Le Petit Frère

Note: 4/5
(4/5 pour 5 avis)

Un soir d'août 1976. Jean-Louis a 18 ans. C'est le temps des vacances en famille, des grandes chaleurs et de l'insouciance... Mais un événement brutal va tout interrompre : Gilles, le frère de Jean-Louis, est fauché par une voiture. Transporté à l'hôpital, le garçon succombe à ses blessures quelques heures plus tard.


Autobiographie Douleurs intimes Le deuil

Pour Jean-Louis, hanté par la culpabilité, un difficile parcours de deuil commence... 45 ans plus tard, l'auteur choisit de revenir sur cet épisode et de retraverser chaque moment du drame. Avec franchise et sensibilité, il sonde sa mémoire et celle de ses proches pour raconter les suites immédiates et plus lointaines de l'accident, luttant pour dessiner la perte tragique d'un petit frère de 11 ans qui continue d'exister dans l'histoire familiale...

Scénario
Dessin
Editeur
Genre / Public / Type
Date de parution 11 Mai 2022
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Le Petit Frère © Casterman 2022
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 5 avis)
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19/05/2022 | Hervé
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L'avatar du posteur Noirdésir

Avec cet album, Jean-Louis Trip a sûrement aidé une plaie à se cautériser. En effet, il y a un fort relent cathartique dans cette histoire, dans laquelle l’auteur rappelle la mort accidentelle de son jeune frère de 8 ans en 1976 (il a été fauché par un chauffard sous ses yeux), mais aussi et surtout tout ce « qui va suivre », la vie, avec ces instants qui ne s’effacent pas. C’est avec pudeur que Trip nous dépeint ces instants douloureux, du très long deuil – jamais réellement fini – aux démarches administratives, jusqu’à la reconstruction des membres ravagés de la famille, en passant par le tout aussi (en tout cas presque aussi) douloureux procès du chauffard. La narration est très aérée (comme les pages), ne surjoue jamais le pathos, ce qui fait entrer le lecteur de plain-pied dans cette douleur, que Trip a su retranscrire. Le dessin semi-réaliste est lui aussi agréable, tout en rondeur et simplicité. Un album qui a sans doute fait beaucoup de bien à l’auteur, mais qui procure aussi une belle lecture (rapide, malgré une pagination importante – peu de texte ou de cases). Note réelle 3,5/5.

20/01/2024 (modifier)
Par Gaston
Note: 4/5
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3.5 Première œuvre autobiographique que je lis de l'auteur et c'est une belle réussite. Jean-Louip Tripp raconte un drame que pour l'instant je n'ai pas vécu personnellement jusqu'à présent et que j'espère ne jamais de ma vie: la perte d'un proche trop jeune pour mourir. Le pire est que Tripp est le dernier qui a parlé à son petit frère avant l'accident et ce qui reviendra souvent dans cet album est la culpabilité de l'auteur qui a lâché la main de son petit frère et qui va passer le reste de sa vie à ce dire que ce dernier serait encore en vie s'il avait agit différemment. Tripp parle de l'accident, du deuil et de ce qui est arrivé au fil des longs. Il n'y a pas de longueurs et on ne tombe pas dans du larmoyant facile. L'auteur est sincère et ne fait que raconter ce qui s'est passé et ce que lui et ses proches ont ressenties face à cette tragédie. J'ai bien aimé comment l'auteur est honnête et nous montre que sa mémoire à des défauts et qu'il ne veut représenter de ce qu'il se souvient. Il y a des réflexions très intéressantes et je ne me suis pas ennuyé à la lecture de cet album qui parle d'un sujet dur et délicat.

26/12/2023 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
L'avatar du posteur Ro

Cet ouvrage est un exutoire pour l'auteur, une manière d'exorciser plus de quarante ans plus tard la mort tragique de son petit frère, fauché par une voiture. C'est un bel ouvrage, bien raconté, bien dessiné. J'aime le trait de Tripp et il est ici impeccable tant dans le soin apporté à ses planches que dans sa narration. Plus de la moitié de cet épais album raconte en détail les jours de la tragédie. Cela commence joyeusement, sur le bref récit de vacances en roulotte en Bretagne et j'en étais à me dire que j'aimerais beaucoup passer de telles vacances quand le drame intervient soudainement, aussi abruptement qu'il a frappé l'auteur et sa famille. Puis c'est le déroulé de tout ce qui s'en est directement suivi, le choc, la déposition à la police, l'hôpital et l'annonce fatidique, puis les tristes formalités qui s'ensuivent et enfin les funérailles. Le reste de l'album prend un peu plus de recul, raconte les mois et années qui ont suivi, puis le procès du chauffard, et tout le traumatisme et la réflexion qui accompagneront ensuite Jean-Louis Tripp et sa famille, les marquant encore des décennies plus tard. Le récit est forcément touchant. Je n'ai pas de petit frère, je n'ai pas subi de perte aussi intense que la sienne, mais le simple fait d'imaginer que la même chose puisse arriver à l'un de mes enfants me met directement les larmes aux yeux. Je ressens la sincérité de cet album et à quel point il s'est sans doute avéré nécessaire et bénéfique pour l'auteur lui-même. En tant que lecteur toutefois, j'ai un peu décroché ça et là quand le rythme retombe, comme lors des funérailles notamment, ou aussi en partie quand l'auteur nous narre la manière dont ses parents ont été traumatisés différemment, chacun de leur côté. Il est probable que si j'avais subi moi-même un drame similaire, j'aurai davantage été touché et captivé par ma lecture. En l'état, je trouve que c'est une bonne bande dessinée, abordant avec brio un sujet tragique et des émotions intenses, mais ce n'est pas un album que je relirai.

05/12/2022 (modifier)
Par Blue boy
Note: 4/5
L'avatar du posteur Blue boy

En cet été radieux de 1976, une déflagration allait violemment bousculer la vie d’une famille, alors qu’elle cheminait tranquillement les routes bretonnes à bord de deux petites roulottes. Cette famille, c’est celle de Jean-Louis Tripp, l’auteur de cet ouvrage exutoire. Ces vacances, au rythme du pas des chevaux, avaient pourtant bien commencé. Il y avait ses deux frères, Dominique et Gilles, le plus jeune, la mère (qui venait de divorcer), un oncle et une tante, sa sœur et son mari. L’insouciance et la bonne humeur sont au rendez-vous. Les roulottes viennent d’arriver sur une route départementale pour bifurquer un peu plus loin sur un chemin de terre. Et puis soudain, alors que Gilles décide de descendre de la roulotte, le drame survient, telle une bombe. Gilles est fauché brutalement par une voiture qui passe au même moment en frôlant la roulotte… La bagnole ne s’est pas arrêtée, et le jeune garçon gît inanimé sur la chaussée. Il perd déjà beaucoup de sang. Un choc violent et inconcevable pour Jean-Louis et toute la famille. Après la sidération, s’ensuivent les hurlements, la colère après le conducteur en fuite. A l’époque, pas de portable pour appeler les secours. Des minutes qui durent des heures avant l’arrivée des pompiers. Et tout au bout, après l’angoisse interminable à attendre le pronostic des médecins, la mort. Brutale, sèche, implacable. Jean-Louis Tripp raconte ensuite les années qui vont suivre, et ce deuil, très difficile à faire pour ses parents, ses frères et lui-même, face à ce qui paraît une cruelle injustice du destin. Un enfant plein de vie ne peut pas mourir comme ça, sous les yeux de ses proches, d’une façon si soudaine, si violente ! Comment trouver un sens à la vie après un tel événement ? Sans parler de la culpabilité qui va suivre, des non-dits pesants qui peut-être amoindriraient les émotions et la douleur. Et quand on a 18 ans, l’âge de l’auteur à l’époque des faits, comment traverse-t-on une épreuve logiquement réservée aux ainés ? L’image forte du livre, c’est ce moment-clé où le petit Gilles sort de l’habitacle de la roulotte et se fait percuter de plein fouet, alors que le grand frère lui tient encore la main. Une image terrible, qui montre l’impuissance de Jean-Louis Tripp face à la faucheuse impitoyable et reviendra comme un leitmotiv à travers tout le récit. Tout comme celles du vol plané de Gilles et de son petit corps gisant sur la route. Ces images traduisent tout le poids de la culpabilité d’un frère qui dût continuer à vivre en simulant l’insouciance sous peine d’être emporté par le chagrin. Le dessin semi-réaliste dans une monochromie dominante aux tonalités beige, parsemé de rares éclats rougeâtres, tente de reconstituer la réalité la plus brute, la plus brutale aussi, histoire peut-être de ne plus chercher à la fuir. Car en effet, Tripp ne nous épargne rien des scènes familiales, parfois très lacrymales, avant, pendant et après l’enterrement, sans volonté délibérée de tomber dans le pathos ou à l’extrême, se gardant bien d’afficher une subtilité artificielle de poseur. Non, à l’évidence l’auteur éprouve ici un besoin impérieux et légitime de relater avec honnêteté ces moments tels qu’il les a vécus, du moins ceux qu’il a gardé en mémoire. De fait, le récit est constitué de longues plages de silence où domine le visuel, où les mots seraient superflus. De même, il va évoquer le chapitre également difficile du procès du chauffard, incluant la plaidoirie ignoble de son avocat et la peine peu sévère à l’encontre du criminel, une façon de rappeler qu’à l’époque, la délinquance routière bénéficiait d’une étrange complaisance de la justice, alors que des mesures commençaient tout juste à se mettre en place pour endiguer le nombre faramineux de morts et de blessés (avec un pic de près de 20 000 tués recensés en 1972 !). Si Tripp se risque parfois à un léger zeste de poésie, celui-ci finit toujours par être éclipsé par les images de l’accident, obsédantes jusqu’à la crise de rage. Le récit abonde en plans serrés sur les visages très expressifs marqués par la douleur, la tristesse et la colère aussi. La couleur ne s’invite qu’à la fin pour accompagner le moment présent, dans une scène magnifique et touchante (dont je ne dévoilerai rien) où la fratrie est réunie, faisant croire que peut-être chacun des membres a franchi un pas important vers la sérénité grâce à cet instant magique. On peut supposer ou du moins espérer que l’ouvrage aura eu un effet définitivement apaisant pour son auteur, et bien évidemment pour tous ses proches. En effet, quoi de plus naturel, pour un conteur d’histoires d’évoquer un drame dont les blessures, contrairement à ce qu’il croyait, ne se sont jamais vraiment refermées, gardant sur le cœur « le tatouage invisible de [son] frère perdu ». Il était donc temps de boucler la boucle, et ce livre est sans doute le plus beau des cadeaux qu’il aurait pu offrir à ce petit frère qu’il ressuscite dans toute sa joie de vivre pour le rendre d’une certaine façon éternel. Un cadeau qu’il nous fait également à nous, lecteurs.

16/06/2022 (modifier)
Par Hervé
Note: 5/5 Coups de coeur expiré
L'avatar du posteur Hervé

Jean Louis Tripp continue de m'étonner. Après Extases, où l'auteur s'était mis littéralement à nu, il nous offre un nouveau livre autobiographique déchirant avec "le petit frère", un drame qu'il a vécu à 18 ans avec la mort de son frère, Gilles. C'est une de mes lectures les plus émouvantes et poignantes de cette année. A travers près de 330 pages, nous suivons une famille recomposée et aussi déchirée, par le deuil d'un jeune enfant, mais surtout la culpabilité ressentie par Jean Louis Tripp avec cette main lâchée, main qui reviendra comme un leitmotiv dans ce récit. L'auteur restitue parfaitement ce drame de cet été 1976, avec ce décalage avec un pays en grandes vacances : "les gens étaient heureux. Et nous, avec notre convoi funéraire, on était presque déplacés", écrit -il. Avec cet album, Jean Louis Tripp a choisi le dessin en noir et blanc sur iPad, ce qui ne nuit nullement à la qualité graphique. Seules quelques planches en couleurs, vers la fin de l'album, viennent apporter un brin d'optimisme, comme si Jean Louis Tripp avait enfin tourné la page, et s'était enfin apaisé. Un album très fort, et qui rejoint dans mon panthéon personnel un album aussi fort dans l'émotion que Le Journal de mon père de Taniguchi. Bref, un petit chef d’œuvre à lire et à relire.

19/05/2022 (modifier)