Les interviews BD / Interview de Régis Hautière

Régis Hautière est l’un des scénaristes lancés par les Editions Paquet. Un auteur dont on va beaucoup parler dans l’avenir…

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Régis Hautière Bonjour Régis, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis scénariste de bande dessinée, marié, deux enfants, un chat. Mon poisson rouge est mort l'année dernière.

Comment es-tu venu au scénario en bande dessinée, toi le diplômé de philo ?
Les aléas de la vie et un irrépressible besoin, qui me titille depuis toujours, de raconter des histoires. Cette envie est sans doute le pendant de mon peu de loquacité dans la vie de tous les jours.

Quels sont les auteurs que tu admires ?
Alan Moore pour tout ce qu'il ose.
Loisel, Blain, Franquin pour l'énergie, la spontanéité et l'impression trompeuse de simplicité et d'évidence qui se dégagent de leur trait.

Accéder à la fiche de Le Loup, l'agneau et les chiens de guerre Tu commences ta carrière de scénariste en 2004, avec le tome 1 du Loup, l'agneau et les chiens de guerre. Tolkien et Alexandre Dumas ont visiblement pesé sur ton écriture…
Eux et d'autres. Je crois que tout ce qu'on lit nourrit notre imaginaire et influence, d'une manière ou d'une autre, consciemment ou non, notre écriture. Il est illusoire de penser qu'on peut créer ex-nihilo, tout comme il est illusoire de croire que ce qu'on écrit n'a jamais été envisagé, sous une forme ou sous une autre, par quelqu'un d'autre. Toutes les littératures sont traversées par cinq ou six grands mythes fondateurs. Le reste n'est que réécriture, réappropriation.

En 2006, c’est l’explosion : tu sors Un autre monde, Mister Plumb, L'étrange affaire des corps sans vie, Au-delà des nuages, "Abaddon Dub" et tu reprends A.D.A. Cet afflux d’albums était-il prémédité, ou est-il dû aux aléas des publications ?
Aucune préméditation de ma part. Il est dû à la conjonction de phénomènes simples. Le premier est qu'ayant signé un premier contrat chez Paquet, j'ai pu avoir un contact direct avec l'éditeur, ce qui a facilité la procédure de présentation de mes projets. Plus besoin d'attendre deux ou trois mois avant d'avoir une réponse.

Le fait d'avoir fait un premier album, vous donne aussi un certain crédit auprès de l'éditeur qui peut mieux évaluer ce que vous valez en tant que scénariste. Quand le premier tome du Loup, l'Agneau et les chiens de guerre a été bouclé, Pierre Paquet m'a demandé d'écrire d'autres scénarios pour des dessinateurs. De mon côté je lui ai présenté deux ou trois histoires qui traînaient dans mes cartons.

Il faut aussi tenir compte du fait que le temps de gestation nécessaire à chaque projet n'est pas strictement le même. Les dessinateurs ne travaillent pas tous à la même vitesse. Trois mois suffisent à certains pour dessiner 46 planches, pour d'autres il faut deux ans. Ce qui fait que des albums dont j'ai écrit les scénarios à un an d'intervalle ont pu arriver en même temps en librairie.

Accéder à la fiche de A.D.A. En septembre 2006, paraît le second tome de A.D.A., pour lequel tu prends la suite de Pierre Vanloffelt. Le tome 1 avait été publié 5 ans auparavant. Cette « résurrection » était-elle le fait de l’éditeur, Pierre Paquet, ou d’une envie de ta part ?
C'était une demande de l'éditeur qui cherchait un scénariste pour reprendre cette série. J'ai même dû prendre l'album en court de route et inventer une histoire en tenant compte des 11 premières planches qui avaient déjà été dessinées.

Ma participation à cette série se limite au tome 2, mais Antonio Lapone, le dessinateur d'ADA, m'a demandé de lui écrire une histoire pour les éditions Nocturnes (pour lesquelles il a déjà fait un livre sur les Platters) (voir une planche de ce projet).

Cette année également, tu travailles pour la première fois avec deux auteurs qui avaient déjà un style et un univers bien à eux, Renaud Dillies et Romain Hugault. Comment s’est passée la collaboration avec ces deux auteurs complets ?
En fait, j'avais déjà travaillé avec Romain Hugault avant Au-delà des nuages. J'avais écrit pour lui l'histoire et les textes du Dernier Envol. Nous nous étions rencontrés au premier salon de bande dessinée du Bourget. C'est Fraco, avec qui je venais de commencer Dog fights, qui me l'a présenté. Nous avons mis Romain en relation avec notre éditeur. Une fois son contrat signé Romain m'a demandé de l'épauler sur ce projet. Notre collaboration se passe plutôt bien. Peut-être pour une raison qui peut paraître paradoxale : je n'ai aucune connaissance en aéronautique et lui n'a pas vraiment de culture "bande dessinée". Nous nous efforçons donc chacun de pallier aux défaillances de l'autre. Romain s'occupe du côté technique et moi j'apporte un peu de lyrisme. Pour simplifier, on peut dire qu'il gère les machines et moi les personnages.

Accéder à la fiche de Mister Plumb Avec Renaud Dillies, nous avions appris à nous connaître et à nous apprécier avant de nous lancer dans ce projet. Quand nous avons décider de travailler ensemble nous avons voulu le faire dans un genre que nous n'avions encore exploré ni l'un, ni l'autre : l'humour.

Mister Plumb s'inscrit donc dans un registre qui n'a rien à voir avec celui de Betty Blues ou de Mélodie au crépuscule. Et c'est ce qui a fait l'intérêt de notre collaboration. Il fallait que j'entraîne Renaud vers quelque chose de différent de ce qu'il a l'habitude de faire. Mister Plumb est une fantaisie burlesque, empreinte de non-sens, alors que Renaud a une tendance naturelle à laisser s'exprimer dans ses livres son côté mélancolique, romantique. Ce n'est pas que je sois incapable d'écrire des histoires romantiques, ou tristes, mais Renaud n'a pas besoin de moi pour le faire.

Une collaboration sur un ouvrage de ce type n'aurait donc pas eu grand intérêt, ni pour lui, ni pour moi. Je crois même qu'elle aurait nécessité beaucoup de concessions de part et d'autre et aurait sans soute été assez conflictuelle (artistiquement parlant). Alors que sur Mister Plumb, nous avons travaillé sur le mode de la complémentarité. Nous nous sommes fixé comme objectif premier de nous faire rire mutuellement et nous cherchons continuellement à surprendre l'autre.

Polar, comédie trépidante, fantasy, récits de guerre, science-fiction, fantastique, tu touches à tous les genres. Pas de préférence ? Tu comptes t’arrêter là ou continuer à diversifier tes écrits ?
Je ne me fixe pas de limite dans ce domaine. Tout m'intéresse. A vrai dire, je m'adapte au dessinateur avec qui je travaille. A son type de dessin, à ses envies, à ses centres d'intérêt. Ce qui fait que chacune de mes histoires est empreinte, dès sa conception, de la sensibilité de celui qui va la mettre en scène.

Voir la planche de Tucker Trois de tes séries ont pour sujet principal l’aviation… Est-ce une passion ?
Deux autres arrivent très prochainement (Tucker et Un jour de mai). C'est en fait un ensemble de circonstances qui m'ont amené vers la bande dessinée aéronautique. C'est d'abord venu d'une envie de Fraco (qui est un fondu de simulation aéronautique) de dessiner des avions, puis de ma rencontre avec Romain Hugault. Comme Dog Fights et Le Dernier envol sont sortis presque en même temps, j'ai été identifié par certains comme un scénariste aéronautique et on m'a proposé d'autres projets. Mais ce qui m'intéresse dans ces histoires ce sont peut-être plus les pilotes que les avions. Même si je reconnais que ces machines, surtout celles des années 30/40, peuvent être assez fascinantes.

Tu sembles être le centre d’attraction du vivier d’auteurs amiénois. Comment expliques-tu une telle concentration de talents sur une seule région ?
Je crois que chaque région recèle de nombreux talents. Le problème c'est de leur donner les moyens d'éclore, de se motiver et de se développer. Sur Amiens, nous avons décidé, il y a quelques années de nous retrouver régulièrement, entre scénaristes et dessinateurs amateurs, dans des bars pour discuter de nos projets respectifs (et d'autres choses). L'isolement auquel nous conduit ce métier fait qu'il est facile de se décourager et de lâcher pied. Pouvoir échanger avec d'autres apprentis auteurs est donc essentiel pour garder une certaine motivation. Chacun peut aussi faire profiter aux autres de son expérience et des contacts qu'il a dans le milieu.

Le festival de bande dessinée d'Amiens joue aussi un rôle important en offrant une vitrine à des artistes émergeants et en leur permettant de se confronter aux professionnels.

Jusqu’à présent, tous tes albums ont été publiés chez Paquet. Tu te sens bien chez l’éditeur ? Pas d’envie d’aller proposer tes projets ailleurs ?
C'est lui qui m'a donné le premier ma chance. C'était donc normal que je lui propose en priorité mes projets suivants. Nous avions d'ailleurs signé un accord portant sur une dizaine de livres. Pour la suite, on verra. Aucun éditeur n'est à même de publier tout ce que j'ai envie de faire. Et peu d'auteurs font toute leur carrière chez un seul éditeur (ou alors ce sont des auteurs dont la carrière se résume à une série ou deux séries à succès).

Quels sont tes projets ?
Je dois refaire la salle de bain de la chambre d'ami. Je pense que je vais percer l'un des murs pour éclaircir la pièce. Mais avant, je vais aller à la piscine municipale pour nager un peu.

Régis, merci.



Bibliographie :
A.D.A. (le tome 2 uniquement - dessin Lapone), 2006, 2 tomes.
"Abaddôn dub" (dessin Ttam2mo), 2006, 1 tome.
Au-delà des nuages (dessin Hugault), 2006, 1 tome.
Le Dernier Envol (dessin Hugault), 2005, 1 tome.
Dog fights (dessin Fraco), 2005, 1 tome.
L'étrange affaire des corps sans vie (dessin François), 2006, 1 tome.
Kaliclès (dessin Redondo), 2005, 2 tomes.
Le Loup, l'agneau et les chiens de guerre (dessin Hardoc), 2004, 2 tomes.
Mister Plumb (dessin Dillies), 2006, 1 tome.
Pendragon (dessin Arranz), 2005, 2 tomes.
Un autre monde (dessin Le Sourd), 2006, 1 tome.
Tucker (dessin Taborda), 2007, 1 tome.

Tous aux Editions Paquet.
Interview réalisée le 20/02/2007, par Spooky.