Les derniers avis (26 avis)

Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Tout est possible mais rien n'est sûr
Tout est possible mais rien n'est sûr

Il est assez rare qu'une lecture parvienne à m'émouvoir. M'amuser, me distraire, m'énerver, me porter, me toucher, oui. M'émouvoir, c'est plus difficile. Parce que je suis un garçon et qu'on m'a appris à ne rien laisser paraitre, surtout. Et pourtant, de temps en temps, une lecture me touche et m'émeut. Lorsque le volume est reposé, j'ai une larme au coin de l’œil et je sens que quelque chose à remué en moi. Un écho à ma propre vie, qui agite mes émotions. Cette lecture fait partie de celles-ci. Je connaissais déjà Lucille Gomez à travers les blogs-bd où elle postait des dessins, et j'avais noté son trait en personnage filiforme, avec un usage de la couleur qui m'avait déjà tapé dans l’œil et une absence de case comme pour être plus libre. J'avais apprécié plusieurs de ses BD et c'est un vrai plaisir de pouvoir lire à nouveau quelque chose de sa main. Mais là, c'est vraiment l'histoire qui m'a pris au tripes. Et c'est parce que, pour une fois, j'ai été porté par le récit qui m'a fait clairement écho à ma propre vie. J'ai déjà reproché à des BD de faire, selon moi, un portait de jeunesse dans lequel je ne me reconnaissais pas du tout et surtout qui me semblait trop superficielles dans leurs traitements (Génération Y ou Ce que font les gens normaux notamment). Là, ça n'a pas du tout été le cas. Sans doute parce que je suis plus proche de ces milieux là, des questionnements présents dans la BD ou simplement parce qu'elle m'a semblé plus pertinente, mais Lucille Gomez fait, à travers son personnage, une synthèse diablement efficace de la jeunesse. C'est des artistes en devenir sans travail, un monde de l'emploi catastrophique pour les nouveaux arrivants, des considérations sur l'écologie et le capitalisme, la question de nos positions dans ce monde (entre volontés et réalités), la portée de nos convictions, les idéaux, le patriarcat ... C'est riche, dense (près de 200 planches tout de même) et surtout riche de réponses. La BD exploite beaucoup de procédés que j'ai trouvé très bon. Déjà les doubles pages, présentes plusieurs fois dans la BD, des idées de mises en scène par le découpage (je pense aux cases à la fenêtre qui enferment le personnage habituellement libre) ou encore l'utilisation du chat. C'était un procédé couramment utilisé dans les blogs-bd pour pouvoir faire une discussion (Frantico, Gally ou Lucille Gomez s'en servaient) mais je le trouve très bien utilisé ici. Cette voix intérieure, mélange de conscience, de reste d'éducation parentale et de nos peurs, qui revient nous hanter et nous parler régulièrement. La narration exploite aussi les bulles, disposées parfois de façon peu conventionnelles, et le dessin, avec cet ami qui semble flou dans son corps et sa voix, décoloré pour montrer son décalage avec le monde autour de lui. Je pourrais parler longuement de ce qui m'a plu ici : les débats et les questionnements, les attaques contre ce monde détesté, les remarques entendus en tant que jeune, les coups durs de la vie pour te rappeler ta place, les moments tendres, drôles, durs. C'est une plongée dans l'enfer de ce que peut être la jeunesse pleine d'espoir qui sort de diplômes et découvre le capitalisme, le libéralisme et le chômage. Bienvenu dans la réalité, prenez un siège ... Et pourtant, Lucille Gomez fait une histoire au final presque heureux, même s'il n'est clairement pas le Happy End qu'on attendrait. Plein d'espoirs, plus que plein de joie, il m'a tiré une larme parce qu'il incarne parfaitement ce qu'on doit garder en tête après toute cette noirceur. Et rien que pour ça, j'ai trouvé la BD extraordinaire. Il y a quelques passages de poésie dans les dialogues qui m'ont particulièrement touchés. C'est une BD que je vais garder précieusement. Parce qu'elle me rappelle des gens, des situations, parce qu'elle est juste dans ce qu'elle montre et ce qu'elle dénonce, mais aussi qu'elle laisse place à l'espoir. Un espoir qui est ce qu'il reste, en fin de compte. L'avenir est encore à nous, même s'il s'annonce sombre. Et j'aime beaucoup la tendresse qui se dégage de cette BD. Je ne m'attendais pas à grand chose, j'ai été époustouflé par ce récit. L'autrice à fait preuve d'une grande maitrise dans la narration pour donner cette synthèse réussie. A mon sens, c'est une excellente BD.

18/04/2024 (modifier)
Par Spooky
Note: 4/5
Couverture de la série La Route
La Route

La lecture du roman de Cormac Mc Carthy m'avait longuement marqué, il y a une dizaine d'années de cela. J'avais vu par la suite l'adaptation en film, avec un Viggo Mortensen comme souvent bluffant d'intensité et de présence. L'adaptation en BD par Larcenet semble procéder d'une certaine logique : parce que le monsieur a montré qu'il pouvait écrire et illustrer des histoires où il laisse éclater sa colère, son désespoir. La Route s'inscrit dans cette logique, j'ai rarement lu quelque chose d'aussi noir. Larcenet nous propose donc un road-movie en BD où les paroles sont rares, où les décors témoignent d'une fin du monde imminente, inéluctable. Les personnages se fondent dans une brume polluée permanente, ils errent comme des fantômes à la recherche d'un semblant de subsistance et de substance. Il n'y a pas de place pour l'espoir, même si le père essaie d'en fournir à son fils. Mais on sent bien, très vite, que c'est peine perdue. L'innocence du petit est un leurre. Un choc.

17/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Silverfish
Silverfish

Silverfish - Il s'agit d'un récit complet et indépendant de tout autre, initialement paru en 2007. Il a été écrit, dessiné et encré par David Lapham. Il s'agit d'un récit en noir & blanc, les tons de gris ont été réalisés par Don Ramos. L'histoire commence par une scène bizarre. D'étranges poissons à la bouche de piranha munis de flagelles nagent pour s'attaquer au cerveau d'un individu qui chantonne pour lui-même, tout en assassinant une femme avec un couteau. 3 ans plus tard, le 22 décembre 1988, Mia Fleming s'amuse au tir au pistolet dans une fête foraine fermée pour l'hiver, en compagnie de sa copine Vonnie Cray. Elles terminent leur virée dans un centre commercial pour acheter un bikini riquiqui. Pour noël, Ray (le père de Mia, veuf) lui offre un bijou avec la photographie de sa mère, ainsi qu'une robe de princesse pour Stacey, sa soeur asthmatique. Mia offre le maillot minuscule à Suzanne, la nouvelle compagne de son père qu'elle ne supporte pas. Suzanne et Ray partent quelques jours dans un chalet en pleine forêt. Avant le départ, Mia subtilise le carnet d'adresses de Suzanne à qui elle ne fait pas confiance. Pendant l'absence du couple, elle appelle différentes personnes sur le carnet (avec l'aide de Scott, le copain de Vonnie). En tâtonnant ils finissent par tomber sur un certain Daniel qui est très intéressé de revoir Colleen, le nom sous lequel il connaît Suzanne. La scène de prologue ne laisse planer aucun doute sur la nature du récit : un meurtre atroce commis sous le coup de la colère. Il s'agit bien d'un thriller et le lecteur sait dès le départ que Mia et sa copine risquent gros à farfouiller à l'aveugle dans le passé de Suzanne. Il sait également que Suzanne a des choses à cacher, sans en connaître l'étendue, sans idée de sa dangerosité. Il y a également l'artifice narratif un peu grossier de la jeune sœur fragile du fait de sa dépendance aux aérosols. Mais Lapham ne l'utilise pas comme le lecteur pourrait s'y attendre. Il commence par montrer comment les grands adolescents (Mia, Vonnie, Scott, et 2 copains) s'amusent avec le répertoire d'adresses (et de téléphones) pour essayer de trouver une trace du passé du Suzanne. Il ne les dépeint pas comme des enquêteurs chevronnés, mais comme des individus aux motivations diverses. Mia a la conviction chevillée au corps que Suzanne cache un lourd secret, le sous-entendu de la narration étant une jalousie et une rancœur dirigée contre la nouvelle femme qui accapare l'attention de son père et qui occupe la place de sa mère défunte. Lapham n'expose pas lourdement ce ressort psychologique, il montre les sentiments et les réactions de Mia, laissant le lecteur en faire l'interprétation. Les copains de Mia participent à sa recherche, mais pour eux il ne s'agit que d'un jeu, une occupation vaguement transgressive procurant un frisson. Et encore, ils ne sont pas tous investis de la même manière, et pas tout à fait pour les mêmes raisons. Avec un point de départ solide, Lapham met en scène des personnages différenciés, aux comportements motivés par des caractères différents. Lapham introduit les éléments de preuve à charge petit à petit, faisant monter progressivement la tension. Il intercale des scènes du passé, avec parcimonie, et avec un sens du rythme impressionnant. Comme dans les meilleurs thrillers, le lecteur découvre petit à petit les crimes, les comportements dangereux. Ce qui a commencé comme un défi inquisiteur provoque des conséquences inattendues, évolue vers des confrontations à haut risque, des jeux du chat et de la souris, entre individus inconscients de ce qu'ils mettent à jour, et imposteurs ayant beaucoup à perdre, prêts à commettre des actes désespérés. David Lapham dessine de manière descriptive, avec un petit degré de simplification par rapport à une photographie, ce qui rend les images plus rapidement lisibles. Cette simplification n'est pas synonyme d'une approche enfantine de la description. Tout du long du récit, le lecteur peut apprécier les détails qui rendent palpable l'environnement, les personnages et les actions. Ainsi la palissade de bois aux planches de guingois, la mouette et la silhouette au loin d'un grand huit positionne le lecteur en bord de mer, hors saison, avec un vent frais. L'intérieur du magasin de vêtements comporte des présentoirs avec des vêtements sur cintre, des clientes en train de regarder (seule la pente de l'escalator semble un peu raide). le chalet est superbe, entouré d'arbres dénudés par l'hiver. L'aménagement de la cuisine des Fleming est fonctionnel et atteste de revenus modestes. Lapham utilise des accessoires en nombre suffisant pour donner une personnalité à chaque endroit, même si quelques aménagements de pièces semblent avoir été réalisés un peu rapidement. Il n'est donc pas dans le détail et la précision, mais plus dans l'efficacité professionnelle. Par exemple, il représentera avec exactitude une fiche de téléphone pour qu'elle soit immédiatement reconnaissable ; par contre il ne s'attardera pas sur la texture du bois d'une table. Cette volonté d'avoir des images rapidement lisibles ne nuit pas à leur qualité. Chaque personnage est aisément identifiable, et les expressions des visages sont diverses et variées. Par contre elle participe au rythme de la lecture. L'enjeu pour Lapham est que le lecteur soit tenu en haleine par l'intrigue, le suspens, l'inquiétude grandissante pour les personnages et la certitude que tout peut arriver, que chaque situation peut déraper et basculer dans la violence. Son approche graphique lui permet également de conserver une forme d'urgence et de mouvements dans les dessins. Ainsi les vagues de la mer sont grossièrement esquissées, mais elles transcrivent bien leur clapot. Au fur et à mesure, les images et le séquençage de chaque scène (nombre de pages, nature de l'action, insert de retour en arrière) manipulent le lecteur, lui imposant le rythme de lecture, lui donnant les points de vue de différents personnages, en jouant sur le temps, la concomitance réelle ou artificielle, pour mieux l'entortiller dans ce récit dont les personnages foncent droit vers la confrontation hasardeuse. Avec cette histoire, David Lapham n'a d'autre ambition que de raconter un thriller efficace, et il le fait bien. Sa maîtrise du découpage et de la construction narrative lui permettent d'agripper le lecteur qui ne peut plus lâcher ce tome, comme un thriller dans un autre média (livre ou cinéma). Sans recourir à des émotions tire-larme faciles (pas d'abus de l'asthme de Stacey qui finalement ne fait qu'attirer l'attention du lecteur sur la fragilité de la vie), la mécanique de Lapham s'avère rigoureuse et bien huilée, ne laissant aucune chance au lecteur qui termine le récit à bout de souffle.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Musée
Musée

Après Yellow Cab qui m’avait moyennement enthousiasmé, Musée est mon 2ème Chabouté. Et bien je dois dire que c’est une très bonne pioche. Pourtant qu’est-ce que j’ai pesté durant les premières dizaines de pages, elles sont muettes et ils ne s’y passent pas grands choses. On a des zooms sur les chalands, les œuvres, le musée … c’est bien foutu graphiquement et narrativement mais je m’interrogeais vraiment de l’intérêt, je me suis tout de suite dis que ça n’allait pas être pour moi, un truc trop abscons et à la gloire du musée. Je trouvais déjà le sujet/la commande très casse gueule. Merci M. Chabouté de m’avoir prouvé, par la suite, que j’avais tort. Dès que les dialogues ont commencé à apparaître, j’ai commencé à accrocher. Alors attention il n’y a pas proprement d’histoire dans ce tome, c’est plus comme un ensemble de saynètes qui tourne autour d’œuvres phares du musée. En ça, le cahier des charges est rempli mais l’auteur le magnifie je trouve. Il y insuffle une belle magie (et c’est autre chose que le film La nuit au musée), en fait le début n’était là que pour placer l’ambiance, j’ai refermé l’album conquis. A travers ses différents instantanés, l’auteur développe tout un panel d’émotions, tantôt drôles (la quête d’Hercule, la prise de bec récurrente entre une statue et un tableau …), tantôt vraiment touchantes (le promeneur avec son chien, la petite fille et son papy …), une belle poésie s’en dégage. J’ai finalement été emporté dans ce petit monde grâce au ton juste et intelligent. Je tire mon chapeau à l’auteur, je ne vois pas comment il aurait pu mieux réussir l’exercice. Je n’ai encore jamais fait ce musée, contrairement à d’autres de la capitale, mais le jour J j’aurai cet album en tête.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série La Saga de Grimr
La Saga de Grimr

C'est avec un œil vierge que j'ai lu cette œuvre de Jérémie Moreau. En effet je ne connaissais pas son prix angoumois et je n'avais ni lu ni entendu aucune appréciation de cette série. Ma première surprise fut que Moreau situe sa série en Islande. Le terme de Saga aurait du me mettre la puce à l'oreille mais le terme a été tellement galvaudé que j'apprécie la volonté de l'auteur de le replacer dans son origine. Jérémie Moreau restitue avec justesse l'ambiance de ce petit pays au climat rude quasi désertique sur une grande partie de sa superficie où la terre cultivable est rare et précieuse. Dans un tel contexte, amplifié par les taxes dues au colonisateur chacun pense à sa survie. Ainsi l'individu (homme ou femme) isolé n'est rien ou alors un perturbateur individualiste de la structure fondée sur la renommée de la famille. Moreau propose une fine compréhension de cet état assez éloigné de notre droit individuel contemporain. J'ai apprécié que Moreau ne se perde pas dans une interprétation trop moderne de son personnage en en faisant un révolutionnaire à la mode de notre siècle. Grimr n'utilise pas principalement sa force contre l'ordre social établi mais surtout contre l'ordre naturel établi. Sa prouesse n'est pas de se révolter contre le royaume du Danemark ou son représentant mais de se révolter contre la fatalité tellurique de son pays et donc de sa propre fatalité finale. Grimr n'est pas vraiment orphelin car il est fils de l'Islande, il a ce pays dans ses entrailles dit-il. Il crée ainsi bien une filiation qui mérite une Saga. L'Islande est terre de feu et de glace. C'est ce que cherche à faire sentir le graphisme de l'auteur à travers des aquarelles aux tons si divers. Il y a bien sur les rouges d'une éruption volcanique qui invite à la folie des hommes et de la terre. Cette palette rentre directement en conflit avec les tons gris de la froidure du pays. L'ambiance est sombre même pour les temps de fêtes. Dans ce climat l'auteur installe immédiatement les drames à venir. Le graphisme et le récit vont de paire dans un constant esprit d'équilibre. Une belle lecture exigeante et originale qui mérite de s'y arrêter.

17/04/2024 (modifier)
Couverture de la série Le Phare
Le Phare

La série de Paco Roca est agréable à lire . Si Roca habille son jeune héros avec l'uniforme de l'armée républicaine espagnole vaincue, il n'oublie pas les zones d'ombre que Franscisco garde dans ses souvenirs. Le final rééquilibre une vision assez pertinente d'une guerre fratricide "absurde"(p16). Roca n'insiste pas sur ce point pour donner des bons ou des mauvais points qui ont été donnés par d'autres depuis longtemps. C'est le personnage de Telmo qui porte le récit sur des thématiques assez convenues( la liberté, le rêve, la transmission père/fils) mais joliment exploitées avec beaucoup de tendresse. Le graphisme est simple mais bien travaillé dans les expressions des deux personnages. C'est surtout à travers le graphisme que Roca fait percevoir l'évolution de Francisco qui passe d'une rigidité de pantin à une souplesse d'homme libre. Paco Roca apporte beaucoup de soins à la représentation des décors extérieurs et surtout aux mouvements d'humeur de la Méditerranée. Cela crée une très belle ambiance bien particulière entre un quasi huis clos dans un horizon infini. Une belle lecture pleine de belles valeurs. 3.5

17/04/2024 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5 Coups de coeur du moment
Couverture de la série Snow angels
Snow angels

Deux grands noms du comics s’associent pour produire une nouvelle mini-série de science-fiction : Jeff Lemire (un de mes auteurs préférés) et Jock (dont j’avais beaucoup apprécié le dessin dans Wytches). Et le résultat est à la hauteur de mes espérances ! Le début de l’histoire ne brille certes pas par son originalité, et lorgne vers la science-fiction postapocalyptique : un monde inhabitable, quelques survivants, des règles à suivre pour survivre, des croyances religieuses suggérant l’existence d’êtres supérieurs. Le tout est enrobé dans un mystère ambiant qui m’a vraiment scotché. Et puis Lemire sait s’y prendre pour rendre ses personnages attachants, et j’ai vraiment souffert avec Milli et Mae. La deuxième partie du récit (le tome 2 VO) conclut brillement l’histoire, et apporte toutes les réponses aux questions posées dans la première partie. Ces réponses sont logiques et satisfaisantes, même si les férus de science-fiction auront peut-être une impression de déjà-vu. Le rythme est dense et haletant, même si je note quelques longueurs (le passage avec les gardiens par exemple, qui ne sert pas à grand-chose). Le dessin de Jock est superbe. Les tonalités blanches limitent forcément les exploits graphiques, mais le découpage est explosif, et les scènes d’action sont d’un dynamisme époustouflant. Je note quelques soucis de lisibilité sur certains plans plus rapprochés, mais rien qui n’ait gâché ma lecture. « Snow Angels » est un chouette one-shot de science-fiction, que je recommande aux amateurs du genre.

17/04/2024 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5
Couverture de la série Guerres & Dragons
Guerres & Dragons

Je ne partais pas convaincu par ce mélange des genres, mais j'avoue que je suis sorti de ma lecture plus que surpris et j'ai beaucoup apprécié ce premier tome. D'une, le dessin de Vax est de très bonne facture (mention spéciale pour ses dragons !!!), ensuite le scénario tient plus que très bien la route, pour une idée qui paraissait aussi casse gueule. Nicolas Jarry a su trouver les bons dosages pour son melting pot historico-fantastique avec des personnages intéressants et développé une relation humains/dragons qui fait sens. La narration coule de source grâce a un très bon découpage de Vax ; on se laisse prendre par ce récit au bout de quelques pages pour ne pas le lâcher avant la fin. Les scènes de batailles sont des plus réussies ! Bref, une très bonne mise en bouche !

17/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série L'Antre de l'Horreur
L'Antre de l'Horreur

Du bon Corben (E.A. Poe), et du moins bon (H.P. Lovecraft) - Ce tome regroupe les histoires parues dans des anthologies VO, l'une consacrée à H. P. Lovecraft, l'autre à Edgar Allan Poe. Autant être honnête tout de suite : l'esthétique de Richard Corben m'a marqué à tout jamais. Il faut revenir au tout début des années 1970 pour prendre en pleine figure des histoires de science-fiction matinées de barbares et d'épées avec des héros bodybuildés se baladant avec tout le bazar au vent et croisant des femmes généreusement dotées par la nature et adeptes du naturisme. Ces histoires en noir et blanc ou en couleurs d'une extraordinaire vivacité s'impriment dans votre rétine pour définir l'expression "plus grand que nature". Il suffit de lire les rééditions pour s'en rendre compte : Eerie et Creepy présentent Richard Corben, tome 1, ou les introuvables histoires de Den ou de Bloodstar, Jeremy Brood (avec Jan Strnad), sans oublier la pochette de Bat Out Of Hell de Meat Loaf. Récemment le monde des comics a reconnu l'empreinte indélébile de ce géant graphique avec des louanges de Will Eisner, Frank Miller, Robert Crumb, Moebius, Alan Moore, H.R. Giger, etc. Et Corben a repris les pinceaux pour Dark Horse Comics (Hellboy), pour Vertigo (Hellblazer) et pour Marvel (Banner, Cage, Starr the Slayer). le présent recueil consiste en des adaptations en comics de 10 histoires ou poèmes d'Edgar Allan Poe, avec des textes de Richard Margopoulos et des dessins ombrés de Richard Corben (80 pages de comics chaque histoire étant suivi par les textes originaux de Poe),et de fragments de poésie pas forcément très connus, ainsi que des nouvelles plus souvent rééditées d'Howard Philips Lovecraft (68 pages de bandes dessinées, suivi des textes de Lovecraft). Évidemment, Corben ne peut pas se permettre une aussi grande liberté sexuelle que lorsqu'il était un artiste créant des comics publiés par des revues underground. Mais heureusement, le maître n'a rien perdu de force graphique pour les adaptations de Poe et les histoires retenues sont noires et gothiques à souhait que ce soit le poème Eulalie ou la courte nouvelle Bérénice. Toutes les adaptations de Poe ne sont pas indispensables. On aurait pu se passer d'une énième redite du poème le corbeau. Certaines histoires sont mises en images littéralement, tandis que d'autres sont illustrées par un récit qui interprète le poème. Margopoulos et Corben respectent le ton morbide des histoires de Poe et y ajoutent une bonne dose d'humour très noir. Les personnages de Corben sont toujours aussi bien en chair et leurs visages semblent parfois sortir des années 70. Lorsque que les illustrations s'aventurent dans des décors contemporains, Corben fait mouche avec ses gangstas et ses banlieues décrépites. Et la patte du maître est toujours efficace pour faire naître l'horreur des cadavres et de la chair en décomposition. C'est un vrai plaisir que de retrouver Richard Corben en pleine forme, même si être édité par Marvel Comics le limite dans ses provocations graphiques. Par contre, les adaptations de Lovecraft sont vraiment un niveau en dessous : elles n'apportent pas grand-chose, voire elles nuisent à l'impact de l'histoire. Si vous avez déjà lu des histoires de Lovecraft, vous savez que l'intrigue est souvent très mince, et que ce qui fait tout leur charme, c'est à la fois la mythologie des Grands Anciens et l'effroi ressenti par les personnages qui leur donnent toute leur saveur. Or bizarrement, les concepts visuels développés par Corben pour mettre en images ces récits sont très naïfs et beaucoup trop sages. Ainsi dans Dagon, la créature indicible est montrée de manière très plate et elle a l'apparence d'une pieuvre géante de type monstre en caoutchouc pour film fauché des années 1950. Un comble pour ce maître des monstres qu'est Corben et un choix qui fait ressortir tout le ridicule de l'histoire, plutôt que son coté horrifique. de la même manière, les horreurs tapies derrière les volets de la chambre d'Erich Zann sont une simple nuée de spectres basiques, sans aucun pouvoir d'effroi. De la même manière, Richard Corben s'avère incapable de traduire en images les sensations d'effroi et d'épouvante des personnages. du coup, la nouvelle de référence qu'est Dagon est réduit à l'histoire d'un simple naufragé sur une île désertique bizarre avec une espèce de race extraterrestre mal définie qui vénère une pieuvre géante, et un mauvais acteur qui fait des grimaces risibles. Heureusement il y a quand même quelques histoires qui sortent du lot. Dans Un souvenir, un explorateur est confronté à la vision d'une sorcière qui a maudit l'un de ses ancêtres. Et l'aspect très terre à terre du récit permet à Corben de bien définir ses personnages et de réussir la vision de l'apparition de la sorcière. de la même manière le récit d'Arthur Jermyn réussit à capturer l'animalité de l'ancienne race de singes et la fierté aristocratique du personnage principal. J'aurai vraiment aimé pouvoir dire que les adaptations de Lovecraft étaient exceptionnelles. Mais à part 2 exceptions, les qualités de dessinateur de Corben nuisent plutôt aux ambiances spéciales des récits de Lovecraft. Et au final j'ai pris plus de plaisir à relire les textes originaux insérés à la suite de chaque histoire, qu'à me repaître des dessins du maître.

16/04/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 4/5
Couverture de la série Ragemoor
Ragemoor

Le mariage de E.A. Poe & H.P. Lovecraft - Il s'agit d'une histoire complète indépendante de toute autre, initialement publiée en 4 épisodes parus en 2012. le scénario est de Jan Strnad, et les illustrations en noir & blanc (et niveaux de gris) de Richard Corben. Ils avaient déjà collaboré sur d'autres histoires dans les années 1970 et 1980, comme par exemple Jeremy Brood et Les mille et une nuits. L'histoire se passe quelque part aux États-Unis, au dix-huitième ou dix neuvième siècle, dans une demeure en pierre imposante baptisée Ragemoor, bâtie sur un éperon rocheux, en bordure d'océan. Herbert, le maître de céans, accueille son oncle et sa fille Anoria. Au cours du repas, il les incite à partir séance tenante et de nuit, car la demeure est peu hospitalière. Il leur raconte les circonstances dans lesquelles elle a été érigée. Il insiste sur le fait que la nuit elle a tendance à se modifier d'elle-même en ajoutant une pièce supplémentaire, ou en allongeant un couloir. Les 2 hôtes ne sont guère impressionnés et ils décident de rester malgré l'avertissement. L'oncle demande des nouvelles de son frère Machlan, qui est aussi le père d'Herbert. Ce dernier explique qu'il a perdu la raison et qu'il erre dans les couloirs, qu'il disparaît des fois des jours durant. Anoria demande à Bodrick, le domestique ayant servi à table et les guidant vers leurs chambres, où se trouvent les autres serviteurs. Il répond qu'ils vaquent à leurs occupations et qu'ils n'auront pas l'occasion de les voir. Avec une entrée en la matière aussi convenue et classique, le lecteur n'attend pas grand-chose du récit. L'attrait principal réside dans l'identité de l'illustrateur : Richard Corben, dessinateur au style affirmé et très personnel, s'étant fait connaître en 1973 avec Den première époque et des histoires courtes pour Eerie et Creepy (rassemblées dans Eerie et Creepy présentent Richard Corben Volume 1 et volume 2). Dès la première page, tout le style de Corben saute aux yeux. Dans ce récit en noir & blanc, il utilise des aplats de noir pour donner du poids aux cases, et pour conserver l'inconnu qui se tapit dans ces zones inscrutables. Il utilise les niveaux de gris pour ajouter du volume aux surfaces, en particulier pour les visages, et la peau en général, avec une technique qui permet un dégradé très lissé, très progressive, parfaitement adapté à cet usage. Dès la première page, le lecteur peut également constater qu'il n'a pas perdu la main pour croquer des visages mémorables, aux expressions très parlantes. le visage fermé d'Herbert indique toute sa contrariété à devoir accueillir l'oncle et Anoria. Dans les pages suivantes le visage de l'oncle en dit long sur sa condition, son mode de vie et sa capacité à embellir la vérité. le visage parcheminé de Bodrick permet de ne jamais oublier son âge et sa condition sociale. Comme à son habitude, Corben mélange 2 registres représentatifs différents d'un personnage à l'autre et parfois dans la même case. Il en va ainsi par exemple pour Machlan (le père d'Herbert) et Anoria, la fille de l'oncle. le premier apparaît comme une silhouette vite esquissée avec laquelle Corben joue dans le registre de l'humour, alors que la seconde est détaillée et sublimée, comme elle apparaît aux yeux d'Herbert. En jouant sur ces 2 registres, l'artiste introduit une forme d'humour décalé et second degré qui indique au lecteur qu'il ne se prend pas au sérieux. Mais ce même humour en coin sert aussi de comparaison avec les éléments sérieux et premier degré pour mieux les faire ressortir. Tout l'art du dessinateur est de savoir doser ses effets afin de ne pas créer de dissonance visuelle, et Corben s'y entend à merveille. Il devient virtuose en mélangeant ces 2 techniques pour les monstres en forme de ver anthropomorphe, à la fois immondes et parodiques. du début à la fin, le lecteur peut se régaler d'illustrations mitonnées avec amour des pages savoureuses au premier et au deuxième degré. Il faut dire que le scénario joue sur ses forces graphiques. La scène d'ouverture laisse supposer que Jan Strnad va se contenter de piocher dans les atmosphères gothiques chères à Edgar Allan Poe (Histoires extraordinaires), en les mâtinant d'une couche d'horreur fantastique à la Howard Philips Lovecraft. Lui aussi maîtrise bien ses techniques et l'atmosphère est au rendez-vous, pour une situation très classique et peu originale. Mais les dessins transforment ces poncifs en des ambiances irrésistibles et ces séquences passent toutes seules, jusqu'à ce que… En fait Strnad pose les bases de son récit jusqu'à ce qu'il dispose de fondations assez solides pour l'emmener dans des territoires plus originaux, avec un récit bien ficelé, logique et qui tient la route. Il ne se contente pas d'évoquer le sentiment d'effroi de loin, il plonge les mains dans le cambouis pour concevoir toute la structure mythologique justifiant les particularités de Ragemoor (en seulement 4 épisodes). du coup le récit dépasse le simple exercice de style pour devenir une histoire consistante et très prenante. Jan Strnad et Richard Corben invoquent les mânes d'Edgar Allan Poe et Howard Philips Lovecraft pour un récit d'horreur à l'ancienne convainquant et non dénué d'un humour malicieux.

16/04/2024 (modifier)