Les Mohamed

Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)

Une réflexion sur la France d’aujourd’hui, ses évolutions, son métissage, ses peurs, ses nouvelles revendications d’égalité et de justice sociale.


Adaptations de romans en BD Amnesty International BD minimaliste Documentaires Immigrants Témoignages

Jérôme Ruillier nous fait (re)découvrir l’histoire de l’immigration maghrébine à travers des témoignages poignants (en trois parties : les pères, les mères, les enfants), qui rendent compte de la quête d’identité et des effets au quotidien du racisme. Texte : Editeur.

Scénario
Oeuvre originale
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 13 Avril 2011
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Les Mohamed © Sarbacane 2011
Les notes
Note: 3.4/5
(3.4/5 pour 5 avis)
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25/02/2014 | Alix
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L'avatar du posteur Noirdésir

Jérôme Ruillier adapte ici un travail de Yamina Benguigui (« Mémoires d’immigrés »). Il reprend et illustre (de façon assez minimaliste) un grand nombre de témoignages. D’abord ceux des « hommes », venus en premier pour travailler durant les Trente glorieuses, manœuvres, OS, etc., puis les « femmes », venues ensuite, enfin les « enfants ». J’ai plus été intéressé et marqué par les deux premières parties : l’exploitation de ces hommes (dont certains avaient combattu dans les rangs de l’armée française durant la guerre) et le cynisme du patronat (voir le recruteur au Maroc qui examine les futurs travailleurs en espérant qu’il n’y ait pas trop de « déchets ») et des pouvoirs publics, leur isolement dans les bidonvilles et les foyers Sonacotra. Quant aux femmes, c’est un peu la même problématique au niveau de l’isolement, si ce n’est qu’en plus du racisme touchant aussi les hommes, elles souffrent souvent d’une société patriarcale qui fait d’elles des recluses dans leur foyer (minuscule donc), mariée par leur père, etc. certains témoignages (comme cette femme expliquant n’avoir réellement commencé à vivre qu’à 40 ans) sont là aussi bouleversants. La troisième partie n’est pas inintéressante, mais elle m’a moins touché. Surtout, c’est sans doute la partie qui, se voulant la plus « actuelle » lors de la publication du livre de Benguigui, se révèle la plus datée. Au travers de ces témoignages, c’est un pan méconnu – pour ne pas dire occulté ! – des Trente glorieuses et des quelques années suivantes qui est mis en lumière. La richesse collective française s’est aussi bâti grâce à l’exploitation d’une main d’œuvre quasi servile, mal payée, mal considérée, alors même que la période de la guerre d’Algérie a enraciné dans l’opinion la vision de l’Arabe dangereux. Une bonne partie des stéréotypes, et des problèmes liés à l’immigration ont des résonances actuelles. Le recueil de témoignages réalisé par Benguigui est intéressant, et m’a un peu fait penser au livre majeur (un de ceux qui m’ont le plus marqué dans mes nombreuses lectures) de Bourdieu, « La misère du monde », même si c’est moins ambitieux et « politisé ». Par contre, même si je trouve que Ruillier a réussi à rendre fluide cette lecture, et si son graphisme minimaliste et animalier ne m’a pas rebuté, je pense que la version BD n’apporte pas grand-chose au livre d’origine, et que cette adaptation ne se justifie pas complètement. Même si ça peut apporter d’autres ou de nouveaux lecteurs à ce genre de travail (ce qui serait, après tout une justification suffisante ?). Note réelle 3,5/5.

05/09/2023 (modifier)
L'avatar du posteur bamiléké

Malgré les presque 300 pages j'ai lu cette série très rapidement. Le sujet m'a donc intéressé et la narration est suffisamment fluide pour capter l'attention du public. Jérôme Ruillier dans les pas de Yamina Benguigui se réfère à une époque que je connais bien. Paradoxalement c'est peut-être une faiblesse du livre. La période évoquée appartient plus à l'histoire qu'à l'actualité de l'immigration à mon avis. Si le côté hommage aux hommes qui ont participé à la richesse des trente glorieuses est louable et bien exprimé je suis plus circonspect sur d'autres aspects du récit. Pour intéressantes que soit les anecdotes qui parlent de la lutte entre le FLN et le MNA j'ai trouvé cela à la marge du sujet. Puisque l'on parle du bidonville de Nanterre, de condition de travail ou de loi sur le retour avec insistance j'aurais préféré avoir une vision plus précise des luttes ou des prises de consciences qui ont permis l'amélioration de ces situations iniques. La seconde partie interpelle sur la condition de la femme et la troisième partie est mi-figue mi-raisin sur le discours des enfants de ces familles. Je pense qu'une multiplication des anecdotes n'est pas suffisante pour donner une vision plus large et plus approfondie de la thématique d'immigration. Une autre faiblesse de la série est son graphisme. Le côté minimaliste peut se comprendre pour laisser l'espace au discours mais je n'ai pas apprécié le choix de l'auteur dans sa représentation des personnes. Une uniformité qui gomme l'unicité des individus est trop réductrice de la volonté des personnes devant l'adversité. De plus je n'ai pas aimé ce côté animalier que rend le dessin de l'auteur. Une lecture qui possède des points intéressants mais que je trouve assez éloignée des problèmes migratoires contemporains et proposée avec un pauvre graphisme.

05/06/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

J'avais déjà emprunté cet album mais je n'avais pas trouvé le courage de le lire car son dessin trop simpliste et son texte omniprésent m'avaient rebuté. Les avis ci-dessous m'ont poussé à lui donner à nouveau sa chance mais j'en ressors moins enthousiasmé que mes prédécesseurs. D'abord, c'est l'adaptation d'un ouvrage littéraire, ce dernier prenant la forme d'un recueil de témoignages. Le texte est donc prépondérant et plus d'une fois je me suis demandé si l'ajout de dessin y apporte quoi que ce soit. Je ne suis pas convaincu. D'autant que ce dessin n'est vraiment pas folichon, très simpliste, de style enfantin. Ensuite la lecture, avec autant de texte, est un peu lourde et peu motivante. Les témoignages quant à eux sont intéressants. Ils ne m'ont pas foncièrement marqué car ils ne m'ont pas appris beaucoup plus que certaines lectures précédentes que j'avais eues, notamment Demain, demain qui aborde de manière plus appréciable une grande part des sujets abordés dans cet album. La palette de personnes interrogées permet cependant d'avoir un aperçu assez vaste et varié du sujet de l'immigration des maghrébins des années 40 aux années 80. De nombreux faits et témoignages sont plutôt édifiants. C'est donc instructif mais la forme n'apporte pas grand chose au contenu, voire aurait tendance à me décevoir, ce qui n'a pas rendu ma lecture très passionnante.

26/11/2014 (modifier)
Par Canarde
Note: 4/5
L'avatar du posteur Canarde

Voilà une BD dont les dessins sont très moches et qu'il faut absolument avoir lue. Je sais ça parait impossible... et pourtant, c'est vrai. Je ne vois pas qui, après avoir lu ce documentaire, pourrait rester xénophobe. C'est un recueil de parcours de vieux arabes venus travailler en France dans les années 50-60. Ils racontent leur vie, chacun son tour, successivement. Ce n'est pas du tout monotone parce qu'en fait chaque vie est une aventure. Les familles sont venues les rejoindre... ou pas. Les femmes ont dû s'adapter... ou pas. Les enfants ont grandi ici et ont de bonnes situations... ou pas. Tous ces gens, avec leur culture propre, qui ont été déracinés pour construire notre économie mondialisée, des routes, des ponts, des voitures, des logements, ont vécu dans des bidons-villes, des foyers Sonacotra, ont essayé d'élever leurs enfants, de poursuivre les histoires commencées au pays, ont travaillé et sont là aujourd'hui. Représentés comme des sortes de matous immobiles, ils témoignent. Et leurs mots suffisent...

25/09/2014 (modifier)
Par Alix
Note: 4/5
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« Les Mohamed » est une adaptation du roman « Mémoires d’immigrés » de Yamina Benguigui, racontant le calvaire des immigrés maghrébins et de leurs familles dans les années 60, alors que le gouvernement français se lançait dans une campagne d’importation de main d’œuvre bon-marché. Le constat est édifiant : déracinement de tout un peuple, séparation de familles, ségrégation des travailleurs maghrébins, confinés dans des dortoirs lacustres sans aucun contact avec le monde extérieur, travail éreintant (mines, métallurgie) 6 ou 7 jours par semaine payé au lance pierre. Que de rêves et de vies brisés, l’histoire de Mamoud (page 79) a bien failli me faire chialer. Le ton est pourtant juste et ne verse pas (trop) dans le misérabilisme. Certains passages font preuve d’un optimisme et d’un humanisme qui fait plaisir à voir (voir « marche des beurs » sur la fin). Par contre je suis moyennement convaincu par le format BD. Ce genre d’histoires basées presque exclusivement sur des entretiens témoignages sont par nature très verbeux, et la mise en image n’apporte finalement pas grand-chose. On sent pourtant que le dessinateur souhaite s’exprimer plus abondamment au travers quelques passages remplis de symbolisme, mais de manière générale on enchaine surtout les planches « entretiens », cad quelques visages et beaucoup de texte. L’ouvrage est aussi un poil long, les témoignages finissent par se ressembler, ce qui en dilue leur impact, un comble ! Je recommande cependant cet ouvrage (ou le roman dont il est tiré) malgré ces petits détails techniques. Le contenu est poignant et instructif, et à mettre dans toutes les bibliothèques scolaires, pour rappeler à toute une génération le calvaire des immigrés français.

25/02/2014 (modifier)