Filles perdues (Lost Girls)

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Note: 3/5
(3/5 pour 12 avis)

Quand le grand Alan Moore s'essaye à la pornographie...


Alan Moore Alice au Pays de la BD Auteurs britanniques Hard & Soft, d'un érotisme à l'autre Kitchen Sink Press Peter Pan Petits cachotiers Top Shelf Productions

Durant plus d'un siècle, Alice, Wendy et Dorothée nous ont guidés à travers le Pays des merveilles, le Pays imaginaire ou les contrées d'Oz de notre enfance. Depuis leurs voyages, ces trois "filles perdues" ont grandi et sont prêtes à nous emmener, une nouvelle fois, dans un autre monde, celui de l'éveil et de l'épanouissement sexuel. Toutes trois se rencontrent au hasard des couloirs d'un luxueux hôtel autrichien en 1913 ; elles y révèlent leurs désirs et leurs plus intimes expériences. Texte : Delcourt.

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 19 Mars 2008
Statut histoire One shot (grosse intégrale de 320 pages) 1 tome paru

Couverture de la série Filles perdues © Delcourt 2008
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 12 avis)
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11/03/2008 | Alix
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Par herve
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Avant tout, on ne peut que saluer les éditions Delcourt d'avoir, premièrement eu le courage, enfin, de sortir ce bouquin, et deuxièmement, d'avoir réalisé là un très bel objet éditorial (certes différent de la version originale, je regrette juste la traduction du titre qui certes est littéralement exacte, mais perd de son charme en français- et puis on ne traduit pas les titres d'Alan Moore, que diable!)). J'ai eu un peu de mal à débuter ce nouveau pavé signé Alan Moore et à véritablement entrer dans l'histoire. Jusqu'à la rencontre entre les trois principales protagonistes, j'avoue ne pas avoir saisi l'intérêt d'un tel livre. Mais dès cette rencontre, tout se met en place. Conçu comme un échiquier -chaque chapitre est d'ailleurs constitué de 8 pages- où chacune avance ses pièces (en racontant sa propre histoire), ce conte pour adultes (ah, j'oubliais, ce livre -pour ceux qui ne l'ont pas encore ouvert- est franchement pornographique : pédophilie, zoophilie, inceste etc. s'y côtoient) est superbement illustré (et ceci, malgré ces critiques vues ici ou là sur la qualité graphique de cette bande dessinée). En revisitant, de façon osée et personnelle, trois contes pour enfants, Alan Moore et Melinda Gebbie nous offrent là une oeuvre de qualité, que je relirai, quant à moi, certainement. Alan Moore a toujours réussi à nous surprendre en optant à chaque fois pour des thèmes forts et percutants, avec From Hell (mon préféré), V pour Vendetta ou encore Watchmen, et là il y réussit grandement.

07/04/2008 (modifier)
Par Tomeke
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Nonobstant la profonde admiration que j’ai pour les autres ouvrages d’Alan Moore, j’ai pris dès l’ouverture de ce pavé le pli d’oublier l’identité de son génial scénariste. Le but étant de ne pas trop biaiser le présent avis ; que je vais tenter de faire bref mais bon, on n’avise pas cela comme on aviserait n’importe quelle autre série ! D’abord, et je rejoins les avis précédents, la qualité matérielle de la BD proposée est indéniable. L’éditeur a fait très fort, l’objet en tant que tel est magnifique, ce qui explique notamment le prix demandé. L’histoire est déjà présentée dans les autres avis, je ne vais pas répéter le caractère pornographique de l’ouvrage, qui s’adresse dès lors à un public adulte. Ce dernier devra, sans nul doute, prendre le pari de remettre en question l’entièreté de ses mœurs. Là où c’est intéressant, selon moi, c’est que l’on est loin du porno abrutissant ; l’auteur nous livre ici une histoire terriblement subtile dans sa construction, dans les références littéraires développées et dans les bases psychanalytiques référencées (fantasmes, rêves, pulsions, et les deux topiques,...). Les différents chapitres présentent aux lecteurs comment les héroïnes (Alice, Wendy et Dorothy) ont construit l’univers féerique dans lequel elles évoluent ; univers connus de tous les enfants : Le pays des merveilles, le pays imaginaire ou Oz… Innovant et intelligent ! Les dessins et les couleurs, qui se rapprochent de l’univers du conte, étayent le caractère envoûtant et érotique de l’histoire. Lors de la lecture, j’ai plusieurs fois eu l’impression d’un flou dans la coloration, d’un brouillard féerique, issu d’un rêve… Les décors sont également très intéressants : le style victorien pigmenté d’Art Nouveau est vraiment adapté à cette époque du début du siècle. Enfin, c’est la mise en page très accomplie (je dirais parfaite), comparable au chef d’œuvre Watchmen, qui constitue véritablement l’atout principal de cet ouvrage ; de mémoire me vient directement certains passages extraordinaires (par ex. le chapitre des ombres avec Wendy, le chapitre des 7 péchés capitaux,…). Il est également nécessaire de relever que la mise en page est différente selon la narratrice du récit pornographique présenté… Magnifique ! En conclusion, cette BD se démarque véritablement de ce qui existe déjà et à la fermeture, l’identité de son génial créateur m’est revenue comme une grosse claque dans la figure… P.S: considérant le prix et le fait que cette BD ne se lit pas toutes les semaines, l'achat est conseillé à ceux qui apprécient les autres ouvrages de Moore.

30/03/2008 (MAJ le 30/03/2008) (modifier)
Par hevydevy
Note: 4/5 Coups de coeur expiré

Ma première rencontre avec Lost Girls date de 1995. L’œuvre était restée inachevée, et à l’époque je n’avais pas du tout apprécié cette BD (le dessin de Gebbie me rebutait, et en 6 chapitres, je n’ai pas eu la possibilité de cerner les intentions pornographiques de Moore). Treize ans plus tard, et après 2 lectures (la première en 2006, et la deuxième avec la sortie française), mon avis a finalement beaucoup changé (mûri ?). L’histoire comporte 3 volumes. Chaque volume/livre (ou book en v.o.) comporte 10 chapitres de 8 pages exactement (donc en tout 240 pages). Petit comparatif entre l’édition française et l’édition originale : globalement et de toutes façons (n'ayant aucune idée du potentiel commercial de l'oeuvre sur le marché français), l’édition française reste de très grande qualité, et très nettement au dessus de ce qui se fait habituellement (épaisseur du papier, lettrage etc..). Coup de chapeau donc. Les différences principales sont les suivantes : les 3 livres de l’œuvre (vendus dans un coffret) ont été regroupés en un seul (pas de coffret donc), le format a été légèrement réduit et le texte est plus petit pour donner plus de place au traducteur afin de ne pas dénaturer l'oeuvre (mais est donc moins agréable à lire). Le style de la typo du lettrage de Todd Klein n’a pas été repris. La couverture de l’édition française reprend celle du livre 1 original (la couverture du coffret étant reprise au dos de l’édition française), mais il faut savoir que chaque couverture et dos de couverture des 3 livres se faisaient écho. Ainsi, au dos du livre 1 de la version originale, on peut admirer l’illustration complète du reflet apparaissant dans le miroir de la couverture de l’édition française (où les 3 héroïnes sont nues et mises en scène autours d’un « fauteuil godemiché »). Il manquera donc dans la version Delcourt, les couvertures (versions soft) correspondants aux livres 2 et 3 ainsi que les dos de couvertures (versions hard) des 3 livres. On pourra aisément au niveau du dessin remarquer une rupture de style entre les 2 premiers numéros de 1995 (les 6 premiers chapitres) et la reprise de l’œuvre. Les bulles de l’édition de 1995 ont d’ailleurs été retravaillées pour accentuer le coté pastel doucereux de l’ensemble. Le style relâché de Gebbie (voir CobWebb) est bien sûr immédiatement identifiable, et à la deuxième lecture on se surprend à apprécier de plus en plus ce style, même si parfois les visages paraissent bâclés. Au premier abord, on sent la volonté des auteurs d’en faire une œuvre où tout n’est que « luxe, calme et volupté » (jusqu’au touché du papier utilisé pour imprimer) alors que beaucoup de pages comportent leur lot de « full frontal nudity » et de gros plans sur des sexes offerts. On notera quand même certaines ruptures de mises en page, certains passages en noir et blanc et des illustrations « à la manière de » qui apportent un contraste souvent bienvenu pour éviter la monotonie pastel. L’histoire fil rouge, est celle de nos 3 héroïnes, se racontant leurs premières aventures sexuelles, aventures habilement « métaphorisées » par Moore à partir de leurs romans respectifs (« Alice au pays des merveilles », « Le Magicien d’Oz » et « Peter Pan »). Et là, je commence à beaucoup regretter de n’avoir jamais lu ces 3 romans afin de mieux cerner les références utilisées. Il est essentiel d’insister sur l’envie d’Alan Moore d’accoucher d’une œuvre complètement pornographique (âmes sensibles s’abstenir, c’est cru et sans tabou) avant d’appréhender l’ouvrage. Au delà de ce premier but, c’est une œuvre qui questionne et fait se questionner le lecteur sur la sexualité et la nature des fantasmes qui y sont attachés. Quand je dit aucun tabou, c’est vraiment aucun puisque pédophilie et inceste sont par exemple abordés ce qui en bousculera plus d’un (j’en suis, ou plutôt, j’en étais). Mais c’est toujours présenté avec un angle d’approche très subtil, permettant d’exclure le rejet primaire de ce qui est dépeint. Je m’explique : une personne de mon entourage qui a lu la BD, trouvait bien trop léger le traitement de notions aussi extrêmes que l’inceste ou la pédophilie. Le débat qui en suivit fut âpre mais on s’est rendu compte que toutes les questions et objections contenues dans nos arguments respectifs se trouvaient dépeint à un moment donné ou un autre dans la BD. Le premier livre nous présente les personnages alors qu’ils font connaissance. C’est dans l’avant dernier chapitre de ce premier volume qu’est abordé pour la première fois le thème de la pédophilie mais à travers un pédophile « passif ». Dans le second livre, nos héroïnes insouciantes vont continuer de narrer leurs récits sexuels, ces derniers étant de plus en plus explicites. Cette montée en puissance est palpable à travers les thèmes abordés : homosexualité masculine, pédophilie de moins en moins passive au travers des récits de Wendy, ainsi que l’inceste qui fait « doucement » son apparition au travers des aventures de Dorothy. Ambiance de fin de monde par contre dans le troisième livre, où les scènes d’orgies et de débauches vont se succéder sans relâche (le bouquet final ?). Les thèmes sexuels sont poussés encore plus loin : pédophilie « active », inceste à tous les degrés de parenté, zoophilie, relations maître/esclave bien sûr, et j’en passe et des meilleurs. Et c'est le moment qu'utilisent Moore et Gebbie, pour obliger le lecteur (jusqu'ici plutôt acteur/spectateur) à participer activement au(x) d(ébats) (Alix, elle est pour toi celle là!). Et puis un dernier chapitre et une fin tout simplement sublimes. Y a-t-il un but à cette histoire, en dehors de provoquer l’excitation du lecteur ou de la lectrice ? A la deuxième lecture, je pense en tout cas en avoir perçu un message évident (pourtant sous-jacent dans toutes les interviews des auteurs) qui se trouve résumé à la fin de la page 139. Une œuvre troublante à tout point de vue, pour son érotisme, et ce qu’elle nous renvoie de nous même, portée par trois héroïnes attachantes. Et c’est sur ce point que les auteurs font mouche : leur œuvre pornographique présente des personnages développés, exprimant leurs sentiment, leurs peurs et leurs craintes, et c’est ce surcroît d’humanité qui rend la BD forcément encore plus excitante (au sens sexuel du terme) ! Pari gagné donc (il serait bon que l’industrie du X s’en inspire), et désormais un coup de coeur. PS : en parallèle à cet avis, j’ouvrirais bientôt un topic orienté techniques narratives, en commençant par cette BD. Attention, ce complément d’avis pourrait spoiler le plaisir de découverte de l’œuvre.

24/03/2008 (modifier)