Les interviews BD / Interview de Olivier Milhiet

Oyez, oyez, amis Spooguistes, le grand Olivier Milhiet est de retour avec sa nouvelle série « Caravane ». Amadoué à coups de bière, il accepte de répondre aux questions de BDThèque.

Voir toutes les séries de : Olivier Milhiet


Olivier Milhiet (quand on vient de lui piquer sa bière) Salut Olivier, pourrais-tu te présenter stp ?
Alors, je vis à Orléans, j'ai 36 ans, pas mal de cheveux gris, mais pas encore un gros bide, je suis un auteur de bd assez peu prolifique qui s'efforce d'y remédier, je fume des roulées avec filtres, j'aime beaucoup le pinard, le poker, les bouquins, les films et autres séries télés.

Comment en es-tu venu à faire de la BD ? (Ca avait mal commencé pourtant, une sombre histoire d’institutrice qui avait essayé de te décourager ?)
Oui, c'était en dernière année de maternelle, elle m'avait humilié devant toute la classe en disant que son fils de trois ans coloriait mieux que moi... Je l'ai retrouvée il y a quelques temps, elle habite, depuis, dans plusieurs sacs plastique au fond de la Loire (merci Dexter).

Pour en revenir à la bd, j'ai rêvé d'en faire dès que j'ai commencé à lire les classiques, vers 7 ans. A 8 ans, je me souviens d'avoir pris un claque en tombant sur une bd de Druillet dans la bibliothèque du centre Pompidou, ça m'avait fait flipper mais également énormément attiré. Après, l'envie s'est diluée pour revenir plus sérieusement pendant que j'étais étudiant en communication visuelle vers la fin des années 90 et que je me suis intéressé de près à la production bd de l'époque.

Accéder à la fiche de Spoogue Puis naît ton premier projet, l’excellent Spoogue. Parle-nous un peu de cette série ?
En fait ce n'est pas mon premier projet, il y en avait 2 autres avant, plutôt SF (avec leurs scénaristes respectifs), le second a eu au moins 3 versions. Ca n'était pas éditable mais je me suis fait la main au niveau dessin, narration et démarches éditoriales.

Spoogue est arrivé comme une récréation pendant que je m'enlisais sur la 4éme des susdites versions. Il y a eu un déclic, je me sentais vraiment à l'aise avec la technique (couleur directe), les personnages et l'univers, ça a plu et après quelques rebondissements plus où moins agréables, j'ai signé chez Delcourt.

Faire Spoogue m'a conforté dans l'idée que j'aime raconter mes propres histoires (ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas envie de bosser avec un scénariste hein !), que je ne suis pas un rapide mais que je voudrais faire ça toute ma vie.

Vu d’ici, on avait un peu l’impression que tu avais du mal à boucler le dernier tome… non ? Un essoufflement ? Un sentiment de lassitude ?
C'est vrai que j'ai mis très longtemps à le sortir celui-là, j'avais de gros problèmes de rythme, ça faisait 7 ans que je bossais chez moi, j'en avais marre et ce n'est pas toujours facile de se motiver. Vers le milieu de l'album j'ai commencé à bosser sur un projet avec JD Morvan, je faisais plein de croquis et j'étais plus attiré par ça, rajoutons quelques problèmes personnels et on a l'alchimie parfaite pour ramer. Je ferai en sorte que ça n'arrive plus.

Accéder à la fiche de Caravane Mais assez avec le passé, tournons-nous vers le futur, et vers ta nouvelle BD, « Caravane », dont le 1er tome (Mila) sort le 2 avril chez Delcourt. Parle-nous un peu de ce projet.
L'idée m'est venue après avoir vu l'excellente série Carnivale de Daniel Knauf et lu Les derniers hommes de Pierre Bordage, je bossais sur le projet avec JD, on était parti, à ma demande, sur un truc SF bricolé et je faisais les pages en noir et blanc, la transition était un peu rude et je galérais pas mal. Je me suis mis à imaginer un autre univers pour me détendre, exactement comme pour Spoogue. Quand on est allé voir Thierry Joor (éditeur chez Delcourt), j'avais mes croquis en plus des planches n&b, et, vu qu'il a été beaucoup plus séduit par les dessins de Caravane que par les pages de l'autre projet, je ne me suis pas trop posé de questions et j'ai foncé.

Au début je voulais simplement raconter la vie de tous les jours d'une bande de freaks nomades mais la première version du scénario n'est pas passée. David Chauvel (que je remercie au passage) m'a donné son analyse des faiblesses du scénario et j'ai introduit Mila dans l'équation, ça a changé l'orientation de l'histoire et... banco !

Donc c'est une gamine normale qui se retrouve dans une caravane d'anormaux vivant selon des règles spécifiques, il y a une intrigue au sein de cette communauté et... je ne suis pas bon en pitch.

Une planche de Caravane Le ton sera-il similaire à celui de Spoogue ? Ou proposes-tu quelque chose de radicalement différent ?
C'est très différent, le moteur de Spoogue était de m'amuser avec des scènes et des personnages délirants ; dans Caravane, même si la plupart des persos sont hors norme, j'ai essayé d'être plus proche de l'humain, il y a quelques touches d'humour mais le fond est plus sombre et plus réaliste, même si l'univers est imaginaire. Au niveau des pages, je me suis concentré sur les cadrages et la narration, c'est beaucoup plus épuré, les petites "conneries" d'arrière-plan qu'on trouve dans Spoogue n'avaient pas leur place ici, on perd ce plaisir mais la lecture gagne en fluidité. Donc, oui, je pense que les Spooguistes seront dépaysés.

Combien de tomes sont prévus ?
Pour l'instant deux, j'aimerais en faire au moins deux autres, ça dépendra de l'accueil fait à la série, des ventes...

Tiens en parlant de ventes, Spoogue s’est vendu comment ? Assez pour manger ? Acheter de la bière ? Vivre dans un palace ?
Disons que pour le premier, c'était encourageant, on est aux alentours de 8000 ex, ça se gâte un peu pour le deuxième, en dessous de 6000 et le dernier... un peu moins de 4000, donc la courbe n'est pas vraiment magnifique. J'ai pu manger et boire quelques binouses, pour le palace... bah, j'en ai bien profité quand j'étais gigolo (note : voir plus bas)

Une planche de Caravane Comme pour Spoogue tu t’occupes du scénario et du dessin. C’est par choix ? Tu préfères travailler seul ? Ou alors personne ne te supporte ? ;) Fais-tu toujours de la couleur directe ?
J'ai donné une partie de la réponse plus haut, ça c'est trouvé comme ça. Travailler seul présente des avantages comme des inconvénients, c'est agréable d'être le dieu de son univers (Ah ! Ah ! Ah ! Toi, tu vas te prendre un coup d'boule et toi tu vas te choper la vérole !), mais ça manque d'échanges, de recul, de remise en question. J'aimerais bien faire un truc avec un scénariste de temps en temps, je pense être tout à fait supportable tant qu'on n’essaye pas de me piquer ma bière.

Sur les pages de Caravane, c'est tout pareil que sur Spoogue à la différence près que j'encre avant de mettre la couleur.

Il s’est écoulé plus de 3 ans entre la parution du dernier tome de Spoogue et la parution de ta prochaine BD… Qu’as tu donc fait pendant tout ce temps ? Repos ? Tu bossais sur Caravane ? Ca ne nous regarde pas ?
Pas de problème, je n'ai rien à cacher.
J'me suis engagé dans la légion étrangère pendant 1 an, mais c'était trop mou, alors j'me suis mis à élever des babouins, ça c'est sportif mais ça paye pas, ensuite j'ai ouvert un salon d'épilation, là, y'a de la thune à prendre, malheureusement j'me suis découvert une allergie aux poils pubiens, après j'ai été videur mais j'me suis pris que des branlées, ça m'a fait réfléchir... J'ai tenté une dernière expérience dans le gigolisme, là c'est sport et thune en même temps, mais finalement, les appareils dentaires, dans un verre, sur la table de nuit, me mettaient mal à l'aise... j'suis donc revenu poser mes fesses sur ma chaise de dessinateur, elle est pas belle la vie ?

As-tu d’autres projets en cours ?
Nan, je viens de finir mon blog : http://milhiet.blogspot.com/ et pis c'est tout.

Un dernier message pour les internautes de BDTheque ?
Aime ton prochain et... J'aimerais savoir qui a détourné les fonds de l'église spooguienne, j'ai deux mots à lui dire.

Merci, et bonne chance pour la suite !
Merci à toi gentil expatrié.



Visitez le blog de Olivier : http://milhiet.blogspot.com/.
A voir aussi la fiche de Caravane sur le site de Delcourt.
Interview réalisée le 27/03/2008, par Alix.