Les Temps Mauvais

Note: 4/5
(4/5 pour 4 avis)

Dans les Temps mauvais, Carlos Gimenez aborde cette fois l'atroce guerre civile qui a préludé à la dictature de Franco, bouclant ainsi le cycle entamé avec Paracuellos.


1930 - 1938 : De la Grande Dépression aux prémisces de la Seconde Guerre Mondiale Auteurs espagnols Espagne Fluide Glacial, le best-of La Guerre civile espagnole Magazine Fluide Glacial Racisme, fascisme

Dans les Temps mauvais, Carlos Gimenez aborde cette fois l'atroce guerre civile qui a préludé à la dictature de Franco, bouclant ainsi le cycle entamé avec Paracuellos. Cette guerre, il la montre du point de vue de ceux qui l'ont subie. C'est la vie quotidienne des civils qui tâchent de survivre aux bombardements, incendies, exécutions, privations et épidémies dans Madrid assiégée. Les pauvres bougres qui prennent les bombes sur la gueule, les ménagères qui font la queue devant les épiceries, les mioches qui rapinent des légumes dans les potagers sont les humbles héros de cette histoire. Les Temps mauvais, c'est la guerre d'Espagne dépouillée de tout romantisme.

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 19 Avril 2013
Statut histoire Histoires courtes (édition intégrale des 4 tomes en version espagnole) 1 tome paru

Couverture de la série Les Temps Mauvais © Fluide Glacial 2013
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 4 avis)
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24/04/2014 | Ro
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L'avatar du posteur Agecanonix

Je ne m'étais jamais intéressé de près à la guerre d'Espagne précédant la dictature franquiste parce que c'est une période et un fait historique très sombres, où la France n'est pas concernée, et qui n'était absolument pas attirant pour moi, je peux même dire que ça me rebutait. Mais l'opportunité de lire ce gros volume s'est présentée, je l'ai saisie, en plus j'ai toujours apprécié le dessin de Carlos Gimenez (depuis Dani Futuro, bande plus insouciante) ça m'a beaucoup aidé, d'autant plus que son expérience de gamin martyrisé dans Paracuellos m'avait déja un peu préparé. Au long de sa carrière de dessinateur, Gimenez a réussi à hisser le récit autobiographique vers les sommets, et ici il arrive à une conclusion amère ; son histoire est celle de l'Espagne sous le joug franquiste, mais c'est aussi celle des hommes pris dans le chaos destructeur de la guerre civile, et par la même occasion la sienne. Une guerre civile est sans doute ce qu'il y a de pire parmi toutes les guerres qu'a mené l'humanité, car c'est une guerre qui a lieu à l'intérieur même d'un pays, entre des belligérants de la même nation, entre 2 factions opposées parlant la même langue, ayant les mêmes origines ou la même religion ; qu'on se rappelle des guerres de Religion dans la France du XVIème siècle, ou la guerre de Sécession en Amérique entre 1861 et 1865, tout ceci était d'une atrocité sans nom. Gimenez montre ici des situations atroces, en ces heures sombres où chaque individu dévoile sa véritable nature, l'horreur traverse constamment les anecdotes et les saynètes dans ce champ de ruines madrilènes à travers de braves gens qui subissent les bombes et des actes parfois cruels, car tout est vu à travers les yeux du peuple. Mais de toutes ces tranches de vie malheureuses, nait parfois une place pour l'espoir, et l'ensemble est de temps en temps compensé par un humour sombre mais bien réel ; on sourit par endroits de cas dérisoires, et c'est ce qui caractérise les oeuvres autobiographiques de Gimenez. En tout cas, malgré une impression répétitive de certaines situations, la lecture de cet album se révèle très édifiante et permet d'en savoir plus sur cette Espagne meurtrie qui en portera longtemps les séquelles et un souvenir amer à travers ses témoins directs. Le dessin de Gimenez est égal à lui-même, toujours assez expressif, je préfère nettement avoir (re)découvert ce triste épisode de son pays à travers une de ses Bd plutôt que par un doc à la télé ou la lecture de bouquins sérieux, je crois que la bande dessinée est un bon moyen pour découvrir des sujets sensibles ou des faits historiques horribles, cette lecture me le prouve.

02/06/2022 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

" C'est vous qui avez fait ça? - Non, c'est Vous!" aurait répondu Picasso à l'officier allemand qui découvrait Guernica. Parce que pour moi il y a beaucoup de Guernica dans l'œuvre de Carlos Giménez. Beaucoup plus que du Hemingway ou du Malraux qui ont donné un tel esprit romanesque à la terrible Guerre Civile Espagnole. Pour qui aime l'Histoire et surtout cette Histoire contemporaine de notre si chaotique XXème siècle , je lis "Les Temps Mauvais " comme une œuvre majeure qui arrive soixante-dix ans après le conflit. C'est le temps qu'il faut à l'Histoire pour se poser. Cette intégrale est composée de quatre tomes construits autour de saynètes allant de une à dix-sept planches. Pas de plans de batailles, ni de stratégie militaire ni de comptabilité macabre et polémique, seulement des familles de Madrid encerclées, affamées qui ont peur et qui reçoivent des bombes sur la tête. Giménez a la prouesse d'éviter tout manichéisme. Du côté 'Rouge' et du côté 'Franquiste" autant de salauds et autant de pauvres bougres morts de trouille d'être condamnés à mort pour un supposé délit d'opinion. Ne nous y trompons pas sur la couverture ce sont bien "des Rouges" qui entrainent le bon oncle Mateo faire une promenade à l'aube. Seules les bombes n'ont qu'une couleur , made in Germany, afin d'inaugurer une triste innovation guerrière : le bombardement massif des villes avec des victimes civiles par milliers. Les tomes 2 et 3 faits d'anecdotes non chronologiques peuvent paraître un peu répétitifs par moment et peser sur la lecture. Mais cela donne aussi une idée du chaos dans lequel vivaient ces pauvres familles. Le formidable trait de Carlos Giménez qui passe subtilement du réalisme à la caricature amplifie l'effet dramatique des situations. Je me souviendrai longtemps de l'histoire du chat Sito avec ce cadre hypnotique des deux frères cadavériques. Il faut être insensible ou indifférent pour ne pas avoir les larmes aux yeux Il y a plus d'émotion et d'humanité dans le trait de Giménez que dans tous les super dessins assistés par ordinateur. La technique ne remplacera jamais le talent. Le tome 4 revient dans la chronologie avec la victoire de Franco et son lot de purges, de haine et d'atrocités. Mais aussi de très belles choses comme ces soldats généreux. Sans oublier "les effets collatéraux": ces épidémies qui touchent avant tout les enfants, sans médicament et sans rien pour soulager. En temps de pandémie cela fait réfléchir. Un scénario travaillé, humain en forme d'hommage aux habitants de Madrid de bonne volonté quels qu'ils soient. Une œuvre de réconciliation? Pourquoi pas, la plaie est encore vive chez nos amis Espagnols. Si pour certains , aujourd'hui, ce conflit peut sembler secondaire par rapport aux nombreuses guerres du siècle, la Guerre Civile Espagnole a eu une très grande importance intellectuelle et stratégique dans l'histoire de la fin de siècle. Un très bel ouvrage qui a largement sa place dans ma bibliothèque au côté de Malraux, Orwell , Hemingway sous les photos de Robert Capa En conclusion je recommande l'édition intégrale avec son dossier et son interview en fin d'ouvrage. Pour tous les amoureux d'histoire et de l'Espagne. Une dernière remarque perso, seulement deux avis pour ce monument c'est un crève-cœur.

14/12/2021 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
L'avatar du posteur Gaston

Un excellent album sur la guerre civile espagnole. Carlos Gimenez montre très bien les horreurs de cette guerre et comment cela a affecté les civils qui se sont soudainement retrouvés dans deux camps. L'auteur montre très bien les souffrances qu'ont endurées les civils durant la guerre et comment les humains peuvent faire preuve de lâcheté et de cruauté. Les différentes histoires sont prenantes quoique j'aie ressenti un certain relâchement durant ma lecture du troisième tome car à la longue les histoires de guerres se ressemblent un peu. Heureusement, il y a du changement au début du tome 4 et on tombe dans la période où les fascistes ont gagné. J'aime bien le dessin de Gimenez que je trouve à la fois dynamique et personnel.

15/06/2014 (modifier)
Par Ro
Note: 4/5
L'avatar du posteur Ro

Depuis 1976, année où il a publié les premières pages de Paracuellos jusqu'à 1985 où il a fini de publier "Les Professionnels" en passant par "Barrio", Carlos Gimenez a raconté sa jeunesse, son adolescence puis sa vie de jeune adulte dans l'Espagne d'après-guerre sous le règne régulièrement ubuesque de Franco. Avec Les Temps Mauvais, il boucle la boucle en racontant la Guerre Civile qui a justement vu l'Espagne tomber sous le joug des Franquistes. Comme pour ses œuvres précédentes, il présente les faits vus de l'intérieur, par les yeux de civils n'ayant rien demandé qui se retrouvent à subir les horreurs de cette guerre qui aura servi à la fois d'exercice préparatoire à la Seconde Guerre Mondiale et de jeux d'échecs et d'entraînement pour les idéologies fascistes d'une part et communistes d'autre part. Hormis quelques histoires se déroulant en camp nationaliste pour montrer l'autre face aussi peu glorieuse des événements, la majorité de la série met en scène une famille ayant survécu comme elle a pu dans la ville de Madrid assiégé de 1936 à 1939. De la tentative de putsch raté des Franquistes jusqu'à la chute de Madrid et leur installation au pouvoir, c'est toute la guerre et ses conséquences qui sont présentées. De cette guerre, je ne connaissais que bien peu de choses. Tous les récits et bandes dessinées que j'avais lus à son sujet se déroulaient généralement sur sa fin, avec le côté romantique des brigades internationales, et essentiellement des histoires de défaites, de magouilles politiques, de mort et d'exode des républicains et des civils concernés. La lecture de cet album s'est donc révélée très instructive mais aussi vraiment édifiante. Carlos Gimenez n'a pas son pareil pour montrer l'injustice des hommes et des scènes particulièrement horribles dans la simplicité de leur cruauté humaine. En parallèle, il maintient en permanence le sentiment de vie, l'humanité voire même l'humour de ses personnages, ne plongeant jamais dans le pathos, tout au plus dans quelques dénonciations sans concession de l'absurdité humaine mais aussi de l'impudence des profiteurs et des phalangistes les plus écœurants. L'auteur prévient en effet qu'il se montrera aussi factuel que possible mais qu'il ne pourra en aucun cas être objectif sur le sujet précis de cette guerre et du camp vainqueur dont il a subi très directement les conséquences durant sa jeunesse. Malgré la rancœur qui s'en dégage, le récit a tout de même à cœur de montrer les deux faces de la médaille de chacun des camps. Il s'en dégage aussi un certain humour, parfois noir, tant l'absurdité des choses peut finalement prêter à sourire... jaune. Excellent ouvrage historique mais aussi excellent récit humain, très bien mené, jamais ennuyeux, très instructif et souvent poignant.

24/04/2014 (modifier)