Un graphisme emballant et des couleurs parfaites qui m’emmènent à l’intérieur. Des personnages un tout petit peu en dessous des canons dans les dialogues, dans la mesure de leur ego. Il manque quelques planches pour mieux comprendre les passages de déduction de l’un et l’autre. MAIS je retrouve mes deux héros préférés avec un grand bonheur. Et une pointe d’acidité digne de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Une très très bonne bd découverte par hasard sur un rayon.
J'ai dégusté avec délectation ce premier essai de la jeune anglaise de vingt ans ( à l'époque), Zoé Thorogood. Comme quoi le talent... . J'ai immédiatement été séduit par son talent graphique qui peint à merveille cette ambiance un peu poisseuse des rues désertes et plus ou moins mal famées de Middlesborough ou de Londres. C'est à la fois dynamique et moderne avec un formidable sentiment de vitalité qui rend son héroïne Billie si attachante dans cette lutte entre fragilité et volonté. La mise en couleur est parfaite avec ce N&B dominateur dans un environnement peuplé de laissés pour compte mais où percent les couleurs du printemps final comme des perce-neiges obstinément optimistes à combattre l'obscurité hivernale. Combattre l'obscurité c'est bien ce que doit faire Billie dans un scénario compte à rebours digne d'un très bon thriller. L'idée initiale est originale et l'auteure en extrait un récit fluide, tonique et d'une grande humanité. Les rencontres et les lieux que Zoé/Billie explore ont fortement résonné avec mon vécu associatif. Je suis même impressionné comment une artiste aussi jeune arrive à mettre autant de profondeur et de justesse dans la personnalité de ses personnages. Toutefois le récit reste résolument optimiste sans jamais tomber dans la mièvrerie sentimentale.
J'ai eu l'impression que Zoé jetait tout ce qu'elle avait dans cette œuvre comme si ensuite la lumière pouvait s'éteindre. Cela dégage une envie de création très forte.
Je me suis retenu pour ne pas mettre la note max mais cette œuvre m'a beaucoup parlé par sa thématique et son exécution. Un vrai coup de cœur.
Une série bien poétique ! Le trait, beau, n'est pas son seul attrait. Assez d'action pour chasser l'ennui, assez de contemplation pour être plongé dans une atmosphère étrange autant qu'esthétique. Et les deux ne me semblent faire qu'un, de même que l'auteur parlant de sa vie ne parvient pas à casser le rythme. Je l'attribue au fait que la dame est talentueuse, mais pas que. Il n'y a pas opposition entre la nature, et la culture, le réel et l'imaginaire, mais des glissements très subtils, au Japon.
Sinon, j'aime que le héros protège les humains des yokais agressifs, mais aussi qu'il délivre "ses" yokais et protège aussi les créatures magiques quand c'est possible. Commenter me donne envie de le relire, ce qui va influencer ma note.
Vraiment très bon ... Je lis et relis cette aventure,tous les 4,ou 5 ans depuis sa sortie complète. Depuis 1998 je suis un admirateur du travail de Damour, Pécau, mais aussi de l'équipe d'origine des 1ers albums ... Scénario, encrage, dialogues, mise en pages et dessins ... Tout est beau, et très bien ficelé... J'adore, ainsi que la 15aine de personnes à qui j'ai passé la série.. 17/20, (les 3 derniers un peu moins 14/20).
Beaucoup disent : que la Syrie redevienne comme avant.
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Cet ouvrage correspond à une forme de reportage libre qui ne nécessite pas de connaissance préalable. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Vincent Gelot et Edmond Baudoin pour le scénario, et par ce dernier pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-vingt-trois pages de bande dessinée.
Edmond Baudoin raconte qu’il a voyagé au Mexique, en Colombie, dans le Nunavut, en France pour faire le portrait des gens rencontrés. Au cours de ces échanges, il a constaté qu’à travers le monde les êtres humains ont des désirs communs. Avoir une vieillesse correcte. Pouvoir travailler. Faire que leurs enfants puissent poursuivre leurs rêves. Printemps 2023, il fait ses bagages pour la Syrie. Vincent Gelot l’y a invité. Celui-ci lui propose de venir avec lui sur les routes syriennes, qu’il a dessinées en rouge sur une carte du pays. Vincent. En 2012, il quitte la France en 4L, à la rencontre des communautés chrétiennes d’Orient. Son voyage devait se terminer en quelques mois. Il durera deux ans. Ce périple un peu fou le mène aux confins de l’Asie Centrale, puis dans le golfe persique et la corne de l’Afrique. En 2014, Daech s’empare de Mossoul et chasse les populations de la plaine de Ninive où les gens lui avaient donné l’hospitalité. Cela l’a beaucoup marqué car il ne savait pas si ceux qui l’avaient accueilli étaient encore en vie. Quelques mois après être revenu en France, Vincent repart à Erbil, au Kurdistan irakien. Il cofonde radio Al-Salam, une radio destinée aux déplacés dans les camps de réfugiés. C’est là qu’il a compris que son engagement était de vivre aux côtés de ces communautés et de les accompagner dans leur destin de vie.
En 2016, Vincent s’installe au Liban et travaille pour l’Œuvre d’Orient. Son travail est de rester au contact de la population, d’évaluer les besoins sur place et de suivre la réalisation des projets. Il aime ces gens. Nous marchons sur les chemins, ils nous font. Et plus tard, c’est nous qui les faisons. Vincent s’est engagé aux côtés des communautés chrétiennes. Oui, la vie, c’est s’engager. Depuis le moment, lors de sa naissance, où on a commencé à respirer. Et puis qu’on a continué. Vincent explique à Edmond que les Chrétiens d’Orient forment une mosaïque de communautés minoritaires, souvent discriminés, parfois persécutés. En Syrie, ils étaient environ deux millions en 2011, ils seraient 500.000 aujourd’hui. Baudoin fait observer que : Leur combat a souvent été récupéré par l’extrême droite, non ? Vincent répond que : Oui, c’est vrai, certaines associations utilisent la détresse réelle des Chrétiens du Moyen-Orient pour répondre à des ambitions personnelles et des objectifs quelques fois obscurs. Ce n’est pas le cas de l’Œuvre d’Orient. C’est une des plus vieilles associations françaises. Elle a été créée en 1856 par des professeurs de la Sorbonne et du Collège de France. Un prêtre, le père Lavigerie, fut nommé à la tête de cette association. Il deviendra plus tard le cardinal Lavigerie… Edmond l’écoute, puis son esprit s’en va ailleurs. En 2020, il a illustré des poèmes de Vincent.
Nul besoin pour le lecteur de maîtriser l’histoire contemporaine de la Syrie pour apprécier cet ouvrage : le régime de Hafez el-Assad (1930-2000), celui de Bachar el-Assad (1965-), la guerre civile syrienne de 2011 à 2024 en faveur de la démocratie contre le régime du parti Baas. Le bédéaste annonce explicitement qu’il s’agit d’une commande de l’Œuvre d’Orient, une association à but non lucratif fondée en 1856, aidant les Chrétiens d’Orient. Il accompagne donc Vincent Gelot, poète et coauteur de l’ouvrage Chrétiens d'Orient: Périple au cœur d'un monde menacé (2017) avec Pascal Gollnisch. Comme il l’explique dans les premières pages, Edmond Baudoin ne parle pas la langue, et il se fait expliquer certaines situations par des interlocuteurs francophones. Il demande à Vincent la raison de son voyage : son interlocuteur expose sa perception des faits sur la période commençant en 2011. Jihanne lui explique la position des Chrétiens en Syrie. L’évêque Jacques raconte sa vie de moine, sa séquestration. Vincent parle du martyre de la ville de Hama. Nabil, un membre des Maristes bleus, raconte comment il a vécu la guerre. Le père Jihad raconte l’histoire de Mar Moussa El Abashi (Saint Moussa, le visage brulé), c’est-à-dire Le monastère de Saint-Moïse-l'Abyssin à quatre-vingt-dix kilomètres au nord de Damas. Les auteurs savent mêler l’histoire du pays avec une forme de tourisme singulier.
De manière tout à fait légitime, le lecteur peut s’interroger sur le positionnement du récit, ou le point de vue à partir duquel la Syrie va être considérée. S’il connaît déjà l’œuvre de Baudoin, il connaît la réponse avant même de commencer sa lecture. S’il n’en est pas familier, il comprend rapidement qu’il s’agit d’un point de vue humaniste sincère, une volonté d’établir un contact vrai. Cela peut paraître surprenant sachant que l’artiste ne parle pas la langue du pays. Il reprend une démarche qu’il a mise en œuvre dans plusieurs pays (dont il ne parlait pas la langue non plus) : réaliser le portrait de son interlocuteur, en l’échange de sa réponse à une question. Le dessinateur l’a écrit à de nombreuses reprises : deux êtres humains qui se regardent fixement pendant une dizaine ou une vingtaine de minutes constitue une expérience rare dans la vie d’un être humain. De fait les portraits reproduits dans l’ouvrage présentent des particularités qui les font ressortir. Les deux premiers sont tenus devant eux la personne représentée, dessinée d’une manière différente, produisant un effet de mise en abîme totalement naturel. Les suivants sont reproduits sans cet effet : le lecteur fait à nouveau l’expérience déroutante du talent d’Edmond Baudoin. Ces dessins semblent dans un premier temps s’apparenter à un assemblage de traits de pinceaux épais et irréguliers, et de traits fins, quelques fois mis en couleurs. Un résultat qui peut sembler disgracieux, opposé à un rendu photographique. Dans le même temps, ils se dégagent d’eux une impression quasi surnaturelle : celle de regarder la personne comme si elle se trouvait réellement devant le lecteur, de percevoir pour partie leur personnalité, de voir les traces laissées par les ans, de regarder un être humain dans toute sa singularité.
La couverture peut donner une fausse impression quant à la narration visuelle. Dès la première page, le malentendu est dissipé : Edmond Baudoin la prend en charge, exprimant sa personnalité en toute liberté. Au fil des pages, le lecteur peut aussi bien découvrir des illustrations réalisées en couleur et au pinceau (telles ces silhouettes jaunes et vertes en train de danser), une carte de la Syrie réalisée à la main avec les tracés en rouge des déplacements à venir, des têtes en train de parler avec de copieux phylactères, une composition flirtant avec l’abstraction pour un concept sur les chemins, une composition de type collage avec un visage au centre, de magnifiques paysages naturels en couleur directe, des paysages urbains comme griffonnés (à Damas), une étrange vision d’une route sans bordure avec des rangées de hauts panneaux de part et d’autre affichant le visage de Bachar El-Assad, de puissantes illustrations épurées au pinceau, quelques compositions abstraites, etc. La mise en page est tout aussi libre : conçue sur mesure pour chaque séquence, allant d’une unique illustration sans bordure sur la page, à des images juxtaposées, en passant même par des cases avec bordure, certaines s’étalant sur les deux pages en vis-à-vis. Comme à son habitude, ce créateur sait mettre en image ses observations, ses réflexions, ses sensations, ses émotions, comme s’il s’agissait d’un flux de pensées organique.
Dans le même temps, il s’agit d’un récit de voyage suivant strictement son déroulé chronologique, évoquant un lieu après l’autre, dans l’ordre des déplacements, avec quelques développements incidents par association d’idées. Il apparaît que la structure narrative peut être imputée à Vincent Gelot, puisque c’est lui qui a organisé le voyage. En fonction des arrêts ou des séjours, le lieu peut être abordé par le biais de son histoire, par la personne qui les reçoit, ou par les rencontres qui s’y déroulent. Aucun moment ne ressemble à un autre, chacun étant rendu unique par la personnalité et l’histoire des êtres humains rencontrés. Le lecteur découvre la Syrie grâce au guide qu’est Vincent Gelot, grâce à sa connaissance du pays, et par le biais de la sensibilité d’Edmond Baudoin. Chaque rencontre apporte une réponse personnelle aux deux questions posées : Quel est votre rêve personnel ? Celui pour la Syrie ? Comme il peut s’y attendre, le lecteur découvre des réponses exprimant un désir de paix, soit à aller chercher ailleurs, soit à rétablir en Syrie, un rêve ou un espoir d’avenir pour soi-même, pour les enfants. Le désir que tous les enfants puissent retourner à l’école, que l’électricité revienne. Que l’on puisse acheter du pain sans faire une queue de plusieurs heures… Juste la possibilité de vivre. Il sent sa gorge se serrer en observant les destructions de la guerre. Il sent les larmes monter quand les auteurs évoluent dans des zones en ruines : Si on est attentif, on peut distinguer quelles sont les ruines dues aux bombardements de celles dues au tremblement de terre. Dans les ruines causées par les bombes, il y a de l’herbe et même des arbres qui ont eu le temps de pousser. Il est admiratif de la force vitale des personnes participant à reconstruire et à construire. Il se demande comment Baudoin peut résister émotionnellement à ce qu’il découvre, et il sourit en constatant qu’il pense encore aux arbres : Ça fait mal, tous ces palmiers déchiquetés par les bombes. Il ressent toute la vérité contenue dans le constat du père Jihad qui rêve d’une guérison politique. Il déclare tranquillement que : On leur a menti depuis quarante ans en leur disant qu’ils formaient un seul peuple, alors que certains pillent les richesses en écrasant les autres. Il rêve de danses, de musiques qui ne s’arrêtent pas.
Une lecture triste et plombante ? Bien plus que ça : l’expérience de vie dans ce pays du poète et la sensibilité humaniste de l’artiste donnent à voir la diversité des habitants d’un pays en ruine, leurs espoirs simples et clairs, constructifs, les conséquences concrètes de la guerre pour ces civils, des paysages mêlant beauté naturelle et dévastation destructrice. Le lecteur en ressort meurtri et plein de compassion, ses valeurs essentielles s’en trouvant régénérées, par ces désirs communs, par cette démarche d’opposer la vie à la mort. Vital.
Voilà encore un bel ouvrage aux éditions 404.
J'avais déjà lu Speak du/de la même auteur(rice) que j'avais beaucoup aimé tant niveau graphique que de l'histoire.
L'histoire débute comme une banale histoire de famille recomposée avec une jeune femme devenue belle-mère et qui espère bien faire avec sa belle-fille d'autant plus que la maman est décédée. Abby aime cette vie même son amour avec David est un peu distant. Mais petit à petit le trouble et des questions apparaissent sur la mort de Sheila, la première femme de David. La tension monte progressivement. Si l'on pense savoir où l'histoire nous emmène on est finalement surprit par le dénouement. On est sur un conte horrifique avec un brin de fantastique ce qui a très bien marché avec moi.
Me dessin n'est pas en reste avec un très beau noir et blanc pour la vie quotidienne/réelle et l'apparition des couleurs pour les passages oniriques et les fantômes. Les couleurs sont flamboyantes au milieu du noir et blanc avec des pages sublimes.
Un petit mot aussi sur le livre en lui-même. C'est encore une belle édition avec un papier épais et de qualité comme la couverture d'ailleurs. La jaquette du livre est sublime aussi. Le livre a un coût 30€ mais il est pour moi amplement justifié par la qualité de l'ouvrage en lui même.
Je ne peux qu'abonder dans presque tout ce qu'a écrit Bamiléké.
Je ne fais pas partie du monde soignant, mais possède quelques personnes de l'art autour de moi, avec lesquelles il m'arrive de discuter de leur pratique. Ce qui me frappe donc en premier lieu c'est l'acuité de VéDéCé pour croquer les situations -souvent absurdes, souvent dramatiques- auxquelles lui-même et ses confrères sont confrontés au quotidien, ou lors de circonstances particulières. On ne se rend pas compte du délabrement matériel du milieu hospitalier. On ne se rend pas compte de l'état d'épuisement -pour ne pas dire plus- du personnel. On ne se rend pas compte de l'absurdité de la société, où un service public est perçu comme un bien de consommation... Dans le tome 4, par exemple, des gens appellent le SAMU pour être accompagnés à leur rendez-vous chez le médecin... juste parce que leur femme a pris la voiture aujourd'hui. Ou que c'est plus confortable. Ce serait hilarant si cela n'était pas dramatique, car une ambulance qui est appelée pour un malaise cardiaque simulé par la prétendue victime ne pourra pas aller secourir un enfant de 4 ans renversé par une voiture.
Alors pour ne pas craquer face à tout ça, le personnel soignant préfère en rire, parfois à gorge déployée. Une manière comme une autre de se forger une carapace. Lors d'un bref passage aux urgences il y a quelques temps, j'ai vu de mes yeux un interne presque littéralement s'écrouler sous la pression et la fatigue, après je ne sais combien d'heures de garde. Je n'ai pu m'empêcher d'aller le voir et lui demander si ça allait... Le patient qui vient en soutien du soignant...
Mention spéciale sur le tome 4, lorsque notre héros ordinaire, tout en faisant sa thèse, fait un stage de 6 mois dans le service local de SAMU... Une expérience pas piquée des hannetons, et qui montre elle aussi une fois encore l'état très particulier dans lequel se trouve le milieu sanitaire en France. Même si j'avais entendu parler de certaines des situations décrites (il y a des constantes), je n'ai pas pu m'empêcher d'être consterné par celles-ci, sachant qu'elles sont vraies (les circonstances, les noms ayant été changés pour des raisons évidentes).
Dans le tome 5 le personnage de Max fait un stage en tant qu'aide-soignant dans un hôpital basique. Et là encore la rigolade, parfois jaune, est au rendez-vous. Entre les patients qui s'ingénient à faire chier (presque au sens littéral) le personnel paramédical, le mépris affiché par les médecins pour ce même personnel paramédical, y compris des futurs collègues, le manque de moyens et de personnel, il y a de quoi grincer des dents. Pourtant là encore le personnel tient le coup grâce aux petites joies du quotidien, ou à l'humour, parfois de connivence avec les patients... Et au détour des trucs joyeux, des moments carrément durs, comme le décès d'une patiente atteinte d'Alzheimer, que son mari vient voir tous les jours. Et à la remarque de l'aide-soignant "Pourquoi venez-vous la voir, alors qu'elle ne vous reconnaît plus", le mari a cette réponse ultime : "Je la reconnais, moi". C'est juste poignant.
Vie de Carabin est un travail remarquable. Pas forcément sur le plan graphique, c'est presque du "gros nez", mais comme l'a remarqué mon camarade, il y a une telle énergie dans les situations, dans l'expressivité si particulière des gueules noires (quasiment des smileys), que les histoires passent toutes seules. A peine remarquerais-je que sur certaines doubles pages (en têtes de chapitres, par exemple), le sens de lecture des cases n'est pas toujours optimal, mais c'est vraiment pour pinailler.
C'est du très, très bon boulot. Qui devrait se retrouver dans les salles d'attente de tous les cabinets de médecine de France et de Navarre, en plus des salles de repos des personnels hospitaliers.
Pour ma part j'ai été conquis !
Je ne m'attendais pas à de courts récits.
La voix off, les récits courts, efficaces, originaux sont déstabilisants de prime abords pour un album de Lucky Luke. Cependant dès le premier récit je trouve que l'on plonge dans l'ambiance. Il y a une cohérence d'ensemble et les récits, fluides, dessinent en creux le personnage de Lucky Luke.
Un ton peut être un petit plus sérieux, et bien plus mélancoliques évidemment, que la série originale. Côté mélancolie, il y avait déjà cette touche dans l’adaptation de "l'homme qui tua Lucky Luke" de Mathieu Bonhomme. Lucky Luke, en dehors du côté cartoon et western, a peut être aussi déployé une part d'imaginaire mélancolique, notamment avec la fameuse vignette de fin "I'm a poor lonesome cowboy" ?
Les dessins de Brüno sont très beaux et la sublime colorisation de Laurence Lacroix collent parfaitement à l'ambiance des 7 récits, qui ont chacun leur mélodie propre mais qui forment un ensemble homogène.
A noter la dernière double page avec "l'interview" de l"historien Gustav Frankenbaum (personnage de la série "les collines noires") qui est délicieuse, comme certains petits détails (j'ai bien aimé le clin d'oeil des "patates au lard" running gag de l'album "la diligence").
Alors que cet album m’interpellait dès les premiers retours, je ne me suis pas jeté dessus en magasin, la faute à un graphisme qui me semblait un poil « grossier » au 1er regard, et aussi au jolie prix qui n’encourage pas la prise de risque.
Bref tout ça pour dire que j’ai attendu l’emprunt et que finalement il va être sur la liste de Noël.
J’ai beaucoup aimé, je ne connaissais pas l’auteur mais je vais zieuter son précédent travail. J’ai trouvé qu’il fournissait ici un travail assez remarquable, surtout dans le genre Fantasy, il amène une certaine fraîcheur et poésie à ses doubles récits pour un résultat assez bluffant à mes yeux. Original et novateur.
J’ai démarré par Alma et perso je pense que c’est vraiment par ce côté qu’il faut commencer. Le déroulé du monde et la fin miroir m’a semblé avoir plus d’impact dans ce sens, répondant avec plaisir à mes interrogations au fil de l’aventure. (Édit : en fait, faites comme vous le sentez, l’expérience doit être différente mais tout aussi satisfaisante, ça générera d’autres interrogations. Super fort de la part l’auteur ça !!).
Le graphisme qui me faisait si peur a su vite m’attraper, la narration aérée a su m’emporter et le destin de nos héroïnes a su me toucher. J’ai vraiment apprécié la tonalité du récit.
Très chouette à suivre.
Ce spin off de la série Criminal est un petit régal, que l'on connaisse ou pas la série mère. Ed Brubaker a concocté un scénario aux petit oignons. Il construit son histoire comme un puzzle, dont les chapitres forment les différentes pièces qui vont s'assembler progressivement.
Il semblerait initialement qu'il n'y ai aucun lien entre les premiers chapitres, qui sont chacun centrés sur un personnage et une histoire différente. C'est d'abord l'histoire de Jacob, scénariste de comics, qui se retrouve à Hollywood pour bosser sur l'adaptation d'une de ses séries. Puis vient le tour d'Angie, gamine orpheline élevé par La Grogne, le gérant d'un bar louche. Les chapitres sont denses, ils prennent le temps de bien raconter les choses.
C'est là qu'Ed Brubaker est fort. Ca pourrait être deux banales histoires, dans lesquelles il n'y a pas tellement d'action ni de suspens, on ne voit encore aucun recoupement possible entre les deux parties... et pourtant c'est prenant. La narration, très efficace, donne du rythme et de l'intérêt à tout ça, grâce à l'utilisation systématique de la voie off. Puis, plus on va avancer dans le récit, plus les surprises vont arriver. Des petits détails du début vont prendre de l'ampleur et du sens lors des recoupements. Ceux ci sont quand même malins et très bien amenés. On va également monter crescendo dans l'action et on aura juste ce qu'il faut de tension.
De quoi ravir les amateurs de polar. Et pour ne rien gâcher, cette histoire permet de croiser intelligemment la destinée de différents personnages de la série Criminal. Du très bon boulot.
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Sherlock Holmes contre Arsène Lupin
Un graphisme emballant et des couleurs parfaites qui m’emmènent à l’intérieur. Des personnages un tout petit peu en dessous des canons dans les dialogues, dans la mesure de leur ego. Il manque quelques planches pour mieux comprendre les passages de déduction de l’un et l’autre. MAIS je retrouve mes deux héros préférés avec un grand bonheur. Et une pointe d’acidité digne de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Une très très bonne bd découverte par hasard sur un rayon.
Dans les yeux de Billie Scott
J'ai dégusté avec délectation ce premier essai de la jeune anglaise de vingt ans ( à l'époque), Zoé Thorogood. Comme quoi le talent... . J'ai immédiatement été séduit par son talent graphique qui peint à merveille cette ambiance un peu poisseuse des rues désertes et plus ou moins mal famées de Middlesborough ou de Londres. C'est à la fois dynamique et moderne avec un formidable sentiment de vitalité qui rend son héroïne Billie si attachante dans cette lutte entre fragilité et volonté. La mise en couleur est parfaite avec ce N&B dominateur dans un environnement peuplé de laissés pour compte mais où percent les couleurs du printemps final comme des perce-neiges obstinément optimistes à combattre l'obscurité hivernale. Combattre l'obscurité c'est bien ce que doit faire Billie dans un scénario compte à rebours digne d'un très bon thriller. L'idée initiale est originale et l'auteure en extrait un récit fluide, tonique et d'une grande humanité. Les rencontres et les lieux que Zoé/Billie explore ont fortement résonné avec mon vécu associatif. Je suis même impressionné comment une artiste aussi jeune arrive à mettre autant de profondeur et de justesse dans la personnalité de ses personnages. Toutefois le récit reste résolument optimiste sans jamais tomber dans la mièvrerie sentimentale. J'ai eu l'impression que Zoé jetait tout ce qu'elle avait dans cette œuvre comme si ensuite la lumière pouvait s'éteindre. Cela dégage une envie de création très forte. Je me suis retenu pour ne pas mettre la note max mais cette œuvre m'a beaucoup parlé par sa thématique et son exécution. Un vrai coup de cœur.
Le Pacte des Yôkai
Une série bien poétique ! Le trait, beau, n'est pas son seul attrait. Assez d'action pour chasser l'ennui, assez de contemplation pour être plongé dans une atmosphère étrange autant qu'esthétique. Et les deux ne me semblent faire qu'un, de même que l'auteur parlant de sa vie ne parvient pas à casser le rythme. Je l'attribue au fait que la dame est talentueuse, mais pas que. Il n'y a pas opposition entre la nature, et la culture, le réel et l'imaginaire, mais des glissements très subtils, au Japon. Sinon, j'aime que le héros protège les humains des yokais agressifs, mais aussi qu'il délivre "ses" yokais et protège aussi les créatures magiques quand c'est possible. Commenter me donne envie de le relire, ce qui va influencer ma note.
Nash
Vraiment très bon ... Je lis et relis cette aventure,tous les 4,ou 5 ans depuis sa sortie complète. Depuis 1998 je suis un admirateur du travail de Damour, Pécau, mais aussi de l'équipe d'origine des 1ers albums ... Scénario, encrage, dialogues, mise en pages et dessins ... Tout est beau, et très bien ficelé... J'adore, ainsi que la 15aine de personnes à qui j'ai passé la série.. 17/20, (les 3 derniers un peu moins 14/20).
Syrie - Des pierres et de la vie
Beaucoup disent : que la Syrie redevienne comme avant. - Cet ouvrage correspond à une forme de reportage libre qui ne nécessite pas de connaissance préalable. Son édition originale date de 2025. Il a été réalisé par Vincent Gelot et Edmond Baudoin pour le scénario, et par ce dernier pour les dessins et les couleurs. Il comprend cent-vingt-trois pages de bande dessinée. Edmond Baudoin raconte qu’il a voyagé au Mexique, en Colombie, dans le Nunavut, en France pour faire le portrait des gens rencontrés. Au cours de ces échanges, il a constaté qu’à travers le monde les êtres humains ont des désirs communs. Avoir une vieillesse correcte. Pouvoir travailler. Faire que leurs enfants puissent poursuivre leurs rêves. Printemps 2023, il fait ses bagages pour la Syrie. Vincent Gelot l’y a invité. Celui-ci lui propose de venir avec lui sur les routes syriennes, qu’il a dessinées en rouge sur une carte du pays. Vincent. En 2012, il quitte la France en 4L, à la rencontre des communautés chrétiennes d’Orient. Son voyage devait se terminer en quelques mois. Il durera deux ans. Ce périple un peu fou le mène aux confins de l’Asie Centrale, puis dans le golfe persique et la corne de l’Afrique. En 2014, Daech s’empare de Mossoul et chasse les populations de la plaine de Ninive où les gens lui avaient donné l’hospitalité. Cela l’a beaucoup marqué car il ne savait pas si ceux qui l’avaient accueilli étaient encore en vie. Quelques mois après être revenu en France, Vincent repart à Erbil, au Kurdistan irakien. Il cofonde radio Al-Salam, une radio destinée aux déplacés dans les camps de réfugiés. C’est là qu’il a compris que son engagement était de vivre aux côtés de ces communautés et de les accompagner dans leur destin de vie. En 2016, Vincent s’installe au Liban et travaille pour l’Œuvre d’Orient. Son travail est de rester au contact de la population, d’évaluer les besoins sur place et de suivre la réalisation des projets. Il aime ces gens. Nous marchons sur les chemins, ils nous font. Et plus tard, c’est nous qui les faisons. Vincent s’est engagé aux côtés des communautés chrétiennes. Oui, la vie, c’est s’engager. Depuis le moment, lors de sa naissance, où on a commencé à respirer. Et puis qu’on a continué. Vincent explique à Edmond que les Chrétiens d’Orient forment une mosaïque de communautés minoritaires, souvent discriminés, parfois persécutés. En Syrie, ils étaient environ deux millions en 2011, ils seraient 500.000 aujourd’hui. Baudoin fait observer que : Leur combat a souvent été récupéré par l’extrême droite, non ? Vincent répond que : Oui, c’est vrai, certaines associations utilisent la détresse réelle des Chrétiens du Moyen-Orient pour répondre à des ambitions personnelles et des objectifs quelques fois obscurs. Ce n’est pas le cas de l’Œuvre d’Orient. C’est une des plus vieilles associations françaises. Elle a été créée en 1856 par des professeurs de la Sorbonne et du Collège de France. Un prêtre, le père Lavigerie, fut nommé à la tête de cette association. Il deviendra plus tard le cardinal Lavigerie… Edmond l’écoute, puis son esprit s’en va ailleurs. En 2020, il a illustré des poèmes de Vincent. Nul besoin pour le lecteur de maîtriser l’histoire contemporaine de la Syrie pour apprécier cet ouvrage : le régime de Hafez el-Assad (1930-2000), celui de Bachar el-Assad (1965-), la guerre civile syrienne de 2011 à 2024 en faveur de la démocratie contre le régime du parti Baas. Le bédéaste annonce explicitement qu’il s’agit d’une commande de l’Œuvre d’Orient, une association à but non lucratif fondée en 1856, aidant les Chrétiens d’Orient. Il accompagne donc Vincent Gelot, poète et coauteur de l’ouvrage Chrétiens d'Orient: Périple au cœur d'un monde menacé (2017) avec Pascal Gollnisch. Comme il l’explique dans les premières pages, Edmond Baudoin ne parle pas la langue, et il se fait expliquer certaines situations par des interlocuteurs francophones. Il demande à Vincent la raison de son voyage : son interlocuteur expose sa perception des faits sur la période commençant en 2011. Jihanne lui explique la position des Chrétiens en Syrie. L’évêque Jacques raconte sa vie de moine, sa séquestration. Vincent parle du martyre de la ville de Hama. Nabil, un membre des Maristes bleus, raconte comment il a vécu la guerre. Le père Jihad raconte l’histoire de Mar Moussa El Abashi (Saint Moussa, le visage brulé), c’est-à-dire Le monastère de Saint-Moïse-l'Abyssin à quatre-vingt-dix kilomètres au nord de Damas. Les auteurs savent mêler l’histoire du pays avec une forme de tourisme singulier. De manière tout à fait légitime, le lecteur peut s’interroger sur le positionnement du récit, ou le point de vue à partir duquel la Syrie va être considérée. S’il connaît déjà l’œuvre de Baudoin, il connaît la réponse avant même de commencer sa lecture. S’il n’en est pas familier, il comprend rapidement qu’il s’agit d’un point de vue humaniste sincère, une volonté d’établir un contact vrai. Cela peut paraître surprenant sachant que l’artiste ne parle pas la langue du pays. Il reprend une démarche qu’il a mise en œuvre dans plusieurs pays (dont il ne parlait pas la langue non plus) : réaliser le portrait de son interlocuteur, en l’échange de sa réponse à une question. Le dessinateur l’a écrit à de nombreuses reprises : deux êtres humains qui se regardent fixement pendant une dizaine ou une vingtaine de minutes constitue une expérience rare dans la vie d’un être humain. De fait les portraits reproduits dans l’ouvrage présentent des particularités qui les font ressortir. Les deux premiers sont tenus devant eux la personne représentée, dessinée d’une manière différente, produisant un effet de mise en abîme totalement naturel. Les suivants sont reproduits sans cet effet : le lecteur fait à nouveau l’expérience déroutante du talent d’Edmond Baudoin. Ces dessins semblent dans un premier temps s’apparenter à un assemblage de traits de pinceaux épais et irréguliers, et de traits fins, quelques fois mis en couleurs. Un résultat qui peut sembler disgracieux, opposé à un rendu photographique. Dans le même temps, ils se dégagent d’eux une impression quasi surnaturelle : celle de regarder la personne comme si elle se trouvait réellement devant le lecteur, de percevoir pour partie leur personnalité, de voir les traces laissées par les ans, de regarder un être humain dans toute sa singularité. La couverture peut donner une fausse impression quant à la narration visuelle. Dès la première page, le malentendu est dissipé : Edmond Baudoin la prend en charge, exprimant sa personnalité en toute liberté. Au fil des pages, le lecteur peut aussi bien découvrir des illustrations réalisées en couleur et au pinceau (telles ces silhouettes jaunes et vertes en train de danser), une carte de la Syrie réalisée à la main avec les tracés en rouge des déplacements à venir, des têtes en train de parler avec de copieux phylactères, une composition flirtant avec l’abstraction pour un concept sur les chemins, une composition de type collage avec un visage au centre, de magnifiques paysages naturels en couleur directe, des paysages urbains comme griffonnés (à Damas), une étrange vision d’une route sans bordure avec des rangées de hauts panneaux de part et d’autre affichant le visage de Bachar El-Assad, de puissantes illustrations épurées au pinceau, quelques compositions abstraites, etc. La mise en page est tout aussi libre : conçue sur mesure pour chaque séquence, allant d’une unique illustration sans bordure sur la page, à des images juxtaposées, en passant même par des cases avec bordure, certaines s’étalant sur les deux pages en vis-à-vis. Comme à son habitude, ce créateur sait mettre en image ses observations, ses réflexions, ses sensations, ses émotions, comme s’il s’agissait d’un flux de pensées organique. Dans le même temps, il s’agit d’un récit de voyage suivant strictement son déroulé chronologique, évoquant un lieu après l’autre, dans l’ordre des déplacements, avec quelques développements incidents par association d’idées. Il apparaît que la structure narrative peut être imputée à Vincent Gelot, puisque c’est lui qui a organisé le voyage. En fonction des arrêts ou des séjours, le lieu peut être abordé par le biais de son histoire, par la personne qui les reçoit, ou par les rencontres qui s’y déroulent. Aucun moment ne ressemble à un autre, chacun étant rendu unique par la personnalité et l’histoire des êtres humains rencontrés. Le lecteur découvre la Syrie grâce au guide qu’est Vincent Gelot, grâce à sa connaissance du pays, et par le biais de la sensibilité d’Edmond Baudoin. Chaque rencontre apporte une réponse personnelle aux deux questions posées : Quel est votre rêve personnel ? Celui pour la Syrie ? Comme il peut s’y attendre, le lecteur découvre des réponses exprimant un désir de paix, soit à aller chercher ailleurs, soit à rétablir en Syrie, un rêve ou un espoir d’avenir pour soi-même, pour les enfants. Le désir que tous les enfants puissent retourner à l’école, que l’électricité revienne. Que l’on puisse acheter du pain sans faire une queue de plusieurs heures… Juste la possibilité de vivre. Il sent sa gorge se serrer en observant les destructions de la guerre. Il sent les larmes monter quand les auteurs évoluent dans des zones en ruines : Si on est attentif, on peut distinguer quelles sont les ruines dues aux bombardements de celles dues au tremblement de terre. Dans les ruines causées par les bombes, il y a de l’herbe et même des arbres qui ont eu le temps de pousser. Il est admiratif de la force vitale des personnes participant à reconstruire et à construire. Il se demande comment Baudoin peut résister émotionnellement à ce qu’il découvre, et il sourit en constatant qu’il pense encore aux arbres : Ça fait mal, tous ces palmiers déchiquetés par les bombes. Il ressent toute la vérité contenue dans le constat du père Jihad qui rêve d’une guérison politique. Il déclare tranquillement que : On leur a menti depuis quarante ans en leur disant qu’ils formaient un seul peuple, alors que certains pillent les richesses en écrasant les autres. Il rêve de danses, de musiques qui ne s’arrêtent pas. Une lecture triste et plombante ? Bien plus que ça : l’expérience de vie dans ce pays du poète et la sensibilité humaniste de l’artiste donnent à voir la diversité des habitants d’un pays en ruine, leurs espoirs simples et clairs, constructifs, les conséquences concrètes de la guerre pour ces civils, des paysages mêlant beauté naturelle et dévastation destructrice. Le lecteur en ressort meurtri et plein de compassion, ses valeurs essentielles s’en trouvant régénérées, par ces désirs communs, par cette démarche d’opposer la vie à la mort. Vital.
Une invitée dans la demeure
Voilà encore un bel ouvrage aux éditions 404. J'avais déjà lu Speak du/de la même auteur(rice) que j'avais beaucoup aimé tant niveau graphique que de l'histoire. L'histoire débute comme une banale histoire de famille recomposée avec une jeune femme devenue belle-mère et qui espère bien faire avec sa belle-fille d'autant plus que la maman est décédée. Abby aime cette vie même son amour avec David est un peu distant. Mais petit à petit le trouble et des questions apparaissent sur la mort de Sheila, la première femme de David. La tension monte progressivement. Si l'on pense savoir où l'histoire nous emmène on est finalement surprit par le dénouement. On est sur un conte horrifique avec un brin de fantastique ce qui a très bien marché avec moi. Me dessin n'est pas en reste avec un très beau noir et blanc pour la vie quotidienne/réelle et l'apparition des couleurs pour les passages oniriques et les fantômes. Les couleurs sont flamboyantes au milieu du noir et blanc avec des pages sublimes. Un petit mot aussi sur le livre en lui-même. C'est encore une belle édition avec un papier épais et de qualité comme la couverture d'ailleurs. La jaquette du livre est sublime aussi. Le livre a un coût 30€ mais il est pour moi amplement justifié par la qualité de l'ouvrage en lui même.
Vie de Carabin
Je ne peux qu'abonder dans presque tout ce qu'a écrit Bamiléké. Je ne fais pas partie du monde soignant, mais possède quelques personnes de l'art autour de moi, avec lesquelles il m'arrive de discuter de leur pratique. Ce qui me frappe donc en premier lieu c'est l'acuité de VéDéCé pour croquer les situations -souvent absurdes, souvent dramatiques- auxquelles lui-même et ses confrères sont confrontés au quotidien, ou lors de circonstances particulières. On ne se rend pas compte du délabrement matériel du milieu hospitalier. On ne se rend pas compte de l'état d'épuisement -pour ne pas dire plus- du personnel. On ne se rend pas compte de l'absurdité de la société, où un service public est perçu comme un bien de consommation... Dans le tome 4, par exemple, des gens appellent le SAMU pour être accompagnés à leur rendez-vous chez le médecin... juste parce que leur femme a pris la voiture aujourd'hui. Ou que c'est plus confortable. Ce serait hilarant si cela n'était pas dramatique, car une ambulance qui est appelée pour un malaise cardiaque simulé par la prétendue victime ne pourra pas aller secourir un enfant de 4 ans renversé par une voiture. Alors pour ne pas craquer face à tout ça, le personnel soignant préfère en rire, parfois à gorge déployée. Une manière comme une autre de se forger une carapace. Lors d'un bref passage aux urgences il y a quelques temps, j'ai vu de mes yeux un interne presque littéralement s'écrouler sous la pression et la fatigue, après je ne sais combien d'heures de garde. Je n'ai pu m'empêcher d'aller le voir et lui demander si ça allait... Le patient qui vient en soutien du soignant... Mention spéciale sur le tome 4, lorsque notre héros ordinaire, tout en faisant sa thèse, fait un stage de 6 mois dans le service local de SAMU... Une expérience pas piquée des hannetons, et qui montre elle aussi une fois encore l'état très particulier dans lequel se trouve le milieu sanitaire en France. Même si j'avais entendu parler de certaines des situations décrites (il y a des constantes), je n'ai pas pu m'empêcher d'être consterné par celles-ci, sachant qu'elles sont vraies (les circonstances, les noms ayant été changés pour des raisons évidentes). Dans le tome 5 le personnage de Max fait un stage en tant qu'aide-soignant dans un hôpital basique. Et là encore la rigolade, parfois jaune, est au rendez-vous. Entre les patients qui s'ingénient à faire chier (presque au sens littéral) le personnel paramédical, le mépris affiché par les médecins pour ce même personnel paramédical, y compris des futurs collègues, le manque de moyens et de personnel, il y a de quoi grincer des dents. Pourtant là encore le personnel tient le coup grâce aux petites joies du quotidien, ou à l'humour, parfois de connivence avec les patients... Et au détour des trucs joyeux, des moments carrément durs, comme le décès d'une patiente atteinte d'Alzheimer, que son mari vient voir tous les jours. Et à la remarque de l'aide-soignant "Pourquoi venez-vous la voir, alors qu'elle ne vous reconnaît plus", le mari a cette réponse ultime : "Je la reconnais, moi". C'est juste poignant. Vie de Carabin est un travail remarquable. Pas forcément sur le plan graphique, c'est presque du "gros nez", mais comme l'a remarqué mon camarade, il y a une telle énergie dans les situations, dans l'expressivité si particulière des gueules noires (quasiment des smileys), que les histoires passent toutes seules. A peine remarquerais-je que sur certaines doubles pages (en têtes de chapitres, par exemple), le sens de lecture des cases n'est pas toujours optimal, mais c'est vraiment pour pinailler. C'est du très, très bon boulot. Qui devrait se retrouver dans les salles d'attente de tous les cabinets de médecine de France et de Navarre, en plus des salles de repos des personnels hospitaliers.
Dakota 1880
Pour ma part j'ai été conquis ! Je ne m'attendais pas à de courts récits. La voix off, les récits courts, efficaces, originaux sont déstabilisants de prime abords pour un album de Lucky Luke. Cependant dès le premier récit je trouve que l'on plonge dans l'ambiance. Il y a une cohérence d'ensemble et les récits, fluides, dessinent en creux le personnage de Lucky Luke. Un ton peut être un petit plus sérieux, et bien plus mélancoliques évidemment, que la série originale. Côté mélancolie, il y avait déjà cette touche dans l’adaptation de "l'homme qui tua Lucky Luke" de Mathieu Bonhomme. Lucky Luke, en dehors du côté cartoon et western, a peut être aussi déployé une part d'imaginaire mélancolique, notamment avec la fameuse vignette de fin "I'm a poor lonesome cowboy" ? Les dessins de Brüno sont très beaux et la sublime colorisation de Laurence Lacroix collent parfaitement à l'ambiance des 7 récits, qui ont chacun leur mélodie propre mais qui forment un ensemble homogène. A noter la dernière double page avec "l'interview" de l"historien Gustav Frankenbaum (personnage de la série "les collines noires") qui est délicieuse, comme certains petits détails (j'ai bien aimé le clin d'oeil des "patates au lard" running gag de l'album "la diligence").
Fantasy - Yourcenar / Alma
Alors que cet album m’interpellait dès les premiers retours, je ne me suis pas jeté dessus en magasin, la faute à un graphisme qui me semblait un poil « grossier » au 1er regard, et aussi au jolie prix qui n’encourage pas la prise de risque. Bref tout ça pour dire que j’ai attendu l’emprunt et que finalement il va être sur la liste de Noël. J’ai beaucoup aimé, je ne connaissais pas l’auteur mais je vais zieuter son précédent travail. J’ai trouvé qu’il fournissait ici un travail assez remarquable, surtout dans le genre Fantasy, il amène une certaine fraîcheur et poésie à ses doubles récits pour un résultat assez bluffant à mes yeux. Original et novateur. J’ai démarré par Alma et perso je pense que c’est vraiment par ce côté qu’il faut commencer. Le déroulé du monde et la fin miroir m’a semblé avoir plus d’impact dans ce sens, répondant avec plaisir à mes interrogations au fil de l’aventure. (Édit : en fait, faites comme vous le sentez, l’expérience doit être différente mais tout aussi satisfaisante, ça générera d’autres interrogations. Super fort de la part l’auteur ça !!). Le graphisme qui me faisait si peur a su vite m’attraper, la narration aérée a su m’emporter et le destin de nos héroïnes a su me toucher. J’ai vraiment apprécié la tonalité du récit. Très chouette à suivre.
Criminal - Les Acharnés
Ce spin off de la série Criminal est un petit régal, que l'on connaisse ou pas la série mère. Ed Brubaker a concocté un scénario aux petit oignons. Il construit son histoire comme un puzzle, dont les chapitres forment les différentes pièces qui vont s'assembler progressivement. Il semblerait initialement qu'il n'y ai aucun lien entre les premiers chapitres, qui sont chacun centrés sur un personnage et une histoire différente. C'est d'abord l'histoire de Jacob, scénariste de comics, qui se retrouve à Hollywood pour bosser sur l'adaptation d'une de ses séries. Puis vient le tour d'Angie, gamine orpheline élevé par La Grogne, le gérant d'un bar louche. Les chapitres sont denses, ils prennent le temps de bien raconter les choses. C'est là qu'Ed Brubaker est fort. Ca pourrait être deux banales histoires, dans lesquelles il n'y a pas tellement d'action ni de suspens, on ne voit encore aucun recoupement possible entre les deux parties... et pourtant c'est prenant. La narration, très efficace, donne du rythme et de l'intérêt à tout ça, grâce à l'utilisation systématique de la voie off. Puis, plus on va avancer dans le récit, plus les surprises vont arriver. Des petits détails du début vont prendre de l'ampleur et du sens lors des recoupements. Ceux ci sont quand même malins et très bien amenés. On va également monter crescendo dans l'action et on aura juste ce qu'il faut de tension. De quoi ravir les amateurs de polar. Et pour ne rien gâcher, cette histoire permet de croiser intelligemment la destinée de différents personnages de la série Criminal. Du très bon boulot.