Kent State, quatre morts dans l'Ohio (Kent State, four dead in Ohio)

2020 : prix Comics de la critique ACBD Will Eisner Award 2021 : Best Reality-Based Work 50 ans après les événements tragiques de la manifestation de Kent State, Backderf livre un récit historique magistral et poignant.
1961 - 1989 : Jusqu'à la fin de la Guerre Froide BD Reportage et journalisme d'investigation Cà et Là Documentaires Les petits éditeurs pendant la pandémie Les prix lecteurs BDTheque 2020 Will Eisner Awards [USA] - Middle West
Après l’autobiographie (Mon ami Dahmer) et l’autofiction (Trashed), l’auteur américain Derf Backderf réalise un magistral documentaire historique sur les années 1970 et la contestation contre la guerre du Vietnam. Kent State relate les événements qui ont mené à la manifestation du 4 mai 1970 et à sa violente répression sur le campus de cette université de l’Ohio. Quatre manifestants, âgés de 19 à 20 ans, furent tués par la Garde nationale au cours de cette journée. Cet événement marqua considérablement les esprits et provoqua des manifestations gigantesques dans tout le pays avec plus de quatre millions de personnes dans les rues, marquant un retournement de l’opinion publique sur l’engagement américain au Vietnam. Derf Backderf, avait 10 ans à l’époque des faits. Il a vu des troupes traverser sa ville en 1970, et il a été profondément marqué par la répression sanglante de la manifestation du 4 mai. Dans Kent State, il brosse le portrait des étudiants qui seront tués au cours de la manifestation ainsi que celui d’un membre de la Garde nationale. Sa description détaillée de la journée du 4 mai 1970, montre comment l’incompétence des responsables locaux a débouché sur une véritable boucherie. Derf Backderf a consacré trois ans à la réalisation de Kent State, il a réalisé un véritable travail journalistique et interviewé une dizaine de personnes ayant participé à la manifestation. Kent State est un récit extrêmement prenant, poignant, une leçon d’histoire et une démonstration implacable de l’absurdité de l’utilisation de la force armée pour contrôler des manifestations. Texte : Editeur.
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Date de parution | 10 Septembre 2020 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis



Certes, la mise en place, avec présentation d’une dizaine d’étudiants, et d’autant de représentants des agences gouvernementales (Police, FBI, Garde nationale, etc.), celle du contexte, est sans doute un peu longue, parfois un peu « lourde ». Mais malgré ces défauts, je pense qu’elle est nécessaire pour bien comprendre ce qui s’est passé dans ce campus universitaire. Si la guerre du Vietnam en arrière-plan joue un rôle, ce sont bien les incompétences de nombreux « officiers » sur le terrain, et l’aveuglement idéologique de beaucoup de décideurs (de Nixon au gouverneur), dans une sorte de maccarthysme régénéré voyant des communistes partout et s’en servant pour défendre leurs intérêts de carrière, qui sont à l’origine de ce bain de sang scandaleux. Backderf – peut-être de façon trop didactique parfois – démonte bien la somme d’erreurs, de mécanismes qui amènent une situation qui auraient pu n’être qu’ubuesque si des gens n’avaient pas été tués, blessés, emprisonnés. En tout cas ce genre de récit, qui s’appuie sur des sources nombreuses, vérifiables (et citées en fin d’album) est important pour maintenir ouverts certains yeux. Car aucun responsable de cette « bavure » (mais peut-on parler de bavure ?) n’a jamais été réellement sanctionné. Une lecture qui nécessite un certain investissement en temps et concentration, mais qui mérite qu’on s’y intéresse. Note réelle 3,5/5.


J'avais vraiment apprécié le style et la qualité documentaire de Mon ami Dahmer du même auteur. On retrouve ici le même soin apporté dans les détails, Derf Backderf est ultra minutieux, tout est daté, documenté, tracé, vérifié ... et il relate tout cela avec précision. C'est impressionnant dans Dahmer qui frappe par la singularité de son sujet : c'est pas tous les jours qu'on a un serial killer dans sa classe. Ici dans Kent State, il est question de manifs étudiantes qui dérapent à coups de bavures militaires. Le traitement ultra précis est moins digeste et c'est également moins original comme sujet. Il suffit de regarder l'actualité et tous les mois on a droit à un fait divers à base de bavure policière. Il n'y a pas toujours 4 morts certes, mais bon voilà quoi. Les deux premiers tiers de l'album relatent les 3 jours qui précèdent le jour fatidique. Backderf mélange des scènes de la vie quotidienne des étudiants avec le contexte du moment. Le tout dans le but de nous faire comprendre comment la situation à débordé comme cela, pourquoi on en est arrivé là. Oui c'est ultra complet, mais pour moi il y a trop de détails, c'est trop bavard et ça en devient un peu rébarbatif. Les assos' étudiantes, le contexte social, politique, la carrière des hommes au pouvoir, les prochaines élections, la condition des militaires, leur entrainement, la personnalité de leur chef, et j'en passe ... Certes il a tenu a être précis et exhaustif, à n'oublier aucun détail, mais il y en a trop et ça devient fastidieux à lire. Le bouquin m'est tombé plusieurs fois des mains. Bien sûr la dernière partie est saisissante, ça fait froid dans le dos de voir un régiment de militaires ouvrir le feu sur la foule, d'autant qu'elle est composée d'étudiants plutôt peace and love que d'extrémistes arme au poing. Bien sûr c'est grave, ça démontre toute la stupidité et les excès dont l'Amérique est capable. J'ai évidement apprécié cette dernière partie à sa juste valeur. Mais ça ne change pas trop mon ressenti d'ensemble. Il y a avait moyen de faire plus court (et plus efficace) sans altérer le fond du message.


Certes le sujet est tout à fait louable, narrer un événement ayant mené à la mort de 4 étudiants américains et plusieurs blessés sur un campus dans une bête manifestation pacifique. Derf Backderf explique tous les tenants et aboutissants pour en arriver à ce drame, le contexte avec la conscription des jeunes pour la guerre du Vietnam, en face les forces de police et de la garde nationale sous tension et fatiguées dont certains membres ont vraiment dérapé pour se défouler et casser de l'étudiant. Les gars encadrent les manifs avec des fusils et baïonnettes... On voit aussi trainer un agent de renseignement qui s'infiltre parmi les étudiants en prétextant faire des photos pour le year book, les autorités surveillant la contestation étudiante comme le lait sur le feu. J'avoue que j'ai peiné sur la première moitié, la narration est un peu barbante, il y a une foule de personnages dont les dialogues ne passionnent pas les foules, enfin moi du moins cela m'a rebuté en me demandant si j'allais le terminer. Le dessin fait en plus qu'on ne distingue pas toujours très bien qui est qui. Et puis passé un certain cap on y prend goût jusqu'au climax final. Pour autant c'eut été aussi compréhensible avec 30 pages de moins et je ne me suis pas infligé la lecture des dizaines de pages sans image en fin d'ouvrage. Un boulot conséquent et minutieux qui a du prendre de nombreuses heures à son auteur.


Me voilà bien embêtée pour noter cette BD... La qualité du travail documentaire réalisé par l'auteur mériterait largement 5 étoiles. Il n'y a qu'à voir la quantité de notes en fin d'album pour se convaincre que Derf Backderf s’est énormément documenté pour raconter dans les moindres détails les 4 journées qui ont précédé la tragédie du 4 mai 1970. Cela se ressent également tout au long de l’ouvrage qui fourmille de commentaires de l’auteur qui semble soucieux de représenter les événements le plus fidèlement possible. Bien sûr on sent qu’il n’est pas impartial, mais pour autant je n’ai pas trouvé sa vision trop manichéenne, ce qui renforce à mon sens la crédibilité de son propos. Mais le dessin mériterait seulement 2 étoiles à mes yeux… ce n’est vraiment pas le genre de dessin que j’apprécie, et au-delà de son manque de charme le trait est peu dynamique, les expressions trop figées et j'ai eu du mal à différencier les - trop ? - nombreux personnages. Quant au plaisir de lecture qui reste à mon sens l'aspect le plus important, il oscille entre 2 et 4 étoiles. La lecture de la première moitié de l'album s'est révélée particulièrement fastidieuse. J’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans l’histoire, la faute peut-être aux nombreuses explications qui m’ont paru un peu rébarbatives, et la multitude de personnages qui sont présentés sans que je parvienne vraiment à les identifier. Personnellement, j’ai eu du mal à m’attacher à ces étudiants, du fait encore une fois du dessin mais aussi des dialogues que j'ai souvent trouvé peu convaincants (et est-ce que quelqu'un m'expliquera un jour ce délire des auteurs américains de mettre des mots en gras à toutes les sauces ? Si des fois ça se justifie pour mettre l'accent sur un mot, des fois je n'en comprends vraiment pas l'intérêt, ça a plutôt tendance à me freiner dans ma lecture.) Arrivée vers la moitié de l’album, j’étais à deux doigts de laisser tomber ma lecture… j’ai finalement décidé d’aller au bout en me disant que je me focaliserais essentiellement sur l’aspect instructif de cette BD, quitte à ne pas prendre spécialement de plaisir à la lire. Et c’est justement à ce moment-là que j’ai commencé à réaliser le caractère disproportionné de la répression mise en place et que suis rentrée dans l’histoire... et au matin du 4 mai, lorsque j’ai pris conscience que certains de ces étudiants ne verraient pas la fin du jour, ça m’a bouleversée. Le récit de la journée du 4 mai est véritablement glaçant… En fin de compte, c’est un ouvrage qui ne m’a pas laissée indifférente, que j’ai trouvé par certains aspects très intéressant mais dont la lecture n'a pas été une partie de plaisir. J’en recommande quand même la lecture pour son caractère instructif. Pour le moment ce serait 3,5 en attendant une seconde lecture qui me permettra sans doute de mieux l’apprécier, cerner les protagonistes et comprendre le terrible engrenage à l’œuvre dans cette tragédie.


Eh ben merde, il sait s'y faire, le Derf Backderf. Nom de Zeus, comme diraient certains, c'est un auteur qui a un coup de crayon que j'apprécie et un talent de reporter dans ses chroniques de vies qui nous en apprennent plus sur notre société. A la lecture de sa dernière BD, je sens d'autant plus le travail de journaliste ressortir. Parce qu'au-delà d'une BD qui présente un fait divers sanglant, c'est surtout un sacré compte-rendu détaillé de quatre jours qui feront immanquablement tomber le couperet. J'ai une grande admiration pour la façon dont Backderf nous transmet ses reportages. Entre les représentations très carrée de ses personnages et ses lieux, donnant parfois quelque chose de cartoonesque à l'ensemble, et le fouillé détaillé, méticuleux et précis du propos, on a à la fois le rendu d'une bande-dessinée lisible et plaisante, mais aussi l'histoire brute et complète. Derf Backderf va s'attacher à représenter toutes les facettes de ces évènements d'émeutes étudiantes réprimées par les forces de l'ordre, et si les personnages sont nombreux, c'est pour bien nous faire ressentir tout ce qui se joue. Chaque personnage apporte une vision différente de ce qu'il se passe. Et surtout, on comprends que l'ensemble est une grande incompréhension mâtinée de peur : la peur des communistes et de la conscription, de la révolte étudiante, des rumeurs ... Des deux côtés, l'incompréhension va gagner, et l'incompétence des dirigeants va accentuer le tout, en finissant dans le sang. Les zones d'ombres sont encore nombreuses, mais c'est une tragédie qui aurait pu être évitée. Et qui n'apporta rien à personne, strictement rien. D'autre part, le récit est surtout porteur d'autres messages qui sont très intéressants dans le contexte actuel : l'infiltration des mouvements de gauche pour les saboter, les indics et les casseurs, la volonté politique des réélections locales ... Plusieurs d'entre eux ne sont pas sans me rappeler ce qu'on a vécu en France depuis le début des années 2000 et les révoltes des banlieues. Le récit détaille bien le fait que ce fut une période très sombre au États-Unis, dans une paranoïa de Guerre froide et de théorie des dominos qui justifiaient des interventions de plus en plus couteuses en hommes, mais ce n'est pas pour autant qu'il perd en force à la lueur des évènements d'aujourd'hui. Décidément, je suis très fan de Derf Backderf. Son travail est toujours soigné, d'excellente qualité et porteur de message politique bien actuel. L'auteur ne cache pas des sympathies allant à gauche, mais à la lecture de ses différentes œuvres on comprend bien mieux pourquoi. Et je suis de plus en plus fan de ce qu'il me propose. Certes, le temps est nécessaire pour pondre ce genre de récit, mais pour de tels résultats je suis prêt à attendre trois ans ! Une lecture qui m'a mis une boule dans la gorge, je dois bien le dire.


Derf Backderf est décidément un de mes auteurs de comics préférés et il est avec Joe Sacco mon documentariste en BD préféré. Ici, l'auteur nous parle d'une manifestation étudiante qui tournera au tragique lorsque la garde nationale finira par tirer sur la foule. La reconstruction historique est bien fait, on montre bien l'ambiance de l'époque avec une Amérique bien divisée en deux camps...et lorsqu'on suit l'actualité aujourd'hui on voit que plusieurs décennies plus tard, les choses ont peu changé. En tout cas, l'auteur explique bien les motivations des étudiants et des autorités de l'époque (la peur d'aller au Vietnam contre la peur du communisme) Même si on sent que Backderf a un parti-pris, il essaye d'être objectif et de montrer les deux cotés. Ainsi, certains étudiants m'ont franchement paru antipathiques pendant une bonne partie de l'album, quoique je note que les étudiants dont j'avais envie de casser la figure ont disparu progressivement du récit, préférant s'enfuir lorsque la garde débarque et il y a la théorie que certains des extrémistes étaient des agents provocateurs. En tout cas, on va voir comment les autorités se sont servi de l'extrême-gauche la plus radicale pour détruire le mouvement étudiant en faisant en sorte que les radicaux prennent le pouvoir du mouvement et aussi que rapidement des étudiants innocents et sans défense vont se faire attaquer par les autorités. Backderf montrera aussi les conditions des soldats de la garde qui expliquerait pourquoi certains ont fini par tirer (moi aussi je pense que je péterais les plombs si on me laissait pas dormir pendant 4 jours). En tout cas, l'auteur montre surtout du doigt l'incompétence, les erreurs et l'opportunisme des autorités et que le massacre aurait pu être évité s'ils avaient été plus compétents et moins radicaux. Le scénario est prenant. On va suivre plusieurs protagonistes durant 4 jours où la tension montera jusqu'à la tragédie qui aurait pu être évitée. C'est un excellent documentaire historique que j'ai trouvé bien instructif et qui me semble malheureusement d'actualité lorsqu'on voit ce qui arrive aux États-Unis en ce moment.


Cela faisait un petit moment qu’on l’attendait, le nouveau Backderf. Cinq ans, si l’on exclut True Stories, une anthologie sortie en 2019 et regroupant des strips de l’auteur parus dans les journaux de Cleveland depuis trente ans. Pour son « vrai » retour, on peut dire que le vieux briscard, à presque 61 ans, n’a non seulement rien perdu de sa verve anti-système, mais qu’en plus il a sans doute produit ici le livre le plus marquant de sa biographie. A la lecture, on comprend aisément à quoi ont pu servir ces cinq années, tant l’ouvrage surprend par sa maîtrise et sa rigueur journalistique (ne serait-ce que par la longueur des notes à la fin du livre). Car « Kent State » n’est rien de moins qu’une reconstitution historique, intégralement basée sur des témoignages oculaires et des recherches approfondies menées dans les archives de la bibliothèque de l’université de Kent State. On sent bien que le sujet tenait Backderf à cœur, d'abord parce qu'il est lui-même originaire de l'Ohio, et qu’ensuite il était primordial pour lui de rétablir une vérité longtemps occultée par le discours officiel de l’époque. Pour les autorités gouvernementales et locales, les étudiants contestataires qui s’opposaient à la guerre du Vietnam étaient forcément guidés depuis l’étranger, et à ce titre, méritaient une répression des plus féroces. Le Président Nixon, en poste en 1970, n’était pas connu pour ses positions nuancées vis-à-vis du communisme, dans un contexte où la guerre froide était à son apogée. De fait, la réponse de la garde nationale, qui intervint sur le campus même de l’université ( !), ne fut pas davantage gouvernée par la nuance, et l’horrible fusillade perpétrée par les militaires sous un commandement inapte toucha tous les étudiants quelles que soient leurs opinions ou le motif de leur présence sur les lieux. Ils furent réprimés, blessés et assassinés par la simple fait qu’ils étaient ÉTUDIANTS ! Choquant pour une bonne partie de la population, cet épisode, qui annonçait d’une certaine façon la fin de la guerre au Vietnam trois ans plus tard, reste assez méconnu. On sait gré à l’auteur du Midwest de jeter une nouvelle lumière sur l’événement, ce qui ne redore guère l’image d’une administration américaine rompue à la manipulation et au mensonge. Pourtant, on ne peut aucunement reprocher à Backderf d’avoir travesti les faits et les témoignages, ni de laisser transparaître sa propre opinion. Au contraire, il est parvenu – en tout cas il s’y est efforcé — à construire une narration factuelle et objective, en montrant chacun des protagonistes avec le plus grand réalisme possible, sans manichéisme, même si bien sûr, on peut sentir qu’il ne porte pas la soldatesque, et encore moins les gradés, dans son cœur de citoyen attaché à la justice. La bonne idée de remonter à l’origine des faits qui ont débouché sur cette tragédie, avec un compte à rebours qui s’active dès les premières pages (on comprend que certains personnages seront victimes de la fusillade), contribue à captiver le lecteur désireux de comprendre pourquoi les Etats-Unis prirent en quelques jours le visage d’une des pires dictatures sud-américaines… Le trait de Backderf reste toujours aussi expressif, mais fort logiquement se fait plus réaliste pour décrire ce cauchemar américain bien réel. On en apprécie toujours autant les rondeurs géométriques, tout comme ce noir et blanc qui lui sied parfaitement. On est tenté d’ajouter, sans vouloir faire injure ni à l’un ni à l’autre, que l’on pense beaucoup à Joe Sacco (et il semble que je ne sois pas le seul à le penser si j'en crois l'avis d'Alix !), non seulement parce que ce dernier fait de la BD documentaire, mais par son style graphique également assez proche. Fidèle depuis un bon moment aux éditions Ça et là, l’auteur de Mon ami Dahmer signe une œuvre qui se place d’emblée parmi les meilleures sorties de l’année 2020, et prend un relief particulier dans le contexte électoral que traverse son pays. Ce retour très attendu de Monsieur Backderf ne déçoit donc aucunement, et c’est même d’ailleurs tout le contraire !


« Kent State, quatre morts dans l'Ohio » est un reportage très pointu sur les évènements choquants qui ont secoué les USA en 1970, à savoir une violente répression contre une manif étudiante pacifiste. Le travail de recherche effectué par Derf Backderf est considérable (3 ans pour la réalisation de cet album), et le résultat me rappelle un peu les bouquins de Joe Sacco. A ce titre certains passages sont assez lourds en textes, même si de manière générale l’histoire est fluide et prenante. Avant de nous présenter les faits sanglants en fin d’album, l’auteur tente de nous faire comprendre les évènements déclencheurs. Il nous montre les divisions profondes dans la société américaine de l’époque, et l’opinion publique divisée par la guerre au Vietnam et la haine du communisme. Il nous explique la situation politique (rien ne change, il faut penser aux voteurs), et l’engrenage inéluctable qui a mené au drame : la peur (des étudiants qui risquent d’être appelés au front une fois leurs études terminées, du maire incompétent, mais aussi de certains réservistes armés complètement épuisés et dépassés par les évènements), les têtes brulées de la Garde nationale, le général en charge (radical et anticommuniste au possible). Ajoutons aussi les agents provocateurs des services secrets américains tentant de décrédibiliser le mouvement anti-guerre, et surtout les rumeurs ridicules et autres exagérations (sur les intentions et moyens des manifestants) qui ont envenimé la situation : ils avaient des snipers sur les toits, des caches d’armes, balançaient des excréments sur la police depuis leurs fenêtres etc. rumeurs avérées fausses bien entendu. Le ton du récit est très engagé (il suffit de suivre Derf sur Facebook pour savoir qu’il est plutôt progressiste), mais tente de rester relativement juste (les débordements estudiantins sont montrés – par exemple quand ils percent les tuyaux des pompiers ou ravagent des commerces). En tout cas Derf n’hésite pas à nommer les dirigeants qu’il estime coupables (puisque la justice les innocenta tous). Une histoire édifiante, et d’une universalité et intemporalité dérangeante. Les divisions sociétaires sont toujours là en 2020 (Brexit, Trump, Black Lives Matter etc.) Une lecture essentielle pour les amateurs de reportages historiques. Un grand bravo à l’auteur pour le travail réalisé.
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