Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland

Note: 4/5
(4/5 pour 4 avis)

Deux soeurs apprennent à survivre au coeur de la forêt, dans un monde privé de ressources. Pour mieux le réinventer ?


Après l'apocalypse... Les petits éditeurs indépendants

Rien n’est plus comme avant. Le monde tel qu’on le connaît semble avoir basculé : plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au coeur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, les deux soeurs demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leur passion de la danse et de la lecture. Mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisable richesses.

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 21 Août 2019
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland © Sarbacane 2019
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 4 avis)
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25/05/2020 | PAco
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Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur gruizzli

Oh ! C'est … c'est beau. Vraiment beau, même. Il y a des BD, comme ça, dont le final semble laisser un délicieux gout dans la tête tandis qu'on flotte dans un autre monde. "Dans la forêt - d'après le roman de Jean Hegland" est de celle-là. C'est le genre de BD que j'aurais envie de proposer aux gens de lire simplement en disant que c'est très beau, et puis c'est tout. Parce que parfois il faut savoir se passer de mot pour dire ce qu'on a apprécié. Mais si je dois en dire quelque chose de plus que ce qui a déjà été relevée par d'autres commentaires, je dirais que c'est proche de Femme sauvage, que c'est une BD qui parle d'écologie et de résilience mais surtout de repartir après un traumatisme. Le huis clos est un parti pris complet de la BD, puisqu'on se rendra compte que celui-ci est le cœur de la BD. Enfermées dans la forêt oppressante, deux sœurs vont apprendre à sortir de leur cage qui les enferme, casser les murs qu'elles se sont bâties pour s'échapper sans vraiment partir. Je suis admiratif du message, lié au fond, à la forme et aux thématiques. La fin du monde est présentée comme étrangement lointaine, détachée. Tout se joue sur cette relation sororelle, esquissé par petites touches entre le présent et le passée. Chacune à son caractère, sa façon d'être, ses faiblesses et ses forces. Mais c'est ensemble qu'elles vont réussir à passer au-delà. La BD est complété par ce dessin, qui m'a surpris d'un bout à l'autre. Il est détaillé, précis, esquissant les ombrages et les nuances dans un seul gris, mais mettant aussi en valeur le paysage, donnée cruciale de cette histoire. Tout est maitrisé, du détail au général. J'ai apprécié les cases aérées, qui créent un sentiment de folle liberté combiné à une oppression crée par les cadrages. Comment ne pas se sentir petit, écrasé par tant de grandeur environnante ? C'est aussi les personnages, leurs regards, leurs attitudes. Dans la danse, dans la souffrance, dans les détails, tout passe par des postures, des subtils détails qui plongent dans le récit. Oui, je trouve qu'il y a du beau dans tout ça. Maintenant que tout cela est dit, je dois bien dire que le plus important reste le message. Certes, il y a bien quelques points qui font tiquer, comme l'a souligné NoirDesir. Mais je n'arrive pas à les considérer comme de véritables obstacles. C'est surtout un message sur le fait de rebondir, repartir de l'avant. Les incidents sont nombreux, il faudra savoir les éviter et repartir, vivre à nouveau. Revivre, c'est le message de cette BD, revivre mieux, revivre avec moins, revivre avec l'essentiel. C'est une BD dans l'air du temps, une BD qui rappelle que nous n'avons finalement besoin que de l'essentiel, et que celui-ci peut-être si peu. Rarement j'aurais lu une aussi belle apocalypse, un effondrement aussi lent. C'est beau, vraiment. La BD m'a fait ressentir quelque chose de fort à la lecture, quelque chose que je n'ai pas envie de brouiller par une autre lecture. Je me sens plus enclin à mettre une musique, tant que c'est encore possible, à m'écouter un album que j'aime bien et à me laisser rêver. Pourquoi parler plus ? Parfois, je suis juste content qu'une BD me fasse fermer ma grande bouche. C'est une très belle BD, lisez là.

21/12/2023 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

Je ne suis pas toujours très réceptif aux récits post apocalyptiques mais la série de Lomig m'a bien séduit. Lomig adapte le roman de l'auteure américaine Jean Hegland (1996) qui s'interroge sur notre perte de contact et de connaissance avec notre milieu naturel. L'ambiance post apocalyptique assez légère, me semble d'ailleurs un prétexte pour nous faire prendre conscience de notre position de consommateurs passifs et assistés vis à vis des ressources qui nous font vivre. Pourtant Eva et Nelly sont deux soeurs brillantes dans les études ou les arts loin du modèle de consommatrices addictives style fashion victim. Le récit assez classique va les placer à travers plusieurs épisodes dramatiques d'une position cloîtrée assez passive à une position finale ouverte dans la confiance en l'avenir. Au final c'est cette confiance dans leurs possibilités à vivre le lendemain qui les rend capables de partir à l'assaut de l'avenir sans toutes leurs réserves. La symbolique est forte et Hegland nous renvoie aux peuples qui n'accumulaient et ne gaspillaient pas. C'est une proposition à la fois écologique et comportementale forte qui va à l'encontre de nos habitudes sociétales depuis des siècles. Lomig propose un récit fluide sans trop de textes et l'auteur invite ses lecteurs à accompagner les deux soeurs sur la redécouverte de leur monde. Il propose ainsi des choix forts qui peuvent aller à l'encontre des idées pré-pensées. Le graphisme de Lomig soutient parfaitement son scénario. Sa ligne est douce et fine pour décrire le monde élégant et protégé des deux soeurs. Il y a beaucoup de sensualité dans les épisodes de danses d'Eva ou de sexualité de Nelly. La richesse des détails des chambres de la maison donne l'illusion de la protection par les objets accumulés. Lomig excelle à mettre en contraste la variété du monde artificiel de la maison et la variété du monde naturel de la forêt. Une série intéressante qui mérite une lecture attentive pour un roman subtil.

25/07/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Noirdésir

J'avais découvert - et déjà bien apprécié - le travail de Lomig avec Le Cas Fodyl, et c'est encore une fois avec plaisir que j'ai lu cet album. Je ne connais pas le roman d'origine, mais en tout cas l'adaptation que Lomig en a fait donne un résultat très agréable à lire (j'aurais juste un bémol pour la fin). D'abord, je voudrais remercier l'éditeur, Sarbacane, pour son très beau travail, avec un papier et une couverture épais, un dos toilé, c'est vraiment un bel écrin. Certains "grands éditeurs" devraient en prendre de la graine. L'histoire est un quasi huis-clos, autour essentiellement de deux jeunes femmes (à la limite de l'adolescence et de l'âge adulte), qui vivent seules dans une maison perdue au milieu d'une forêt, éloignées de tout et de tous, dans une ambiance post-apocalyptique. Si les causes de l'absence - la mort - de leurs parents nous sont peu à peu dévoilées, nous ne connaissons que quelques bribes d'explication à la situation générale: causes et conséquences de cette situation de "fin du monde" resteront en partie obscures, mais l'essentiel n'est pas là. Les deux jeunes filles, leurs relations, leur adaptation à cette nouvelle réalité, la façon dont elles réussissent - ou pas - à s'en sortir, sont très bien mises en scène par Lomig, qui prend son temps pour installer le décor. D'autant plus que la forêt elle-même, qui pourrait avoir un air oppressant de prime abord, se révèle au final conciliante et salvatrice. Et obtient presque le premier rôle dans l'histoire. Ce retour à une vie simple, imprégné de Thoreau, ce retour à la nature se pose comme une évidence après la lecture de cette histoire à la narration fluide et agréable. J'ai juste eu du mal à comprendre la fin. Non pas le choix des filles de vivre plus en symbiose avec cette nature, cette forêt qui les entoure et les protège, finalement, mais certains détails m'ont paru un peu fragiles, pas toujours crédibles: la rapidité de la dégradation de la maison, et le choix des filles de se priver des réserves qu'elles avaient finalement réussi à se constituer. Mais ces réserves mises à part, cela reste une chouette lecture, pas forcément hyper originale, mais qui développe une aventure post apocalyptique moins anxiogène que la plupart des autres histoires du genre, un côté rassérénant qui ne fait pas de mal. Et, par les temps qui courent, ce retour à une vie simple proche de la nature, coupée des villes, si elle peut avoir un aspect naïf, ne fait pas de mal non plus. La distanciation sociale subie par ces deux femmes, leur "confinement" forcé les a poussé à faire des choix qui ne peuvent qu'interpeler, mais qui, sous la plume de Lomig (et avec son dessin simple, épuré, mais dynamique et efficace, usant d'un Noir et Blanc agréable), prend des airs de sortie de l'enfer, d'un purgatoire menant tout droit à un paradis utopique. Note réelle 3,5/5.

20/07/2020 (modifier)
Par PAco
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur PAco

C'est avant tout grâce à un couple d'amis que j'avais découvert le talent de Lomig par le biais de ses deux premiers albums Magic Dream Box et Vacadab. On avait ensuite eu la chance de l'inviter au festival que nous organisons pour son album précédent Le Cas Fodyl. C'est son regard tranchant et acéré sur notre société, ses absurdités et les méfaits du capitalisme qui m'avaient séduit. Ajoutez à cela un trait fin et souple tout en noir et blanc aimant jouer avec les hachures, et là moi je suis aux anges. J'étais donc curieux de découvrir son dernier album adapté d'un roman de l'autrice américaine Jean Hegland qui fut un best-seller. Dans la forêt nous plonge donc dans un monde post-apocalyptique "soft" : Plus d'électricité, plus de moyens de transports, plus d'essence, la nourriture est une denrée rare et précieuse. C'est dans ce contexte que survivent deux jeunes soeurs dans leur maison en plein coeur de la forêt après la disparition de leurs parents. Mais quand on a 17 et 18 ans, pas facile de bien vivre cette situation... Eva et Nell s'accrochent à leurs passions, la danse et la lecture pour ne pas sombrer et vont petit à petit apprivoiser cette forêt immense qui les entoure. Et c'est là toute la réussite de cet album, faire de cette forêt un personnage à part entière. Sans avoir lu le roman, on sent que Lomig a mis l'accent sur cet aspect primordial du récit et y est parfaitement parvenu ; elle se fait tout à la fois, réconfortante, protectrice, nourricière. C'est là que son trait fin prend tout son souffle et rend parfaitement grâce à la majestuosité de la forêt. Fait étrange, c'est durant la période de confinement que nous venons de passer que j'ai lu cet album, et il prend tout à coup une toute autre dimension... Un très bel album à découvrir !

25/05/2020 (modifier)