéficient de la possibilité d’aller contempler les manchots de Humboldt. Enfin le retour vers la France. Les auteurs réalisent des planches qui comblent l’horizon d’attente d’un ouvrage de type carnet de voyage : montrer les régions où ils se trouvent, représenter les personnes qu’ils rencontrent, faire apparaître l’exotisme pour des Européens, sans transformer le voyage en du tourisme de masse voyeur. S’il connait l’un ou l’autre des deux artistes, le lecteur identifie au premier coup d’œil qui a dessiné quoi. Dans le cas contraire, les auteurs évoquent leur façon de concevoir leur art, et ils explicitent que les dessins de nature plus réalistes dans leur représentation sont ceux d’Emmanuel Lepage, et ceux plus dans la texture et la sensation sont ceux d’Edmond Baudoin. Deux beaux voyages retranscrits avec la sensibilité humaniste de l’un et l’autre, ainsi que leurs différences de sensibilité et de façon d’aborder chaque nouveauté, chaque rencontre. Puis vient le deuxième voyage passant par Antofagasta, aux portes du désert d’Atacama, la visite de l’observatoire astronomique du Cerro Paranal, la visite de la ville de Chacabuco, etc.
Toutefois, la richesse de l’ouvrage va bien au-delà d’un carnet de voyages entre deux amis. Il s’ouvre sur la création de l’univers, et des étoiles. Ce développement provient à la fois du but du voyage scolaire, à la fois de la question que posent les auteurs aux habitants avec qui ils discutent : Qu’est-ce que les étoiles pour vous ? Ils abordent également la nature des étoiles telle que racontée dans une légende mapuche, et le versant scientifique des réactions nucléaires qui aboutissent à la création de la matière, aux méthodes complexes pour observer les étoiles, de l’interférométrie à l’utilisation de puissants lasers. À l’opposé de touristes de passage pour cocher des cases de sites à voir absolument, ils s’intéressent à la vie des habitants, à l’histoire du pays qu’ils développent à plusieurs reprises, aux élections. Dans la mesure où il s’agit du voyage de deux amis, ils reviennent sur l’histoire de leur amitié, sur la fois où ils ont été amoureux de la même femme en même temps. Puisqu’il s’agit de deux dessinateurs de bande dessinée, ils comparent leur manière de procéder à leur page, leur façon de regarder le monde et d’en rendre compte, de représenter la beauté. Lors du deuxième voyage, c’est l’occasion pour Emmanuel de discuter avec les étudiants, de parler leur façon de participer à l’avenir de la planète sur le plan politique, et d’évoquer la sexualité, l’un d’eux envisageant une transition de genre. Comme il s’agit de deux artistes, ils évoquent ou citent ceux issus du Chili, ou faisant écho à leurs émotions : Rainer Maria Rilke (1875-1926, poète), Mircea C?rt?rescu (1965-, écrivain) Pablo Neruda (1904-1973, poète), Victor Jara (1932-1973, musicien), George Grosz (1893-1959, peintre d'origine allemande), Arthur Rimbaud (1854-1891, poète).
La narration visuelle enchante le lecteur à chaque page. Ces deux artistes disposent d’une solide expérience professionnelle, d’une approche très personnelle à leur art, d’une maîtrise de nombreuses techniques, d’un savoir-faire peu commun en termes de mise en scène et de conception de chaque planche. Le lecteur découvre aussi bien des planches d’un format très classique (des cases avec bordure, disposées en bande), que des formats libres approchant un texte avec des illustrations, à chaque fois conçues spécifiquement en fonction du propos, du sur mesure fait main. La rétine du lecteur est à la fête : deux cases presque abstraites en ouverture pour évoquer la lumière fabriquant l’univers, suivi par une illustration en pleine page de corps entremêlés comme en train de danser, une très belle peinture montrant l’avion traversant un ciel nocturne, les pieux dressés comme brise-lame sur le sillon de Saint Malo, un fac-similé de radiographie pour évoquer le cancer d’Emmanuel, une montagne représentée à la manière d’une gravure de Gustave Doré, les graffitis sur les murs de Santiago, un astronome avec un genou à terre entouré d’un tourbillon d’équations mathématiques, une représentation d’un horizon panoramique à la manière des Inuits… et bien sûr quelques arbres, comme il est d’habitude dans une bande dessinée de Baudoin. Impossible de rendre compte de la richesse visuelle de cet ouvrage, de l’intelligence avec laquelle la narration visuelle sert les propos.
Même s’il est familier de ces deux artistes, le lecteur ne peut imaginer la richesse de cette bande dessinée, à la fois carnet de voyage, carnet de rencontres, vulgarisation scientifique, historique de la nation chilienne, histoire d’une amitié, réflexions sur l’art de la bande dessinée, passage comparatif entre l’approche des deux amis, relais générationnel, fragilité de la vie que ce soit du fait de la maladie ou de la répression mise en œuvre par un régime dictatorial, engagement militant, vieillesse, poésie, impact d’une pandémie, besoin de vérité, impuissance devant la beauté, confidences entre amis, etc. Toute la richesse de l’expérience humaine.
Au début des années 1930, un notable anglais est retrouvé assassiné sur l'île de Pâques, ce petit territoire isolé où cohabitent chiliens, colons britanniques et indigènes Pascuans réduits à la misère. L'inspecteur Guillermo Valverde, envoyé par le président chilien, arrive sur place pour mener l'enquête dans un huis clos à ciel ouvert, traversé de tensions raciales et politiques.
L'album offre une enquête policière captivante, dans un décor rarement exploré et historiquement riche. On y retrouve l'esprit d'Agatha Christie, mais transposé dans un cadre exotique et chargé d'enjeux coloniaux.
Le dessin de Thomas Gilbert séduit par son style semi-réaliste, expressif et légèrement inquiétant. Les couleurs, à la fois lumineuses et mélancoliques, traduisent la rudesse du climat et la beauté austère de l'île. La mise en page, claire et dynamique, renforce l'impression d'enfermement et d'humidité poisseuse qui plane sur l'histoire.
Côté scénario, Thomas Lavachery s'appuie sur les notes de son grand-père, archéologue présent sur l'île en 1934. Le résultat est un polar historique solide, au rythme mesuré, plus proche des intrigues classiques que des thrillers nerveux. L'inspecteur Valverde, imposant et perspicace, évoque naturellement Hercule Poirot par sa corpulence et son sens aigu de la déduction, tout en partageant avec Sherlock Holmes une dépendance au laudanum et un talent pour le violon. Mais ses méthodes parfois brusques et son rapport direct aux autres lui donnent une personnalité bien à lui, à la fois cérébrale et terrienne, attachante et pleine de contradictions.
Les personnages secondaires sont également bien campés : un gouverneur autoritaire, une jolie archéologue déterminée, un médecin désabusé mais bienveillant, un anglais violent et sa belle femme désœuvrée, ainsi qu'un peuple Pascuan décrit avec respect et nuance. Le récit, sans insister lourdement, dénonce la hiérarchie raciale et les abus coloniaux de l'époque. Même si la résolution se devine un peu avant la fin, l'écriture reste élégante et les dialogues d'une belle précision.
Caballero Bueno est un polar feutré et intelligent, entre hommage aux classiques du genre, modernité du ton et intérêt historique. Entre l'élégance de Poirot et les failles de Holmes, Valverde s'impose comme un enquêteur singulier et profondément humain, que j'aurais plaisir à retrouver dans d'autres enquêtes.
Voilà bien une BD dont je n'attendais rien. D'abord, je n'en avais jamais entendu parler avant d'en avoir un exemplaire dans les mains, et ensuite, elle s'est retrouvé dans ma PAL (Pile à Lire) pour le boulot. J'ai trouvé ça très bien.
J'ai lu cette BD d'une traite, c'est un signe. Son scénario est simple et propose de suivre une saison en montagne avec un berger qui transhume un troupeau. Parce que notre auteur, qui porte à la foi la casquette d'illustrateur et le béret de berger, va rester plus de trois mois dans les alpages, dormant dans une cabane de quelques mètres carrés seulement.
Ha oui ? Et on a besoin de 136 pages pour raconter ça ? Ben ouais ! C'est passionnant, mais également très poétique. On vit au jour le jour. On éprouve la peur de croiser l'ours, celle d'égarer des brebis ou de le perdre définitivement, car les dangers sont nombreux en altitude, on prend nous aussi les touristes pour des béotiens, on ressent parfois la langueur des jours, et surtout le décalage quand, sur les dernières pages, notre homme revient à la civilisation. D'ailleurs, il ne traine pas. C'est expédié. Il n'assistera même pas à la fête du village censée célébrer l'événement.
Avant cela, on a compté avec lui les animaux. On les a énumérés. Et on ne s'est pas endormi. Il y a des passages très forts, très significatifs. Je pense en particulier à la manière dont Maxim Cain décrit la brume qui monte et obstrue la vue. Ça m'a rappelé ma lecture d'Au cœur des solitudes de Lomig. Comme elle, Démontagner est entièrement en noir et blanc, ce qui immerge dans le sujet en offrant de très belles planches dédiées aux paysages. Ici aussi, la solitude a toute la place.
Une fois ma lecture achevée, je me suis retrouvé moi-aussi tout décalé. Tout démontagné, et j'avoue que j'en aurais bien repris une louche. Sans fantasmer sur le métier de berger, qui doit être un sacré truc tout de même, j'ai été enchanté de passer ces quelques mois en compagnie de Maxim. C'était une très belle expérience, très réussie graphiquement, et sans fausse note.
Loin de Paris est une œuvre incroyable mais avec un Côté très personnel et très intimiste, c'est tous à fait le principe même de l'œuvre.
Ça ne cherche pas à embarquer le lecteur mais à témoigner aux lecteurs d'une époque certe révolue mais pas totalement désuet, il faut aussi derrière avoir une grille de lecture différente cette situation est encore actuel dans pas mal de pays, contexte historique différents.
On retrace cette jeune femme aimé de son marié mais qui se sent prisonnière de sa vie, à cause de son propre pays et des communistes de l'est.
Et qui n'a que pour s'évader de sa vie maurose du communisme polonais, les lettres de sa sœurs vivant à Paris, lui envoyant des ouvrages, des disques.
Pouvoir aussi ressentir du point de vue des habitants du blocs de l'est cette relation étrange presque bizarre d'avoir une mère en état de choque devant un vinyle en mode oh que c'est beau,
C'est la que le bouquin nous rappelle par quelques petites finesses l'écart presque multidimensionnelle entre le blocs de l'ouest, et le bloc de l'est, comme deux monde parallèle qui se côtoies.
Chose qu'aujourd'hui on a plus tellement, et qu'on oublie trop souvent ça.
Le livre est aussi profondément triste dans son approche mais arrive avec certaines fulgurances à rendre le tous léger avec une finesses d'as l'écriture par certains trait humoristiques allegeant bien l'œuvre, ça rend plus de légèreté et c'est plutôt bien dosé.
Apres, la direction artistique est celons moi fabuleuse et une prise de risque assez phénoménal, et très atypique et expérimental dans un certains sens, c'est peut être un bon roman graphique qu'on pourrait lire en complément de la couleur des choses, flatland par exemple, dans cette continuité de roman graphique expérimentale ou délirante.
C'est un roman graphique fait sous logiciel d'architecture, et il faut pas que ce soit rédhibitoire, c'est un ptit chef d'œuvre qui justement le rend unique et marquant, c'est mon ultra coups de cœur cette année avec Flat Land.
J'écris cela après une deuxième lecture, la première ayant été sur un temps trop long pour apprécier l'ouvrage. Je mets de côté les graphismes qui peuvent être appréciés de manière subjective, bien que je les apprécie.
L'histoire... l'histoire peut sembler enfantine au début, capillotractée à la fin et difficile à suivre, mais l'ensemble est vraiment bon, il y a vraiment une recherche sur l'ensemble. Si on fait l'effort de suivre, ce qui n'est pas évident, je le reconnais sinon j'aurais mis 5, c'est une série très enrichissante.
J’ai déjà lu plusieurs adaptations du récit de Bram Stoker, plus ou moins réussies et intéressantes. Celle de Bess, avec son Noir et Blanc puissant se range clairement dans le camp des belles transpositions, comme celle de Fernandez d’ailleurs.
Alors que les deux albums sont très différents graphiquement, j’ai eu le même ressenti en lisant les versions de Bess et de Fernandez. En effet, tous deux sont très respectueux du texte d’origine – peut-être trop finalement – dans lequel Fernandez a un peu plus coupé, se contant de moins d’une centaine de pages.
L’autre point commun est la force du dessin. Mais, là où Bess use d’un Noir et Blanc tranché et pur, d’une grande beauté, Fernandez va tout au contraire mettre en avant un travail baroque et coloré, souvent plus proche du travail d’un peintre que de celui d’un bédéiste. Si le style n’est pas forcément ce que je préfère, on ne peut lui dénier une qualité et une beauté qui accompagnent très bien le récit, avec des touches forcément noires accentuant la noirceur d’un récit gothique.
L’intrigue immergée – dans tous les sens du terme pour le coup ! – dans un coin de la France profonde, et certains ressorts de l’histoire, m’ont fait penser à des téléfilms typés « France télévision », qui a priori ne sont pas trop mon truc. Mais cet album s’en éloigne quand même, ou à tout le moins se place dans le haut de ce panier.
Je ne connais pas le roman d’origine, et donc ce qui a immanquablement dû être élagué, mais Matz, en vieux briscard du polar (personnel ou en adaptation) nous restitue quelque chose de très lisible, d’agréable et de fluide. L’intrigue est bien bâtie, tout est crédible, de l’histoire aux personnages (seule la volonté de Noémie, l’héroïne, de rester dans son bled provincial m’a au final étonné : qu’elle quitte Paris et son panier de crabes bien sûr, mais sans attache et urbaine, ça me laisse sceptique, mais bon).
Le décor est bien planté, et l’enquête va en s’accélérant jusqu’aux inévitables rebondissements – en plusieurs étapes – du final. Mais, là aussi, ces rebondissements sont moins bourrins et/ou téléphonés que je ne le craignais.
Alors, certes, rien d’extraordinaire. Mais on a là un divertissement bien fichu, du polar classique sans esbroufe où tout reste crédible – jusque dans la noirceur crasse de certains.
Le rendu du dessin est un peu âpre, mais ça colle avec le sale caractère de Noémie, qui a pris dans la gueule une décharge de fusil et le mépris de sa hiérarchie au 36 quai des Orfèvres, et qui n’est pas d’un abord toujours agréable.
Note réelle 3,5/5.
Océan Noir
Les reprises ou les albums "vu par..." sont nombreux depuis quelques années. Si, à mon avis, certains se sont révélés désastreux (comme la reprise de Spirou, série que j'ai abandonnée), d'autres comme le Lucky Luke de Mathieu Bonhomme ou certains Blake et Mortimer, voire la version de Sfar & Blain de Blueberry sont assez voire très bien réussies. D'ailleurs, la reprise n'a jamais été autant meilleure lorsqu'elle fait exploser les codes comme Le dernier pharaon (Blake et Mortimer) de Schuiten, Van Dormael et Gunzig.
Avec "Océan noir', Vivès et Martin Quenehen arrivent à nous surprendre avec leur vision d'un Corto Maltese plus contemporain.
J'avoue que je ne suis guère un grand fan des aventures imaginées par Hugo Pratt, et je ne possède que 3 albums (dont l'excellent "Ballade de la mer salée"), mais j'ai été littéralement bluffé par cet album. Le dessin de Bastien Vivès est à la hauteur de l'enjeu, il a gardé son propre style tout en conservant l'atmosphère des albums d'Hugo Pratt ; et mon dieu que Raua est jolie sous les traits de Vivès. Le scénario de Martin Quennehen ne trahit en rien l'univers de Corto Maltese : rencontres, silence, mystère, quête et voyages en bateau, même Raspoutine est présent !
Très bel album que j'ai déjà lu deux fois.
S'il fallait trouver une critique, ce serait sur le prix. En effet la version de luxe à 35 euros (celle que j'ai prise), et l'édition brochée à 22 euros, c'est abusé lorsque les albums brochés N&B de Corto Maltese que je possède m'avaient coûté 12 euros au début des années 2000 !
La Reine de Babylone
Je suis, loin de là, un spécialiste de Corto Maltèse, ne possédant que 3 albums signés Hugo Pratt, pourtant je m'étais précipité, non sur la reprise de Juan Díaz Canalès et Rubén Pellejero , mais sur celle de Bastien Vivès et Martin Quenehen en 2021. Et j'avais adoré.
Je suis de nouveau au rendez-vous avec "la reine de Babylone" signé du même duo d'auteurs. Je trouve que le dessin de Vivès s'inscrit toujours autant dans celui de Pratt, sans pour autant le copier. Bastien Vivès conserve son style propre dans un univers qui n'est pas le sien.
Par contre, j'ai trouvé que cela allait un peu vite dans l'intrigue, avec pas mal de scènes d'actions et de nombreuses cases muettes. Il manque peut-être un soupçon de poésie ou de quiétude pour que l'album soit parfait. On retrouve la patte de Quenehen dans cette nouvelle aventure avec un périple à travers l'Europe, des actes de piraterie , une dose de CIA et un trésor.
Malgré l'épaisseur de l'album (180 pages), j'ai savouré cette aventure de Corto Maltèse ,dans l'édition de luxe, qui il faut l'avouer en dépit de son prix assez élevé, est superbe.
le jour d'avant
C’est doute le moins bon des Corto Maltese signés Quenehen et Vivès , que je viens de lire. Pourtant peu adepte du personnage version Hugo Pratt, j’ai trouvé Corto assez éloigné de l’image que je me faisais de lui, et surtout du personnage qu’avaient repris ce duo d’auteurs.
Cette intrigue est, à mon goût, trop ancrée dans l’actualité avec le dérèglement climatique en toile de fond. Et ce n’est pas tout, le scénario mêlant espionnage, guerre des gangs, et géopolitique devient presqu’indigeste. Trop d’actions tue l’action dans cet album. Où sont passés les silences, la poésie et le mystère de Corto Maltese ?
J’ai eu du mal aussi avec le personnage de l’avocate activiste, trop caricaturale à mon goût et transformer ici Corto Maltese en mercenaire n’était pas la meilleure idée.
Quant au dessin de Vivès, j‘ y adhère toujours autant.
J’avais nettement préféré les deux premiers albums de Vivès et Quenehen, qui certes s’inscrivaient dans notre monde contemporain, mais étaient un peu plus déconnecté de l’actualité immédiate, dont on nous inonde à longueur de journée
Bref, une déception pour ce troisième opus.
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Mr Magellan
Une série culte de mon enfance. J’ai adoré ces scénarios surréalistes un peu futuristes. M Magellan et sa comparse Miss Capella dans une surenchère constante d’excentricité. De plus le coté science-fiction fantastique de cette série est toujours resté très cohérent et rationnel, sans jamais céder dans la facilité, ce qui changeait de beaucoup de séries de l’époque.
Lightfall
Voila une très sympathique petite série fantasy pour jeunesse. Tout comme Bergères Guerrières à laquelle j'aurais envie de le comparer, cette série porte en elle une sympathique histoire aux personnages marquants et dans une ambiance de monde à sauver. J'ai commencé la série sans avoir la moindre idée de là où l'on allait, et j'ai été agréablement surpris. C'est une aventure qui part en exploration d'un monde de fantasy entre une jeune femme anxieuse élevée par un grand-père cochon et un jeune d'une race ancienne désormais éteinte dont on ne sait pas grand chose. Très vite l'histoire s'emballe et commence à dériver autour des lampes qui éclairent le monde (une idée piquée à Tolkien par hasard ?). Si l'ensemble est très linéaire dans son déroulé, il faut bien dire que l'histoire ne va pas dans une direction précise (même si ça se sent) et camoufle soigneusement ce qui va se développer. Le méchant qui se dévoile n'est pas monolithique et des surprises viendront à son propos. De même, alors que l'histoire allait clairement vers une confrontation, celle-ci survient bien vite et continue ensuite. Le développement n'est pas remarquablement fait, mais suffisamment subtile pour un public plus jeune. L'auteur a décidé parler de sujets importants aux plus jeunes et c'est tout à son honneur. Mais le récit ne manque pas d'humour malgré son histoire sombre. Que ce soit le grand-père gourmand aux trous de mémoire ou l'acolyte un peu bourrin avec son épée, les touches d'humour parsèment le récit qui reste pourtant globalement assez sombre. Il y a une réelle tristesse dans le récit, et son personnage principal est sujet à des crises d'anxiété très bien représentées qui l'handicapent tout en lui permettant de se révéler lorsqu'elle les affronte et se libère de ses peurs. Le dessin d'ailleurs est très dynamique mais surtout une entrée dans un monde fantastique. L'ambiance cosy des intérieurs, les costumes et les décors font complètement fantasy, invitant le lecteur à s'immerger dans un monde qui sera exploré en détails. Le tome 3 se conclue sur une quête toujours relancée sans que je ne sente l'ensemble faiblir et je dois dire que je suis assez intéressé par la suite ! Je l'espère pas trop longue, mais cette série est un plaisir de lecture que je recommande d'offrir aux plus jeunes !
Au pied des étoiles
N’être qu’avec soi, c’est mourir. - Ce tome contient une histoire complète, un voyage au Chili en 2021, ou plutôt deux. Son édition originale date de 2024. Il a été réalisé à quatre mains pour le scénario, les dessins et les couleurs, par Edmond Baudoin et Emmanuel Lepage. Il comprend deux-cent-cinquante-quatre pages de bande dessinée. À l’origine, il y a la lumière. La lumière fabrique l’univers. L’espace et le temps commencent à exister. C’est d’abord un brouillard opaque… Un brouillard dont est prisonnier la lumière… L’univers grandit, se refroidit… Alors apparaissent les protons, les neutrons et les électrons : ce sont les particules élémentaires. Elles dansent avec les grains de lumière, les protons… Ensemble, ils donnent naissance à la matière. Quand un proton et un électron se rencontrent, ils forment l’hydrogène. Tout ce qui est matière s’attire et s’agglutine. Quand la masse de cette matière ainsi créée devient très importante, elle fusionne. Et quand les atomes d’hydrogène fusionnent, naît alors l’hélium. Vol Paris-Santiago, cinq décembre 2021. Quand l’hélium fusionne à son tour, se créent d’autres éléments. Le carbone, l’oxygène. Les étoiles sont des usines à matière. La matière s’attire, la lumière la repousse. L’étoile existe dans ce fragile équilibre. Si la matière gagne, des trous noirs apparaissent. Si la lumière gagne, l’étoile explose. Quand une étoile explose, elle libère les atomes d’hydrogène et d’oxygène… Quand ceux-ci se rencontrent, se crée alors la molécule H2O… L’eau, la vie. Ce livre est une histoire de rencontres, de lumière et de vie. Edmond revient sur la genèse de ce livre. En décembre 2021, voici deux ans qu’un professeur de physique en lycée à Grenoble, José Ollivares, a proposé à deux auteurs de bandes dessinées d’aller voir les étoiles. Edmond Baudoin, Emmanuel Lepage. Deux auteurs de bandes dessinées aux univers très différents, deux planètes bien distinctes. Une figue, une pomme, et des noix. Edmond raconte comment il a connu Emmanuel : il y a longtemps, à Saint-Malo. Ils se sont promenés sur la plage ensemble. Il s’était inspiré de cette balade pour l’affiche du festival. Quelle année ? Il a en ce temps-là la cinquantaine, Emmanuel est un jeune homme, il est beau, Edmond est sensible à sa beauté, il est dans un devenir qui ira au-delà du sien. Le travail de Lepage est dans l’extériorité, les oiseaux sortent de sa tête, Edmond marche sur d’autres chemins. La nuit, la plage, ces réflexions, cette émotion, s’enfoncent à chaque pas dans le sable. Puis Emmanuel met en scène sa version de cette rencontre. Au début des années 1990, il a vingt-cinq ans, Edmond cinquante. Ils marchent le long du sillon. Edmond est un précurseur. Il pratique une bande dessinée de l’intime quand celle-ci est encore balbutiante. Il se raconte. Lui, Emmanuel s’est nourri de bandes dessinées franco-belges de fiction. Des récits qui se déclinent en séries et dans des formats courts. Il a déjà plusieurs albums derrière lui. Il tâtonne, il se cherche… Et il aime le chemin de création de Baudoin qui semble si loin du sien. Il arrive que l’attraction d’une planète soit si forte qu’elle modifie l’ellipse d’une autre. Edmond est cette planète. Une collaboration entre ces deux auteurs, tous les deux excellents : Hop ! C’est plié, extraordinaire bande dessinée, d’une richesse exceptionnelle. Des détails ? Soit. C’est l’histoire de José Ollivares, un professeur de physique qui veut emmener ses élèves voir les étoiles dans le désert d'Atacama, au Chili. Il se dit que les échanges n’en seront que plus intéressants s’ils sont accompagnés de deux auteurs de bande dessinée, et puis d’un réalisateur de documentaire pour en faire un film. Date prévisionnelle du voyage : avril 2020. Il se produit un petit imprévu : la COVID-19. Tant pis, ils feront deux voyages, le premier à trois, le second avec les élèves. Deuxième imprévu, Baudoin ne pourra pas participer au deuxième voyage. Donc un premier voyage en décembre 2021, un second en avril 2022. Baudoin a une grande habitude de réaliser des albums à quatre mains, que ce soit avec Troubs (quatre bandes dessinées à leur actif), ou avec Céline Wagner, Tanguy Dohollau, Aurore Bize. Il a détaillé sa méthode de travail en duo, par exemple dans Inuit (2023) : discuter des planches au fur et à mesure à deux, les réaliser de préférence sur le vif, ou pendant les séjours chez l’habitant. Un rapide feuilletage montre des planches réalisées par l’un, des planches réalisées par l’autre, et quelques planches et mêmes quelques cases réalisées ensemble. Il est possible de lire cet album comme un carnet de voyage. Dans la première partie les deux créateurs s’envolent pour Santiago, après avoir expliqué la genèse du projet. Ils arrivent à quelques jours de l’élection présidentielle opposant José Antonio Kast à Gabriel Boric, ce dernier étant élu le dix-neuf décembre 2021, ce qui donne lieu à des manifestations de liesse populaire. Puis le petit groupe voyage, traverse Chiloé. Ils séjournent en passant à Valparaiso, se rendent compte qu’ils ne peuvent pas se rendre à Atacama à cause des restrictions imposées par la pandémie. Ils continuent leur voyage, et bénéficient de la possibilité d’aller contempler les manchots de Humboldt. Enfin le retour vers la France. Les auteurs réalisent des planches qui comblent l’horizon d’attente d’un ouvrage de type carnet de voyage : montrer les régions où ils se trouvent, représenter les personnes qu’ils rencontrent, faire apparaître l’exotisme pour des Européens, sans transformer le voyage en du tourisme de masse voyeur. S’il connait l’un ou l’autre des deux artistes, le lecteur identifie au premier coup d’œil qui a dessiné quoi. Dans le cas contraire, les auteurs évoquent leur façon de concevoir leur art, et ils explicitent que les dessins de nature plus réalistes dans leur représentation sont ceux d’Emmanuel Lepage, et ceux plus dans la texture et la sensation sont ceux d’Edmond Baudoin. Deux beaux voyages retranscrits avec la sensibilité humaniste de l’un et l’autre, ainsi que leurs différences de sensibilité et de façon d’aborder chaque nouveauté, chaque rencontre. Puis vient le deuxième voyage passant par Antofagasta, aux portes du désert d’Atacama, la visite de l’observatoire astronomique du Cerro Paranal, la visite de la ville de Chacabuco, etc. Toutefois, la richesse de l’ouvrage va bien au-delà d’un carnet de voyages entre deux amis. Il s’ouvre sur la création de l’univers, et des étoiles. Ce développement provient à la fois du but du voyage scolaire, à la fois de la question que posent les auteurs aux habitants avec qui ils discutent : Qu’est-ce que les étoiles pour vous ? Ils abordent également la nature des étoiles telle que racontée dans une légende mapuche, et le versant scientifique des réactions nucléaires qui aboutissent à la création de la matière, aux méthodes complexes pour observer les étoiles, de l’interférométrie à l’utilisation de puissants lasers. À l’opposé de touristes de passage pour cocher des cases de sites à voir absolument, ils s’intéressent à la vie des habitants, à l’histoire du pays qu’ils développent à plusieurs reprises, aux élections. Dans la mesure où il s’agit du voyage de deux amis, ils reviennent sur l’histoire de leur amitié, sur la fois où ils ont été amoureux de la même femme en même temps. Puisqu’il s’agit de deux dessinateurs de bande dessinée, ils comparent leur manière de procéder à leur page, leur façon de regarder le monde et d’en rendre compte, de représenter la beauté. Lors du deuxième voyage, c’est l’occasion pour Emmanuel de discuter avec les étudiants, de parler leur façon de participer à l’avenir de la planète sur le plan politique, et d’évoquer la sexualité, l’un d’eux envisageant une transition de genre. Comme il s’agit de deux artistes, ils évoquent ou citent ceux issus du Chili, ou faisant écho à leurs émotions : Rainer Maria Rilke (1875-1926, poète), Mircea C?rt?rescu (1965-, écrivain) Pablo Neruda (1904-1973, poète), Victor Jara (1932-1973, musicien), George Grosz (1893-1959, peintre d'origine allemande), Arthur Rimbaud (1854-1891, poète). La narration visuelle enchante le lecteur à chaque page. Ces deux artistes disposent d’une solide expérience professionnelle, d’une approche très personnelle à leur art, d’une maîtrise de nombreuses techniques, d’un savoir-faire peu commun en termes de mise en scène et de conception de chaque planche. Le lecteur découvre aussi bien des planches d’un format très classique (des cases avec bordure, disposées en bande), que des formats libres approchant un texte avec des illustrations, à chaque fois conçues spécifiquement en fonction du propos, du sur mesure fait main. La rétine du lecteur est à la fête : deux cases presque abstraites en ouverture pour évoquer la lumière fabriquant l’univers, suivi par une illustration en pleine page de corps entremêlés comme en train de danser, une très belle peinture montrant l’avion traversant un ciel nocturne, les pieux dressés comme brise-lame sur le sillon de Saint Malo, un fac-similé de radiographie pour évoquer le cancer d’Emmanuel, une montagne représentée à la manière d’une gravure de Gustave Doré, les graffitis sur les murs de Santiago, un astronome avec un genou à terre entouré d’un tourbillon d’équations mathématiques, une représentation d’un horizon panoramique à la manière des Inuits… et bien sûr quelques arbres, comme il est d’habitude dans une bande dessinée de Baudoin. Impossible de rendre compte de la richesse visuelle de cet ouvrage, de l’intelligence avec laquelle la narration visuelle sert les propos. Même s’il est familier de ces deux artistes, le lecteur ne peut imaginer la richesse de cette bande dessinée, à la fois carnet de voyage, carnet de rencontres, vulgarisation scientifique, historique de la nation chilienne, histoire d’une amitié, réflexions sur l’art de la bande dessinée, passage comparatif entre l’approche des deux amis, relais générationnel, fragilité de la vie que ce soit du fait de la maladie ou de la répression mise en œuvre par un régime dictatorial, engagement militant, vieillesse, poésie, impact d’une pandémie, besoin de vérité, impuissance devant la beauté, confidences entre amis, etc. Toute la richesse de l’expérience humaine.
Caballero Bueno - Une enquête de l'inspecteur Valverde
Au début des années 1930, un notable anglais est retrouvé assassiné sur l'île de Pâques, ce petit territoire isolé où cohabitent chiliens, colons britanniques et indigènes Pascuans réduits à la misère. L'inspecteur Guillermo Valverde, envoyé par le président chilien, arrive sur place pour mener l'enquête dans un huis clos à ciel ouvert, traversé de tensions raciales et politiques. L'album offre une enquête policière captivante, dans un décor rarement exploré et historiquement riche. On y retrouve l'esprit d'Agatha Christie, mais transposé dans un cadre exotique et chargé d'enjeux coloniaux. Le dessin de Thomas Gilbert séduit par son style semi-réaliste, expressif et légèrement inquiétant. Les couleurs, à la fois lumineuses et mélancoliques, traduisent la rudesse du climat et la beauté austère de l'île. La mise en page, claire et dynamique, renforce l'impression d'enfermement et d'humidité poisseuse qui plane sur l'histoire. Côté scénario, Thomas Lavachery s'appuie sur les notes de son grand-père, archéologue présent sur l'île en 1934. Le résultat est un polar historique solide, au rythme mesuré, plus proche des intrigues classiques que des thrillers nerveux. L'inspecteur Valverde, imposant et perspicace, évoque naturellement Hercule Poirot par sa corpulence et son sens aigu de la déduction, tout en partageant avec Sherlock Holmes une dépendance au laudanum et un talent pour le violon. Mais ses méthodes parfois brusques et son rapport direct aux autres lui donnent une personnalité bien à lui, à la fois cérébrale et terrienne, attachante et pleine de contradictions. Les personnages secondaires sont également bien campés : un gouverneur autoritaire, une jolie archéologue déterminée, un médecin désabusé mais bienveillant, un anglais violent et sa belle femme désœuvrée, ainsi qu'un peuple Pascuan décrit avec respect et nuance. Le récit, sans insister lourdement, dénonce la hiérarchie raciale et les abus coloniaux de l'époque. Même si la résolution se devine un peu avant la fin, l'écriture reste élégante et les dialogues d'une belle précision. Caballero Bueno est un polar feutré et intelligent, entre hommage aux classiques du genre, modernité du ton et intérêt historique. Entre l'élégance de Poirot et les failles de Holmes, Valverde s'impose comme un enquêteur singulier et profondément humain, que j'aurais plaisir à retrouver dans d'autres enquêtes.
Démontagner
Voilà bien une BD dont je n'attendais rien. D'abord, je n'en avais jamais entendu parler avant d'en avoir un exemplaire dans les mains, et ensuite, elle s'est retrouvé dans ma PAL (Pile à Lire) pour le boulot. J'ai trouvé ça très bien. J'ai lu cette BD d'une traite, c'est un signe. Son scénario est simple et propose de suivre une saison en montagne avec un berger qui transhume un troupeau. Parce que notre auteur, qui porte à la foi la casquette d'illustrateur et le béret de berger, va rester plus de trois mois dans les alpages, dormant dans une cabane de quelques mètres carrés seulement. Ha oui ? Et on a besoin de 136 pages pour raconter ça ? Ben ouais ! C'est passionnant, mais également très poétique. On vit au jour le jour. On éprouve la peur de croiser l'ours, celle d'égarer des brebis ou de le perdre définitivement, car les dangers sont nombreux en altitude, on prend nous aussi les touristes pour des béotiens, on ressent parfois la langueur des jours, et surtout le décalage quand, sur les dernières pages, notre homme revient à la civilisation. D'ailleurs, il ne traine pas. C'est expédié. Il n'assistera même pas à la fête du village censée célébrer l'événement. Avant cela, on a compté avec lui les animaux. On les a énumérés. Et on ne s'est pas endormi. Il y a des passages très forts, très significatifs. Je pense en particulier à la manière dont Maxim Cain décrit la brume qui monte et obstrue la vue. Ça m'a rappelé ma lecture d'Au cœur des solitudes de Lomig. Comme elle, Démontagner est entièrement en noir et blanc, ce qui immerge dans le sujet en offrant de très belles planches dédiées aux paysages. Ici aussi, la solitude a toute la place. Une fois ma lecture achevée, je me suis retrouvé moi-aussi tout décalé. Tout démontagné, et j'avoue que j'en aurais bien repris une louche. Sans fantasmer sur le métier de berger, qui doit être un sacré truc tout de même, j'ai été enchanté de passer ces quelques mois en compagnie de Maxim. C'était une très belle expérience, très réussie graphiquement, et sans fausse note.
Loin de Paris
Loin de Paris est une œuvre incroyable mais avec un Côté très personnel et très intimiste, c'est tous à fait le principe même de l'œuvre. Ça ne cherche pas à embarquer le lecteur mais à témoigner aux lecteurs d'une époque certe révolue mais pas totalement désuet, il faut aussi derrière avoir une grille de lecture différente cette situation est encore actuel dans pas mal de pays, contexte historique différents. On retrace cette jeune femme aimé de son marié mais qui se sent prisonnière de sa vie, à cause de son propre pays et des communistes de l'est. Et qui n'a que pour s'évader de sa vie maurose du communisme polonais, les lettres de sa sœurs vivant à Paris, lui envoyant des ouvrages, des disques. Pouvoir aussi ressentir du point de vue des habitants du blocs de l'est cette relation étrange presque bizarre d'avoir une mère en état de choque devant un vinyle en mode oh que c'est beau, C'est la que le bouquin nous rappelle par quelques petites finesses l'écart presque multidimensionnelle entre le blocs de l'ouest, et le bloc de l'est, comme deux monde parallèle qui se côtoies. Chose qu'aujourd'hui on a plus tellement, et qu'on oublie trop souvent ça. Le livre est aussi profondément triste dans son approche mais arrive avec certaines fulgurances à rendre le tous léger avec une finesses d'as l'écriture par certains trait humoristiques allegeant bien l'œuvre, ça rend plus de légèreté et c'est plutôt bien dosé. Apres, la direction artistique est celons moi fabuleuse et une prise de risque assez phénoménal, et très atypique et expérimental dans un certains sens, c'est peut être un bon roman graphique qu'on pourrait lire en complément de la couleur des choses, flatland par exemple, dans cette continuité de roman graphique expérimentale ou délirante. C'est un roman graphique fait sous logiciel d'architecture, et il faut pas que ce soit rédhibitoire, c'est un ptit chef d'œuvre qui justement le rend unique et marquant, c'est mon ultra coups de cœur cette année avec Flat Land.
L'Anneau des 7 Mondes
J'écris cela après une deuxième lecture, la première ayant été sur un temps trop long pour apprécier l'ouvrage. Je mets de côté les graphismes qui peuvent être appréciés de manière subjective, bien que je les apprécie. L'histoire... l'histoire peut sembler enfantine au début, capillotractée à la fin et difficile à suivre, mais l'ensemble est vraiment bon, il y a vraiment une recherche sur l'ensemble. Si on fait l'effort de suivre, ce qui n'est pas évident, je le reconnais sinon j'aurais mis 5, c'est une série très enrichissante.
Dracula (Fernandez)
J’ai déjà lu plusieurs adaptations du récit de Bram Stoker, plus ou moins réussies et intéressantes. Celle de Bess, avec son Noir et Blanc puissant se range clairement dans le camp des belles transpositions, comme celle de Fernandez d’ailleurs. Alors que les deux albums sont très différents graphiquement, j’ai eu le même ressenti en lisant les versions de Bess et de Fernandez. En effet, tous deux sont très respectueux du texte d’origine – peut-être trop finalement – dans lequel Fernandez a un peu plus coupé, se contant de moins d’une centaine de pages. L’autre point commun est la force du dessin. Mais, là où Bess use d’un Noir et Blanc tranché et pur, d’une grande beauté, Fernandez va tout au contraire mettre en avant un travail baroque et coloré, souvent plus proche du travail d’un peintre que de celui d’un bédéiste. Si le style n’est pas forcément ce que je préfère, on ne peut lui dénier une qualité et une beauté qui accompagnent très bien le récit, avec des touches forcément noires accentuant la noirceur d’un récit gothique.
Surface
L’intrigue immergée – dans tous les sens du terme pour le coup ! – dans un coin de la France profonde, et certains ressorts de l’histoire, m’ont fait penser à des téléfilms typés « France télévision », qui a priori ne sont pas trop mon truc. Mais cet album s’en éloigne quand même, ou à tout le moins se place dans le haut de ce panier. Je ne connais pas le roman d’origine, et donc ce qui a immanquablement dû être élagué, mais Matz, en vieux briscard du polar (personnel ou en adaptation) nous restitue quelque chose de très lisible, d’agréable et de fluide. L’intrigue est bien bâtie, tout est crédible, de l’histoire aux personnages (seule la volonté de Noémie, l’héroïne, de rester dans son bled provincial m’a au final étonné : qu’elle quitte Paris et son panier de crabes bien sûr, mais sans attache et urbaine, ça me laisse sceptique, mais bon). Le décor est bien planté, et l’enquête va en s’accélérant jusqu’aux inévitables rebondissements – en plusieurs étapes – du final. Mais, là aussi, ces rebondissements sont moins bourrins et/ou téléphonés que je ne le craignais. Alors, certes, rien d’extraordinaire. Mais on a là un divertissement bien fichu, du polar classique sans esbroufe où tout reste crédible – jusque dans la noirceur crasse de certains. Le rendu du dessin est un peu âpre, mais ça colle avec le sale caractère de Noémie, qui a pris dans la gueule une décharge de fusil et le mépris de sa hiérarchie au 36 quai des Orfèvres, et qui n’est pas d’un abord toujours agréable. Note réelle 3,5/5.
Corto Maltese (Quenehen et Vives)
Océan Noir Les reprises ou les albums "vu par..." sont nombreux depuis quelques années. Si, à mon avis, certains se sont révélés désastreux (comme la reprise de Spirou, série que j'ai abandonnée), d'autres comme le Lucky Luke de Mathieu Bonhomme ou certains Blake et Mortimer, voire la version de Sfar & Blain de Blueberry sont assez voire très bien réussies. D'ailleurs, la reprise n'a jamais été autant meilleure lorsqu'elle fait exploser les codes comme Le dernier pharaon (Blake et Mortimer) de Schuiten, Van Dormael et Gunzig. Avec "Océan noir', Vivès et Martin Quenehen arrivent à nous surprendre avec leur vision d'un Corto Maltese plus contemporain. J'avoue que je ne suis guère un grand fan des aventures imaginées par Hugo Pratt, et je ne possède que 3 albums (dont l'excellent "Ballade de la mer salée"), mais j'ai été littéralement bluffé par cet album. Le dessin de Bastien Vivès est à la hauteur de l'enjeu, il a gardé son propre style tout en conservant l'atmosphère des albums d'Hugo Pratt ; et mon dieu que Raua est jolie sous les traits de Vivès. Le scénario de Martin Quennehen ne trahit en rien l'univers de Corto Maltese : rencontres, silence, mystère, quête et voyages en bateau, même Raspoutine est présent ! Très bel album que j'ai déjà lu deux fois. S'il fallait trouver une critique, ce serait sur le prix. En effet la version de luxe à 35 euros (celle que j'ai prise), et l'édition brochée à 22 euros, c'est abusé lorsque les albums brochés N&B de Corto Maltese que je possède m'avaient coûté 12 euros au début des années 2000 ! La Reine de Babylone Je suis, loin de là, un spécialiste de Corto Maltèse, ne possédant que 3 albums signés Hugo Pratt, pourtant je m'étais précipité, non sur la reprise de Juan Díaz Canalès et Rubén Pellejero , mais sur celle de Bastien Vivès et Martin Quenehen en 2021. Et j'avais adoré. Je suis de nouveau au rendez-vous avec "la reine de Babylone" signé du même duo d'auteurs. Je trouve que le dessin de Vivès s'inscrit toujours autant dans celui de Pratt, sans pour autant le copier. Bastien Vivès conserve son style propre dans un univers qui n'est pas le sien. Par contre, j'ai trouvé que cela allait un peu vite dans l'intrigue, avec pas mal de scènes d'actions et de nombreuses cases muettes. Il manque peut-être un soupçon de poésie ou de quiétude pour que l'album soit parfait. On retrouve la patte de Quenehen dans cette nouvelle aventure avec un périple à travers l'Europe, des actes de piraterie , une dose de CIA et un trésor. Malgré l'épaisseur de l'album (180 pages), j'ai savouré cette aventure de Corto Maltèse ,dans l'édition de luxe, qui il faut l'avouer en dépit de son prix assez élevé, est superbe. le jour d'avant C’est doute le moins bon des Corto Maltese signés Quenehen et Vivès , que je viens de lire. Pourtant peu adepte du personnage version Hugo Pratt, j’ai trouvé Corto assez éloigné de l’image que je me faisais de lui, et surtout du personnage qu’avaient repris ce duo d’auteurs. Cette intrigue est, à mon goût, trop ancrée dans l’actualité avec le dérèglement climatique en toile de fond. Et ce n’est pas tout, le scénario mêlant espionnage, guerre des gangs, et géopolitique devient presqu’indigeste. Trop d’actions tue l’action dans cet album. Où sont passés les silences, la poésie et le mystère de Corto Maltese ? J’ai eu du mal aussi avec le personnage de l’avocate activiste, trop caricaturale à mon goût et transformer ici Corto Maltese en mercenaire n’était pas la meilleure idée. Quant au dessin de Vivès, j‘ y adhère toujours autant. J’avais nettement préféré les deux premiers albums de Vivès et Quenehen, qui certes s’inscrivaient dans notre monde contemporain, mais étaient un peu plus déconnecté de l’actualité immédiate, dont on nous inonde à longueur de journée Bref, une déception pour ce troisième opus.