Environnement toxique (Ducks: Two Years in the Oil Sands)

Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)

Un témoignage nécessaire fort et sensible dans la lignée de #Metoo


Auteurs canadiens Autobiographie Canada Documentaires Environnement et écologie Féminisme Gros albums La BD au féminin Nouveautés BD, comics et manga Violences faites aux femmes

Pour rembourser son prêt étudiant, Kate n'a guère le choix : elle doit quitter sa Nouvelle-Écosse natale pour aller travailler à l'autre bout du Canada, dans l'ouest lointain, là où l'on extrait le pétrole des sables bitumineux. Souvent isolée, naviguant de site en site, la jeune femme découvre un monde marqué par le harcèlement quotidien et le sexisme de nombreux collègues masculins. Sans se départir de son empathie ni de son humour, soutenue par des allié.e.s de confiance, Kate s'interroge sur la violence de son univers professionnel, qu'il s'agisse des relations humaines ou de l'exploitation forcenée des ressources naturelles. A-t-elle mis les pieds dans un univers parallèle, ou cette violence n'est-elle que le reflet de notre société ?

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 08 Mars 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Environnement toxique © Casterman 2023
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 1 avis)
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09/03/2023 | Mac Arthur
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L'avatar du posteur Mac Arthur

Cette lecture interpelle. Environnement toxique est un récit autobiographique dans lequel l’autrice partage son expérience comme ouvrière au sein de compagnies travaillant sur les sables bitumineux au Canada. Il s’agit d’un récit très personnel et touchant par plusieurs aspects. Kate Beaton est autodidacte et cela se ressent dans son dessin comme dans son découpage. Le trait est parfois raide, les proportions ne sont pas toujours respectées. La bande dessinée en elle-même se présente plus comme une juxtaposition de scènes que comme un récit construit avec une vision d’ensemble. Elle présente donc un rythme assez syncopé. Enfin, malgré une volonté manifeste de l’autrice de bien caricaturer chaque personnage, il n’est pas toujours évident de savoir qui est qui (même si en règle général, le risque de confusion demeure très limité). Ceci pour vous dire qu’il ne faut pas lire ce récit pour ses qualités techniques mais bien plus pour ce que l’autrice a à nous dire. Je m’attendais à lire un récit vaguement féministe mais surtout écologiste. Au final, j’ai eu l’inverse puisque l’essentiel du propos se centre sur les comportements sociaux entre collègues. J’ai beaucoup aimé son analyse de la situation, réfléchissant au sujet des comportements masculins sur des critères plus subtils que le simple « c’est un homme, donc un primate ». Ici, la structure des camps, le fait que les femmes soient en forte minorité, l’isolement ou le manque de prise en charge psychologique du personnel sont autant de critères qui viennent nourrir les réflexions de l’autrice, avec cette interrogation en point d’orgue : « et si mon père -image de l'homme protecteur, juste et droit- était ici, son comportement serait-il différent de celui des autres ? » Mais cette analyse n’empêche pas l’émotion. Certains passages sont très durs (Kate Beaton sera violée à deux reprises) mais racontés avec beaucoup de pudeur, ce qui émeut d’autant plus. Le récit étant chronologique, les questionnements sur l’environnement ou sur le sort des populations locales ne surviennent que dans le dernier tiers, soit au moment où ils commencent à faire débat dans la presse. Au fil des pages, l’autrice mûrit. De l’oie blanche qu’elle était à ses 21 ans et à son arrivée, elle devient une femme qui ose s’affirmer mais aussi s’interroger sur ses responsabilités. On a donc également droit au portrait d'une femme qui grandit, marquée par les traumatismes subis comme par les rencontres plus positives. Dans l’ensemble, les deux aspects que je retiens prioritairement sont la qualité d’analyse de l’autrice et la pudeur avec laquelle elle relate les événements (on n’apprend ainsi que dans la postface qu’une de ses sœurs est décédée d’un cancer après avoir elle aussi travaillé sur ces sites durant de longs mois, l’autrice n’en parle absolument pas dans la bande dessinée en elle-même, comme si cette douleur-là, elle voulait la garder pour elle, sans l’exhiber). Cette lecture, malgré ses limites techniques, a donc réussi à me toucher et à m’interpeller. Et pour ça, je dis « franchement bien ! ».

09/03/2023 (modifier)