Mademoiselle Baudelaire

Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)

Deux cents ans après sa naissance, Baudelaire continue de marquer les générations et le poète plane sur l'oeuvre d'Yslaire depuis les origines. C'est pourtant Jeanne Duval, celle que le poète a le plus aimée et le plus maudite, que le dessinateur a choisie pour revisiter dans ce chef-d'oeuvre la matière sulfureuse et autobiographique des Fleurs du mal.


1816 - 1871 : De la chute du Premier Empire à la Commune Aire Libre Biographies Charles Baudelaire Hislaire / Yslaire Milieux artistiques Paris Poètes et poésie

De Jeanne, pourtant, on ne sait presque rien, ni son vrai nom, ni sa date de naissance, ni sa date de décès. Aucune lettre signée de sa main ne nous est parvenue. Restent quelques témoignages, des portraits dessinés par Baudelaire lui-même, une photo de Nadar non authentifiée, sans oublier les poèmes qu'elle lui a inspirés. Jeanne, "c'est l'invisible de toute une époque" qui réapparaît dans la résonance féministe de la nôtre. Elle qui était stigmatisée comme mulâtresse, créole et surnommée Vénus noire en référence à la "Vénus hottentote", aimante tous les préjugés d'un siècle misogyne et raciste.

Scénario
Dessin
Couleurs
Editeur / Collection
Genre / Public / Type
Date de parution 23 Avril 2021
Statut histoire One shot 1 tome paru

Couverture de la série Mademoiselle Baudelaire © Dupuis 2021
Les notes
Note: 4/5
(4/5 pour 2 avis)
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22/04/2021 | Ro
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Par Franz
Note: 5/5
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La fleur de l’ombre. Entre les gargouilles et les chimères, Baudelaire est happé par le vide, les ailes brisées. A son réveil, hébété, il fixe un chat juché sur une horloge. Jeanne Duval repose nue à son côté. Il lui déclame les vers qu’elle lui a inspirés la nuit puis le grand miroir de la chambre réfléchit leurs ébats amoureux. Le prologue admirablement posé, Yslaire va ensuite dérouler la vie du poète maudit en commençant par son enterrement au cimetière Montparnasse, le 31 août 1867. Jeanne est en arrière-plan, dans les replis de l’histoire mais par le prisme de son regard et de ses souvenirs, elle va exposer la vie de Charles Baudelaire : l’enfance, le voyage vers les Indes, la bohème parisienne, leur relation tumultueuse, les attaques syphilitiques, l’envol du poète. Le récit est puissant, prenant, intelligent. Le graphisme est superbe par le trait réaliste et charbonneux, précis et inspiré ; les couleurs splendides délivrent des ambiances exceptionnelles ; les mises en page étourdissent quand des doubles-pages composent des tableaux magistraux. Le lecteur apprend à aimer Jeanne, comprenant la solitude du plus grand poète de la langue française, dédaigné de son temps mais « abordant heureusement aux époques lointaines ». L’épilogue noue l’ensemble avec une rare maestria puisque le « repentir même, ô la dernière auberge ! » s’efface pour faire émerger de l’ombre du tableau de Courbet la muse consolatrice au-dessus du portrait de Baudelaire. Paru initialement en trois cahiers chargés d’esquisses et de travaux préparatoires, le chef-d’œuvre de Bernard Hislaire composé en 150 pages donne à voir le spleen et l’idéal emmêlés comme le serpent sur le caducée.

20/05/2021 (modifier)
Par Ro
Note: 3/5
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Avec cet ouvrage, Yslaire rend hommage non pas seulement au fameux poète Charles Baudelaire mais aussi à sa muse, Jeanne dont le nom de famille reste mystérieux, une mulâtresse comme on le disait à cette époque avec qui il a vécu une relation passionnelle et conflictuelle durant la moitié de sa vie. Il nous plonge dans le Paris du milieu du 19e siècle, et sa population d'artistes bohèmes tels que Gérard de Nerval, Nadar ou encore Gustave Courbet auxquels Baudelaire s'était attachés. Ce dernier, héritant d'une partie de la fortune de son père, vit en dilettante, consommant son héritage en boissons, drogues et prostituées, et tombe éperdument amoureux de celle qu'on nommera sa Vénus Noire, une actrice et prostituée bisexuelle au caractère provocant qui va également s'attacher à lui. C'est elle dont l'âme et le corps transparaitront dans la poésie de Baudelaire et notamment ses fameuses Fleurs du Mal. Yslaire nous offre un grand et bel album où l'on retrouve son sens de l'esthétisme romantique et son amour pour le 19e siècle et les grandes villes comme Paris. Il mêle ici l'ampleur des décors urbains à l'architecture volontiers gothique, et la sensualité des corps de ses protagonistes. Il pousse d'ailleurs cet aspect assez loin puisque quelques planches sont très crues voire carrément pornographiques, sans que cela choque pour autant tant elles se marient bien avec l'atmosphère de poésie délétère du célèbre poète. L'histoire, pour sa part, présente certes de nombreuses envolées lyriques et poétiques, mais elle se révèle au final une véritable double biographie, avant tout celle de Baudelaire tant sa muse reste mystérieuse, axée sur l'intensité de sa relation avec cette dernière, faite de rapprochements, de disputes et d'éloignements temporaires pour toujours revenir à elle. Yslaire réussit à en dégager une ambiance puissante qu'on sent pleinement inspirée par l'œuvre du poète. Les références à ses poèmes sont nombreuses même si je ne les connais pas assez bien pour avoir toutes pu les saisir. Quant à la fameuse Jeanne, son personnage se révèle fort, féministe avant l'heure et d'une puissance de caractère à même de motiver et influer sur l'œuvre de Baudelaire. Il était donc heureux de la mettre ainsi en avant dans cette BD. Toutefois l'aspect biographique prend le dessus et au vu de la taille de l'album, il m'est apparu une forme de lassitude à la longue. Je n'ai pas réussi à être totalement transporté et dans les moments un peu creux ou trop factuels il m'est même arrivé de regarder combien de pages il restait. C'est donc un bel ouvrage, un bel hommage à Baudelaire, à sa muse, à leur imaginaire poétique ainsi qu'au milieu artistique parisien de l'époque, mais ce n'est pas une lecture toujours captivante sur la longueur.

22/04/2021 (modifier)