Les interviews BD / Interview de Delphine Rieu

Delphine Rieu est une pionnière parmi les coloristes, elle fut parmi les premiers à utiliser l’outil informatique. Mais son univers scénaristique mérite aussi d’être découvert.

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Delphine Rieu Bonjour Delphine, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis auteur de BD depuis presque 15 ans. J’ai commencé à être publiée dans le journal de ma ville et des fanzines, comme beaucoup de débutants, et très vite j’ai pu travailler sur divers projets, en tant que scénariste et coloriste pour diverses maisons d’édition. Le fait de m’installer à Angoulême avant de débuter m’a beaucoup aidée à démarrer rapidement, car j’avais pas mal de contacts avec divers auteurs, associations et même éditeurs. Depuis je n’ai pas cessé de travailler. La colorisation m’ayant pris beaucoup plus de temps que le scénario.

Tu te lances dans la Bd après des études d’architecture. Mais curieusement, pas dans le dessin. Pourquoi ce choix ?
Je ne sais pas. C’est étrange car j’ai énormément dessiné jusqu’à l’âge de 21 ans. Enfant je dessinais beaucoup plus que je ne jouais. Et puis un jour j’ai posé le crayon, et je me suis mise à écrire et à colorer des pages de BD. Je n’ai jamais eu envie de me remettre au dessin.

Tu débutes avec « le vilain petit canard », chez Triskel, avec Yoann. Du canard à l’ornithorynque, il n’y a qu’un pas… :o)
Je suis arrivée sur le projet après sa conception. Il a fallu écrire les textes d’après les images déjà réalisées ! :o) Le sujet n’est donc pas de mon initiative.

Accéder à la BD Hong Kong Triad A la même époque tu débutes en tant que coloriste sur Hong Kong Triad et sur Sidney et howell. Quelles ont été tes principales difficultés ?
J’ai été pionnière dans la mise en couleur informatique. A l’époque les coloristes informatiques en France se comptaient sur les doigts d’une main. Par chance j’ai pu me faire la main sur un album BD de communication en juin 1996, pour un assureur. Ca faisait deux semaines que nous avions l’ordinateur et que nous apprenions à dompter photoshop 3, avec l’aide de Denis Bajram, que nous commencions la mise en couleur avec Eric Dérian. A la souris ; évidemment à l’époque nous n’avions pas de palette graphique… Nous avons ainsi fait toutes les erreurs possibles. Les ombres floues, le noir mal géré dans la couleur (ce qui donne un effet « sale » à la couleur), le format en EPS… Personne ne savait ce que ça donnerait à l’impression, pas même l’éditeur qui était Delcourt. Donc quand j’ai attaqué « Sidney et Howell », et « Hong Kong Triad », j’ai rectifié le tir…

Les débuts à la couleur informatique n’ont pas été simples, car c’était assez mal perçu. J’ai entendu dire beaucoup de mal sur cette technique. Des couleurs trop flashs, un rendu trop froid, trop lisse etc. J’ai tout de suite compris ces défauts grâce à l’album de communication, et j’ai aussitôt travaillé ma technique pour travailler la couleur autrement. Malgré cela, j’ai eu du mal à convaincre beaucoup d’auteurs les premières années. Je me souviens avoir montré un de mes albums à un auteur qui était très virulent sur la mise en couleur informatique, et qui ne voulait pas croire que mon travail était de la couleur informatique ! Il pensait, comme beaucoup de monde à l’époque, que la couleur informatique n’était que ces albums aux rendus très flashy, bourrés d’effets informatiques. Tout autre rendu couleur ne pouvait être pour eux que de la mise en couleur traditionnelle.

Cet ostracisme vis à vis de cette méthode a disparu dans la première moitié des années 2000.

Couverture Hermine Hermine est ta première « grosse série », en 1998. Ca raconte le quotidien d’une jeune femme un peu insouciante. Autobiographique ?
Pas vraiment. J’étais jeune quand j’ai eu ma première fille en 1994, j’avais un petit ami, et je suis provinciale ; pas trop le profil d’Hermine… Mais ça m’amusait de me mettre dans la peau de ce personnage, qui a été une demande de l’éditeur.

Trois petits albums et puis s’en vont… Tu n’as pas eu envie d’écrire de nouvelles aventures pour Hermine ? En plus c’est devenu tendance ce genre d’histoires…
Nous ne vendions pas assez pour que l’éditeur veuille continuer l’aventure. En Grèce toutes les pages ont été publiées à la fin d’un magazine pour adolescentes sur les stars du moment, avec un gadget offert à chaque numéro. Chaque semaine elles avaient leur page d’Hermine, et ça a dû bien fonctionner car dans un des numéros ils ont fait un cahier avec des dessins d’Hermine comme « gadget » offert. C’est rigolo de penser que les Grecs connaissent mieux Hermine que les Français…

Entretemps tu continues à faire les couleurs de nombreux albums. Photonik, Private Ghost, Tower, L'Esprit de Warren, Aberzen… Quel éclectisme ! La liste de tes collaborations est impressionnante, en une grosse douzaine d’années tu as dû coloriser plus de 40 albums !
Oui mais maintenant j’ai été estampillée coloriste de « dessins réalistes », on ne me propose que ça. J’aime bien ce type de mise en couleur, mais parfois j’aimerais changer un peu. Ces dernières années, j’ai fait les tomes 1 de Les Dérivantes et de Le Chineur, avec des aplats, c’était agréable de tester d’autres choses.

Accéder à la BD Alex Clément est mort Entre deux couleurs tu écris encore plusieurs albums, comme Alex Clément est mort, un excellent polar dessinée par Emmanuel Lepage. Tu n’as pas envie d’en écrire d’autres ? (des polars)
On s’est beaucoup amusés à faire cet album. J’aurais bien aimé faire une suite, j’avais pas mal d’idées, mais Emmanuel n’avait pas de très bons rapports avec la maison d’édition à l’époque, donc les idées sont restées dans les cartons. J’ai beaucoup de scénarios restés dans les cartons dans des univers très différents. Il y en a deux que je regrette de n’avoir jamais pu publier. C’est frustrant toutes ces histoires écrites qui ne sortiront pas, mais je ne suis pas aigrie car j’ai toujours plusieurs projets d’avance.

Il y eut aussi Les Gotozis ou Trum, qui ne connut qu’un seul tome chez Soleil, comme tant d’autres. Des regrets ?
Trum a été un malentendu avec l’éditeur. Nous avons changé de directeur de collection en cours de route, et j’ai vraiment eu l’impression que l’histoire n’a pas du tout été comprise. Pour moi c’est du Astérix, mais ça n’a pas été compris comme ça, et avant même que l’album soit terminé, j’ai deviné qu’on allait être très vite sacrifiés. Mais Trum existe toujours dans un coin de ma tête. Je suis de nature têtue, et j’en ferai quelque chose un jour…

Accéder à la BD A.Doll.A (Lolita HR) En février 2007 Lolita HR, ta série la plus ambitieuse en tant que scénariste, sort chez les Humanos. S’agissait-il d’une commande de Shogun mag, ou l’idée originale venait-elle de toi ?
C’est un projet que l’on avait présenté aux éditeurs pour des albums classiques couleur de 46 pages. Le dessin de Javier (le dessinateur de Lolita) n’étant pas très à la mode, le projet était dans les cartons quand j’ai entendu dire que Guillaume Dorison cherchait des projets manga. J’ai tout de suite pensé à cette histoire qui était parfaite pour un manga. J’en ai parlé à Javier qui était très excité à l’idée de partir sur un format manga. Nous avons modifié le scénario (qui s’est considérablement étoffé, dû à l’augmentation du nombre de pages), et Javier a adapté son dessin. Du jour où j’en ai parlé à Javier, au jour où le projet a été accepté, il a dû se passer 15 jours. C’est le projet le plus rapide que j’ai monté !

Quand on y pense, l’histoire de cette chanteuse qui s’érige en recours contre les artistes robotisés, tous pareils, est d’une troublante actualité. As-tu infléchi ton récit en fonction de ces ressemblances ?
Je ne suis pas allée chercher les idées très loin. Il m’a suffi de regarder dans quelle direction allait notre monde. Il suffit de bien écouter, lire, et regarder les personnes et les concepts extrémistes, et de surenchérir un poil. Quand il y a eu la folie avec la grippe A l’an passé on m’a beaucoup parlé de mon histoire et de la façon dont j’ai traité la maladie que j’ai appelée « marabout ». On m’a dit que j’étais visionnaire, mais je n’ai pas cette impression. Encore une fois, il suffit de bien décrypter ce qu’il y a autour de nous, tout existe déjà même si c’est parfois à l’état de germes.

Accéder à la BD A.Doll.A (Lolita HR) Ce premier tome est réédité dès l’année suivante, avec un nouveau titre et une maquette plus « manga »… Pourquoi ce changement ? Pourquoi ne pas l’avoir opéré dès la première édition ?
L’éditeur a jugé que les mauvaises ventes étaient dues au format. Il pensait qu’en visant un public un peu plus « romans graphiques » on toucherait mieux notre public. Le changement du nom sous « a.doll.a », c’était pour faire croire aux libraires que c’était une nouvelle série, et ça a marché… Les libraires n’ont pas vu (dans la très grande majorité) que c’était « Lolita HR » qui était ressorti.

Le second tome est sorti à peine six mois après le premier ; Javier Rodriguez est-il un stakhanoviste, ou le premier tome était-il prêt depuis longtemps et laissé en attente pour permettre cette sortie rapprochée ?
Javier dessinait 1 page par jour. C’était le concept. Ça lui convient très bien, car Javier adore raconter des histoires, plus que les dessiner. Ça ne l’intéresse pas de passer une semaine sur une page. Le rythme était quand même nouveau pour lui, et on travaillait dans l’urgence à cause de la publication en magazine qui nous obligeait à boucler dans les temps. Ça permet d’aller à l’essentiel, d’apprendre à accepter de laisser partir son dessin à l’impression avec des erreurs, avec des textes dans les bulles qu’on n’a pas eu le temps d’améliorer. C’est une autre manière d’envisager la BD, une manière beaucoup plus « jetée ». Il y a plus d’erreurs et d’approximations, mais ça conserve la fraîcheur. Et puis les prix des pages était très bas, donc pour faire rentrer les sous fallait bien carburer…

Cliquer pour voir une affiche de Javier Pour ce second tome la « remasterisation » a attendu deux ans…
La réalisation des quasiment 3 tomes (car le tome 3 est presque fini depuis 3 ans), s’est fait dans la douleur. Je ne parle pas du point de vue artistique, car Javier et moi avons pris un pied total à faire cette série. Je parle de la relation avec l’éditeur. Les humanos avaient de gros problèmes financiers, et très vite, dès le tome 1, ça a été très compliqué pour se faire payer. Cette histoire d’argent a totalement miné l’ambiance. De plus ils ont dû réduire le personnel au sein de la société, donc il n’y avait ni argent et personnel pour s’occuper des sorties, et, de surcroît, par souci d’économie les albums ont été imprimés en Chine, et il y a eu un gros problème de malfaçon avec un pelliculage plein de bulles sur les couvertures.

Avec Javier nous avons crée tout un univers autour de cette série. Nous avons même enregistré des chansons de Lolita, et fait un clip. Nous avons une expo que nous avions commencé à faire tourner. Nous avons passé énormément d’énergie sur cette série, avec un éditeur fantôme, incapable de nous épauler.

Ce sont des amis qui sont musiciens professionnels qui nous ont composé et enregistré les morceaux. Je vais les citer pour les remercier : Rachtaïa (ex guitariste de « Glasnost », et bassiste de « MSL JAX ») a composé un morceau « Dark », et Fred (Guitariste chanteur de « Billy the kill », et « Billy Gaz Station ») ainsi que Mat (Batteur de « Billy Gaz Station » et « Pegazio ») ont composé le deuxième morceau « Human Resistance » et fait les enregistrements à la Nef (notre salle de spectacle et d’enregistrement). C’est une amie qui a bien voulu faire la voix. Javier qui avait fait des affiches sérigraphiées pour de nombreux groupes de rock il y a une douzaine d’années (dont « Green Day »), a fait des superbes affiches sérigraphiées de faux concerts de Lolita.

Cliquer pour voir une planche du tome 3 de Lolita HR Tout ça pour dire qu’on se retrouve avec un univers très développé par de bons professionnels, mais avec une série qui végète. Au bout de deux ans de déchirements avec l’éditeur pour arriver à être payés pour faire le tome 3 on a demandé à rompre les contrats avec eux. Nous n’avions plus de confiance ni d’énergie pour continuer l’aventure avec eux.

Et depuis, plus rien. La série est-elle en stand-by ? On sait que la situation financière chez les Humanos est très précaire et que leurs albums sortent au compte-gouttes. Sur le blog de la série tu dis que vous avez récupéré les droits et allez sortir le tome 3 en autoédition…
Après de longs mois d’échanges avec notre éditeur, nous sommes parvenus à un accord il y a peu, qui satisfait tout le monde pour la récupération des droits. Le SNAC (syndicat des auteurs) m’a aidé pour conclure ces accords. Nous avons l’intention de republier la série nous-mêmes. Enfin, c’est moi qui vais monter une structure d’édition, et assurer la republication des deux premiers tomes et la publication du tome 3. Javier me suit dans l’aventure en tant qu’auteur, mais semble ravi de pouvoir poursuivre l’histoire. Les 3 premiers tomes devraient sortir au deuxième semestre 2011, si tout se passe bien. Le tome 4 sera pour plus tard.

Il paraît que tu es fan de rock et de claquettes… des noms à me citer ?
En claquettes aucun. Je fais des claquettes pour me défouler, je ne connais pas les artistes. En groupes de rock j’ai déjà parlé de « MSL JAX » et de « Billy Gaz Station » qui sont de très bons groupes français, comme « Papier tigre » que j’aime beaucoup aussi. En groupes étrangers « Girls in Hawaii », « QOTSA », « Mark Lanegan », « Charlottefield », et plein d’autres…

Pages 36-37 de Samurai T.6, à paraitre fin 2010. Frédéric Genêt et Jean-François Di Giorgio. Editions Soleil Parlons un peu de ton boulot de coloriste. On sait que leur nom n’apparaît que depuis peu sur les couvertures des albums. Et encore, chez certains éditeurs seulement. Pourtant ils sont auteurs au même titre que les scénaristes et les dessinateurs puisqu’ils participent à la réalisation des planches…
Effectivement, le coloriste fait partie du processus de création. Tant que la couleur n’est pas faite, l’album n’est pas terminé. Si un album est réalisé pour être publié en noir et blanc, il y aura un lavis, une trame, ou des hachures. S’il est fait pour être mis en couleur ce n’est que lorsque la couleur aura été posée que les plans seront détachés, la narration accentuée, les ambiances posées, les nuages et les divers effets dessinés par le coloriste. Donc oui, il participe à la création des planches.

Existe-t-il une formation spécifique pour devenir coloriste ?
Les coloristes sortent exactement des mêmes écoles que les dessinateurs, et même parfois que les scénaristes, qui avant de se mettre à l’écriture ont bien souvent fait des études artistiques. C’est à dire, les écoles de beaux arts, d’arts plastiques, d’architecture, etc. Etre coloriste n’est pas un choix fait par défaut. C’est un plaisir de création. Je me souviens de mon prof d’art plastique au lycée, qui me disait que j’étais une coloriste. Je trouvais ce compliment totalement vain, car je ne voyais pas d’intérêt à être « coloriste » (je ne pensais pas que d’autres personnes que le dessinateur pouvait mettre un dessin en couleur), et j’aurais préféré qu’il me flatte sur mon dessin que sur sa couleur. Mais aujourd’hui je me rends compte que cette remarque avait le mérite de reconnaître que l’art de la couleur, est un art à part entière.

Page 05 de Vikings T.1, paru en avril 2010. Laurent Sieurac, Patrick Weber. Editions Soleil Quelles sont les techniques ? Tous les coloristes travaillent-ils sur ordinateur à l’heure actuelle ?
Il y a encore des coloristes qui travaillent en méthode dite « traditionnelle », c’est-à-dire avec des pinceaux et des encres, mais pour ma part je n’ai jamais pratiqué cette méthode. La grande majorité des coloristes sont sur informatique, ce qui arrange aussi les maisons d’édition car cela réduit de beaucoup leurs coûts. Notons que les coloristes doivent investir pour s’équiper en informatique, et que les éditeurs ne répercutent pas les économies qu’ils font en embauchant des coloristes informatiques, sur les tarifs des coloristes pour que ceux-ci investissent dans leur matériel informatique qu’il faut régulièrement renouveler (un très bon écran, un ordinateur puissant, une palette graphique et des logiciels adaptés).

Pour ta part, comment travailles-tu avec les dessinateurs et les scénaristes ?
Je suis assez demandeuse d’infos (indications, documentations, scénario complet…), pour essayer de cerner au plus près ce qu’ils désirent, et essayer d’éviter qu’on nous dise une fois la page terminée « Ha ! J’avais oublié de te dire que ça se passait de nuit », ce qui est toujours fort enrageant. Ensuite j’envoie une série de pages aux auteurs pour avoir leurs corrections. On fait forcément des erreurs, des oublis, ou parfois les auteurs ont une envie particulière, ou ont un regard extérieur sur nos couleurs qui permet d’améliorer les couleurs par leurs remarques. Mais il faut que ces remarques restent restreintes. En ce moment je travaille sur des séries où ça se passe très bien avec les auteurs. Il y a une confiance et un respect mutuel. J’ai aussi la chance de pourvoir choisir parmi les séries que l’on me propose. Je choisis en fonction du dessin. J’avoue que l’histoire ne rentre pas du tout en compte dans mon choix. Je refuse souvent des séries par manque de temps. Parfois parce que l’univers ressemble trop à un univers sur lequel je travaille déjà.

Page 01 de Phoenix T.1, nouvelle série qui paraitra à la rentrée 2010. Frédéric Peynet et Jean-charles Gaudin, éditions Soleil. Quand on regarde ta bibliographie, on voit que tu as travaillé pour divers éditeurs. Je pensais que parfois ces derniers avaient une sorte de « réserve » de coloristes, auxquels on propose de travailler sur tel ou tel projet suivant leurs sensibilités…
Je suis contactée par divers éditeurs, ou bien je les contacte quand je me retrouve subitement avec un trou dans mon planning. J’ai un tarif minimum en dessous duquel je ne descends pas, et j’essaie d’avoir des droits sur les ventes des albums, ce qui élimine d’office pas mal d’éditeurs. Ensuite j’essaie de tenir compte de la « fab » (service qui s’occupe de la fabrication des albums, et donc de la gestion de la couleur des fichiers informatiques) de la maison d’édition. Il y a certaines fab avec qui je n’aime pas travailler. Mais avant toute collaboration on commence par faire une ou deux pages d’essai. Ensuite, quand on se sent bien dans une maison d’édition on ne cherche pas forcément à voir ce qui se passe ailleurs.

Comment sont établis les contrats ? Pour un nombre d’albums ? Pour une série donnée ? Quand on regarde la valse des coloristes sur une série comme le Chant des stryges (au moins 5 pour 13 albums, série en cours) par exemple, il y a de quoi se poser des questions…
On signe un contrat pour un tome. En général on est contactés pour les tomes suivants, mais il arrive que ça ne se passe pas ainsi. Dans ce cas le coloriste est rarement prévenu qu’il ne fera pas le tome suivant. Jongler entre les albums est toujours difficile. Les dates de bouclage sont toujours bousculées, il y a des séries qui subitement disparaissent, et dans tous les cas le coloriste est toujours prévenu au dernier moment.

Page 26 de Samurai T.5, paru en janvier 2010. Frédéric Genêt et Jean-François Di Giorgio. Editions Soleil En tant que présidente de l’association des coloristes, quelle est ton action ?
L’association tente de faire connaître et reconnaître le métier de coloriste en se servant des médias et des festivals. Nous sommes actuellement en discussion avec le festival d’Angoulême. Il ne servirait à rien de s’opposer frontalement aux éditeurs, scénaristes et dessinateurs qui ne veulent pas nous reconnaître en tant qu’auteur. Nous préférons expliquer la réalité de notre travail, et encourager les coloristes à demander systématiquement des droits sur les ventes, même s’ils savent que ça ne sera pas accepté. On espère ainsi faire changer les mentalités. Jusqu’aux années 70 les scénaristes n’étaient pas reconnus comme véritable auteur. La maison d’édition n’était en contact qu’avec le dessinateur qui devait lui-même gérer le travail avec le scénariste et le coloriste, et le scénariste n’était payé qu’en forfait et ne gagnait rien sur les ventes d’albums. Aujourd’hui qui irait remettre en cause le statut d’auteur d’un scénariste ? Le coloriste a aujourd’hui exactement le même combat à mener, et je suis sûre que dans une dizaine d’années, il ne viendra à l’idée de personne de remettre en cause le statut d’auteur qu’il aura acquis. Nous demandons le statut d’auteur des couleurs, de la même façon qu’un décorateur est auteur des décors d’une pièce de théâtre et touche des droits sur l’exploitation de la pièce, ou qu’un musicien de la BO d’un film est reconnu auteur de la musique du film et touche des droits sur l’exploitation du film.

Quels sont tes projets ?
En dehors de mon travail de couleur, je suis dans le montage de ma maison d’édition et je travaille sur les livres que je vais publier. Je n’ai pas le temps de faire du scénario, mais je m’amuse bien sur mon projet éditorial. Je vais certainement collaborer avec d’autres petites maisons d’éditions d’Angoulême pour mutualiser les efforts. Par contre je tiens à informer les lecteurs que ce n’est pas la peine de m’envoyer de dossiers, je ne publierai que mes propres albums !

Delphine, merci.



A voir aussi :
La page Facebook de Delphine
Le blog d'A.doll.A
Interview réalisée le 17/11/2010, par Spooky.