Das Feuer

Note: 3/5
(3/5 pour 4 avis)

L’horreur de la Première Guerre mondiale transposée dans le camp ennemi. D'après le roman d'Henri Barbusse, "Le Feu", Prix Goncourt 1916.


1914 - 1918 : La Première Guerre Mondiale Adaptations de romans en BD Ecritures Première Guerre mondiale

« Ce serait un crime de montrer les beaux côtés de la guerre, même s’il y en avait. » « TAC ! TAC ! BAOUM ! BAOUM ! Les coups de fusils, la canonnade autour de moi. Partout ça crépite et ça roule, longues rafales et coups séparés. Sombre et flamboyant orage qui ne cesse jamais. Je suis enterré au fond d’un éternel champ de bataille. Depuis quinze mois, depuis mille cinq cents jours, du soir au matin sans repos, du matin au soir sans répit. La fusillade, le bombardement ne s’arrêtent pas. Comme le TIC-TAC des horloges de nos maisons, aux temps d’autrefois, dans le passé quasi légendaire. On n’entend que cela lorsqu’on écoute. TAC ! TAC ! BAOUM ! BAOUM ! » L’horreur de la Première Guerre mondiale transposée dans le camp ennemi, c’est ce que Joe Pinelli tente de nous faire toucher du doigt en adaptant du côté allemand Le Feu, d’Henri Barbusse, écrivain qui a servi dans les tranchées.

Scénario
Dessin
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 14 Novembre 2018
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Das Feuer © Casterman 2018
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 4 avis)
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25/11/2018 | Blue Boy
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L'avatar du posteur ThePatrick

« Ce serait un crime de montrer les beaux côtés de la guerre, même s’il y en avait. » Henri Barbusse dans son récit, et avec lui Patrick Pécherot et Joe Pinelli dans cet album, ont mis cela littéralement en oeuvre. Ce parti pris très fort et sans concession font de cette histoire un récit sombre et sans espoir, aux allures de monologue intérieur face à cette horreur innommable, inimaginable, qu'on ne peut finalement qu'essayer de raconter. Das Feuer, en transposant l'histoire dans le camp allemand, montre que les deux parties en présence étaient avant tout des hommes. Que les horreurs vécues par les uns l'ont aussi été par les autres. Qu'aucun de ces combattants finalement, ne souhaitait être là ni n'avait à y faire quoi que ce soit. Si je n'ai pas rêvé ce message, je dois dire que ce n'est pas ce que j'ai retenu de mes cours d'histoire, où l'on apprenait qu'avant de tomber dans la réalité de la guerre, le peuple chair à canon partait volontaire et guilleret à la guerre en pensant botter vite fait l'arrière-train de l'ennemi. Et à la laideur de l'histoire vient s'ajouter la laideur du dessin, qui représente les hommes décharnés, hagards, comme des morts en attente, et qui fait se fondre en un bourbier infâme hommes, paysage et cieux, la terre elle-même étant défigurée et meurtrie. Alors... Ai-je aimé cette lecture ? Non. Avais-je besoin de cet album ou d'Henri Barbusse pour savoir les horreurs de cette guerre ? Non plus. Est-ce cependant une lecture remarquable ? Sans doute. Au final un 3 / 5 qui ne veut rien dire, pour un ouvrage rigoureusement atypique.

19/06/2021 (modifier)
L'avatar du posteur Pokespagne

On est en 1916 : Henri Barbusse a 43 ans quand il publie "Le Feu", un brûlot réaliste sur l’horreur sans nom de la Guerre des Tranchées, qui bat alors son plein, et qu’il vient de vivre pendant deux ans. Le livre reçoit le Prix Goncourt, mais déplaît à ceux qui ne veulent pas croire à ce récit apocalyptique, qui voit l’humanité ramenée à sa plus simple expression : le désir de survie animal sous la mitraille et dans la boue primale. La guerre, l’une des pires de l’histoire récente, se termine, et le travail d’oubli commence. On est en 2018 : On célèbre le centenaire de la fin de la Première Guerre Mondiale, et il ne reste bien sûr plus personne pour témoigner de ce que ça a été vraiment : l’Enfer pur et simple. Il est temps de relire les quelques témoignages de première main qui restent, pour ne jamais oublier. « On est plein de l’émotion de la réalité, sur le moment, et on a raison. Mais tout ça s’use en nous, et ça s’en va. (…). Les hommes, c’est des choses qui pensent peu, et qui surtout oublient. Il n’y aurait plus de guerre si on se rappelait. » Pécherot et Pinelli se sont donc lancés le défi de retranscrire en image le récit de Barbusse, en lui appliquant une légère distorsion : l’épopée minuscule mais démentielle de cette petite troupe d’hommes anonymes égarés dans l’enfer du no man’s land à la recherche de leur tranchée protectrice est vécue cette fois du côté allemand. Mais bien sûr, tout est pareil et rien ne change, la Guerre est abominable des deux côtés, il n’y a que des victimes. "Das Feuer" est le résultat – exigeant, tout sauf plaisant à lire – d’un certain nombre de choix esthétiques et intellectuels forts : d’abord, celui d’un récit quasiment sans dialogues, avec une simple « voix off » qui tantôt rappelle les statistiques effarantes du conflit, et tantôt explicite sobrement ce qu’il peut y avoir dans l’esprit de ces pitoyables insectes qui courent affolés sous la pluie incessante et parfois sous la mitraille. Ensuite, un dessin en noir et blanc particulièrement austère, qui lamine paysages dévastés – un océan de boue qui dissimule mal les centaines de cadavres qui s’y sont engloutis – et hommes désespérés : tout est absurdement semblable, répétitif jusqu’à l’écœurement, il n’y a plus d’identité, plus de paysage, plus de vie et presque plus de mort. On tourne les pages de "Das Feuer" dans une sorte d’hébétude, on ressent violemment au fond de soi la terreur ignoble qui fut celle de ces hommes, nos grands-pères, à qui l’ont fit endurer ÇA. Le projet de Pécherot et Pinelli est donc un succès, qui rejoint, dans un genre totalement différent, le travail de Tardi sur ces mêmes événements, sur ce même désastre universel. On regrettera peut-être quand même que les toutes dernières pages échouent à nous faire vraiment vivre ce moment tant désiré où la pluie cesse, où le soleil reparaît, où… la guerre recommence. Si la dernière phrase : « Nous serons tout » renvoie superbement à la première « Nous ne sommes rien », la répétition du même dessin ne porte pas assez le message de transmission de la mémoire, de "soulèvement des peuples" contre la guerre qui fut a priori celui de Barbusse. Un livre aussi obsédant que "Das Feuer" aurait peut-être mérité une conclusion plus intense…

08/10/2019 (modifier)
Par Pierig
Note: 3/5
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Derrière chaque soldat, peu importe son camp, se trouve un homme fait de chair et de sang. Ainsi, en transposant le récit d’Henri Barbusse des tranchées françaises à celles allemandes, les auteurs ont voulu souligner l’universalité des horreurs de la guerre. Le récit est constitué de chapitres courts mettant en lumière un élément indissociable de la guerre comme les boyaux, l’eau, la boue, la pluie d’obus, les barbelés. L’horreur est bien rendue par un crayonné poussé et crasseux. Les vignettes sont toutefois monotones et laissent place à une certaine redondance, la faute à un cadrage souvent statique et peu varié (gros plan des figures). Qu’importe, les auteurs ont réussi à faire passer un message de paix à travers ces pages insoutenables. De quoi inviter à la réflexion . . .

16/04/2019 (modifier)
Par Blue Boy
Note: 3/5
L'avatar du posteur Blue Boy

Publié à l’occasion des commémorations de l’armistice de 1918, qui mit fin à la guerre la plus meurtrière que le monde ait connue, « Das Feuer » est l’adaptation en bande dessinée d’un roman d’Henri Barbusse, « Le Feu », dans lequel l’écrivain évoque son expérience des tranchées. Un livre qui lui avait valu le Prix Goncourt en 1916. La bonne idée des auteurs, c’est d’avoir transposé l’action et le point de vue dans le camp « ennemi », d’où le titre en allemand. « Ce serait un crime de montrer les beaux cotés de la guerre, même s'il y en avait. » disait Henri Barbusse. Pour le coup, on peut dire que les auteurs ont appliqué cette formule à la lettre. Et si le témoignage du romancier est terrible, le dessin de Joe Pinelli est d’une âpreté parfaitement concordante. Pratiquement à l’état d’esquisse, le trait sale et poisseux peut facilement révulser. Le ciel, la terre, les corps et les rares éléments du paysage (tronc d’arbres, barbelés…) ne se distinguent quasiment plus les uns des autres, le tout étant noyé sous une boue graphique grisâtre que la pluie incessante vient strier implacablement de ses dards glaçants. Même le sang est devenu incolore. Au milieu de cette boue, deux camps qui s’affrontent : les Français et les Allemands. Alors que le roman original est vu sous l’angle du camp français, Patrick Pécherot a choisi d’inverser la perspective. Un parti pris pertinent - et qui fait tout l’intérêt du projet - pour montrer que cette guerre était vécue exactement de la même façon des deux côtés des tranchées. Ici, les soldats ont les mêmes visages émaciés et affolés que ne pouvaient l’avoir leurs adversaires. Comme leurs voisins « Franzosen », ils étaient des « grains de poussière roulés dans la grande plaine de la guerre. ». Comme eux, ils venaient de partout, de toutes les classes laborieuses et n’avaient d’autres choix que de participer à cette guerre, dont ils pensaient pareillement qu’elle serait de courte durée, loin de se douter que cette « promenade de santé » se transformerait en boucherie dévastatrice. Car il est vrai que l’on connaît peu de récits du point de vue allemand de ce côté-ci du Rhin. Longtemps après la guerre, l’Allemand était resté le Boche, le Fritz, le fridolin fauteur de troubles qui devait payer… Si l’on exclut les textes de Henri Barbusse, ce pacifiste de la première heure, l’ouvrage n’est pas forcément engageant dans la forme, mais évoque bien le cauchemar que pouvait constituer cet horrible conflit pour ceux qui l’ont vécu. La référence en la matière demeurant à ce jour le chef d’œuvre de Jacques Tardi, C'était la guerre des tranchées. A acheter et offrir pour les amateurs.

25/11/2018 (modifier)