Blanc autour

Prix oecuménique 2022 1832, Canterbury. Dans cette petite ville du Connecticut, l'institutrice Prudence Crandall s'occupe d'une école pour filles. Un jour, elle accueille dans sa classe une jeune noire, Sarah. La population blanche locale voit immédiatement cette "exception" comme une menace.
1816 - 1871 : De la chute du Premier Empire à la Commune Les prix lecteurs BDTheque 2021 Pionnières Prix oecuménique Racisme, fascisme [USA] - Nord Est
Même si l'esclavage n'est plus pratiqué dans la plupart des Etats du Nord, l'Amérique blanche reste hantée par le spectre de Nat Turner : un an plus tôt, en Virginie, cet esclave noir qui savait lire et écrire a pris la tête d'une révolte sanglante. Pour les habitants de Canterbury, instruction rime désormais avec insurrection. Ils menacent de retirer leurs filles de l'école si la jeune Sarah reste admise. Prudence Crandall les prend au mot et l'école devient la première école pour jeunes filles noires des Etats-Unis, trente ans avant l'abolition de l'esclavage. Nassées au coeur d'une communauté ultra-hostile, quelques jeunes filles noires venues d'un peu partout pour étudier vont prendre conscience malgré elles du danger qu'elles incarnent et de la haine qu'elles suscitent dès lors qu'elles ont le culot de vouloir s'élever au-dessus de leur condition. La contre-attaque de la bonne société sera menée par le juge Judson, qui portera l'affaire devant les tribunaux du Connecticut. Prudence Crandall, accusée d'avoir violé la loi, sera emprisonnée...
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Date de parution | 15 Janvier 2021 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis


Très déçue par cet album. Le sujet de la condition des noirs, et des femmes noires par dessus le marché, en Amérique du nord à la fin du XIXème siècle est peut-être un peu casse-gueule. Mais il manque tellement d'épaisseur dans les personnages que l'on survole le problème à mille mètres d'altitude sans que jamais je n'aie pu être touchée par les évènements, pourtant tragiques. Le dessin coloré et très flou y est peut-être pour quelque chose ; le fait qu'il me rappelle mes livres de lecture de maternelle (1978 environ) n'aide pas non plus. L'ensemble s'apparente à un spectacle de marionnettes : les silhouettes , les lumières et les gestes du corps (mains paume vers le haut, paume vers le bas, poing sur la hanche) sont sensés suppléer le manque de nuance des visages ou la platitude des dialogues. Le fait divers raconté, quant à lui, est malheureusement révoltant et triste, mais les auteurs n'ont pour moi pas rempli le contrat. J'ai lu jusqu'au bout, mais aucun étonnement, aucune pédagogie non plus, cela reste à la surface comme une mauvaise journée à l'école maternelle.


Comme pour Le Singe de Hartlepool, Lupano s’empare ici d’une affaire réelle, la remet sous la lumière, pour en stigmatiser les aspects les plus révoltants, pour dénoncer une forme absurde de la bêtise humaine – là aussi le racisme. L’album nous permet de redécouvrir ce racisme enraciné dans la société américaine, y compris comme ici dans ce « Nord » pourtant abolitionniste – la fin de l’esclavage ne signifiant pas du tout l’égalité réelle des droits, on l’a bien compris. L’album m’a surtout permis de découvrir une femme (et son père) à la personnalité très forte, une enseignante qui va se battre pour faire entrer dans son école des jeunes femmes noires (le sexisme s’ajoutant alors au racisme pour choquer la bonne société locale). S’ensuit un long et violent combat, opinion publique, justice et « gros bras » s’entendant pour faire pression sur cette femme, Prudence Crandall, dont l’attitude courageuse et digne préfigure quelques autres figures de la lutte pour l’égalité des droits – lutte qui, hélas, aux États-Unis mais pas que, est encore à poursuivre. La narration est assez simple, mais efficace, ça se lit facilement. Et ce d’autant plus que le dessin de Fert apporte une touche presque enfantine, féérique, en tout cas « enchante » presque la noirceur du propos. J’avais au départ peur que ce dessin – très beau au demeurant – ne soit pas adapté à ce genre de récit, mais finalement ça passe. On peut juste regretter une fin un peu abrupte. Mais le dossier final complète bien la lecture, il est instructif et bien fichu. Une lecture recommandable en tout cas.


Je viens de refermer l’album, j’ai adoré. Je me demande encore pourquoi je ne me suis pas précipité plus tôt sur ce dernier. Le sujet sans doute ? Je me méfiais un peu. 2 auteurs au sommet de leurs arts. Stéphane Fert m’avait déjà conquis avec ses 2 précédentes œuvres en solo. Il récidive ici, on retrouve son dessin rond et coloré, ses planches sont magnifiques. C’est plein de grâce, de vie, d’une fluidité exemplaire, des couleurs bien sentis, de chouettes ambiances. Le tout est un plaisir pour les yeux. Wilfrid Lupano que l’on ne présente plus, régale avec ce one-shot. J’avais un peu peur sur ce point, une histoire engagée sur la 1ère école accueillant de jeunes filles noires dans l’Amérique du Nord de la 1ère moitié du XIXème siècle. Ici pas de lourdeur, une narration maîtrisée pour une histoire instructive, des personnages solaires face à la bêtise humaine de l’époque (le même ressenti que sur Salem). Malheureusement, le changement de mentalité ne se fait pas en claquant des doigts, la fin de cette aventure ne sera pas des plus heureuses mais reste marquante et plein d’espoir via ces jeunes pensionnaires. J’ai également fortement apprécié le personnage du petit « sauvage ». Une belle osmose entre les auteurs pour un album que j’ai trouvé lumineux. A découvrir.


Je me retrouve dans l'avis de Ro. Le dessin de Fert est toujours aussi superbe à regarder, c'est vraiment un de mes dessinateurs récents préférés. Son trait est élégant et je pourrais passer des heures à regarder chaque case. Pour Lupano, je trouve souvent que ses albums sont bons sans les trouver géniaux et c'est encore le cas ici. Le sujet principal est intéressant, surtout que pour une fois on voit le racisme du Nord, à une époque où certes l'esclavage est aboli dans cette partie des États-Unis, mais ça ne veut pas dire qu'on est pro-égalité et c'est clair que beaucoup de nordistes voulaient que les noirs restent à leur place et voyaient d'un mauvais œil que des noirs s'éduquent. Plusieurs dialogues sont savoureux, il y a de très bons moments, une galerie de personnages mémorables et des réflexions intéressantes. Le problème est qu'on ne raconte qu'un épisode de la lutte des noirs à l'accès à l'éducatif et du coup lorsqu'on arrive à la fin de l'album, j'ai eu l'impression que rien n'était vraiment fini et que ça se terminait trop brutalement. Il faut dire que j'ai récemment lu Wake up America qui raconte la lutte des noirs sur plusieurs années, cela a peut-être influencé mon jugement. Mais bon malgré cela je trouve que c'est un bon album à lire si on est fans des auteurs.


Wilfrid Lupano et Stéphane Fert se sont associés pour nous présenter cette tranche de l’Histoire des USA, pas la plus glorieuse et pas la plus connue non plus, mais qui anticipait d’une certaine manière l’abolition de l’esclavage quelques décennies plus tard. Après avoir conçu ensemble une BD jeunesse, les deux auteurs remettent donc les couverts. Leur collaboration sur un nouveau projet coule presque de source, ces deux-là ayant pour habitude de narrer des histoires avec des personnages toujours en quête de liberté. Morgane et Ronces, héroïnes des deux contes de Fert (Morgane et Peau de Mille Bêtes), étaient deux femmes luttant pour leur indépendance dans un monde dominé par les hommes. Avec Lupano, on retrouve souvent chez bon nombre de ses héros des velléités de contestation des pouvoirs autoritaires et des injustices. « Blanc autour » est un peu la fusion de leurs préoccupations respectives. Lupano nous dispense une narration fluide, même s’il est vrai que l’histoire n’est pas très compliquée, et qu’en plus elle s’inspire de faits réels. On peut toutefois facilement imaginer que le scénariste d’ « Alim le tanneur » et des « Vieux Fourneaux » a dû intégrer des éléments de fiction pour pimenter le récit, avec notamment deux personnages marquants, totalement inventés — contrairement à la directrice et ses pensionnaires —, qui représentent des points de vue radicalement opposés. Il y a d’abord ce jeune sauvageon noir, prénommé comme il se doit « Sauvage », provocateur un peu lettré prônant le retour à la nature et la révolte des esclaves, sorte petit lutin des forêts venu d’on ne sait où, qui se plaît à narguer les nouvelles pensionnaires « de couleur » dans leur velléité d’émancipation. Puis son antithèse, Miriam, une vieille dame recluse dans les bois et dissimulant sous son « masque » de sorcière les idées les plus avant-gardistes fortement empreintes de féminisme. Deux outlaws apportant la contradiction à ces jeunes filles noires désireuses de s’insérer dans la société blanche en accédant à l’instruction et à la connaissance, ne cherchant aucunement à remettre en question l’ordre établi. Deux rebelles « antisociaux » qui grattouillent là où ça chatouille et permettent parallèlement au récit de ne pas s’engluer dans une bouillabaisse de bons sentiments. En choisissant de collaborer avec Lupano pour ce one-shot, Stéphane Fert met entre parenthèse le conte de fées, genre avec lequel il a su si bien nous enchanter. Pourtant, il ne renonce pas totalement à cette part de merveilleux en mêlant à l’histoire les ingrédients les plus typiques des contes : la forêt, la sorcellerie, et les messes noires, sans vouloir faire de mauvais jeu de mots. Et cela fonctionne car en plus cet univers sylvestre, par le choix des couleurs, fournit un contraste fort avec la bourgade avoisinant l’école de Miss Crandall. La forêt, comme une invitation au rêve, chatoie de couleurs vives tandis que Canterbury et ses habitants se confondent dans une grisaille peu engageante. Bien sûr, si l’on parle de sorcellerie, ce n’est pas de la sorcellerie au sens propre du terme, mais une sorcellerie de femmes, noires, en réaction à un pouvoir patriarcal raciste et oppressant. Ainsi, ces femmes n’ont d’autre choix que de se défendre dans une sorte d’union sacrée. La suite du récit montre d’ailleurs qu’une véritable chasse aux sorcières va s’opérer contre ces pionnières qui effraient les habitants de Canterbury, tous blancs, davantage par leur souci de s’élever que de par une remise en cause potentielle de leur entre-soi. Ce qu’ils veulent, c’est rester entre Blancs pour se convaincre sans doute qu’ils sont et resteront pour toujours la « race supérieure » et pour cela ils préfèrent l’affrontement et la violence qu’un compromis civilisé. L’un d’entre eux l’affirme : « Je préfère les nègres qui rejettent notre société à ceux qui cherchent à s’y glisser par tous les moyens. » « Blanc autour » est paru le 15 janvier dernier, soit neuf jours exactement après l’invasion du Capitole par les fanatiques trumpistes. De façon troublante, une scène de l’album où les habitants de Canterbury (plus précisément les hommes, forcément) envahissent en pleine nuit l’école des jeunes filles pour y semer le chaos et la terreur, résonne étrangement avec les événements de Washington. Et le lecteur de constater que finalement, peu de choses ont changé depuis le XIXe siècle et que l’Amérique a bien du mal à renoncer au mythe absurde et illusoire d’une nation dominée par les WASP*. Une fois de plus, Lupano a su nous faire vibrer et nous émouvoir avec cet album magnifiquement mis en image par Stéphane Fert. * White Anglo-Saxons Protestants : protestants anglo-saxons blancs


« Blanc autour » est avant tout l’histoire vraie d’une femme forte et déterminée, Prudence Crandall, et de son combat contre l’intolérance. Les thèmes de cet album sont forts et bouleversants : le racisme et l’abolitionnisme aux USA, l’importance de l’éducation pour s’émanciper et lutter contre l’obscurantisme… et le féminisme aussi, les décisions à propos du droit à l’éducation de ces femmes noires étant souvent prises par des hommes blancs. On aimerait dire que les choses ont changé, mais « Blanc autour » fait malheureusement écho à des évènements très récents, notamment aux USA. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour la première élève de l’école, Sarah, jeune femme qui inspire par sa maturité, sa vision du monde. Les thèmes sont lourds de sens, mais l’album se lit facilement. La narration est fluide et légère, avec de longs passages muets. Le style graphique aéré est plaisant et très lisible, avec des touches de symbolisme appréciables (je pense par exemple à la double page représentant la végétation et les animaux menaçant autour du pensionnat). Un reportage textuel enrichi de biographies conclut l’album, si vous désirez aller plus loin et approfondir vos connaissances sur les évènements décrits. Une histoire très humaine, superbement réalisée, et aux thèmes plus importants que jamais… à mettre entre toutes les mains.


Wilfrid Lupano (Scénario) - Stéphane Fert (Dessin) Souvent séduit par ces deux auteurs, j’avoue faire partie des lecteurs qui se seront rués sur l’album sans même s’inquiéter du thème de celui-ci. Mais si je considère ce livre comme une des plus belles perles de ce début d’année, il ne le doit pas spécialement au nom de ses auteurs, bien plus déjà au talent dont ils font montre pour nous narrer une page sombre et lumineuse de notre histoire, et énormément à Prudence Crandall, sans qui ce récit n’aurait jamais eu lieu d’être. Blanc autour nous parle de la première école dédiée à des élèves noires dans l’Amérique de 1832. Et même si cette école s’est implantée dans le Connecticut (soit dans le nord des USA réputé moins raciste et plus progressiste que les états du Sud), le moins que l’on puisse dire est que cette innovation ne va pas être accueillie avec bonhomie. Les auteurs, tout en nous décrivant les faits avec une certaine rigueur, s’appliquent à nous offrir un récit qui incite à la réflexion. D’historique, ce récit vire régulièrement au sociologique car la situation vécue hier par Prudence Crandall et ses élèves reste d’une cruelle actualité aujourd’hui. Pourquoi refuser le droit à l’instruction ? De quoi les opposants ont-ils si peur ? Ces deux questions sont au centre de nombreuses réflexions et tout le récit (du personnage de ‘Sauvage’ qui refuse l’instruction des blancs à celui de ‘la Sorcière’ qui apportera son expérience du rejet de la différence et du savoir aux jeunes élèves de miss Crandall) semble construit pour nous éclairer sur certaines peurs actuelles. Certains rejets d’aujourd’hui ressemblent tellement à ceux d’hier… Le dessin de Stéphane Fert, fait d’a-plats et de réguliers jeux d’ombre et de lumière, apporte au récit une touche de fraicheur, de naïveté et de lisibilité, mais sans occulter le caractère dramatique de celui-ci. On retrouve donc les mêmes qualités que celles déjà vues dans ses adaptations de contes (« Morgane », « Peau de Mille Bêtes ») au service ici d’un récit historique. La narration de Wilfrid Lupano est une fois de plus parfaite d’équilibre. C’est léger et instructif, cinglant à l’occasion et toujours agréable à lire. Un récit sombre car le destin de cette école est dramatique. Un récit lumineux car les combats juridiques menés par Prudence Crandall permirent en définitive quelques avancées majeures dans les droits civiques des Etats-Unis d’Amérique.


Initialement prévu pour être publié en Novembre 2020, cet album a dû être repoussé à Janvier 2021 pour cause de re-confinement. Il raconte l'histoire vraie de la première école, féminine en l'occurence, accueillant des élèves noires aux Etats-Unis dans la première moitié du 19e siècle. Cela se passait dans une petite ville du Connecticut à une époque où l'esclavage existait encore dans le Sud, où la ségrégation était en vigueur dans le Nord et où les abolitionnistes étaient certes présents mais minoritaires, surtout dans une région rurale telle que celle-ci. Prudence Crandall accepta un jour d'accueillir une élève noire dans la classe exclusivement blanche qu'elle tenait. Devant le tollé suscité par ce choix, elle ne se démonta pas et alla encore plus loin dans sa démarche : puisque les notables blancs ne voulaient pas voir les enfants cotoyer des noirs, elle prit la décision de transformer son école en établissement réservé aux élèves noires uniquement. Le fond de l'histoire est instructive. C'est un combat avant l'heure pour le droit à l'égalité raciale, quand on sait que la véritable égalité des droits n'a été obtenu que plus d'un siècle plus tard aux Etats-Unis. On y découvre la force de caractère de cette jeune institutrice mais aussi le soutien qu'elle a pu obtenir, notamment de sa famille. Et on est navré par l'intolérance manifestée à l'inverse par la population blanche de sa région. Et la forme est très belle. Stéphane Fert, qui réalise le dessin, était déjà l'auteur de Morgane ou encore Peau de Mille Bêtes, autres oeuvres très belles et aux couleurs charmantes. Les planches sont un plaisir à regarder, contrastant par leur beauté avec l'amertume de la situation et la laideur de la pensée raciste de ceux auxquels les héroïnes de ce récit s'opposent pacifiquement. Certains passages et leur représentation graphique dégage une très belle émotion, presque poétique voire enchanteresse. Toutefois, l'intrigue elle-même a fini par me décevoir. Car ce n'est que le simple reflet de la réalité des faits, certes raconté avec justesse et de manière plaisante, évitant de sombrer dans la lourdeur des détails d'un combat juridique notamment, mais on devine bien comment les choses ne peuvent que se terminer pour un tel combat à l'époque. Et du coup, la fin se révèle trop amère, voire un peu abrupte, pour que je ressorte épanoui de ma lecture.
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