Katya

Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 3 avis)

Un récit universel sur la Guerre qui touche notre humanité en plein cœur. Prix Leblanc de la jeune création 2023 Prix des Inrocks "Meilleure première œuvre" 2025


La Guerre, ce sont des millions d’enfants, de femmes, d’hommes qui ont disparu et continuent de disparaître dans des conditions plus atroces les unes que les autres. La Guerre n’épargne personne. Il semble que sur les décombres d’une guerre, une autre prenne toujours naissance. Car la Guerre est une construction humaine, une machination que l’on entretient, volontairement ou non. À travers le voyage de Katerina, partie à la recherche sa fille Katya, ce récit met l’accent sur ces femmes, toujours discrètes, qui semblent faire partie du décor. L’histoire de ces mères à qui l’ont fait tout subir sans leur poser de questions, celles qui élèvent des fils qui mourront peut-être un jour pour leur pays, ces femmes courageuses à qui l’on donne rarement la voix. Antoine Schiffers n’a pas la prétention de la leur donner, mais il voudrait au moins parler un peu d’elles.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 12 Mars 2025
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Katya © Casterman 2025
Les notes
Note: 3.33/5
(3.33/5 pour 3 avis)
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25/03/2025 | grogro
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L'avatar du posteur Noirdésir

Voici un récit qui est léger sur la forme (« l’intrigue » n’est pas étoffée, il y a peu de texte), mais assez lourd sur le fond. En effet, nous suivons une femme, Katerina (qui revient de Berlin où elle s’était installée quelques années auparavant pour gagner un peu d’argent pour aider sa famille) et qui revient chercher sa fille Katya dans sa région d’origine. Mais celle-ci, ce sont les environs de Grozny en Tchétchénie, au plus fort des « actions de l’armée russe. C’est dire que les décors que nous allons traverser et observer, derrière Katerina, ne sont que des villages voire des villes en ruines, des cadavres de chars. Et la certitude que Katya a été « enlevée » par les soldats russes lorsqu’ils ont rasé et massacré son village. Mais Katerina est tenace et veut savoir ce qui lui est réellement arrivée, et où elle se trouve. Tenace jusqu’à défier des officiers russes, probablement responsables de la disparition de sa fille. Au milieu des ruines et de l’horreur de cette Tchétchénie martyrisée, où la mort étend son règne, l’obstination de Katerina semble comme un défi fou. En tout cas elle entretient la petite flamme de la vie. D’autant plus qu’elle est aidée par un jeune homme quasi orphelin, et ces deux personnages, leur encontre en elle-même aussi d’ailleurs, sont la preuve que tout n’est pas perdu. Un album qui ne nous montre que quelques jours de vie sur les terres de la mort, mais cette tranche de vie est pleine d’espoir – on se raccroche à peu dans ces contrées ! J’ai eu du mal au départ avec le dessin de Schiffers, mais finalement j’ai trouvé son trait un peu minimaliste et hésitant assez beau, et raccord avec l’univers décrit. Note réelle 3,5/5.

21/10/2025 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

Antoine Schiffers nous propose une première œuvre bien intéressante. En résonnance avec les conflits actuels "rouleaux compresseurs" qui détruisent tout sur leur passage (et surtout des civils), l'auteur nous ramène au terrible conflit Tchétchène des années 90. Comme l'indique le sous titre " La guerre. Partout. Toujours" le parcours de Mère Courage entrepris par Katerina pour retrouver sa fille, Katya, pourrait toucher à l'universalité de la détresse humaine face à des situations qui nous dépasse. La fil narratif de Schiffers pour simple qu'il soit parle toujours avec autant d'efficacité au cœur du parent sans nouvelle de son enfant disparu au fin fond de l'enfer. Comme le souligne Grogro dans son avis, cette lecture renvoie quelque fois à un road trip rencontré dans La Route. Cela m'a surtout fait penser au "Voyage au bout de l'enfer" de Cimino. En effet la quête est la même; ne pas vivre dans l'impuissance de l'incertitude et revenir avec l'être aimé ou pouvoir faire son deuil. Le récit est prenant. L'auteur réussit très bien à traduire la folie meurtrière d'un monde ubuesque. Ainsi la rencontre entre le tortionnaire Zaïtsev et Katarina illustre à merveille l'illogisme dément de la situation. Le graphisme de Schiffers s'adapte parfaitement à l'esprit apocalyptique du récit. Dans un ville de Grozny réduite en cendres, les pauvres hères rappellent avec force un théâtre de Brecht. Le lecteur est plongé dans un brouillard cauchemardesque que rien ne peut dissiper. La mise en couleur à force de gris et de rouges renforcent cette ambiance glaciale. Je ne suis pas fan des récits à tendance apocalyptiques fictionnels. Ici c'est le rappel de type documentaire très proche de situations actuelles qui m'a bouleversé. Un vraie découverte et une belle lecture.

23/09/2025 (modifier)
Par grogro
Note: 3/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur grogro

Alors celle-là, elle ne figurait même pas sur ma wishlist, et pour cause : je n'ai vu aucun papier sur cette BD avant de la voir posée négligemment sur une vague pile chez mon bédéiste. Je l'ai empoignée et quelque chose s'est passé. On sent tout de suite qu’on a affaire à un truc qui sort des sentiers battus. Du coup, je suis partis avec (entre autres)… Et c’est effectivement accrocheur, graphiquement parlant. Le trait est fin malgré ce brouillard gris omniprésent. Le jeu des couleurs y tient un rôle prépondérant. Le trait est agréable, fluide, mais c'est l’usage de cette couleur de cendres qui est absolument saisissante, en plus d’être fort à propos. On sent la braise fumante, l’odeur de brûlé, des bagnoles calcinées, des maisons ou ce qu'il en reste, du plastique fondu… En effet, on est y est, à Grozny, on erre sur ses ruines encore fumantes, et à travers la Tchétchénie ravagée. J’ai ressenti exactement la même chose qu’à la lecture de la Route version Larcenet, sortie récemment, de mordre moi-même la poussière. On retrouve aussi un petit je-ne-sais-quoi de Gipi, façon Notes pour une histoire de guerre. D'où peut-être un côté un peu scolaire qui colle au papier. Néanmoins, cette BD sent la braise et immerge son lecteur tout entier dans cette ambiance de guerre. Le tragique de certaines scènes ressort avec une force accrue, comme lorsque la mère s’écroule, terrassée par le désespoir : elle apparait littéralement transpercée par la douleur… Oui, il s'agit bien d'un road-trip cruel et funeste à travers ce pays qui eut le malheur d’essuyer les plâtres de la « présidence » de Vladimir Poutine. Le scénario quant à lui est simple : une mère recherche sa fille perdue après l’invasion de l’armée russe. C’est dans les détails qu’il faut aller chercher la petite bête. En effet, il y a d'abord quelques longueurs narratives qui donnent le sentiment d’appuyer sur l’aspect ténébreux de l’histoire, et d'étirer un peu la sauce. Il n’y avait pas besoin de ça ! D’autre part, quelques maladresses graphiques font tout de même un peu tilter les yeux. Exemple le plus flagrant : sur la couverture même ! On y voit un portrait de la mère de Katia revêtue d'un survêt bleu et rouge dont elle a rabattu la capuche sur la tête. Sauf que ce n’est pas un survêt ! Et non ! La maman est habillée en imperméable, et sur la tête, c’est un fichu qu'elle porte ! Dommage ! Enfin, les dialogues restent assez systématiques, surtout ceux du jeune Malik, qui passe la plupart du temps à répéter « faut pas dire ça m’dame ! », ou l’une ou l’autre de ses variantes (« faut pas parler comme ça m’dame »…). D’où cet étrange 3/5 néanmoins assorti d'un coup de cœur. Katya n’est pas une BD parfaite, mais elle déclenche un truc. Pour un premier essai, c’est quand même déjà pas mal. Antoine Schiffers semble bourré de talent, et devient donc un « auteur à suivre » comme on dit. Déjà, il propose quelque chose d’original, quelque chose d’assez aride qui plus est, certes. Faut quand même saluer la prise de risque ainsi que les réussites tout à fait remarquables qui jalonnent cette BD !

25/03/2025 (modifier)