Environnement toxique (Ducks: Two Years in the Oil Sands)

Note: 3.43/5
(3.43/5 pour 7 avis)

Un témoignage nécessaire fort et sensible dans la lignée de #Metoo


Auteurs canadiens Autobiographie Canada Documentaires Environnement et écologie Féminisme Gros albums La BD au féminin Violences faites aux femmes

Pour rembourser son prêt étudiant, Kate n'a guère le choix : elle doit quitter sa Nouvelle-Écosse natale pour aller travailler à l'autre bout du Canada, dans l'ouest lointain, là où l'on extrait le pétrole des sables bitumineux. Souvent isolée, naviguant de site en site, la jeune femme découvre un monde marqué par le harcèlement quotidien et le sexisme de nombreux collègues masculins. Sans se départir de son empathie ni de son humour, soutenue par des allié.e.s de confiance, Kate s'interroge sur la violence de son univers professionnel, qu'il s'agisse des relations humaines ou de l'exploitation forcenée des ressources naturelles. A-t-elle mis les pieds dans un univers parallèle, ou cette violence n'est-elle que le reflet de notre société ?

Scénario
Dessin
Couleurs
Traduction
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 08 Mars 2023
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Environnement toxique © Casterman 2023
Les notes
Note: 3.43/5
(3.43/5 pour 7 avis)
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09/03/2023 | Mac Arthur
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Par Canarde
Note: 4/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Canarde

Ce récit m'a beaucoup appris, parce qu'il nous partage une expérience. Ce n'est pas un brûlot anti-extractiviste. C'est seulement en toile de fond qu'on peut deviner la pollution engendrée par l'exploitation des gaz de schistes. Mais l'objectif est encore plus vaste, le message va plus loin que l'écologie, il parle de nos rapports humains et de la société que nous voulons. Le chemin pour arriver passe par de grandes entreprises, hiérarchisées, où chacun vit avec ses collègues pour être au plus près du gisement, et reste éloigné de son monde habituel pendant des mois. Une sorte d'environnement sectaire, au sens où on est séparé du reste de la société : des lois nouvelles s'appliquent, des rapports nouveaux s'instaurent. Et une grande part de la toxicité de cet environnement , c'est la domination sans appel (puisqu'on est loin de tout) et sourde, informulée pas vraiment assumée entre les plus anciens dans l'entreprise et les nouveaux arrivants puis bien-sûr entre les hommes et les femmes. Tout cela est décrit par le menu, lentement, précisément, d'entreprise en entreprise avec des nuances, on ne peut pas dire que c'est pareil partout, mais c'est un système qu'on pourrait qualifier de communautariste, qui coupe les gens de leurs appuis familiaux et amicaux au point de les rendre captif à ce fonctionnement asphyxiant. Le virilisme ambiant conduit aussi les ouvriers à prendre des risques, à ne pas respecter les règles de sécurité, à mourir. Dans un univers finalement assez dépressif ou la domination apparait plus comme un remède à la dépression que comme une jouissance. La pression sexuelle et sexiste des hommes sur les femmes est une toile de fond grise, lourde, quotidienne, qui est entièrement liée à l'entreprise. Dès qu'elle sort, comme en permission, elle respire de nouveau. Ce n'est pas une succession de viols sordides, non, c'est une pression diffuse, mais jamais relâchée, qui profite de chaque moment de faiblesse et de solitude. J'ai perçu cette obligation qu'elle a de gagner de l'argent pour rembourser ses études comme une période de prison, un purgatoire institutionnalisé. Comme si la société estimait de son devoir de faire entrer les jeunes gens dans ce moule inégalitaire et de les rendre complice de cette exploitation forcenée de la nature. Je comprends les réserves de certaines aviseurs, qui trouvent la BD trop longue, trop linéaire, trop monotone, mais ce dispositif est nécessaire pour que le témoignage nous arrive réellement : cette pression, ce temps qui s'allonge dans l'isolement, dans un environnement gris, ou les personnages sont sans relief, comme vous et moi. Si vous raccourcissez l'affaire cela peu passer pour une expérience personnelle désagréable, une entreprise défaillante et exceptionnelle, ce n'est pas le propos : toute entreprise de grande taille, sera obligée de fonctionner avec un système hiérarchisé qui aura du mal à fonctionner sans domination et aura tendance à reproduire ces situations qui rendent le monde plus triste, plus délictueux, plus accidentogène, voire même plus meurtrier. L'investissement dans des machines complexes est rendue possible par un monde financiarisé qui démultiplie la monnaie sur la planète. Mais cette puissance collective ne ruisselle décidément pas jusqu'à nous. Cette BD touche au nœud de la dépression capitaliste : l'extraction forcenée des ressources, la domination des uns sur les autres rapporte de l'argent à une minorité, mais qu'avons-nous à y gagner ? Coup de cœur, ce n'est peut-être pas approprié, ce serait plutôt un coup de poing dans nos ventres repus.

23/09/2023 (MAJ le 23/09/2023) (modifier)