Le Chevalier Imberbe

Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)

Saint-Cuistre, dans un XIIème siècle parallèle…


Féminisme Les petits éditeurs indépendants Transidentité

Isabeau est un chevalier de renom, au service d’Aliénor d’Aquitaine, en route sur sa moto-cross pour les Croisades. Isabeau a tout pour plaire : le charisme, la joie de vivre, l’aventure dans le sang. Cependant, une chose est étrange : personne n’a l’air de savoir si Isabeau est une femme ou un homme. Pas même la belle Radegonde, mariée au cousin d’Isabeau, le seigneur Clotaire. Mais quelle importance ? Tout le monde adore Isabeau. Il y en a quand même une qui n’a pas l’air d’accord, c’est la terrible cléricale Dame Marguerite, qui semble bien décidée à pourrir la vie de notre jeune chevalier et de la demoiselle de son coeur.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 11 Décembre 2024
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Chevalier Imberbe © Exemplaire 2024
Les notes
Note: 3/5
(3/5 pour 1 avis)
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01/05/2025 | Deretaline
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Le Chevalier Imberbe, c'est un melting pot d'idées et de propos intéressant-e-s. Déjà, au niveau de la forme, c'est un mélange de récit médiéval, avec des termes d'époques et des poncifs scénaristiques de la chanson de geste, et d'anachronismes modernes comme des motos remplaçant les chevaux ou des radios utilisés pour communiquer. Ce parti-pris qui n'est pas nouveau est ici intelligemment utilisé pour à la fois témoigner de l'aspect intemporel de la problématique, mais également pour parler du sujet qui nous est très contemporain de la transidentité et de la libération des carcans du genre tout en soulignant le côté moyenâgeux de la pensée conservatrice souhaitant s'y opposer. Un propos simple mais ambitieux, ou en tout cas un minimum intéressant. L'histoire est celle d'Isabeau, l'éponyme chevalier imberbe en route vers les croisades de la reine Aliénor. Il s'arrête quelques temps chez son cousin et y rencontre Radegonde, la femme dudit cousin, avec laquelle il va petit à petit tomber amoureux. Une histoire d'amour interdite c'est déjà beaucoup de problèmes, alors si on rajoute en plus à cela que personne (je dis bien personne) ne semble savoir si Isabeau est un homme ou une femme, on peut-être sûr que si leur secret venait à se faire savoir la catastrophe serait assurée (les remous du qu'en-dire-t-on, tout ça tout ça). Comme dit plus haut, l'album tourne autour de la question du genre. On ne nous dit jamais quel est le genre d'Isabeau, lui-même s'exprime sur le sujet en disant qu'il préfère que les gens ne le sachent pas car il n'apprécie pas que l'on change sa manière d'agir en fonction de la perception que l'on a de lui. Par son apparence androgyne et son refus de s'exprimer sur la question de son identité de genre on traite le sujet de la liberté de tout individu à s'identifier comme iel l'entend et surtout de l'absurdité du besoin d'enfermer tout le monde dans des petites cases étriquées censées les définir. On permet également à Isabeau de représenter toutes les identités transgenres, qu'elles soient binaires ou non, fluides ou non. On ne sait pas ce qu'il est si ce n'est Isabeau, et c'est déjà bien assez pour pouvoir l'apprécier. On note d'ailleurs qu'il semble accorder ses phrases au masculin lorsqu'il parle de lui (on apprend au détour d'une phrase que l'écriture inclusive existe dans cet univers ce qui le rend particulièrement notable), ajoutant ainsi une dimension intéressante en abordant la question de la distinction de l'emploi des pronoms genrés et du genre de l'individu en lui-même. Il y a aussi l'antagoniste de cette histoire, Dame Marguerite, se présentant comme la défenseuse de la cause féminine tout en enfermant quotidiennement les femmes dans le rôle d'êtres serviables et soumises à leur maris. On devine dans ce personnage une caricature du mouvement TERF (Trans Exclusionary Radical Feminist), qui sous couvert de féminisme réduit les femmes à des êtres biologiquement inférieurs aux hommes et ne pouvant sortir d'une certaine vision très fermée de ce que doit être une femme (tant dans l'apparence que dans le comportement). Radegonde, dont Dame Marguerite est chargée de l'éducation, souffre justement de sa vision trop étriquée de ce que doit être une femme. Radegonde aime sortir, Radegonde aime se battre, Radegonde aime porter des bottes de combats (oui, on le voit sur deux/trois cases), Radegonde ne se rase pas les guiboles, Radegonde fume, Radegonde se travestit même à un moment, bref, Radegonde n'est pas féminine. Sauf qu'en fait si, justement. Radegonde est une femme, elle ne s'enferme simplement pas dans ce qu'une femme devrait être selon l'opinion d'autres personnes. Vous l'aurez compris, ici on parle du genre sous toutes ses coutures, en tout cas on essaye d'aborder de nombreuses facettes de la chose. Bon, après, tout n'est pas parfait. L'histoire est un peu trop simple, certains passages semblent survolés avec une désinvolture presque déconcertante, mais je parviens à pardonner ces petites déceptions car je trouve le propos intéressants et que les romances codifiées façon chanson de geste arrivent parfois à faire mouche chez moi. J'aurais préféré que l'histoire soit un peu plus étoffée et les personnages un peu plus développés mais j'ai tout de même apprécié ma lecture. Le dessin de Tamos est intéressant, j'apprécie son aspect enfantin proche de dessinateur-ice-s comme Pef. Il y a un côté naïf dans les expressions et les mouvements que je trouve vraiment charmant (même si je me doute que cela ne fera pas l'unanimité). Une ode à l'individualité, une présentation caricaturale des pensées conservatrices, une histoire d'amour, un récit perfectible mais pas inintéressant. Pas parfait, donc, mais une lecture qui ne m'a sincèrement pas déplu.

01/05/2025 (modifier)