El Comandante Yankee

C’est un roman graphique qui a parfois des airs de documentaire. En effet, l’imposante bibliographie finale, ainsi que le dossier qui la complète, montrent bien que l’auteur a fait en amont un travail de recherche digne d’un bon documentaire. Ce travail fouillé se ressent dans le récit, qui est extrêmement dense au niveau des personnages. Il vaut mieux être un minimum au fait des grandes lignes de la révolution cubaine pour ne pas trop se perdre dans les méandres de ses multiples acteurs. Je possède quelques bases sur le sujet, mais j’ai à plusieurs reprises dû faire une pause pour bien situer tel ou tel personnages. En tout cas du coup j’ai appris un certain nombre de choses. La principale – et non des moindres – est l’existence de cet autre front révolutionnaire indépendant des castristes, le Segundo Frente, qui de complémentaire, va devenir rival. Le récit est intéressant aussi pour montrer comment une révolution est le fait de multiples aspirations, de multiples acteurs, qui peuvent durablement se désunir dès lors que l’ennemi commun est vaincu, et ce d’autant plus que le pouvoir est à portée de main. Les désillusions de ceux qui ont gardé une certaine idée « pure » de la révolution (notre « Yankee » entre autres) recoupent celles de nombre de révolutions (voir les révolutions française et russe). Fidel Castro et le Che ne sont pas toujours ici à leur avantage, même si l’intransigeance du Che et les calculs de Castro peuvent trouver à être compris et défendus en partie dans le contexte de l’époque (mais la soumission du régime à l’URSS et la rigidification qui s’en est suivie, avec élimination de ceux qui n’entraient plus dans le cadre orthodoxe ne se justifie pas pour autant). Le récit est intéressant, même si un peu fouillis donc. Je regrette juste que n’ait pas été suffisamment montré la pression américaine (CIA, milieux d’affaires et/ou mafieux), qui explique en très grande partie l’évolution du régime castriste. Il n’y avait pas forcément de fatalité à le voir tomber dans les bras de l’URSS de Khrouchtchev. Et si on doit comparer son régime, c’est avec le précédent de Batista, alors défendu par les « démocraties » qu’il faut le faire (et alors Castro s’en tire largement à son avantage). J’ai bien aimé cette lecture en tout cas. Concernant le dessin, disons qu’il fait le travail, et qu’il est lisible. Mais je l’ai trouvé irrégulier, et surtout les personnages en mouvement ne sont pas toujours réussis, c’est un peu maladroit. Mais ceux que la révolution cubaine intéresse trouveront dans cet album – et dans le dossier qui le conclut – un point de vue intéressant, et relativement original.

29/06/2025 (modifier)

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Plus de 200 pages pour ce gros pavé qui retrace la vie de William Alexander Morgan, un américain qui s'est engagé très tôt auprès des révolutionnaires cubains qui ont fait tomber le régime de Battista et instauré le régime que l'on connait avec Fidel Castro. Le moins que l'on puisse dire est que ce récit est touffu, voir un brin alambiqué. En effet non content de nous retracer la vie mouvementée de ce "commandante yankee", Gani Jakupi s'intéresse beaucoup à tous les évènements qui ont ponctué la prise de pouvoir par Fidel Castro et ses troupes. W. A. Morgan n'appartenait pas au même groupe que Castro et l'on suit avec intérêt les tractations idéologiques entre les deux mouvements. Le Segundo Frente qui n'avait pas les même manières de voir les choses que Castro, se fit à la longue mangé par ce dernier et l'on voit bien les tractations pas toujours reluisantes qu'il y a eu entre eux. A ce titre la belle image romantique du Che en prend un coup. L'auteur s'embarque ensuite dans un exposé, certes bien documenté, sur la mise en place du régime castriste et c'est là qu'il faut s'accrocher. Entre les barbouzes américaines, les hommes d'affaires, et la mafia, il faut prendre son temps pour bien suivre l'histoire. Le dessin dans un style réaliste n'est pas mauvais tout au plus lui reprocherai-je un aspect un peu daté ceci du en grande partie au choix des couleurs. Un ouvrage intéressant pour qui souhaite approfondir ses connaissances sur cette période.

22/10/2021 (modifier)

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El Comandante Yankee, c'est l'histoire vraie de William Alexander Morgan, combattant s'étant engagé tôt du côté des Révolutionnaires Cubains pour renverser le régime de Batista et amener la démocratie dans l'île. A la manière de Che Guevara, c'est un étranger qui se fera connaître de tout le peuple cubain, à la différence près que lui s'est engagé du côté du Segundo Frente, un mouvement différent de celui de Fidel Castro et auquel celui-ci ne fera jamais pleinement confiance. Ce gros album de plus de 200 pages a ses qualités et ses défauts qui font qu'il ne plaira pas à tout le monde. Je vais commencer par les défauts. Pour commencer, il y a un dessin un peu difficile. Si le trait est correct, son encrage est plutôt rugueux et les personnages apparaissent assez figés. Et autant les visages sont plutôt réussis, autant les postures des corps sont raides et les quelques scènes d'action manquent de naturel. Le choix de colorisation est également spécial et ne séduira pas forcément, notamment car les couleurs débordent souvent des traits et que leur choix n'est pas toujours très harmonieux. Ensuite, il y a la narration. Si le fil rouge narratif est de suivre les actions de ce fameux Comandante Yankee, l'auteur ne peut s'empêcher de nous présenter aussi une grande partie de toute l'action politique et militaire se déroulant à Cuba à l'époque. On saute souvent de personnages à d'autres et c'est régulièrement confus. Pour quelqu'un comme moi qui connais moyennement bien cette période complexe, j'étais souvent perdu et embrouillé. Il m'a fallu par deux fois au moins revenir en arrière et relire la dizaine de pages précédentes pour bien assimiler certaines scènes. Mais à côté de ces défauts, il y a un véritable travail documentaire que je salue car il m'a permis de découvrir un pan énorme de la révolution cubaine que je ne connais pas. Il y a déjà le fait qu'un Américain comme William Morgan puisse s'impliquer aussi pleinement et sincèrement dans ce combat et devenir l'égal des meilleurs Comandantes issus de ce conflit. Et il y a surtout le Segundo Frente. L'histoire populaire a occulté le fait que le mouvement révolutionnaire de Castro n'était pas le seul à l'époque, et que même si leurs objectifs militaires étaient les mêmes et qu'ils agissaient en tant qu'alliés, ces deux mouvements n'avaient pas des objectifs politiques rigoureusement similaires. Cette lecture m'a notamment permis de découvrir Castro et le Che sous des aspects humains et intellectuels peu amènes, contrastant avec leurs images classiques de libérateur de Cuba d'un côté et de Révolutionnaire romantique de l'autre. Car quand le combat militaire laisse la place au manœuvres politiques, ce qu'on découvre n'est guère flatteur pour l'un comme pour l'autre. Ce fut très instructif. Et rien que pour ce côté instructif et très documenté, je suis prêt à passer outre les quelques difficultés que j'ai eues à apprécier le style graphique et la narration de cet album.

09/05/2019 (modifier)

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