Itinéraires d'un rêveur (Le Rêveur / Soleil d'automne à Sunshine City) (The Dreamer)

Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)

'Le Rêveur' est un récit semi-autobiographique dans lequel Will Eisner dépeint l'industrie du comics de la fin des années 30. Tout au long de son parcours professionnel, il fait la rencontre de nombreux personnages qui partagent sa passion du dessin.


1930 - 1938 : De la Grande Dépression aux prémisces de la Seconde Guerre Mondiale Circus Kitchen Sink Press Les coups de coeur des internautes Profession : bédéiste Will Eisner (1917-2005)

'Le Rêveur' est un récit semi-autobiographique dans lequel Will Eisner dépeint l'industrie du comics de la fin des années 30. Tout au long de son parcours professionnel, il fait la rencontre de nombreux personnages qui partagent sa passion du dessin. Cet album inclut également deux autres récits fortement inspirés par la vie de l'auteur : 'Le Jour où je suis devenu professionnel' et 'Coucher de soleil sur Sunshine City'.

Scénario
Dessin
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution Janvier 1988
Statut histoire Histoires courtes 1 tome paru

Couverture de la série Itinéraires d'un rêveur (Le Rêveur / Soleil d'automne à Sunshine City) © Delcourt 1988
Les notes
Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)
Cliquez pour afficher les avis.

17/10/2009 | Erik
Modifier


Par Présence
Note: 5/5 Coups de coeur du moment
L'avatar du posteur Présence

Créer des comics : c'est la vie. - Cette histoire est parue pour la première fois en 1985, après L'appel de l'espace (1983) et avant La ville (1986). Il s'agit d'une bande dessinée noir & blanc, de 46 pages, écrite et dessinée par Will Eisner (1917-2005). Ce tome comprend également une introduction d'une page et demie rédigée en 1986 par Will Eisner, expliquant comment il a été amené à inclure des éléments autobiographiques tels que d'autres artistes. Il se termine avec 6 pages d'annotations rédigées par Denis Kitchen, indiquant quel artiste ou éditeur réel a été intégré sous un nom d'emprunt par Will Eisner dans son récit. Le 21 janvier 1937, le journal annonce que le président Roosevelt a déclaré la guerre contre la pauvreté, avec des aides plus importantes pour ceux qui ont trop peu. Dans la rue, Billy Eyron, dessinateur, regarde les 2 pièces qu'il lui reste dans sa main gauche, et tient son carton à dessin sous son bras droit. Il décide d'entrer dans un café et de s'y assoir. Une dame lui demande si elle peut s'assoir à la même table, et elle porte un carton indiquant sa profession : diseuse de bonne aventure. Elle est agréable, et Billy accepte de lui payer un thé, en échange de quoi elle lui dit son avenir : il deviendra un artiste célèbre, ayant du succès avec tout ce dont ça s'accompagne. Eyron sourit et sort pour aller à son rendez-vous. Il passe devant une balance publique qui donne le poids et une sentence. Cette dernière indique qu'il connaîtra le succès dans la carrière de son choix. Il prend le métro, et va embaucher chez l'imprimeur où il est employé en tant qu'homme de ménage. Dans la journée, son patron lui présente un monsieur bien sapé qui lui indique qu'il a besoin d'un artiste pour produire des bandes dessinées, de type pornographique mettant en scène des personnages célèbres. Billy Eyron indique qu'il va réfléchir. En rentrant chez ses parents le soir, Billy Eyron passe devant un kiosque à journaux et il constate le nombre croissant de comics en vente. Il explique à ses parents la proposition qu'il lui a été faite et qu'il n'est pas à l'aise avec. Son père lui dit qu'un homme doit savoir refuser. Il répond à une question de son fils en indiquant que le courage des hommes leur vient de leurs rêves. Le lendemain, il est en train de balayer l'atelier d'imprimerie quand le patron arrive et lui demande ce qu'il a répondu. Billy lui indique qu'il a refusé. Le patron le prend très mal car il était prévu que ces comics soient imprimés chez lui. Il congédie Billy Eyron séance tenante. Il va se reposer sur un banc dans un jardin public où il voit passer la diseuse de bonne aventure. Dans la journée il va présenter son portfolio à un magazine de mode qui le refuse. Dans la rue, il croise Ken Corn, un autre artiste, qui lui indique qu'il se rend à une réunion d'artistes pour examiner un projet de syndicat pour défendre leurs droits. Billy l'accompagne. La réunion est animée et de nombreuses promesses sont faites, et oubliées dès que les artistes se remettent à chercher du travail. Sur les conseils de Corn, il se présente chez un éditeur de comics le lendemain. Dans l'introduction, Will Eisner indique qu'il s'est servi de sa propre histoire personnelle pour évoquer cette période, celle de l'essor naissant des comics. De fait, Denis Kitchen indique dans la postface que Billy Eyron est bien l'avatar de Will Eisner et que plusieurs scènes peuvent être rattachées à des faits avérés. Le lecteur voit donc Will Eisner monter un studio (de 2 personnes, lui et Jimmy Samson) pour réaliser des pages de comics tout prêtes à être publier par un éditeur de magazine. Kitchen indique que Eyron & Samson est le nom fictif pour désigner l'entreprise Eisner & Iger qui a bel et bien existé. Il est difficile pour un lecteur contemporain de replacer tout seul l'identité réelle des autres artistes que croise Billy Eyron. Il peut donc lire ce court récit d'une traite sans se préoccuper de savoir à quels individus réels Eisner fait référence, et enchaîner avec les pages d'annotations. Il découvre alors à quels périodiques il est fait référence. Il découvre que Ken Corn n'est autre que Bob Kane (1915-1998), le futur créateur de Bamtan, que Gar Tooth est George Tuska (1916-2009) et qu'il aurait pu trouver tout seul que Jack King est Jack Kirby (1917-1994). Par contre, il aurait dû mal à trouver tout seul que le nom Eyron est un hommage à Cat Yronwod (née en 1947), éditrice ayant aidé Will Eisner à organiser ses archives, et ayant été la fondatrice et la directrice d'Eclipse Comics. Outre ces références pas immédiatement parlantes, le lecteur suit donc le parcours professionnel de Billy Eyron : création d'une association avec Jimmy Samson qui s'occupe de la partie administrative et du lettrage, puis création d'un véritable studio : c'est-à-dire plusieurs dessinateurs dans une grande pièce, chacun avec sa table à dessin, un superviseur, un scénariste et une secrétaire. Le lecteur familier des méthodes de fabrication d'un comics (travail à la chaîne : scénariste - dessinateur - encreur - lettreur - coloriste) en voit la naissance. Il observe la concurrence sauvage où un éditeur copie sans vergogne le personnage d'un autre qui a du succès. Il voit ce qui fait rêver encore plus le rêveur qu'est Billy Eyron : créer son propre personnage et avoir sa série dans les journaux sous forme de comic-strip. Là c'est facile : Will Eisner évoque The Spirit , sa propre création et le succès qu'il remportera par la suite. Bien sûr, le plaisir de lecture ne se limite pas à découvrir une tranche de la vie de Will Eisner sous une forme romancée. Il y a également la souplesse et l'intelligence de sa narration graphique. Les personnages sont toujours autant uniques et animés d'un souffle de vie, par leurs postures chacune différenciée, par les expressions de leur visage, par leur tenue vestimentaire. Le lecteur novice admire la souplesse des traits de contour, précis et d'une rare justesse. Le lecteur familier d'Eisner constate qu'il n'a pas encore atteint sa pleine élégance, ou qu'il s'est senti tenu de moins légèreté pour se montrer plus précis dans sa reconstitution historique. Il est impossible de résister au sourire de Billy Eyron, au regard noir d'Andrea Budd, ou à la séduction détendue (et pour cause) de Laverne. Eisner a l'art et la manière d'insuffler une sensation de vie, avec des individus à l'apparence sympathique, ce qui ne les empêche pas d'avoir des comportements d'adulte (il y a même une scène de lit). Will Eisner n'a pas son pareil pour doser ce qu'il représente sur la page. Il peut passer d'un mode théâtre (des personnages gesticulant sur un fond vide) à une description très précise d'une portion de trottoir d'une rue newyorkaise. Au côté des personnages, le lecteur s'assoit à une table de café, prend son repas à la table familiale des Eyron, arpente les rues de New York, circule entre les tables du studio Eyron & Samson, savoure un verre dans une soirée huppée. Comme à son habitude, l'artiste compose ses pages en fonction des scènes, privilégiant les cases sans bordure pour laisser le regard du lecteur plus facilement circuler. S'il y est sensible, le lecteur décèle quelques perles visuelles comme cette bande horizontale de petite taille comprenant 5 cases dans lesquelles la pluie tombe de plus en plus fort sur le pauvre Billy qui vient de décevoir une jeune femme. Effectivement, il ne s'agit pas d'une reconstitution froide de l'industrie naissante des comics, mais avant tout de l'histoire d'un jeune homme, d'un jeune rêveur. Le jeune Billy Eyron est animé par l'amour de l'art, l'amour de raconter des histoires en images. Le travail est dur, les horaires sont longs, mais le plaisir l'anime du soir au matin. Ses rêves se heurtent à la réalité : devoir dessiner des histoires pornographiques pour être vendues sous le manteau (enfin sous le comptoir), passer devant le juge pour effectuer un faux témoignage s'il veut conserver son emploi, choisir entre construire une carrière ou bâtir un foyer… Non seulement chaque personnage apparaît comme unique du fait de son apparence et de son langage corporel, mais en plus chacun a une histoire unique (c'est vrai pour tous les artistes du studio), des objectifs qui lui sont propres. Le lecteur observe ce rêveur avec un regard attendri mais aussi une admiration pour sa conviction inébranlable. Le fond de l'affaire est qu'une fois qu'il a gouté à l'humanisme de Will Eisner, le lecteur a besoin de sa dose suivante. Il passe alors en revue chacun des ouvrages (disponibles) de l'auteur sans savoir a priori quel genre d'histoire il va découvrir, mais certain d'y côtoyer des individus attachants. C'est également le cas pour cette histoire. Billy Eyron est un rêveur dans le sens où il a la conviction chevillée au corps de réussir dans le métier qu'il s'est choisi, pour lequel il a une vocation. Le récit n'est en aucun cas un copier-coller d'un autre : une évocation des jeunes années professionnelles de Will Eisner, une reconstitution historique servie par des dessins un peu moins déliés qu'à l'habitude, mais dégageant une chaleur humaine toujours aussi réconfortante.

09/04/2024 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

Je commence mon exploration de l'oeuvre de la légende américaine Will Eisner par "Le Rêveur". Heureux hasard puisque c'est une oeuvre autobiographique qui nous raconte ses débuts dans un monde de Bandes Dessinées en effervescence. Le Rêveur a ce petit côté historique anecdotique très sympathique. On y croise des grandes figures en devenir du monde des Comics. Le scénario est à la fois captivant et difficile. Captivant car il montre que derrière le côté glamour d'un métier qui fabrique des rêves, il y a une rigueur du travail et une similitude avec un travail à la chaîne créatif, ce qui nous éclaire sur le difficulté du métier. Difficile pour un néophyte avec ces nombreux renvois pour expliquer les noms et les personnages croisés. Je n'aurai pas la suffisance de critiquer le très bon trait de Will Eisner, lui qui a inspiré des dizaines de dessinateurs professionels. Ce qui m'a beaucoup plu c'est l'enchaînement entre la dernière scène du "Rêveur" et l'histoire " Crépuscule à Sunshine City". C'est l'illustration de codes bouleversés en dessinant des pages avec des gens ordinaires, pas spécialement beaux avec leurs petits soucis quotidiens. Cette histoire qui peut sembler triviale, est magnifiée par le talent de Eisner. Pas besoin d'être dans le thème du Super-Héros pour créer un récit attractif. La porte s'ouvre à toutes les imaginations si le talent est là.

09/02/2022 (modifier)
Par AlainM
Note: 2/5
L'avatar du posteur AlainM

L’histoire de ce jeune auteur de « comics » pourrait être bien, très bien même mais je n’ai pas vraiment apprécié pour les raisons suivantes : - Le titre tout d’abord « Le rêveur » est inapproprié. Un rêveur est une personne qui se laisse aller à la rêverie. Ici, c’est tout le contraire. Il s’agit d’un jeune homme ambitieux qui veut, à force de travail acharné, réussir, percer dans un secteur en plein devenir. Il sait très bien ce qu’il veut et est prêt à sacrifier beaucoup pour y arriver. Le titre aurait plutôt dû être « L’ambitieux » ou « Le visionnaire » car il voyait comment les comics américains allaient évoluer en publications plus adultes, chose à laquelle il a d’ailleurs grandement contribué car il est le premier à avoir publié un roman graphique (graphic novel) aux États-Unis, mais cela ce livre n’en parle pas car l’histoire s’arrête au moment où Will Eisner – car il s’agit de lui – n’est pas encore célèbre. - Le genre « Roman graphique » est également discutable car il s’agit plutôt d’un documentaire sur l’évolution de l’édition des comics avant la guerre 41-45 (si on est Américain, 39-45 si on est Français) ou une biographie très partielle d’un jeune auteur. - Et c’est là que le bât blesse car ce documentaire, s’il peut être intéressant pour un spécialiste de comics américain est parfaitement incompréhensible pour un européen peu au fait de l'évolution des comics américains. D’abord, les noms des éditeurs et des auteurs américains des années trente sont assez peu connus de ce côté-ci de l’Atlantique et ensuite ces noms ont tous été modifiés, ce qui oblige le lecteur d’interrompre en permanence sa lecture pour se référer aux notes en fin de volume pour comprendre quelque chose. S’il était nécessaire de modifier les noms, pour une raison qui m’échappe vu que les vrais noms apparaissent en fin d’album, il eut été plus aisé pour le lecteur de mettre les notes de fin de volume en bas de page, ce qui aurait rendu la lecture plus fluide. - Enfin, le monde de requins décrit dans cet album où l’argent est le leitmotiv, où chacun s’ingénie à tromper ou à copier l’autre et où les auteurs (la plupart créateurs de super héros dont la subtilité des aventures m’a toujours échappée) sont délestés de leurs droits par des éditeurs rapaces est loin d’être un monde rêvé. Bien sûr, le monde de la BD européenne est loin d’avoir été idyllique à cette époque mais il me semble avoir été davantage mythique avec ses Hergé, Jacobs et autres Jijé. A part cela, j’ai bien aimé certains passages – par exemple quand Eisner est approché par un mafioso, lorsqu’il doit témoigner au tribunal ou qu’il se méprend sur les intentions d’une femme très « prévenante ». Ces types de passages auraient mérités d’être plus nombreux au détriment de ceux où les éditeurs apparaissent trop souvent. Autre point négatif : le fait de mettre 3 histoires dans l’album est plus perturbant qu’intéressant. La 2ème (« Le jour où je suis devenu un pro ») a un certain lien avec la 1ère. Par contre, la 3ème ne semble n’en avoir aucun – quoiqu’elle ait peut-être des similitudes avec la fin de vie de Will Eisner, ce qui serait très triste pour lui.

29/08/2020 (modifier)
Par Gaston
Note: 3/5
L'avatar du posteur Gaston

Un documentaire intéressant sur les débuts du comics américain. C'était une véritable jungle à l'époque ! On apprend notamment que des éditeurs avaient des liens louches et que certains faisaient même du plagiat ! On voit aussi les débuts des auteurs qui ont marqué les premières années de cette industrie. Si vous voulez une lecture légère pour connaitre les premiers pas du comics book, cette lecture est pour vous ! Il est à noter que l'ouvrage est complété de notes très instructives et de deux autres histoires de Will Eisner. Elles sont pas mal, mais un peu anecdotiques. J'ai déjà lu mieux de la part de cet auteur.

07/03/2010 (modifier)
Par Erik
Note: 4/5
L'avatar du posteur Erik

C'est toujours un plaisir pour moi de poster une série émanant du célèbre Will Eisner, l'un de mes auteurs préférés. Ici, il est question d'évoquer sa vie lorsqu'il a débuté dans le monde de l'industrie du comics des années 30. Il va faire de nombreuses rencontres tout au long de son parcours et pas des moindres comme Bob Kane, le créateur de Batman. Il le connaissait déjà car ils étaient au lycée ensemble. Il y aura également Jack Kirby (X-men, les 4 Fantastiques) et bien d'autres... C'est intéressant également de voir comment évoluait la bande dessinée américaine avec un rapport évident à l'argent et quelques fois à la facilité. J'ai bien aimé le passage où Will (qui se fait appeler Billy dans ce récit) refuse de dessiner des versions pornographiques des comics strip connus (du genre Popeye au lit !) qui étaient vendus clandestinement par la Mafia durant l'époque de la prohibition. En effet, ce type d'oeuvre violaient les lois du copyright et de la marque déposée. Résultat des courses: il se fait virer. Bref, il n'a jamais renoncé en vendant son âme de rêveur. On apprend qu'il a dû se battre durement avant de réaliser son rêve. Cet ouvrage, c'est l'âme même du comics par l'un des plus grands créateurs de la bande dessinée moderne. Inloupable pour les amateurs et les amoureux du genre.

17/10/2009 (modifier)