Les interviews éditeurs / Interview de Wandrille - Warum/Vraoum

Nous n’avons pas la chance, sur bdtheque, d’avoir beaucoup des albums édités par Warum/Vraoum. L’occasion de réparer ce manque est donc arrivée avec l'entretien avec Wandrille Leroy, éditeur.

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Wandrille Wandrille, c’est un peu pourri comme pseudo, non ?
La question émanant d’une personne ayant choisi Spooky comme pseudonyme peut laisser à surprendre… D’autant que, je n’apprendrai rien à personne, Wandrille est un prénom bien de chez nous, dont la bien belle abbaye de Jumiège est fièrement dévolue au saint qui le rendit si universellement célèbre.

Heureusement qu’il est bien connu sur les internets que sur bdtheque.com les lecteurs sont plus cultivés que les chroniqueurs, des gens formidables au demeurant mais ayant dû arrêter les études trop tôt pour nourrir une famille ravagée par l’alcool.

Bref, Wandrille, c’est mon prénom, j’allais pas chercher un nom d’artiste alors que mes parents m’avaient déjà habillé pour l’hiver.

Cela dit, si j’avais pu choisir un pseudo, t’inquiète pas que j’aurais pris autre chose que Wandrille, un blaze qui fait un peu tafiole, on l’avouera.

Comment les Editions Warum sont-elles nées ?
Avec un papa et un papa, des années avant la légalisation du mariage pour tous.

C’est avec Benoît Preteseille, à la sortie des Arts Décos de Paris, que nous nous sommes lancés, plus ou moins sur un malentendu, dans l’édition professionnelle, en éditant nos bouquins et ceux de nos petits camarades, dans le but avoué de se faire repérer par des éditeurs, des vrais, et, une fois la chose faite, de fermer boutique.

Hélas, ça a pris plus de temps que prévu. Benoit a pris sept-huit ans pour commencer à publier chez Cornelius, et moi, j’ai sorti mon premier album en nom propre chez Delcourt au bout de dix. Entretemps, le virus de l’édition m’avait contaminé, et, aujourd’hui (et non « au jour d’aujourd’hui ») on sait bien qu’il n’est pas encore de vaccin réellement efficace contre cet affreux bacille de l’éditeur, celui à cause de qui les librairies sont encombrées et les étagères submergées.

Accéder à la BD Moi je J’apprécie ton travail, en tant qu’éditeur, en règle générale qui le rapproche un peu de celui des Rêveurs et de Cornélius. Quelle est ta ligne éditoriale ?
On ne va pas se mentir, comme dit quelqu’un que j’aime d’amour : quand on a monté Warum, notre modèle avoué était l’Association, tant au niveau du fond que de la forme. A ceci près qu’au lieu d’être six, comme les associés fondateurs, nous étions deux, ce qui a simplifié la définition de la ligne éditoriale. Il fallait que ce soit le dénominateur commun de nos goûts en commun à Benoit et à moi.

Ce qui était loin d’être gagné puisqu’on est un peu aux antipodes, lui beaucoup du côté de l’underground arty, moi beaucoup plus du côté de commercialo-rigolo… On s’est retrouvé sur l’humour absurde, l’autobio décalée (Moi je, "Seuls comme les pierres") et la narration expérimentale (La Casa) qui louchait vers la science ("Atomes"), le théâtre ou la littérature ("Médée – l’Ecume d’écume des jours"), l’art ("DADAbuk"), la musique ou la moto (Jamais en dessous de 130).

Bizarrement, ce grand écart nous a permis d’être très clairs dans nos choix. Il fallait que ça plaise aux deux.

Accéder à la BD Jamais en dessous de 130 Ne serait-il pas plus simple parfois d’éditer des œuvres à l’approche plus « commerciale » ?
D’autres le font très bien avec des moyens qui permettent aux auteurs de mieux gagner leur vie. Pourquoi est-ce qu’on irait faire probablement moins bien des choses qui nous intéressent moins ?

Dans notre démarche d’éditeur, il y a nettement l’idée de se surprendre et d’éditer des choses nouvelles, si c’est pour faire comme tout le monde… D’ailleurs, voilà, on a édité Aude Picault, Benjamin Adam, Pierre Place ou Sophie Guerrive avant tout le monde, pourquoi chercher à piquer les miettes d’auteurs connus, quand on peut travailler avec les génies de demain que les gros viendront s’arracher en s’étonnant qu’on les ait découverts avant eux ?

Il y a ceux qui ne veulent pas prendre des risques, et puis ceux qui aiment pousser des portes et tracer les sentiers que les bulldozers suivront (que c’est beau ce que je dis là).

Nous, on creuse.

Accéder à la BD La Boucherie (Bastien Vivès) Pourquoi avoir créé le label Vraoum ? Qu’est-ce qui le différencie de Warum ?
Quand on a fondé Warum, il y a dix ans, j’ai ouvert mon premier blog et là j’ai découvert que ma famille d’auteur était manifestement les blogueurs.

Très vite, j’ai vu des auteurs au talent exceptionnel qui étaient, à l’époque, méprisés par les auteurs et éditeurs traditionnels (ça a bien changé depuis « hu hu hu », comme on dit sur les internets). Du coup, très vite, j’ai poussé pour qu’on édite bien ces gens qui étaient, souvent, des amis.

Benoit ne m’a pas suivi sur ce terrain-là. C’est pour cela qu’on a fondé Vraoum, une maison plus grand public, plus axée sur la création en ligne, avec un humour parfois plus trash (Ultimex, La Bande pas dessinée) ou, bizarrement, plus familial (Un bébé à livrer, Je suis ton père !, "Le Père contre-attaque"). Ça m’a aussi permis d’éditer des auteurs que j’adorais et qui étaient pour certains des amis (ou qui le sont devenus) comme Monsieur Le chien, Pochep, Geoffroy Monde ou Terreur Graphique, des gens d’ailleurs qu’on retrouve désormais chez Fluide et autres grands éditeurs.

Je peux le dire d’ailleurs, j’ai monté Vraoum pour publier Monsieur le Chien qui était assez mal édité et fort mal défendu par une structure qui a fermé depuis ; et ça me rendait fou. Coup de bol, grâce à Singeon (le dessinateur de Bienvenue), qui était à l’époque notre stagiaire, l’autre premier livre qu’on a pu éditer était La Boucherie, soit le premier livre de Bastien Vives en solo sous son nom propre (il avait auparavant sorti sous le nom de Bastien Chanmax les Poungi la Racaille chez Danger Public)… Autant dire qu’on a commencé avec du lourd, même si seuls les gens vraiment attentifs à l’époque on vu sortir ces livres.

Accéder à la BD La Guerre du Retour contre attaque Depuis mars 2014 Warum et Vraoum sont détenus à 60% par Steinkis Groupe, qui comprend également les Editions Jungle et Steinkis. Au-delà –peut-être - de l’aisance financière apportée par l’opération, comment cette appartenance se ressent-elle dans la politique éditoriale de Warum et Vraoum ?
Quand on a fondé VRAOUM, deux amis se sont associés à Benoit et moi, et, lorsque Benoit a eu envie d’autre chose, une troisième personne est venue le remplacer, mais il s’agissait de ce qu’on appelle de la « love money » : des actionnaires amis bienveillants et confiants, mais peu investis.

Un temps, j’ai eu une assistante, la merveilleuse Agathe Friguet, mais, lorsqu’elle a quitté Berlin d’où nous travaillions à l’époque, je me suis retrouvé seul à gérer Warum-Vraoum, ce qui a tenu un temps, mais c’est à la longue révélé trop dur à tenir à bout de bras, entre les décisions éditoriales, financières, les calculs des droits, les suivis des projets, les angoisses de trésorerie…

Il se trouve que depuis deux ans, je faisais du travail éditorial en freelance pour diverses plus grosses structures, dont Jungle, à qui j’avais apporté et suivi le Yodablog, édité sous le nom de La Guerre du Retour contre attaque (le troisième tome arrive), ainsi que pour Steinkis pour qui j’ai suivi Les Lumières de Tyr ou "Mon fiancé chinois".

Accéder à la BD Don Quichotte (Rob Davis) On s’était aperçu qu’on travaillait bien ensemble, donc, en 2014, quand j’ai commencé à chercher un porte-avion éditorial pour recevoir Warum-Vraoum, si j’ai été reçu avec gentillesse et intérêt par tout le monde (à ma grande surprise), c’est Moïse Kissous du groupe Steinkis qui s’est montré le plus intéressé et réactif.

Concrètement, j’ai désormais un associé pro, qui me demande des comptes, qui m’apporte, en plus des facilités de trésorerie et d’une aide marketing et administrative, un gros soutien pour le travail avec les journalistes, avec une attachée de presse de choc, Marie Fabbri, et, surtout qui, parfois, me refuse des projets trop dangereux et compliqués, des livres où on se serait cassé la gueule.

En revanche, aucun projet ne m’est imposé, je reste seul maître des choix éditoriaux. Mieux : je dois l’an dernier à Moïse le très beau projet Quatre couleurs de Blaise Guinin. D’autre part, l’aide de Steinkis m’a aussi permis de réaliser des adaptations et des achats de droits, comme le magnifique Don Quichotte de Rob Davis, dont nous sortons très bientôt le tome 2.

Je dois avouer que j’avais des craintes au départ, mais, finalement, c’est vraiment plaisant d’être challengé par un partenaire investi à fond.

Bon parfois, c’est chiant, aussi.

Accéder à la BD Seul comme les pierres Tu es très actif dans le monde des BD-blogs, entre ta participation au festiblog, ta propre carrière d’auteur sur ce support, souvent sur un mode parodique, mais aussi en tant qu’éditeur de certains blogueurs. Selon toi, les blogs BD représentent-ils toujours un fort potentiel, une force vive ou une mode déjà passée ?
Tu apportes la réponse. Le Blog BD a été un médium qui a révélé toute une nouvelle génération d’auteurs et qui a forcé un grand nombre d’auteurs à aller faire un tour sur internet. Maintenant que la chose est admise, le blog, les sites, les réseaux sociaux ne sont plus qu’un moyen comme un autre.

Avant les blogs bd, il y avait le fanzine et l’édition. Point. Depuis, on a vu apparaître une kyrielle de projets, et, d’ailleurs, le fanzine a connu un gros boost porté par les blogueurs. Maintenant, on voit aussi apparaître une grosse mode de la revue et du reportage BD, très réjouissante, mais qui, elle aussi aura un temps.

Tout cela, ce ne sont que des supports, des outils. Le blog bd est un peu dépassé, et, d’ailleurs, le festiblog va muer cette année, comme d’ailleurs la Révélation Blog (mais j’ai encore rien le droit de vous dire chut chut) pour refléter ces évolutions.

Et c’est chouette, mais oui !

Une planche de Donjon Pirate Ton expérience sur le blog parodique Donjon Pirate t’a parait-il donné envie d’écrire pour les autres. Le Wandrille auteur complet ou « simple » dessinateur, c’est fini ?
C’est sûr que Donjon Pirate a été un vrai révélateur du plaisir d’être scénariste pour de bien meilleurs dessinateurs que soi. Mais non, a priori, je n’ai pas terminé de dessiner, je continue de loin en loin, mais surtout dans des carnets de croquis.

Le dessin c’est un exercice exigeant, si tu ne dessines pas régulièrement tu perds ton niveau et, pour progresser, il faut faire ses gammes. C’est chronophage, mais l’édition aussi. Le temps de dessiner un album, j’aurais probablement écrit quatre ou cinq albums pour des dessinateurs mille fois meilleurs que je ne serais jamais, et j’en aurais édité quinze autres.

Mais j’ai énormément de tendresse pour mes albums en tant qu’auteur complet, et je vais d’ailleurs en rééditer une intégrale que je vais devoir redessiner entièrement, parce que si mes textes, j’en suis encore content, autant le graphisme, c’était quand même pas top top.

Ça fera partie des onze albums qu’on rééditera pour les onze ans de Warum (ouais, parce que j’ai raté les dix ans…). Et dessiner un nouvel album… ma foi, pourquoi pas, un jour. Avant j’ai quand même des tas d’autres trucs à réaliser.

Accéder à la BD Premières vendanges Si la plupart de tes scenarii se caractérisent par l’humour –parfois grinçant- et la parodie, on remarque que Premières vendanges, sorti l’an dernier, en est moins systématiquement truffé. Une expérience à renouveler ?
En réalité, c’est Thomas Cadène qui m’a fait passer au premier degré.

Quand j’ai émigré à Berlin, il y a cinq ans, j’avais dans mes cartons une idée exactement similaire aux Autres Gens.

Mais en moins bien.

Quand il a monté Les Autres Gens, j’étais jaloux.

Mais jaloux !

Accéder à la BD Les Autres Gens Et admiratif aussi, alors je me suis abonné… J’espérais secrètement pouvoir scénariser pour LAG mais j’ai fait une erreur. J’ai proposé à Thomas d’être jury de la Révélation Blog. Du coup, j’étais coincé, je ne pouvais plus lui demander de scénariser pour lui… ça aurait fait intéressé, tu vois ?

Heureusement (pour moi), il a fait un gros burn out et il s’est retrouvé coincé et obligé de trouver un assistant aux scénarios. Quelques dessinateurs et amis lui ont soufflé mon nom, dont Loïc Sécheresse ou Martin Zeller, et il est venu me voir en me disant « bon, j’ai pas le choix, je suis obligé de prendre quelqu’un… mais pour moi, Wandrille c’est quelqu’un qui fait que du second degré, mais les Autres gens, c’est premier degré »

J’étais trop content, tu penses, alors je me suis calé à la contrainte et j’ai fait du premier degré, et je me suis aperçu que j’aimais bien ça, d’écrire des histoires où tu ne te moques pas de ton histoire, où tu n’es pas en train de dire « ohlala hé, regardez c’est des conneries mes conneries ».

Quant au livre avec Anne-Lise, ça faisait des plombes que c’était dans les cartons, c’est quand Delcourt est venu la trouver pour faire un livre que ça s’est relancé…

Une planche de Premières vendanges Cet album est aussi le premier à être édité chez un autre éditeur que chez toi, si l’on excepte tes participations aux Autres gens et Tu mourras moins bête. Ça fait quoi de « passer » chez un éditeur mainstream ?
Eh bien je peux te dire que ça rapporte vachement plus de thunes. Et tu es invité plus souvent par les libraires et plus facilement reçu dans les gros festivals. Et le champagne est vachement meilleur.

Bon et à part ça…

A part ça… euh… eh bien, je dois avouer que je préfère être édité par une structure comme la mienne que par les plus gros, parce que l’attention est tout de même vachement plus minutieuse que chez les gros qui sortent tellement de trucs toutes les semaines que tu n’es guère qu’une cartouche dans un fusil automatique.

Pour filer la métaphore, chez les petits moyenzéditeurs, chaque album est une torpille amoureusement bichonnée et qui, si elle rate sa cible, restera au moins un bel objet. Pour avoir travaillé avec beaucoup de gros éditeurs en freelance, en tant que cover designer ou autres, j’ai été vachement surpris de trouver beaucoup de gens moins pro que moi, qui ai pourtant tout appris sur le tas. Maintenant, sur des métiers où je suis bien nul comme le marketing ou le commercial, j’ai aussi rencontré des grosses pointures qui m’ont appris pas mal de choses. Notamment au sein du groupe Steinkis.

Bref, ça ne me dégoûte pas pour autant de bosser avec des gros et j’ai plusieurs trucs en cours qui attendent de voir le jour.

Avoue, tu as fait partie de l’équipe de Bayday Leaks, ce Gorafi consacré à la BD !!
Je n’avoue rien du tout. J’adorerais en être, hélas, non. C’est trop gentil comme humour pour que j’en sois. Mais je confesse leur avoir écrit pour leur suggérer une ou deux saloperies qu’ils ont eu la gentillesse de publier.

Ça n’est pas allé plus loin.

Mais j’ai mon idée des responsables.

Je mettrais Bourhis et Terreur Graphique là-dedans.

Et James aussi, c’est bien le genre.

La couverture de Vater und Sohn Parlons maintenant de Vater und Sohn ; comment t’est venue l’idée de cette adaptation ?
Ah oui, parlons-en ! Bon, d’abord, parce que je fais moi-même du strip et donc je me suis un peu renseigné sur ce qui s’est fait avant moi. Et en fait, tu tombes vite sur les strips de Vater und Sohn quand tu cherches un peu sur le sujet.

Et puis j’ai vécu en Allemagne, je suis bien germanophile, il ne m’a pas fallu longtemps pour rêver de cette adaptation, mais comme on rêve à un truc impossible à réaliser. Un Fantasme.

Une planche de Vater und Sohn L’échec commercial de l’édition précédente française au Seuil ne t’a pas découragé ?
Non. D’abord parce que je ne l’ai même pas vu passer (pourtant c’était pas moche comme objet), donc cet « échec » ne m’a pas du tout marqué (d’ailleurs je ne sais même pas combien ils en ont vendu, peut être qu’à mon niveau, j’aurais trouvé ça beau).

D’autre part, j’étais tellement convaincu d’éditer une œuvre géniale que, quand bien même huit ou dix autres éditeurs se seraient cassé la gueule avant moi, j’y serais allé quand même. D’ailleurs pour prendre un parallèle proche, Calvin & Hobbes a connu un paquet d’éditions, il me semble, avant de rencontrer son public en France. J’ai un autre exemple en tête de strip génial hyper mal édité en France, mais comme je compte aussi le rééditer, je le garde dans le secret de mon âme hin hin hin… (et puis faut que je convainque Moïse de le faire, huge work, parce que Moïse, lui, il a l’œil sur les ventes, tandis que moi…).

Une planche de Vater und Sohn Je me souviens que les vignettes étaient numérotées. Dans cette édition elles ne le sont plus, quel travail spécifique a été ajouté en sus des éditions précédentes ?
Nettoyage des nombreux pets et pétouilles, corrections des traits effacés, traduction des nombreux textes non dialogués, reconstitution d’une typo complète, remise en page de tous les strips, ceux-ci changeant de taille, de nombre de cases et de format quasiment à chaque épisode, plus un dossier théorique par Sylvain Farge sur les messages de résistance cachée dans l’œuvre, une courte biographie de Erich Ohser /eo Plauen par Dominique Herody, un portrait par Marc Lizano (qui scénarise un reboot de l’œuvre outre Rhin avec Ulf K.) et surtout un gros boulot de graphisme et de cover design, sans parler des choix de papier et de fabrication.

Une planche de Vater und Sohn Erich Ohser, l’auteur de Vater und Sohn, a une vie très particulière… Tu pourrais nous en parler ?
Arf… vous ne voulez pas lire le livre plutôt ?

Bon disons qu’il a eu une vie en dent de scie. Incroyablement précoce et talentueux, il a commencé très tôt une carrière de dessinateur et d’illustrateur pour de très grands artistes, avant de monter à Berlin où il a enchaîné avec tout autant de succès une carrière de caricaturiste politique qui lui vaudra d’être interdit de travail en 1933 quand le NSDAP (les nazis) arrive au pouvoir.

Il détruit ses dessins, certains des livres qu’il a illustrés sont brûlés, il part se cacher en province et vivote au crochet de son épouse, elle-même illustratrice.

Par un coup de pouce d’un éditeur de La Gazette Berlinoise Illustrée, journal proche du pouvoir, il va participer à un concours pour faire des strips de BD dans la revue, concours qu’il va gagner haut la main avec Vater und Sohn qui paraitra hebdomadairement. Il a l’autorisation de le faire uniquement sous pseudo, ce sera eo Plauen.

Le succès va être tellement énorme qu’il va devenir riche et célèbre et revenir en grâce, ce qui sera sa perte, puisqu’il sera obligé, après avoir décidé d’arrêter Vater und Sohn de travailler pour Das Reich, un organe de propagande nazie, où il fera des caricature anti-alliés.

Comme il a gardé ses sympathies et amis de gauche, il finira dénoncé par un voisin pour avoir tenu des « propos défaitistes » dans un abri anti-aérien. Il se suicide en prison en 44, en laissant une note pour innocenter son ami emprisonné avec lui.

Sans effet. Ce dernier sera condamné et pendu.

L’œuvre de Vater Und Sohn restera un énorme classique en Allemagne (inconnue en France, et pour cause, on n’allait pas importer des auteurs allemands, tu penses…), mais son auteur Erich Ohser, sera bien plus largement ignoré, pour n’avoir pas été un héros, s’il n’a pourtant pas été un salaud.

Une planche de Vater und Sohn A priori Vater und Sohn va être réédité dans une version corrigée ? Pour quelle raison ? Comment les différencier ?
Ho, deux références de pages à la fin qui ne correspondent pas aux bonnes pages, et un strip dans lequel deux cases ont été inversées (par moi, honte, honte sur moi).

A vous de trouver lequel.

S’agit-il vraiment d’une édition intégrale et définitive ?
Qui peut le dire ? Pas moi, demain, un autre éditeur peut venir et choisir de publier en plus les petits strips utilisés pour la propagande nazie, plus les cartes de vœux avec les personnages que Eric Ohser a dessinés pour les enfants de ses amis et puis son œuvre antérieure à la guerre, et puis ses caricatures anti-alliés…

Je ne connais pas d’édition définitive.

Accéder à la BD Au Rallye Quelques pépites et surprises à venir ? Encore d’autres chefs d’œuvre de l’âge d’or de la bd à exhumer peut-être ?
Ouaip, il y a un autre petit trésor que j’aimerais bien me faire incessamment, peut être en 2018, le temps que le prix patrimoine qu’on ne va pas manquer de rafler cette année soit oublié… Je n’en parlerai pas, parce que les murs ont des oreilles et que le potage a des yeux.

En 2017 on va surtout rééditer une dizaine de titres de Warum/Vraoum qui sont passés inaperçus parce que sortis du temps où nous avions vraiment peu de visibilité, l’idée est de les ressortir mieux et moins cher, même, si on peut.

Il y aura sûrement Au Rallye de Pierre Place, Fernand the polar beer, Homme qui pleure et Walkyries de Monsieur le Chien, peut être le collector "Atomes" de William Hessel, dans une version giga remaniée… enfin on verra.

On va aussi sortir un livre sur les onze ans de Warum qui s’appellera « Ça n’intéressera que nous »…

Tout un programme.

Wait and see, on n’a pas fini de vous montrer des trucs chouettos !

Wandrille, merci.
De rien les mecs.
Interview réalisée le 18/08/2015, par Spooky, avec la participation de Jetjet.