Blue in green

Note: 3.6/5
(3.6/5 pour 5 avis)

A la manière d'une impro de jazz, Ram V compose un polar horrifique et introspectif qui envoûte par sa beauté singulière. Un graphic novel récompensé aux Eisner Awards et porté par une narration visuelle époustouflante qui convoque tout à la fois Dave McKean et Bill Sienkiewicz.


Auteurs Indiens Image Comics Jazz Musique Secrets de famille...

Jeune prodige du saxophone, Erik Dieter n’a jamais percé et enseigne la musique, loin de sa famille et de ses ambitions passées. De retour dans la maison de son enfance suite à la mort tragique de sa mère, il tombe sur une vieille photographie d’un musicien de jazz dans d’étranges circonstances, et sa vie bascule. Désormais, Erik n’a plus qu’une idée en tête : découvrir l’identité de ce mystérieux saxophoniste. Mais cette quête réveille en lui les démons de son ambition… De clubs de jazz en révélations sur le passé de sa mère, Erik sombre peu à peu dans la folie, obsédé par la poursuite du génie créatif et de la reconnaissance… jusqu’à y laisser son âme ? Texte : Editeur.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 18 Janvier 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Blue in green © Hi Comics 2023
Les notes
Note: 3.6/5
(3.6/5 pour 5 avis)
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11/01/2023 | Alix
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L'avatar du posteur Noirdésir

Une histoire qui se laisse lire, plutôt agréablement, même si elle m’a un peu laissé sur ma faim. A la mort de sa mère, le héros découvre chez elle la photographie d’un homme, qui semble avoir compté pour elle. Il se lance à sa recherche, en cherchant aussi ses racines, et en essayant de renouer le fil avec une mère de laquelle il s’était détaché. Peu à peu cette « enquête » prend des airs de polar – sans vraiment approfondir cet aspect. Ce qui m’a un peu déçu, c’est le manque de densité de l’intrigue, un peu légère. Et certaines cases parfois difficiles à déchiffrer. Mais par contre j’ai bien aimé l’ambiance globale. On est en plein dans le milieu du jazz, voire du blues, le héros joue du sax, on évoque de vieux clubs de Harlem. Le rythme lent, le brouillard de l’intrigue, des souvenirs du héros, et des images concourent à accentuer l’idée d’une salle enfumée bercée par des mélodies jazzy. Le travail graphique d’Anand RK n’est pas toujours clair. Mais il colle au récit et à l’ambiance. Il y a un peu de Mc Kean dans le rendu de certaines cases, avec une impression de collages. Au final, un album plaisant, mais qui aurait pu l’être davantage avec une histoire plus fouillée je pense. J’ai plus été convaincu par l’ambiance que par le récit lui-même.

30/09/2024 (modifier)
L'avatar du posteur Mac Arthur

Effectivement, le style graphique de Anand RK n’est pas sans rappeler celui de Dave McKean. Et pour ma part, il s’agit bien plus d’un handicap que d’une force. Je ne compte pas le nombre de fois où j’ai reposé ce comics avant d’enfin parvenir à rentrer dans l’histoire, et la cause majeure, c’est ce style de peinture/collage/graffiti que j’ai beaucoup de mal à décrypter. S’agit-il bien du même personnage ? Ils ont changé de pièce ? C’est quoi, ces tentacules ? Sont-ce des tentacules ? Autant de questions que je me pose à chaque coin de page. Alors oui, ça a de la gueule, mais pute borgne, qu’est-ce que je trouve ça pénible à lire ! L’histoire par contre avait beaucoup d’atouts pour me séduire. Une thématique musicale (le jazz), une quête des origines (la mort de sa mère va permettre au personnage central de découvrir le destin de son grand-père) et une narration à la première personne. Malheureusement, au fil du temps, on sent quand même bien que le truc a été plus ou moins improvisé et il faut attendre le dernier tiers du récit pour voir une vraie thématique se dégager. Le scénario manque de fluidité et certains détails n’apportent strictement rien à l’histoire de fond. L’idée du pacte avec le diable qui apporte au musicien le génie absolu en échange de son âme n’est guère novatrice mais son traitement présent, peut-être justement grâce au côté décousu du scénario, est assez original. Au final, j’ai trouvé la lecture assez pénible (il m’a fallu plus d’un an pour enfin réussir à finir celle-ci), surtout à cause de ce style graphique que j’ai du mal à décoder. L’histoire qui nous est racontée est intéressante mais peu novatrice. Du coup, tout l’intérêt vient de la manière dont elle nous est racontée (improvisée comme un long morceau de jazz)… et là, bah on retombe sur l’écueil du dessin. Si vous aimez ce style, il y a de bonnes chances que vous adoriez. Sinon, vous risquez de partager mon ressenti.

22/08/2024 (modifier)
Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Présence

Il n'y a pas de honte à être insignifiant. - Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre, parue d'un seul tenant, sans prépublication. La première édition date de 2020. L'histoire a été écrite par Ram V, dessinée et encrée par Anand RK, et mise en couleurs par John Pearson. L'ouvrage a bénéficié d'un design conçu par Tom Muller. Il contient également les couvertures variantes d'Aaron Campbell, Khary Randolph, Declan Shalvey, Elsa Charretier, Evan Cage, Jorge Fornes, Matt Griffin, Anand RK. Au temps présent, Erik Dieter est un saxophoniste de jazz, plutôt bon, mais pas extraordinaire. Il a opté pour une carrière de professeur de son instrument de prédilection dans une université. Ce samedi-là, il a fini de donner sa dernière classe à 11h00 et un élève vient lui poser une question sur son jeu, pour savoir s'il a une chance de devenir un jour un excellent musicien, car il n'a pas envie de finir professeur dans une université. Dieter s'excuse : il ne peut pas répondre car il doit prendre un appel urgent sur son portable. C'est sa sœur Dinah qui lui annonce le décès de leur mère Alana Joseph Roux. Il prend l'avion le lendemain et se rend à l'enterrement. En vol, il imagine un accident et les passagers qui chutent à travers le ciel comme des flocons de neige, disparaissant avant d'attendre le sol. Pendant la cérémonie, devant la tombe de sa mère, il passe le bras autour des épaules de sa sœur, chose qu'il n'a pas faite depuis des années. le soir, ils reçoivent les condoléances des proches au cours d'une réception donnée dans la maison de la défunte. Dieter se dit que ces retrouvailles avec des gens perdus de vue se déroulent toutes de la même manière, en parlant des succès de chacun dans la vie qu'il ou elle a menée. En passant de groupe en groupe, il aperçoit Vera Carter, celle qui fut son premier amour au lycée. Erik Dieter finit par pouvoir aborder Vera Carter : elle est devenue responsable d'une galerie d'art, et elle continue à peindre pour elle. Il s'enquiert de son mari Travis : elle a divorcé. Elle le quitte car il faut qu'elle aille coucher ses enfants, mais elle reste encore quelques jours dans la chambre d'ami. Les invités s'en vont progressivement, et il se retrouve seul avec sa sœur qui est dans la cuisine. Elle a un petit coup dans le nez et elle lui reproche son absence, le fait qu'il n'ait pas rendu visite à leur mère pendant toutes ces années. Elle finit par se calmer et s'endormir sur le canapé. Il va se coucher mais il ne trouve pas le sommeil. Il pense au corps de sa mère qui va se décomposer, sans ressentir ni chagrin, ni peine, ni tristesse. Il finit par se relever pour aller dans le bureau de sa mère : il y voit un spectre blanchâtre en train de fouiller dans ses papiers, qui se retourne vers lui et qui lui demande s'il joue toujours et s'il souffre pour sa musique. Il n'y a qu'à regarder la couverture pour se rendre compte que c'est une bande dessinée très personnelle. Au bout de quelques séquences, il apparaît que c'est l'histoire d'un musicien, un saxophoniste de jazz, qui s'interroge sur la direction qu'a prise sa vie, et qui s'interroge sur la jeunesse de sa mère. C'est donc une forme d'introspection existentielle, narrée avec une grande fluidité. Il y a bien évidemment des cartouches de flux de pensée et de réflexions intérieures, mais aussi des dialogues, et es pages muettes, la narration visuelle ne se limitant pas à juste montrer les personnages et les lieux. Son apparence est très sophistiquée : un rendu peint, avec des contours encrés en dessous, et l'utilisation de plusieurs effets spéciaux permis par l'infographie, toujours au service du récit, ne supplantant jamais l'histoire pour impressionner le lecteur. du coup, ce dernier peut être partagé entre une forte curiosité pour une narration aussi élaborée, et la crainte d'un produit un peu prétentieux, à la fois sur la recherche personnelle et sur la mise en forme visuelle, et pas forcément à la hauteur de ses prétentions. La scène d'ouverture rassure tout de suite avec une chaude ambiance mordorée, des dessins entremêlant réalisme photographique et ressenti impressionniste dans un tout cohérent, et une situation très terre à terre (le jeune élève posant une question insultante sans s'en rendre compte). Effectivement, il est possible de lire cette bande dessinée au premier degré : l'histoire d'un musicien qui s'est rendu compte qu'il était juste bon, et pas génial, incapable d'exprimer des émotions de manière poignante ou universelle, de les transmettre à ses auditeurs. Il se retrouve face à son premier véritable amour à qui il n'a jamais su le dire. Il doit faire face à ses choix de vie : se tenir éloigné de sa mère, sans lui rendre visite, et en laisser la responsabilité à sa sœur. Il ne peut que constater qu'il ne laissera pas de trace après sa mort. Il est accablé par le fait qu'il ne connaissait pas vraiment sa mère. La narration visuelle est étonnante de bout en bout, rappelant les grandes heures de Bill Sienkiewicz, mais sans ses fulgurances les plus avant-gardistes. L'artiste maîtrise parfaitement le dessin réaliste, la mise en couleurs de type peinture, les collages, les surimpressions, des pages vraisemblablement réalisées à partir de différentes techniques, assemblées et complétées à l'infographie, sans la froideur qui y est parfois associée, en conservant la chaleur organique du dessin à l'ancienne. le lecteur est invité à suivre la prise de conscience progressive d'Erik Dieter, dans des pages diffusant doucement des émotions adultes. le scénariste développe son récit sur une structure d'enquête (Qui était Dalton Blakely ?), avec un unique élément surnaturel (le spectre blanchâtre), apportant une accroche divertissante, sans nuire à l'introspection du personnage principal. Il est très difficile de parler musique en bande dessinée, car celle-ci ne permet pas de faire ressentir une mélodie, ou un rythme. Ici, les auteurs ont choisi de s'y prendre autrement. Erik Dieter est un saxophoniste professionnel et il joue du saxophone à quelques reprises, le lecteur pouvant voir la réaction des spectateurs touchés par sa musique, alors même que le récit ne précise pas dans quelle branche du jazz il s'inscrit. Pour autant, il ne fait nul doute que l'histoire se déroule bien sous l'influence du jazz. de temps à autre, le lecteur peut apercevoir un bout d'affiche ou de programme, avec une portion de nom. Ainsi même s'ils ne sont pas mentionnés explicitement, plusieurs grands noms sont présents en filigrane : Miles Davis (1926-1991), Charlie Parker (1920-1955), Charles Mingus (1922-1979), Thelonius Monk (1917-1982), Bill Evans (1929-1980), John Coltrane (1926-1967). C'est un moyen élégant de ne pas assommer le lecteur néophyte avec des références qui ne lui parleraient pas, en les conservant en arrière-plan, et également de faire des clins d'œil discrets au connaisseur. Le lecteur se laisse donc envelopper par ces ambiances visuelles, ressentant les états d'esprit du personnage principal qui est presque de tous les plans, le suivant dans son questionnement. Effectivement, la narration visuelle s'avère riche et variée, très agréable, aussi sophistiquée qu'accessible, et suscitant des émotions aussi ténues que touchantes. Il devient vite évident que le scénariste a pensé sa narration en termes visuels, car ce n'est pas une suite de cases avec que des têtes en train de parler. Les personnages accomplissent des actions de la vie de tous les jours qui montrent une partie de leurs relations interpersonnelles. Les mises en page peuvent aussi bien être sous forme de bandes de cases rectangulaires, que sous forme d'illustration accolées, ou encore de cases en insert, de dessin en pleine page, etc. Pour autant, il se dégage une forte cohérence visuelle dans la narration. le lecteur se retrouve vite subjugué par le jeu entre réalisme et impressionnisme, par la mise en couleurs sans rapport avec un simple coloriage naturaliste, par des visuels saisissants sur le moment. Il découvre après coup que cette magnifique vue du dessus d'Erik Dieter montant un escalier en spirale constitue un motif visuel qui va revenir plus tard, donnant un autre sens à cette image. Anand RK sait combiner la banalité du monde avec l'unicité d'en faire l'expérience, à la fois physique et mentale, rendant évident l'état d'esprit du personnage alors que des processus mentaux complexes sont à l'œuvre. Le lecteur ressent bien que le parcours d'Erik Dieter est celui d'un homme ayant déjà plusieurs décennies d'expérience, vraisemblablement un quadragénaire. Il découvre en même temps que lui une vision de la jeunesse d'Alana Roux sa mère, et sa fascination pour un musicien de jazz (un saxophoniste) qui n'a laissé aucune trace et qui est mort dans un incendie vraisemblablement criminel. L'enquête avance tranquillement de témoin en témoin, avec un bon coup de pouce d'un inspecteur de police sympathique. Mais l'intérêt du récit ne réside pas l'enquête, plus dans la manière dont elle éclaire les choix de vie de Dieter, et ce qu'elle apporte à sa compréhension du passé, de l'éducation qui lui a donné sa mère. L'élément surnaturel fait sens, comme la matérialisation d'un élément essentiel dans le jazz. La compréhension progressive d'Erik Dieter est celle d'un adulte qui prend la mesure de l'importance des choix de ses parents dans la construction de sa vie d'adulte, avec un regard pénétrant et intelligent de l'auteur. La couverture et le design de cette bande dessinée contiennent la promesse d'un récit sophistiqué et adulte. Le lecteur a le plaisir de découvrir que la promesse est tenue, avec une narration visuelle épatante et pertinente, et une prise de conscience progressive et signifiante pour le personnage principal. Les auteurs ont réussi un magnifique portrait d'un professeur de saxophone jazz, découvrant un autre regard sur sa vie.

21/07/2024 (modifier)
Par Cacal69
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Blue in Green est mon quatrième Ram V après These Savage Shores, Toutes les morts de Laila Starr et Swamp Thing Infinite. Et toujours pas déçu. Ram V est un formidable conteur d'histoires, il a ce talent pour embarquer le lecteur, le captiver et ne plus le lâcher. Un récit où vient se croiser la musique (le jazz), un secret de famille et l'envie de réussir sur fond de fantastique. L'histoire d'un homme, Erik, qui revient dans la maison familiale pour l'enterrement de sa mère et à partir de là, les événements vont s'enchaîner avec l'apparition d'un ectoplasme. Un récit qui prend son temps, les personnages sont complexes et attachants et l'introspection d'Erik sur le sens à donner à sa vie, à son art, est vraiment bien rendu et d'une forte épaisseur émotionnelle. Sommes-nous prêts à tout pour réussir ? Quitte à vendre son âme au diable ? Une délicieuse lecture avec une fin particulièrement poignante. Je découvre Anand RK et son style graphique est bien singulier, il se rapproche de Dave McKean, mais surtout de Martin Simmonds dans The Department of Truth. Bref, j'adore ! Il sied à merveille pour dépeindre l'ambiance tourmentée qui flotte autour d'Erik. La mise en page et les couleurs sont au diapason. Superbe ! Comme l'explique Ram V en fin d'album, le scénario s'est construit au fil de l'eau comme un bon vieux morceau de jazz improvisé, parfaitement orchestré et sans fausses notes. Album plus que recommandable.

27/01/2023 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
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Ram V nous propose un album d’une profondeur inouïe, où la musique, et plus particulièrement le jazz, occupe une place centrale (« Blue in green » est d’ailleurs le nom d’une chanson de Miles Davis). L’histoire débute comme une fable familiale assez classique, mais « dérape » assez rapidement avec l’apparition d’un spectre mystérieux qui va changer le cours de la vie du protagoniste. Sa quête d’identité nous fera réfléchir sur rôle de la musique (et de l’art de manière plus générale) dans nos vies... une thématique par ailleurs chère à Dave McKean, un auteur que j’adore (voir Cages par exemple). Le lecteur se fera sa propre interprétation sur la nature du spectre : j’y ai personnellement vu une métaphore de la souffrance et de la dépression de l’artiste, de la difficulté à créer. La réalisation est impeccable. La narration est parfaite, alors que les auteurs expliquent avoir improvisé le scenario, ce qui est quand même fort ! Et la mise en image de Anand RK et John Pearson est exemplaire, dans un style cauchemardesque qui lorgne lui aussi vers Dave McKean ou encore Martin Simmonds dans The Department of Truth. En tout cas les planches ont de la gueule. Un coup de maître(s), et un album que je recommande aux amateurs de ce genre de thèmes.

11/01/2023 (modifier)