Le Caravage

Note: 3.71/5
(3.71/5 pour 14 avis)

La vie sulfureuse du célèbre peintre italien par le maestro Manara.


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Automne 1592. Michelangelo da Caravaggio dit « Le Caravage » débarque à Rome, toiles et pinceaux sous le bras. Il puise son inspiration dans l’âme de la cité éternelle, entre grandeur et décadence, et auprès des personnages hauts en couleur qu’il y rencontre. Rapidement admiré pour son talent, il sera toutefois souvent critiqué pour ses partis pris artistiques, notamment sur ses sujets religieux – il prendra ainsi pour modèle de sa Mort de la Vierge une prostituée. Une réputation aggravée par le penchant du peintre pour la violence et sa participation à de fréquentes et vives échauffourées...

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 22 Avril 2015
Statut histoire Série terminée 2 tomes parus

Couverture de la série Le Caravage © Glénat 2015
Les notes
Note: 3.71/5
(3.71/5 pour 14 avis)
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28/04/2015 | Eric2Vzoul
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L'avatar du posteur bamiléké

J'ai longtemps été frustré car ma bibliothèque municipale ne possédait que le tome 1 de la série. L'excellent avis de Gruizzli m'a décidé à acheter l'intégrale et je ne le regrette pas. J'ai été soulagé que l'intégrale conserve le superbe avant-propos de Claudio Strinati qui nous ouvre à une lecture intelligente du diptyque de Manara. Comme le souligne Gruizzli, Manara nous propose bien plus qu'une biographie universitaire et savante de la vie du Maître. Manara nous propose une sorte de connexion vivante entre lui et son illustre devancier de 400 ans son aîné. C'est l'artiste incarné qui vit sous les magnifiques traits du peintre (lequel ?) avec sa violence créatrice qu'il puise dans son temps mais aussi dans une image supérieure qui touche au sacré. Manara nous fait parfaitement voir comment le vulgaire de son temps (la catin, la prison, la brute, le vieillard) peut se transformer sous un éclairage que l'artiste est seul à percevoir en image de la Grâce. On sent une profonde réflexion intérieure chez Manara, artiste d'une beauté féminine incorruptible malgré la pestilence du monde qui l'entoure. Le scénario coule de source et n'a que se laisser porter par une vie aussi féconde en aventures, en créations et en dramaturgies. Le graphisme de Manara donne le meilleur de lui-même à la fois en hommage au Maître de la Renaissance à travers les nombreuses répliques de ses oeuvres mais aussi dans les décors somptueux de Rome, Naples ou Malte avec les ambiances qui y correspondent. Si Manara nous présente un art sacré éblouissant de lumière et de spiritualité dans une approche presque catéchistique, il n'oublie pas de rendre un vibrant hommage à son art profane à travers les merveilleux portraits féminins et masculins aux poses érotiques et langoureuses. C'est l'amalgame de ces deux représentations qui donne vie à ce monde de beauté. Chaque case rend le récit plus crédible au fur et à mesure de la lecture. Une oeuvre remarquable qui m'a fait vibrer intensément.

01/01/2024 (modifier)
Par gruizzli
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur gruizzli

Manara adaptant la vie du Caravage, je ne pouvais pas passer à côté ! Quelle idée brillante, quelle fougue de la part d'un auteur accusant ses 78 ans cette année. J'ai eu l'occasion de voir le Caravage passer dans mes cours d'histoire de l'art (bien trop vite, malheureusement) et j'ai surtout vu ses œuvres dans certains musées. Il est vrai qu'un tableau du Caravage à quelque chose qui marque, ses poses, ses lumières qui attire l'œil. Ce sont des peintures qu'il faut surtout voir en vrai, pour ressentir pleinement la vie qu'il y a insufflé. Manara adapte donc la vie de ce peintre, mais je dirais qu'il tente aussi de faire par là une œuvre qui le concerne pleinement. Les amateurs de fesses en trouveront bien une ou deux au détour d'une planche, mais les proportions de femmes dénudées sont diminuées par rapport au Manara classique. Et surtout, son personnage du Caravage est avant tout un artiste, pleinement tourné vers son art et uniquement concerné par lui. Batailleur, arrogant, fier, investi, le Caravage est dépeint comme l'artiste fiévreux, celui qui doit peindre et doit toucher du doigt une perfection. Les tableaux sont représentés tout au long de la BD, mais plusieurs clin d'œil sont aussi dissimulés de ci, de là, donnant à la BD un intérêt certain si vous la relisez après avoir découvert d'autres artistes du Cinquecento italien ! Tout amateur d'art saura s'amuser à décortiquer les références, les citations explicites. Mais cette BD n'est pas qu'une adaptation de la vie du Caravage, et au-delà de l'histoire j'y vois indéniablement un sous texte dans lequel Manara semble parler de lui-même. Les doubles sens abondent : la grâce vers laquelle le Caravage tend semble tout autant la grâce papale lui permettant de rejoindre Rome que la Grace divine, celle artistique, vers lequel il tend par ses œuvres. Manara parle d'un artiste, présente son obsession pour l'art jusque dans les moindres recoins de sa vie (la scène où regardant une croupe de femme il ne s'intéresse qu'a la lumière par exemple). Sans faire de psychanalyse de comptoir, j'aurais presque l'impression que Manara nous dévoile une œuvre plus personnelle, somme d'une vie de travail sur le dessin. Il rend hommage aux maitres italiens qui semblent l'avoir marqués, il se projette peut-être dans un artiste dévoué à son art jusqu'au bout et qui semble mélancolique lorsque l'œuvre est fini, incapable de s'arrêter de peindre (comme il semble incapable d'arrêter la bande dessinée à près de 80 ans). Je ne parle bien sur pas des dessins, magnifiques. Outre les références et les citations, Manara s'amuse à reconstruire minutieusement des ateliers d'artistes, des costumes d'époques, des lieux tels qu'on pourrait les imaginer à cette époque. C'est une plongée dans l'Italie de la Renaissance, une magnifique mise en image qui explique par le dessin la lumière qui marque tant le Caravage. Manara n'a plus vraiment besoin de faire ses preuves sur le plan pictural, et pourtant il prouve encore qu'il en a sous le capot. Remarquable !

03/11/2023 (modifier)
L'avatar du posteur Agecanonix

Je connaissais surtout de nom Le Caravage, ne m'intéressant que de loin à le peinture, j'avais vu quelques toiles dans des bouquins, ce style m'avait pas mal frappé car il rompait avec celui des peintres de son époque, attachés au maniérisme. Le Caravage a su très tôt capter le problème de la lumière et ses possibilités expressives. Toute son oeuvre sera donc basée sur l'exploitation de la fonction dramatique de la lumière qui lui fera produire des oeuvres religieuses violentes, qui seront jugées parfois indécentes par l'Eglise, en partie de par ses modèles recrutés au sein du peuple et des courtisanes. On le voit bien dans cette Bd qui constitue après Borgia une sorte d'apothéose graphique et narrative de Manara. Lorsqu'il décide de raconter la vie un peu chaotique de ce peintre exceptionnel, Manara produit probablement une de ses meilleures Bd ; sa narration n'est pas dénuée de sens ou biscornue comme dans certaines de ses autres oeuvres, on voit parfaitement que quand il possède un sujet fort, le grand artiste italien sait se montrer à la hauteur. Je ne connaissais pas les étapes de la vie du Caravage, et j'en ai appris réellement car Manara n'a rien transformé , j'ai vérifié ensuite dans une encyclopédie ; la plupart des grands personnages vus ici ont existé, et le grand peintre a bien connu une vie aventureuse qui lui valut plusieurs démêlées avec la justice. Cette vie hédoniste et cette passion de la plastique expressive sont bien montrées aussi. Après la narration, restait le dessin, et là c'est du grand art, du très haut niveau. Manara s'est vraiment appliqué en rendant au Caravage un fabuleux hommage appuyé et admiratif, on sent qu'il l'aime ce personnage, il se projette un peu en lui. Les décors romains fastueux sont véritablement sublimés par le crayon d'un dessinateur exceptionnel. Le décor urbain de la Renaissance italienne est prodigieux, magnifié par l'élégance du trait ; la sensualité aussi, domaine que connait bien Manara, elle n'est pas absente évidemment dans une telle époque historique où les moeurs étaient très libres, mais il n'en abuse pas tant que ça, rien n'est montré gratuitement comme ça peut l'être dans certaines autres de ses Bd à fort caractère érotique. Ses grandes cases sont souvent remplies de petits détails intéressants à scruter, la finesse de l'encrage (surtout sur les personnages) et la délicatesse des couleurs donnent à cette Bd une beauté à couper le souffle.

23/07/2015 (modifier)
Par sloane
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
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Vous aimez la peinture? Cet album est fait pour vous! Vous n'y connaissez rien en peinture? Cet album est fait pour vous! OK bonjour l'accroche! Mais franchement quelle claque! Alors bien sûr je connaissais Manara et ses BD érotiques ou carrément porno. A leur lecture nous avions compris que l'homme était un grand de la bande dessinée qui entre autre dessinait les femmes d'une manière qui avouons le nous faisait un peu grimper le thermomètre. Alors que le maître est aujourd'hui au crépuscule de sa carrière, cela ne l'empêche pas d'être une fois de plus redoutable. Première page: une tuerie ! Cadrage, perspective, ambiance, couleur, que manque t'il : rien! Ensuite l'auteur nous emmène à Rome dans les années 1400 et des brouettes. Un Borgia, (l'homme connait) est sur le trône papal, l'unité italienne est encore bien lointaine et les États Cités ont encore de beaux jours devant eux. Chaque duc ou prince cherche à s'attacher les services des plus grands artistes de ce qui fondera le quattrocento, pépinière de talents qui marqueront durablement la peinture des siècles à venir. En dehors du fait de ressusciter la Rome de l'époque en planches plus sublimes les unes que le autres, Manara nous donne à voir une société qui vit, qui bouillonne, qui boit, qui fornique, qui se fout sur la tronche pour des broutilles, des couleurs, des femmes. Bref on sent la vie, pas des plus tranquille mais entière. Alors bien sûr l'histoire est balisée et ne contient que peu d'incertitudes, Il Caravagio, en homme de son époque est truculent, jouisseur, hâbleur mais dès qu'il prend un pinceau en main c'est le génie qui parle. Son travail sur la lumière est pour son époque complètement novateur et il va révolutionner toute le peinture de son temps. Le plus fabuleux dans cette histoire c'est comment Manara arrive sur cette BD à retranscrire cette lumière, ces effets d'ombres et tout quoi! Nous nous amuserons de voir que certains seins devaient être cachés ou qu'une prostituée ne puisse servir de modèle pour une vierge à l'enfant et se transforme en Marie Madeleine repentante. Alors quoi : Feuilleter cet album? Non point. Le lire? Oui. L'acheter ? Certainement! Manara est un grand, oubliez quelques bandes qu'il a pu nous proposer. Tout y est. Du classique, et nul doute que si la bande dessinée avait existé à l'époque, Le Caravage en aurait été un des pionniers.

18/05/2015 (modifier)
L'avatar du posteur Eric2Vzoul

Le très talentueux Manara se fait biographe pour dépeindre la vie du Caravage. Il nous avait déjà montré son goût pour les fastes et les excès de l'Italie de la Renaissance dans Borgia. Ici encore, il excelle à dépeindre les palais somptueux comme les bas-fonds romains. Manara prend plaisir à créer une galerie de personnages hauts en couleur ; peintre, escrocs, prostituées, spadassins, cardinaux, larbins et barbiers s'agitent dans une société à la fois décadente et puritaine. L'artiste a le sens du mouvement et tous ont une grâce qui n'appartient qu'à lui. Ses femmes, nobles ou putains, sont toujours d'une beauté irréelle, stéréotypée certes, mais inimitable. La Rome de la fin du Seicento est restituée de manière époustouflante. Le mélange des ruines antiques et des bâtiments branlants et délabrés qui s'y sont incrustés devient un décor de théâtre majestueux. Une mention spéciale pour la toute première case qui présente un pont fortifié dans la campagne romaine, mais aussi pour la Porte Nevia, l'auberge de Lupa, la prison de Tor di Nona… L'attrait de cet album tient également à la mise en couleur. Manara s'applique particulièrement dans la restitution des lumières pour se montrer digne de son sujet. L'album est marqué dès les premières planches par les tons chauds d'un crépuscule doré. Les clairs obscurs des scènes nocturnes (l'arrivée à Rome, la scène de la Taverne…) sont particulièrement réussis. En résumé, Le Caravage de Manara est avant tout un régal visuel. Et l'histoire ? Manara semble se reconnaître dans son personnage, mais le scénario n'offre guère de surprises. Nous assistons à l'ascension d'un grand peintre, l'un des plus grands de son époque. Une œuvre magistrale de réalisme, mais surtout des toiles où transparaît une passion bouillonnante, quel que soit le sujet abordé… Le caractère bouillant du Caravage lui vaut nombre d'ennuis avec la justice et avec l'Église, certaines toiles sont censurées et brûlées, il fait quelques séjours derrière les barreaux… mais continue à produire des chefs d'œuvres. Nul besoin d'être un amateur éclairé de peinture pour apprécier ce bel album, premier d'un diptyque dont j'attends la conclusion avec une réelle impatience.

28/04/2015 (modifier)