Frank

Note: 3/5
(3/5 pour 5 avis)

Angoulême 2012 : Prix spécial du jury (tome 3) Les aventures burlesques, noires et oniriques de Frank le chat contre l'homme-porc.


Angoulême : récapitulatif des séries primées BD muette Ciboulette Comix Fantagraphics Books

Frank est un chat plutôt tranquille qui vit dans sa petite maison quelque part dans un pays imaginaire qui sent bon l'Utopie avec ses arbres en fleurs, et ses bosquets qui sentent bon. Mais l'homme-porc est un vilain individu qui en veut toujours à Frank : il entre chez lui la nuit pour lui dérober ses affaires, il profite de son absence pour dévaliser son réfrigérateur, et il lui joue des tours pendables. Frank ne va pas rester de marbre face à ces attaques et commence à changer de caractère.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution Juillet 1998
Statut histoire Une histoire par tome 7 tomes parus

Couverture de la série Frank © L'Association 1998
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 5 avis)
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19/06/2003 | JBT900
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A l’évidence, Jim Woodring est un auteur à part, singulier, intrigant. A ma connaissance, « Frank » est son unique création personnelle, la seule œuvre dans laquelle son imagination débridée a pu s’épanouir sans souffrir un quelconque frein. Car Woodring déborde d’imagination ! Avant la BD, il a quelque peu tâté de l’animation. Et cela se sent un peu, car son personnage, sorte de chat maigrichon, possède un look très cartoonesque, que l’on pourrait croire tout droit sorti d’un vieux Disney. Son aspect le rapproche de certaines créatures frénétiques et déjantées de Mattioli dans Awop Bop Aloobop Alop Bam Boom ou Squeak the mouse. Mais là s’arrête la comparaison, car Woodring ne donne pas dans la caricature, le trash, fut-il plus ou moins soft comme certaines œuvres de Winshluss. Non, Woodring développe dans ces albums un univers très poétique, qui fait la part belle au rêve (et l’absence de dialogues, de texte, laisse d’autant plus l’imagination au pouvoir !), aux images surprenantes, dans une approche qui doit beaucoup au surréalisme (a-t-il eu connaissance des revues surréalistes américaines autour de Franklin Rosemont – qui faisaient souvent la part belle aux cartoons ?). En effet, les histoires – sans queue ni tête, mais pas sans force ! –, se déroulent dans un lieu non identifié, sans ancrage chronologique (quelques objets contemporains apparaissant parfois brusquement [voiture, pistolet] au milieu d’autres, moyenâgeux ou « achroniques »). Objets et personnages ont d’ailleurs souvent des airs de créatures ou de créations échappées d’un esprit fiévreux, lâchant la bride à son imagination, tentant l’écriture automatique « pour voir » (comme cette sorte de « boîte aux lettres domestique » – ou meuble étrange ? – accompagnant Frank dans ses pérégrinations par exemple). Au milieu de cet univers foutraque, loufoque, quelques personnages récurrents donnent quelques racines à la série. En effet, Frank côtoie régulièrement une sorte de diablotin filiforme, et surtout un « homme-porc », qui se révèle au fil des tomes, moins noir, méchant et loser que l’on pouvait l’imaginer après ses premières apparitions. Six albums ont permis à Woodring de développer son univers, ses histoires hasardeuses, deux histoires regroupées dans un petit album de la collection Côtelette faisant des infidélités à la collection Ciboulette accueillant les 5 autres albums, parfait écrin pour ce petit bijou d’inventivité. Mon seul bémol concerne l’arrivée aux côtés de Frank d’une dulcinée (moins joufflue que lui, mais avec de grandes oreilles) à partir de la fin de l’avant dernier album (« Frank et le congrès des bêtes ») et durant tout le dernier (« Fran »). Je ne sais pas si c’est l’arrivée de cette « Frankette » (concomitante à la disparition de l’homme-porc) qui en est responsable, mais j’ai trouvé que ce dernier album, qui voit Frank presque « rangé », était en deçà des précédents, moins lyrique et débridé (même si la poésie y avait tout de même posé ses valises). Bref, ne boudons pas notre plaisir, cette série est vraiment à découvrir (je m’étonne qu’elle ait si peu de lecteur – tout du moins d’avis). Elle plaira à tous les lecteurs curieux, les amateurs de récits poétiques, à ceux qui acceptent de se laisser porter par une narration cumulant les « images », sans s’accrocher à une raison souvent castratrice. C’est en tout cas un gros coup de cœur en ce qui me concerne, et je vous encourage à jeter plus qu’un coup d’œil à cet univers très personnel et original.

06/01/2020 (modifier)