Perpendiculaire au soleil
2023 : Grand Prix Artemisia "Huit jours après mon vingtième anniversaire, j'ai été condamné à mort ". Renaldo McGirth. "Le bleu du ciel et l'orange des uniformes des condamnés sont trop parfaitement complémentaires. Je n'ai pas envie de trouver ça joli". Valentine Cuny-Le Callet.
Delcourt Encrages Grand Prix Artemisia Gros albums La BD au féminin La gravure sur bois One-shots, le best-of Peine de mort Prisons [USA] - Dixie, le Sud-Est des USA
Au travail au crayon et en gravure sur bois, se mêlent des images singulières, colorées, qui parlent de la beauté du monde, qui ont vu le jour dans des conditions extrêmes. Témoignage bouleversant sur une amitié naissante, ce récit se penche sur la brutalité du système carcéral, et la ténacité avec laquelle les condamnés reconstruisent leur vie, depuis une cellule de cinq mètres carrés.
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Date de parution | 31 Août 2022 |
Statut histoire | One shot 1 tome paru |
Les avis
Je suis toujours ravi quand une BD me donne envie de mettre comme seul commentaire : lisez-la, et qu'elle me fait fermer ma gueule. Parce que je pourrais l'ouvrir tout grand pendant des heures sans pour autant arriver à expliquer ce qu'il faudrait, l'essentiel restant uniquement de la lire. Mais essayons un peu ... Parlons de ce dessin, magnifique avec un mélange de gravure sur bois et de dessin au crayon, quelques touches de couleurs hautement symboliques. De ces cases où s'empilent des allégories, des métaphores, des dessins d'après photo, des textes. De ces longues et grandes planches, pour comprendre l'enfermement. Parlons de cette histoire, de l'humanité qui s'en dégage. De cet homme enfermé, de cette femme libre, de leur correspondance, de tout ce qu'elle découvre petit à petit : l'injustice dans la justice, la violence dans la répression, la prison, l'autre monde ... Parlons des sujets traités : l'art, la rédemption, la justice, l'humanité, le racisme. Les questions qui restent après lecture : comment peut-on justifier une telle violence envers ceux qui l'ont eux-mêmes exercés. Le questionnement de ce qu'on veut comme société, nous mettre face à ces choix difficiles que souvent on évacue sous le tapis, laissant d'autres s'en préoccuper. Et si je dois dire une dernière chose, c'est que cette BD nous met le nez dans cette question, nous oblige à nous la poser : que voulons-nous comme justice ? La BD rappelle qu'aujourd'hui une majorité des français sont favorables au retour de la peine de mort. Cette BD nous crie que cette question décide du sort d'êtres humains. Et qu'il ne faut pas, jamais, considérer que c'est une question légère. Une BD indispensable. Une BD profondément humaine.
Énorme coup de cœur pour cette BD que j’ai mis très longtemps à aller chercher à la bibliothèque : j’ai eu longtemps peur que l’autrice soit une espèce de fétichiste un peu comme les fans de Charles Manson qui le contactaient pour lui faire des demandes en mariage, je me demandais pourquoi ces gens qui écrivent aux prisonniers veulent passer du temps à distraire les bureaux (oui ça partait très mal pour moi lol). Finalement je me suis décidée à le prendre. Déjà c’est une œuvre d’art géniale, les dessins sont super beaux avec plusieurs moments expérimentaux pour passer entre les mailles de la censure des prisons. Même s’il y a des moments assez durs (ceux où elle décrit les exécutions dans la torture et les raisons pour lesquelles les crimes des condamnés ) ce n’est pas trash et ça vous passe l’envie de vouloir avoir la peine de mort dans un pays . Foncez vous ne serez pas déçus !
Je n'ai pas hésité à mettre la note max à cet ouvrage aussi original que saisissant. La thématique de la peine de mort est assez souvent reprise mais ici Valentine Cuny-Le Callet produit une œuvre d'une grande densité qui aborde la problématique par le bon bout. En effet la notion de degré de culpabilité est secondaire dans la question de fond sur la légitimité de la peine capitale. En évoquant plusieurs anecdotes atroces, Valentine montre qu'elle n'élude pas cet aspect. Mais le sujet se pense en nature et pas en degré. Comme elle le propose. L'autrice s'inscrit ainsi dans les pas de Victor Hugo (Claude Gueux, Les derniers jours d'un condamné) où il n'y avait aucun doute sur la culpabilité du prévenu. Valentine place immédiatement son récit sur le plan du contraste entre l'humanité de Renaldo et l'inhumanité du système carcéral. C'est d'ailleurs paradoxal car c'est souvent un acte inhumain qui a conduit ces hommes dans le couloir de la mort mis en place par une société qui se revendique comme modèle d'humanité. Je suis impressionné par la maturité du propos de la jeune autrice de 24 ans. Maturité dans la construction de son récit et maturité dans son graphisme où elle utilise plusieurs techniques. Comme le souligne Valentine, cette double violence la dépasse. C'est uniquement en se réfugiant dans les différentes références artistiques qu'elle peut avancer sur son objectif sans y laisser trop de son affect. J'ai perçu Valentine dans un constant besoin d'équilibre pour trouver la position juste vis à vis de Renaldo. C'est une problématique très connue des bénévoles associatifs dans ce type de situations où la mort est très présente. Elle ne doit pas envahir tout l'espace mais ne doit pas non plus se laisser envahir par Renaldo. Malgré sa jeunesse, je trouve que Valentine réussit admirablement bien cet exercice. Le pavé de plus de 400 pages peut paraître un peu lourd mais cela permet à l'autrice des passages bien aboutis sur des voies de traverses comme le racisme aux USA ou certaines règles de fonctionnement du système carcéral. Toutes les œuvres qui traitent sérieusement du monde carcéral (L'Accident de chasse, Panthers in the hole) mènent à des questionnements fondamentaux sur notre humanité. L'œuvre de Valentine Cuny-Le Callet ne déroge pas à la règle. Une lecture exigeante et marquante d'un excellent niveau.
Valentine Cuny-Le Callet nous livre ici une œuvre dense et hybride, où elle évoque sa correspondance avec Renaldo McGirth, jeune prisonnier afro-américain détenu dans le couloir de la mort. Plus qu’une simple dessinatrice, celle-ci pratique également la gravure, et par un seul feuilletage du livre, on ne peut être qu’impressionné par le talent de cette artiste qui jaillit littéralement de ces pages. Si ce pavé impressionne également par son poids (plus de 400 pages tout de même !), il nous laisse qui plus est en état de sidération par son propos et sa complexité. « Perpendiculaire au soleil » est avant tout une œuvre intime relatant une expérience qu’on imagine poignante. Accusé de meurtre lors d’un braquage chez des particuliers aisés, Renato McGirth a été condamné en 2008 à la peine capitale mais continue à croupir dans le couloir de la mort en raison des complexités de procédure. Agé de 34 ans aujourd’hui, l’homme clame son innocence, estimant qu’il n’a pas eu droit à un procès équitable. Valentine Cuny-Le Callet, sensibilisée très tôt par les questions autour de la peine de mort et du système carcéral américain, est entrée en relation avec le condamné suite à son inscription à l’ACAT, une association chrétienne militant pour l’abolition de la peine de mort. Sans rien savoir de son correspondant au départ, la relation épistolaire qu’elle entame avec lui révèle que le jeune noir manifeste un goût pour l’art et la littérature. Au-delà des courriers, l’un et l’autre échangeront également leurs dessins, transformant leur relation en démarche quasi-artistique, dont cette bande dessinée sera le fruit. De fait « Perpendiculaire au soleil » est une œuvre tripale, où l’autrice exprime bien évidemment sa révolte vis-à-vis des conditions d’emprisonnement inhumaines concernant les condamnés à mort aux Etats-Unis, qui en grande majorité sont afro-américains et bénéficient rarement d’un traitement judiciaire exemplaire. Cuny dénonce ainsi la ségrégation raciale rappelant une époque qu’on voudrait croire révolue mais qui encombre encore largement le système judiciaro-policier de ce pays, lequel aime à se prétendre phare de la démocratie dans le monde. Vibrant plaidoyer contre la peine de mort, le livre aurait peut-être pu se faire plus synthétique d’un point de vue narratif, mais cette densité est compensée par le talent graphique de l’artiste qui se déploie sur ces 400 pages, lequel pouvait difficilement subir un tronçonnage dans sa logique descriptive. Tout en noir et blanc, le dessin et les gravures font de « Perpendiculaire au soleil » un véritable objet d’art. Les seules touches de couleur apparaissent dans les œuvres de Renato McGirth que l’autrice reçoit par la poste. A titre très personnel, l’auteur de ces lignes a moins été touché par ce récit autant qu’il ne l’espérait. Est-ce dû au fait qu’à un moment, Renaldo semble se recroqueviller sur lui-même, peu disposé à laisser éclater son émotion ? Le filtrage discutable des courriers, hallucinant et odieux par les motifs invoqués (« images racistes non autorisées » quand il est question d’un portrait d’un militant des Black Panthers), n’a pas dû contribuer à fluidifier l’échange de façon sereine. Entre les retours à l’envoyeur et la censure qui ne veut pas dire son nom, Cuny a dû recourir à des stratagèmes incroyables, tels l’amputation de ses images évoquant l’histoire du racisme aux USA ou la contre-culture afro-américaine. « Perpendiculaire au soleil » est une œuvre qui sans nul doute fera date, méritant sa place dans toutes les médiathèques scolaires et municipales. D’ailleurs, on serait presque étonné de constater que le livre n’ait pas figuré pas dans la sélection officielle angoumoise, coutumière des productions hors normes de ce type. La bonne surprise viendra finalement de la Fnac, qui peut-être aura voulu faire amende honorable — sait-on jamais ? —, après la tentative de censure opérée l'an dernier contre le jeu de société « Antifa », sous la pression de l’extrême-droite et d’un syndicat de policier.
Un album décevant pour ma part, sur le fond du moins. Je m'attendais à en apprendre plus sur le système carcéral américain, surtout vu la pagination conséquente. Certes on a tout de même quelques informations, sur ce qu'il est autorisé de faire ou non, et d'écrire ou non dans la correspondance entre l'autrice et un homme condamné. Une bonne partie du propos est même sur la façon d'échanger de manière à éviter d'être intercepté par les vérifications de la prison parfois kafkaïennes. Pour autant c'est une longue litanie d'échanges épistolaires qu'on suit sans passion. On ne sait pas toujours trop qui dessine quoi dans cette histoire à 4 mains et je pense que pour différentes raisons elle ne peut pas créditer Renaldo de ses oeuvres. Toujours est-il qu'ils échangent régulièrement et partagent un même goût artistique pour le dessin. Chapeau pour l'engagement pour au moins quelques minutes changer les idées de ses personnes emprisonnées, et si jeune en plus. Au même âge j'étais loin d'avoir une telle conscience sociale. L'auteur ne prend pas parti, elle ne cherche pas à excuser le geste de cet homme ni à l'innocenter d'une quelconque erreur judiciaire. Un album calibré par son sujet, et il faut avouer par son graphisme noir et blanc ultra léché, pour collecter les récompenses.
Un album remarquable !! Malgré le bon retour, je dois dire que j’en attendais pas grand chose (le sujet …), plusieurs fois que je repousse sa lecture … finalement je l’ai torpillé dans la soirée, en marquant quelques pauses tout de même, + de 400 pages, c’est du costaud, il faut être dans de bonnes conditions. Sur un sujet qui ne m’attire guère, une correspondance avec un condamné à mort en Floride, l’autrice a réussi à me captiver. Elle propose un récit fluide, intelligent et d’une belle humanité, c’est très bien construit et majestueusement mis en images. Sa maîtrise du noir et blanc et la variété de son trait sont assez bluffantes. L’histoire doit évidemment beaucoup à Renaldo mais l’autrice sublime ce témoignage par sa personnalité et son talent de conteuse. Sur le coup, j’ai un peu bloqué sur la fin mais plus j’y pense plus elle me semble réussie, ainsi que la provenance du titre. J’ai beaucoup aimé et appris beaucoup de choses, un album qui va me marquer et une sacré entrée pour Valentine Cuny - Le Callet dans le monde du 9eme art. Je vais laisser digérer mais pas loin du culte, je ne vois que des qualités. Cette album n’aurait pas démérité dans la sélection officielle d’Angoulême, mais qu’importe il sera à coup sûr dans le prix 2022 des lecteurs du site :) (Édit suite parution des prix lecteurs 2022 : finalement ce tome n’en fera malheureusement pas parti ?! Mais qu’importe ça reste une lecture marquante de 2022) Autres infos, l’autrice « adapte » son livre « Le monde dans cinq mètres carrés » sortie en 2020, et qu’elle est tout aussi talentueuse que la scénariste de Médée ;)
Voilà sans doute l'une des plus belles BD de l'année. Graphiquement époustouflante, cette première incursion de Valentine Cuny-Le Callet dans cet univers mérite que l'on s'y attarde. Quelle patte ! La maturité avec laquelle cette jeune-femme de 24 ans passée par les Arts-déco empoigne son sujet est impressionnante. Elle varie les techniques avec aisance : trait gras du pastel, gravure rappelant le travail d'un Frans Masereel... On saisit aussi avec effroi le sort cruel réservé aux condamnés à mort qui doivent "patienter" des années avant l'application définitive de la sentence. C'est cruel et c'est presque une double peine. Alors bien entendu, notre homme est impliqué dans une histoire de meurtre et n'est (ne fut) sans doute pas un enfant de cœur, mais rien n'est dit de son implication réelle. Dans mon souvenir, il y a un flou autour de cette question. D'après le principal concerné, c'est une erreur... Mais finalement peu importe car d'une part Valentine Cuny-Le Callet n'a pas les moyens de le savoir, pas plus qu'elle n'a envie de s'attarder sur la question. Elle ne juge pas. C'est une très belle leçon. Et puis on réalise que ce temps d'attente a donné à notre condamné l'occasion de réfléchir là dessus, sur cette affaire dont il est finalement le seul à connaitre le fond. Seul face à lui-même... De ce point de vue, l'œuvre de Valentine est vraiment très forte et vous saisit des deux côtés. Mes réserves se portent sur la conclusion, ou du moins son ouverture (il s'agit d'une conclusion ouverte, hein ?). En effet, comment conclure une telle histoire ? On s'en doute, c'est la mort qui attend Renaldo McGirth, même si on peut espérer une révision du jugement. Mais j'avoue que j'ai un peu perdu le fil et j'ai refermé ce pavé avec un vague goût d'eau de boudin. Tout ça pour ça ? C'est la question qui s'est imposée à moi. Je me suis toutefois promis de relire cette BD à nulle autre pareille. Et peut-être qu'alors, je relèverai ma note.
Je vais faire mon rabat-joie ou du moins mon insensible avec mon avis. Quand j'ai emprunté cette BD, j'étais persuadé de m'apprêter à lire un petit chef d'oeuvre au vu des avis précédents. Je m'attendais à quelque chose de fort. Mais j'ai assez vite réalisé que ce n'était pas du tout ma tasse de thé. J'étais intrigué par l'idée de fond, un dialogue entre une autrice française et un condamné à mort américain : je ne savais pas trop ce qui pourrait en ressortir mais j'étais curieux. L'initiative est louable dans tous les cas car forcément on n'a très peu de visibilité sur l'état d'esprit de ceux qui patientent dans le couloir de la mort, préférant les déshumaniser en pensant qu'il s'agit d'une part de criminels et d'autre part de morts en sursis. Alors oui, cet ouvrage permet de réaliser à quel point l'interlocuteur de l'autrice est différent des clichés qu'on peut imaginer. On constate d'abord qu'une dizaine d'années après son incarcération, il n'a plus rien de la petite frappe de banlieue noire qu'il était au moment de sa condamnation, c'est devenu un adulte qui a largement eu le temps de réfléchir à ses actes et de passer à autre chose mentalement. On constate aussi très vite qu'il s'agit d'un esprit artistique, adepte de dessin et très curieux de toutes les sources d'inspiration et d'information qu'il peut obtenir. Et du coup, au lieu d'un dialogue entre un prisonnier et un auteur, l'ouvrage est en réalité un dialogue entre deux esprits artistiques, comparant leurs techniques, s'abreuvant mutuellement de leurs références, de leurs expériences et de leurs essais. L'autrice en profite pour réaliser une foule d'oeuvres graphiques inspirées par son interlocuteur et leur dialogue, dont beaucoup de gravures-impressions, comme l'élève des Arts Décoratifs qu'elle était. Et même si visuellement, ces oeuvres sont jolies, leur message a glissé sur ma peau. Je n'ai rien ressenti et je me suis profondément ennuyé sur la majorité des dialogues entre ces deux personnes. Il y a trop d'empreinte artistique dans cet ouvrage pour toucher mon esprit trop logique et matérialiste. Je manque sans doute trop d'humanisme en vérité. Je n'ai pas trouvé dans cet ouvrage ce que je pensais y trouver, et son véritable contenu ne m'a pas intéressé.
Futur fauve d'or d'Angoulême 2023 ? Depuis presque 25 ans que je déambule sous les bulles, pour la première fois l'année dernière, j'ai vu juste quant à l'album lauréat du fauve d'or. Je retente donc ma chance pour 2023 (tout en prenant plus de risques car je ne sais même pas si la bd sera dans la liste officielle), avec cet album coup de poing plus que coup de cœur. Disons que je pars avec une belle cote, allez pour la beauté du geste disons 100/1. Valentine Cuny-Le Callet est de ces personnes qui vont au bout des choses. Elle est contre la peine de mort, comme je l'espère encore une large majorité d'entre nous. Mais elle ne s'arrête pas là, comme personnellement je le fais, en me contentant de gueuler devant mon écran lors des débats télévisés sur la question. Non, elle, elle entame une relation épistolaire, à 19 ans !, avec un condamné à mort américain. Il faut déjà en avoir dans le bide. Oui, dans le bide, car faire ceci, c'est risquer de se prendre en pleine tronche les horreurs des crimes du condamné mais aussi se retrouver face à la grosse machine juridico-carcérale américaine, qui sans vouloir tomber dans le cliché hollywoodien, fait quand même vraiment peur. Et comme si cela ne suffisait pas, elle prend la décision d'en faire un bouquin, dans un témoignage à la limite de la catharsis. Non, franchement, rien que pour ça, je trouve que mon pari devient de moins en moins risqué. 70/1. Et ce bouquin, qu'est ce qu'il vaut ? Dès le départ, on entre dans le vif du sujet, Valentine Cuny-Le Callet nous fait entrer dans le système pénitentiaire américain et sa sentence maximale : la peine de mort. Dès le deuxième petit chapitre, des dessins reprenant des photos de condamnés à mort juste avant ou après la sentence nous place dans le contexte de ce bouquin. Ici, on va parler de mort. De mort données par d'autres. Que cela soit par les meurtriers condamnés ou par les bourreaux (justice, matons, État). Pas de complaisance donc, pas de fausse naïveté non plus, la plupart du temps, les condamnés sont de vrais méchants, le haut de la planche en page 16 nous le rappelle. Néanmoins, la question posée est celle du droit à donner la mort, quel que soit le contexte. L'autrice y répondra plus tard dans le bouquin, pas la peine d'épiloguer sur sa réponse. La puissance de l’œuvre se trouve donc ici, dans cette volonté de ne rien épargner aux lecteurs. Je salue d'ailleurs le choix de l'autrice de ne divulguer que sa première lettre, dès le début de l'ouvrage, pour ensuite laisser la part belle aux lettres de son correspondant. On entre dans sa peau, on vit avec elle les coups de poignard que sont les mots rédigés par l'autre. Comment peut-on être si solide et si mature à 19 ans ? J'en suis encore estomaqué. 50/1. On suit donc les relations entre cette jeune femme d'une force incroyable et un condamné à mort. Je n'ai pas encore mentionné son nom, mais Renaldo McGirth est donc ce condamné à mort. Pour un crime horrible. Pour lequel il clame son innocence. Au cœur de l'ouvrage, Valentine nous explique, froidement, méthodiquement, le meurtre pour lequel Renaldo se retrouve dans le couloir de la mort. Sans se substituer à la justice, juste en pointant du doigt certains éléments troublants, et encore. Ce n'est pas le propos du bouquin, je l'ai mentionné plus haut. Non, cet ouvrage nous renvoie à nos démons. A ce que nous sommes capables ou non de faire, à ce que nous sommes capables ou non de ressentir. 40/1. Il y a réellement deux bouquins dans ce bouquin. L'un traite de la peine de mort donc, mais aussi des conditions de vie des condamnés dans le couloir de la mort, et par extension en prison, avec ce doux paradoxe bien hypocrite qui est celui de la réinsertion. L'autre nous raconte les échanges qui auront donnés naissance à la bd. C'est assez incroyable d'ailleurs de voir comment ces deux-là ont réussi à débattre artistiquement dans cet enfer. Si tout à l'heure je parlais de démon, là nous sommes face à l'incroyable capacité de l'Homme à se sublimer, et ce, même dans un contexte aussi dur que celui du couloir de la mort. La lecture est dure. Très dure, on peine à imaginer la "vie" de Renaldo. Mais la lecture est fluide, passionnante. J'aurais pu tout lire en une soirée mais je me suis arrêté, j'en avais besoin. Le dessin est magnifique. Tout en noir et blanc, très différent selon les pages. 30/1. Seul petit bémol. Je n'ai pas saisi toutes les références graphiques parsemées tout au long de l’œuvre. Sont-elles trop personnelles (correspondant à l'état d'esprit de Valentine), suis-je passé à côté ? Je ne saurai dire. Je ne mets pas (encore) 5/5, je dois laisser incuber mais cela viendra peut-être. Enfin, trois derniers petits détails. Le titre, magnifique, très poétique et d'un sens remarquable, à découvrir en fin d'ouvrage. La couverture, époustouflante avec ce visage qui sort de l'ombre et ce serpent qui l'entoure. La quatrième de couverture et ses trois cases, ces mains, cette lettre, d'une rare puissance. 10/1. Qui suit ? EDIT (décembre 2022) : L'album n'est pas dans la sélection du FIBD, je suis davantage déçu pour l'autrice et Reinaldo que pour mon pari... Honnêtement, il n'aurait pas dépareillé et méritait de concourir.
Un témoignage sur le quotidien d'un homme dans le couloir de la mort. L'autrice prend contact avec un prisonnier condamné à la peine capitale par l'intermédiaire d'une association pour correspondre avec lui. Elle s'applique à retranscrire le plus fidèlement possible les rêves, les espoirs et les envies du prisonnier. Au fil des années, le fruit de cette correspondance devient une bd qui nous fait vivre l'évolution des relations entre les deux auteurs. Une œuvre remarquable par l'engagement dans la durée de l'autrice et par le sujet traité, la force de cette bd c'est sa capacité a nous faire ressentir les sentiments des personnages et à ne rien cacher de la vie de ces prisonniers spéciaux. L'autrice ne juge pas le prisonnier, son récit n'est pas un réquisitoire contre la peine de mort mais elle dénonce les excès du système carcéral qu'elle souhaiterait exemplaire. Le dessin à quatre mains est d'une qualité supérieure aux autres bd documentaires. Un noir et blanc avec quelques rares couleurs qui font ressentir l'émotion entre Valentine Cuny Le Callet et Renaldo McGirth et qui mettent en valeur la richesse de leurs échanges par courrier malgré les contraintes de la censure et des matériaux utilisés par Renaldo pour dessiner. Une bd qui questionne sur le fonctionnement de la peine de mort aux Etats Unis et de l'utilité d'une durée d'attente aléatoire pour tous les prisonniers avant leur exécution. Entre espoir et désespoir, le quotidien de Renaldo nous est révélé et se résume au titre "Perpendiculaire au soleil" qui signifie toujours vivant mais pour combien de temps.
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